B. LA CONCLUSION DE LA NÉGOCIATION DES PARTENAIRES SOCIAUX SUR LA RÉFORME DE LA BRANCHE
En 2004, le Parlement a souhaité inciter les partenaires sociaux à négocier une réforme de la branche AT-MP. L'article 54 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie dispose en effet que « les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national sont invitées, dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, à soumettre au Gouvernement et au Parlement des propositions de réforme de la gouvernance de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que, le cas échéant, d'évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ».
Le délai d'un an prévu dans la loi n'a pas été respecté puisque les négociations entre les partenaires sociaux ont été ouvertes seulement en décembre 2005. Elles ont abouti à la signature de deux accords.
1. L'accord sur la gouvernance de la branche
Le premier, signé le 28 février 2006 par trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC, FO), porte sur la gouvernance de la branche.
Les partenaires sociaux se sont prononcés en faveur du maintien d'un strict paritarisme - provoquant la déception des associations de victimes qui auraient souhaité être représentées au sein de la commission des AT-MP de la Cnam - et ont officialisé la pratique consistant à confier la présidence de la commission à un représentant des employeurs, ces derniers assumant la totalité du financement de la branche.
L'accord précise également les compétences de la commission, qui aura notamment pour attribution de désigner le directeur des risques professionnels de la Cnam . Il institue des commissions régionales AT-MP, strictement paritaires, chargées d'améliorer la coordination entre la direction des risques professionnels et les caisses régionales et locales (Cram et CPAM).
Le Gouvernement avait d'abord envisagé de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 un article transcrivant dans la loi les conclusions de cet accord. Cette option a cependant été abandonnée, le Conseil d'Etat ayant fait valoir que ces dispositions sont sans incidence sur l'équilibre financier de la branche et n'entrent donc pas dans le champ des lois de financement.
La transcription législative de l'accord suppose donc l'adoption d'une loi ordinaire. Les organisations signataires souhaitent qu'elle intervienne dans un délai raisonnable.
2. L'accord sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels
Le second accord, conclu le 12 mars 2007 par les mêmes organisations, traite de la prévention, de la tarification et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il tend à apporter quelques aménagements aux règles en vigueur, sans en bouleverser l'architecture d'ensemble.
• En matière de
prévention
, l'accord insiste sur les actions à
mener dans les PME et les TPE (très petites entreprises). Il propose de
mieux informer les chefs d'entreprise sur la prévention des risques
professionnels, d'impliquer davantage les services de santé au travail,
de renforcer la place des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre des plans
régionaux concernant la santé au travail et de développer
le rôle des observatoires régionaux de santé au travail
(ORST). Pour améliorer la traçabilité des expositions
professionnelles, il prévoit de réaliser une étude de
faisabilité sur la possibilité d'inscrire dans le dossier
médical personnel des fiches d'exposition professionnelle. Les
salariés employés par des particuliers
bénéficieraient, à titre expérimental, d'un suivi
médical adapté.
• En matière de
tarification
,
les partenaires sociaux ont retenu deux mesures significatives :
- ils proposent d'abaisser le seuil d'application de la tarification individuelle : elle concernerait les entreprises qui emploient plus de 150 salariés , alors que le seuil est aujourd'hui fixé à 200 salariés;
- une cotisation supplémentaire serait versée par les entreprises en cas de risque exceptionnel ou répété, révélé par une infraction constatée aux règles de santé et de sécurité au travail.
L'accord précise cependant que « les orientations envisagées doivent faire l'objet, au préalable, de simulations pour veiller à leur faisabilité technique, à leur impact sur les cotisations accidents du travail et maladies professionnelles ainsi qu'aux effets prévisibles sur l'amélioration de la prévention des risques professionnels ».
• En matière de
réparation
, enfin, l'accord maintient le principe d'une
réparation forfaitaire, qui serait néanmoins
améliorée
et
individualisée
.
L'appréciation de l'incapacité permanente serait davantage individualisée en prenant en compte l'ensemble des séquelles d'ordre physique (y compris la douleur) et psychique susceptibles d'affecter la capacité de travail de la victime.
La rente serait également majorée en cas d'intervention d'une tierce personne et une meilleure prise en charge des frais paramédicaux (appareillages dentaires, optiques, auditifs...) serait assurée. L'accord envisage aussi, sous réserve d'une étude de faisabilité, la création d'une allocation temporaire de réinsertion professionnelle , d'une durée de trente jours, versée aux salariés qui ne perçoivent plus d'indemnités journalières de sécurité sociale ni de salaire dans l'attente d'une décision de l'employeur.
Ces mesures financières sont toutefois conditionnées, selon les termes de l'accord, « à la capacité de la branche de les financer, notamment en réexaminant le champ de certains transferts financiers qui lui sont imposés, sans remettre en cause les fonds destinés à l'amélioration de la prévention des risques professionnels ».
*
Bien que la représentante du Medef ait qualifié, lors de son audition par votre rapporteur, cet accord de « paquet de mesures ambitieux et cohérent », le compromis négocié par les partenaires sociaux se présente surtout comme un ensemble d'améliorations ponctuelles, qui laisse d'importantes questions en suspens.
Ainsi, il ne prévoit pas de véritable réforme de la tarification, dont la direction des risques professionnels de la Cnam souligne pourtant la complexité et la grande inertie. Il semble que les désaccords entre fédérations patronales, qui ont des intérêts divergents en fonction de leur secteur d'activité, expliquent pour partie la modestie des propositions formulées.
Il subordonne ensuite la mise en oeuvre concrète d'une grande partie de ses recommandations à une étude de faisabilité - suggérant ainsi que la durée de la négociation (seize mois) a été trop brève pour que les études techniques nécessaires soient réalisées - ce qui introduit un nouvel élément d'incertitude.
Les propositions formulées en matière de réparation sont, de plus, subordonnées à « la capacité de la branche de les financer ». Cette formulation sibylline suscite les craintes de certaines associations de victimes, telles que l'association des accidentés de la vie (FNATH), qui l'interprètent comme une indication de la volonté des partenaires sociaux d'améliorer la réparation à budget constant, ce qui supposerait de réduire, en contrepartie, d'autres dépenses , par exemple celles du Fcaata.
En raison de ces incertitudes, le Gouvernement a souhaité poursuivre la concertation sur ces questions. Pour relancer la réflexion sur la santé et la sécurité au travail, il a réuni, dès le mois de septembre, deux groupes de travail qui ont préparé la conférence sur les conditions de travail qui s'est tenue le 4 octobre dernier.