TRAVAUX DE LA COMMISSION
Audition de M. Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam)
Réunie le mercredi 17 octobre 2007 , sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a tout d'abord procédé à l 'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam, a souligné le fait que le déficit de l'assurance maladie a été ramené de 12 milliards d'euros en 2004 à 6 milliards en 2007. Ce constat positif ne doit cependant pas faire oublier qu'au cours des quinze dernières années le taux d'évolution des dépenses de santé a été, en moyenne, de 1,3 point supérieur à la progression de la richesse nationale.
Ce phénomène résulte essentiellement de la dynamique du coût des pathologies chroniques ou aggravées qui alourdissent, chaque année, les comptes de l'assurance maladie de 2 milliards d'euros supplémentaires. Expliquant à elles seules 90 % de la progression annuelle des dépenses, les affections de longue durée (ALD), qui représentaient, en 2006, 60 % des versements, atteindront une proportion de 70 % en 2015.
La réponse à cette situation réside dans une meilleure efficience du système de santé et dans la mise en oeuvre d'une politique de prévention de ces pathologies lourdes.
Parallèlement, une analyse doit être menée sur les écarts de coût à l'hôpital, en matière de soins de ville, mais aussi dans le domaine du médicament. Les comparaisons européennes révèlent qu'en ce qui concerne précisément le médicament, l'organisation du système en France empêche de réaliser les économies constatées partout ailleurs.
La Cnam a fait des propositions au Gouvernement, qui ont été reprises au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : l'expérimentation d'un mode de contractualisation avec les médecins de ville fondé sur une obligation de résultat, la traduction de l'accord passé avec les infirmières libérales en vue d'assurer une meilleure répartition de leur activité sur le territoire, l'ajout d'une prescription plus importante des médicaments génériques parmi les engagements de maîtrise médicalisée des médecins, l'encadrement du conventionnement de l'offre de transport sanitaire par les taxis et l'évolution des missions de la Haute Autorité de santé afin qu'elle puisse émettre des recommandations et des avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficients. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale aborde la question de la démographie médicale : il est, en effet, indispensable d'anticiper la situation, qui va se produire dans un futur proche, de diminution du nombre des médecins dans notre pays.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Frédéric Van Roekeghem l'appréciation d'ensemble qu'il porte sur les prévisions de dépenses pour 2008, et plus particulièrement sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et son sous-objectif soins de ville. Ce taux de progression permettra-t-il, à son sens, d'engager des négociations tarifaires avec les professions de santé ?
M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que l'Ondam proposé pour 2008 est plus réaliste que celui inscrit en loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Pour autant, le taux réel de progression de l'Ondam cette année devrait être de 4,2 %, sous réserve que le ralentissement constaté sur le poste des soins de ville se confirme au second semestre. Ce taux intègre les revalorisations dont ont bénéficié les professionnels de santé en 2006 et 2007. Il apparaît donc comme relativement modéré si on le compare au taux moyen de 6,5 % de progression annuelle de l'Ondam constaté en exécution au début des années 2000.
Pour 2008, le taux de croissance de l'Ondam à prendre en compte est le taux hors effet des franchises médicales, soit 3,2 % pour les soins de ville et l'hôpital. Il est raisonnable de penser qu'il sera respecté. En effet, l'impact éventuel des revalorisations devrait être réduit l'an prochain, grâce à la mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui institue un délai de carence de six mois avant l'entrée en vigueur effective d'une revalorisation négociée par voie conventionnelle ainsi que sa suspension en cas d'alerte sur le dépassement de l'objectif de dépenses d'assurance maladie.
D'une façon générale, sous réserve d'une gestion rigoureuse, il doit être possible de piloter les dépenses de santé à l'intérieur d'une fourchette de 3 % à 4 % de progression par an (hors mesures éventuelles de déremboursement).
Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité connaître l'opinion de M. Frédéric Van Roekeghem sur les dispositions de l'article 26 du projet de loi de financement prévoyant d'étendre la procédure de mise sous accord préalable à tous les prescripteurs, quel que soit leur mode d'exercice.
M. Frédéric Van Roekeghem a plaidé pour un ciblage plus efficace du recours à l'instrument des ententes préalables. La Cnam a ainsi proposé que l'usage de ce mécanisme soit centré sur la chirurgie ambulatoire ainsi que sur les prescripteurs et offreurs de soins « déviants », ce qui est prévu par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
La mise sous entente préalable, en 2006, de quarante-six médecins généralistes, gros prescripteurs d'arrêts de travail, a ainsi permis de réaliser 23 millions d'euros d'économies. Une deuxième vague de mise sous entente préalable, portant sur 180 généralistes, a été effectuée en 2006-2007.
En réponse aux demandes de précision de M. Jean-Pierre Godefroy et de Mme Isabelle Debré, M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué qu'il n'existe pas de territoire plus particulièrement touché et que les attitudes « déviantes » éventuellement constatées sont le résultat de comportements strictement individuels, au demeurant peu nombreux. La motivation réelle des médecins qui se livrent à ces pratiques n'a pas fait l'objet d'une analyse précise.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a ensuite interrogé M. Frédéric Van Roekeghem sur l'appréciation qu'il porte à l'égard des mesures d'encadrement des dépenses de transports sanitaires figurant dans le projet de loi de financement pour 2008.
M. Frédéric Van Roekeghem a tout d'abord rappelé que 66 % des dépenses de transport sanitaire sont prescrites par les hôpitaux. Pour autant, les patients s'en servent peu : par exemple, seul un tiers des personnes traitées pour un cancer à l'hôpital les utilise.
La forte augmentation des dépenses d'assurance maladie liées au remboursement des frais de transport trouve, en premier lieu, son origine dans un mauvais pilotage des tarifs : les revalorisations ont été, ces dernières années, plus élevées pour les ambulances que pour les véhicules sanitaires légers (VSL), ce qui a conduit les entreprises à privilégier l'offre de transport par ambulance. Par ailleurs, l'ouverture du secteur du transport sanitaire à la concurrence s'est traduite par une explosion des remboursements de frais aux taxis. L'obligation de conventionnement entre les taxis et les caisses d'assurance maladie, fixant les tarifs et les conditions de tiers payant, est une première réponse à cette situation.
Ensuite, il est nécessaire de mener une politique de rééquilibrage des tarifs visant à revaloriser les remboursements de transports en VSL et à stabiliser le coût du transport en ambulance. Cet effort doit s'accompagner de la négociation d'accords avec les hôpitaux afin de mieux contrôler les conditions de sortie des patients ainsi que d'un contrôle accru sur les entreprises de transport.
Enfin, ces entreprises subissent une pression salariale très forte liée à l'application des trente-cinq heures et au respect des règles européennes sur le repos de sécurité. Il leur revient de négocier des évolutions raisonnables avec les syndicats afin d'éviter une trop forte progression de leurs dépenses de rémunération.
En matière de démographie médicale, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est fait l'écho des syndicats des professionnels de santé qui estiment de façon unanime que la question de leur répartition sur le territoire ne relève pas du domaine conventionnel mais est de nature régalienne et doit être réglée par l'Etat.
M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que l'article du projet de loi de financement pour 2008 concernant les médecins est le parallèle de celui relatif aux infirmiers, lesquels ont déjà négocié par la voie conventionnelle les questions de répartition équilibrée de leurs professionnels sur l'ensemble du territoire. Il revient au Parlement de décider si c'est à l'Etat ou à la Cnam, dans le cadre conventionnel, de traiter de ces questions, mais il serait regrettable que la discussion devant les assemblées n'aboutisse à l'adoption d'aucun dispositif ou débouche sur une procédure renvoyant très loin le terme d'une éventuelle négociation.
Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a interrogé M. Frédéric Van Roekeghem sur l'article 30 du projet de loi de financement, qui instaure une nouvelle forme de contrat entre les médecins et les caisses locales, ainsi que sur l'article 31, qui prévoit une expérimentation sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé.
A titre liminaire, M. Frédéric Van Roekeghem a estimé qu'à l'avenir la rémunération des médecins reposera vraisemblablement sur une formule mixte de paiement à l'acte et de forfait.
La Cnam a essayé de négocier, en 2007, sur l'éventuelle mise en place de nouvelles formes de rémunération mais elle a essuyé un refus des syndicats de médecins. Ceci étant, il devrait être possible d'aboutir à un résultat si les contreparties demandées par l'assurance maladie s'articulent sur des objectifs de politique publique. Les discussions devraient, en revanche, être plus difficiles si les objectifs fixés aux professionnels concernent les conditions d'exercice ou l'utilisation des produits de santé.
Or, l'exercice de la médecine en France reste très majoritairement individuel : il existe encore peu de structures d'exercice regroupé de l'activité médicale. L'une des propositions de la Cnam est que les nouveaux modes de contractualisation que la loi entend promouvoir puissent également bénéficier aux groupements de médecins.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a ensuite fait part des griefs de l'union nationale des organismes d'assurance complémentaire (Unocam) qui conteste l'exclusion de fait de ces organismes des négociations tarifaires menées entre la Cnam et les professionnels de santé.
M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que cette situation procède des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui prévoit que les professionnels de santé libéraux peuvent s'opposer à la présence de l'Unocam à la table des négociations. Il est cependant incontestable que lorsque le tarif de consultation est relevé d'un euro, les régimes obligatoires doivent débourser 250 millions d'euros supplémentaires et les organismes d'assurance complémentaire 60 millions. La question de l'association de ces organismes aux négociations tarifaires mérite donc d'être posée.
M. Paul Blanc a rappelé qu'on attend toujours une nouvelle liste des territoires sous-médicalisés qu'auraient dû produire les missions régionales de santé (MRS) après celle publiée en juin 2006. La question de la démographie médicale doit être abordée selon lui sous l'angle de la pénurie de médecins, aggravée par la diminution de leur temps de travail effectif.
Il a également souligné la nécessité de responsabiliser les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Il a enfin demandé quelle est la part des médicaments prescrits par les hôpitaux et si les services d'urgences ont la possibilité d'accorder des arrêts de travail.
Mme Bernadette Dupont s'est inquiétée du bien-fondé de la prise en charge intégrale, par l'assurance maladie, des opérations liées à la transsexualité dont le coût est exorbitant. S'agissant de l'accompagnement des malades, elle a souhaité savoir s'il comprend également le soutien psychologique, par exemple pour les personnes atteintes de cancer, victimes de douleurs somatiques.
M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'avenir de la sécurité sociale dans notre pays : est-elle condamnée ou a-t-on encore un espoir d'en améliorer le fonctionnement ?
M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que l'existence d'un système d'assurance maladie obligatoire constitue un réel progrès social en ce qu'il garantit l'accès de tous aux soins. La plupart de nos partenaires ont d'ailleurs effectué ce choix et les Etats-Unis, qui ne l'ont pas fait, constituent un contre exemple avec quarante millions d'exclus et un niveau de dépenses de santé atteignant 15 % du Pib.
Pour autant, l'assurance maladie doit être amendée car elle a été mal gérée entre 1998 et 2003. Au cours de cette période, ses dépenses ont évolué en effet de façon bien trop rapide au regard de la richesse nationale ; par exemple les revalorisations tarifaires ont atteint 1,5 milliard d'euros en 2002 et 2003 sans aucune contrepartie. Dans un premier temps, la dérive a été masquée, d'abord par les effets de la réforme énergique de 1995, puis par une situation économique favorable. Dès lors que le cycle s'est inversé, l'effet de ciseaux a été massif et le déficit de l'assurance maladie s'est accru de 9 milliards d'euros en deux ans.
Le problème est aujourd'hui double : d'une part, il convient de résorber le solde des années 1998-2003 ; d'autre part, il faut avoir la main ferme sur les dépenses qui évoluent spontanément plus rapidement que le Pib.
En ce qui concerne le contrôle accru de la dépense, l'axe principal est celui défini par le Président de la République dans son discours de Bordeaux le 16 octobre : il faut aller dans le sens d'une meilleure organisation des soins à l'hôpital.
S'agissant de l'accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques, M. Frédéric Van Roekeghem a résumé les enjeux en rappelant que le coût du diabète pour l'assurance maladie était de 3,5 milliards d'euros au début des années quatre-vingt-dix, de 11 milliards aujourd'hui et qu'il sera de 20 milliards à l'horizon 2015 avec un taux de progression de 10 % par an. Cette évolution implique une politique cohérente de prévention mais aussi un engagement plus actif des personnes concernées. Il est nécessaire en particulier que les patients disposent d'une meilleure information sur leur pathologie afin d'éviter qu'elle ne s'aggrave.
La prise en charge des opérations relatives à la transsexualité, sujet qui ne concerne que quelques cas par an, relève de la responsabilité du médecin conseil national de la caisse qui décide du niveau de prise en charge.
M. Frédéric Van Roekeghem a ensuite indiqué que la Cnam disposera, en début d'année prochaine, d'un premier bilan des actions menées pour inciter les médecins à rester ou à s'installer dans les zones sous-médicalisées.
Mme Sylvie Desmarescaux a demandé des précisions sur l'état des négociations avec les pédicures-podologues au sujet de la prise en charge des soins dispensés par cette profession aux personnes atteintes de diabète.
M. Guy Fischer s'est interrogé sur l'effectivité du fléchage des nouvelles franchises créées par la loi de financement pour 2008 vers les besoins de santé prioritaires définis par le Gouvernement (financement du plan Alzheimer, du plan cancer et des soins palliatifs). Il a souligné le problème de principe posé par ces franchises qui conduit à ce que les malades paient pour eux-mêmes alors que les bien-portants ne participent plus à la solidarité au profit des mal-portants. Il a enfin souhaité savoir quelle utilisation est faite du ticket modérateur de 18 euros.
M. André Lardeux a souligné la grande complexité des différents régimes de franchises, qui s'ajoutent les uns aux autres et ne sont pas jusqu'à présent fusionnés. Il a estimé que les médecins sont des salariés de fait de l'assurance maladie et que l'on voit mal dès lors comment ils pourront échapper à des mesures coercitives pour les obliger à s'installer dans les zones sous-denses. Enfin, il s'est demandé si les assurances complémentaires ne sont pas un facteur d'incitation à la dépense, citant le cas d'une mutuelle qui propose de rembourser des soins de médecine parallèle.
M. Frédéric Van Roekeghem s'est déclaré confiant sur la possibilité de parvenir, d'ici à la fin 2007, à un accord avec les pédicures-podologues sur le remboursement des soins prodigués aux diabétiques.
Sur les franchises, il a précisé que la Cnam est en mesure de les mettre en oeuvre techniquement. Il a estimé qu'un mécanisme de franchise en fonction de la consommation et dans la limite d'un plafond protecteur est préférable à un mécanisme de franchise à la base.
En ce qui concerne la solidarité, la question de fond à poser est de savoir si cette notion a encore un sens alors que quinze millions de personnes perçoivent moins de 100 euros de remboursement chaque année de l'assurance maladie et que plus de cinquante millions d'affiliés financent les soins de seulement sept à huit millions de malades.
En matière de démographie médicale, il a jugé que des mesures coercitives devront effectivement être prises si les incitations ne fonctionnent pas.
Enfin, en ce qui concerne les abus dont se rendraient coupables les assurances complémentaires, la loi d'août 2004 a donné tous les instruments pour lutter contre des dérives éventuelles à travers notamment les contrats responsables.
M. François Autain s'est élevé contre les propos de M. Frédéric Van Roekeghem qui pourraient laisser entendre que le déficit de l'assurance maladie incombe à la majorité au pouvoir entre 1997 et 2002. En 2003, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin avait indiqué que le déficit serait résorbé en 2007, puis ce délai a été repoussé à 2009 et, aujourd'hui, à 2012. La majorité actuelle a donc sa part de responsabilité dans cette situation.
La double présentation de l'Ondam pour 2008, avant et après prise en compte de l'effet des franchises, entretient la confusion : quel sera le taux d'évolution retenu au printemps prochain par le comité d'alerte en cas de dérapage ?
Il a ensuite souhaité savoir quelles sont les différences entre les nouveaux contrats individuels prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et l'option médecin référent. Il a rappelé les remarques de la Cour des comptes soulignant les dérives de la politique conventionnelle qui a permis d'accorder 2 milliards d'euros supplémentaires aux médecins sans contrepartie en termes de diminution des dépenses d'assurance maladie. Il s'est enfin interrogé sur la portée de l'article du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui étend à certains médecins libéraux la possibilité d'effectuer les contrôles relatifs aux arrêts de travail.
M. Alain Milon a souhaité savoir si l'assurance maladie a évalué le coût des dépenses supplémentaires qu'engendrera le paiement au forfait des médecins traitants des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Il s'est interrogé sur un risque de « contamination », les médecins demandant l'extension de cette technique du forfait pour la prise en charge de toutes les personnes en ALD.
Il s'est demandé si, par ailleurs, le coût des personnels administratifs des hôpitaux ne devrait pas être pris en charge par l'Etat sur son budget au lieu d'être financé par l'assurance maladie.
Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les économies qui pourraient être réalisées dans notre pays en termes de consommation pharmaceutique.
M. Gilbert Barbier a voulu connaître les freins existant aujourd'hui à l'utilisation des médicaments génériques. Il a demandé si la Cnam a une action pour le développement de l'automédication. Il a souligné l'importance des dépenses indues imposées à l'hôpital du fait de la prise en charge de patients en court et moyen séjour dont la place n'est manifestement pas en structure hospitalière. Il a enfin regretté le laxisme des caisses d'assurance maladie dans la prise en charge d'actes chirurgicaux, notamment esthétiques, non nécessaires.
M. Frédéric Van Roekeghem a précisé que la différence majeure entre le médecin référent et les nouveaux modes de contractualisation proposés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale se trouve dans l'existence ou non d'une contrepartie sous la forme d'une obligation de résultat pour le médecin. Ce lien entre rémunération et obligation de résultat n'existe pas dans le cas du médecin référent alors qu'il constitue un axe central de la contractualisation individuelle qui va être mise en place. Par ailleurs, la soutenabilité du mode de financement ainsi créé devra faire l'objet d'une analyse, ce qui n'a pas été fait pour le médecin référent suscitant les critiques de la Cour des comptes, sur son coût.
L'évolution de la rémunération des médecins généralistes, qui a effectivement été supérieure à celle des prix, ne constitue pas une anomalie si on la compare à celle de personnes également hautement qualifiées, employées dans des secteurs économiques très dynamiques, par exemple les services financiers.
Le forfait Alzheimer, à la différence du mécanisme médecin traitant, n'est pas encore mis en place. En tout état de cause, le médecin bénéficiaire devra souscrire à un cahier des charges opposable et présenter des résultats clairs et mesurables.
Les différences de coût entre les systèmes de soins publics et privés s'expliquent par des facteurs incontestablement objectifs : les statuts des personnels, le respect plus net dans le secteur public des règles de sécurité, l'existence de contraintes de service public à l'hôpital, même si elles sont en partie prises en charge par les enveloppes consacrées au financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).
Pour autant, il est indéniable qu'il existe encore au sein de l'hôpital public un fort potentiel d'amélioration de l'organisation.
En ce qui concerne les médicaments, la France se caractérise d'abord par le volume élevé de sa consommation même si des progrès importants ont été réalisés, comme notamment la baisse de 20 % de la quantité de médicaments consommés dans la classe des antibiothérapies. Les Français sont également les premiers en termes de dépenses. La raison en est le recours important à des médicaments récemment mis sur le marché, pas toujours plus efficaces, mais généralement très coûteux. Enfin, sur la question de la présence indue de certains patients en court et moyen séjour à l'hôpital, M. Frédéric Van Roekeghem a jugé que le travail d'analyse sur ce sujet doit être mené par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
Audition de MM. Bertrand FRAGONARD, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul BRIET, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS)
Réunie le mardi 23 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a procédé à l'audition de MM. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul Briet, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS ), venus présenter les conclusions de leur rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire , remis aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi qu'au haut commissaire en charge des solidarités actives contre la pauvreté.
M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a souligné que bien que l'analyse de certains aspects du sujet n'ait pas pu être approfondie faute de temps ou en raison de l'absence d'informations, notamment dans le domaine hospitalier, ce rapport permet d'éclairer les enjeux liés à l'instauration d'un bouclier sanitaire et les principales difficultés à surmonter pour sa mise en oeuvre.
Ce mécanisme a pour objectif de garantir aux assurés que leur participation à leurs propres dépenses de soins médicaux sera plafonnée. Au-delà d'un certain seuil, en effet, leurs dépenses de santé seraient intégralement prises en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression de « bouclier sanitaire ».
Ceci étant, le système d'assurance maladie permet déjà la prise en charge des dépenses de santé les plus onéreuses, comme celles liées aux affections de longue durée ou aux dépenses hospitalières, mais il recèle parfois quelques imperfections : par exemple, un malade hospitalisé sur une longue durée doit régler des forfaits journaliers dont le total cumulé peut atteindre une somme importante.
Il est vrai que cette situation ne concerne qu'une minorité de personnes, celles qui ne sont pas couvertes par un régime d'assurance complémentaire, soit environ 8 % des assurés. Pour les autres, en effet, le « reste à charge » qui n'est pas pris en compte par le régime obligatoire d'assurance maladie est remboursé, en tout ou partie, par les assureurs complémentaires.
L'intérêt du bouclier sanitaire serait donc de limiter le montant des dépenses restant à la charge des assurés. Cet objectif suppose de définir ses modalités d'application, et notamment de décider si le plafond doit être unique ou modulé en fonction des revenus de l'assuré.
Aujourd'hui, la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources. Faire varier le bouclier sanitaire en fonction des ressources constituerait une mutation profonde du système d'assurance maladie, mais permettrait aussi d'assurer une meilleure couverture des assurés les plus modestes. Une décision aussi importante relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.
M. Bertrand Fragonard a observé que la mise en oeuvre du bouclier sanitaire aura des effets sur l'offre des assureurs complémentaires. Aujourd'hui, les contrats « Santé » proposés par les assureurs sont tarifés en fonction du risque, principalement l'âge, et non en fonction du revenu : les personnes âgées supportent les cotisations les plus élevées. Le législateur a d'ailleurs ébauché, notamment depuis 1991, les contours d'une protection spécifique de ces assurés en prévoyant que leurs cotisations ne doivent pas être plus de trois fois supérieures à celles des plus jeunes.
La mise en oeuvre du bouclier sanitaire va conduire les assureurs à modifier leur politique tarifaire pour tenir compte des nouvelles modalités de prise en charge des assurés par le régime obligatoire d'assurance maladie, ce qui devrait faciliter l'accès des ménages les plus modestes à une couverture santé complémentaire.
M. Raoul Briet, membre de la HAS , a observé que le bouclier sanitaire a vocation à se substituer à tous les dispositifs d'exonération de ticket modérateur existants, et donc au plus important d'entre eux : celui dont bénéficient les patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD).
Le système actuel des ALD est conçu dans un double objectif : éviter aux malades de supporter une charge financière excessive, de nature à restreindre l'accès aux soins dont ils ont besoin ; grâce au protocole instauré par la loi du 13 août 2004, assurer l'insertion de ces patients dans le parcours de soins coordonné.
Or, bien qu'ils soient exonérés de ticket modérateur, les patients souffrant d'une ALD supportent un reste à charge très élevé, supérieur à 600 euros par an pour un million d'entre eux. Ce dispositif de protection des assurés ne remplit donc qu'imparfaitement son rôle et justifie qu'on envisage de déterminer le montant de la participation de l'assuré sans prendre en compte le critère médical. Le bouclier sanitaire permet justement d'aborder cette question sous un angle social, à charge pour les autorités sanitaires d'organiser la prise en charge du patient autour du médecin traitant.
Ce dispositif pourrait être mis en oeuvre à compter du 1 er janvier 2010, ce qui suppose d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de savoir gérer chaque dossier en temps réel pour que la prise en charge intégrale des dépenses de santé s'applique dès le plafond atteint, et d'intégrer dans le système d'information de l'assurance maladie les éléments relatifs aux revenus des assurés.
Dans ce contexte, le bouclier sanitaire est de nature à améliorer la prise en charge des assurés les plus modestes, ce dont il faudra informer clairement les assurés pour qu'ils ne s'inquiètent pas de ces modifications de l'architecture du système d'assurance maladie.
La Belgique et la République fédérale d'Allemagne ont su mettre en oeuvre des dispositifs de ce type sans déclencher l'hostilité des assurés disposant des revenus les plus élevés.
M. Nicolas About, président , a estimé que le dispositif ALD n'assure aux patients ni une prise en charge sanitaire optimale, ni une couverture suffisante de leurs dépenses de santé, notamment pour les assurés à revenus modiques, dénués d'assurance santé complémentaire. Le bouclier sanitaire constitue bien une réponse qui relève plus du domaine social que sanitaire. Ceci étant, la complexité technique du dossier suscite des réserves sur la possibilité de déployer ce bouclier en deux ans.
A son tour, M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a douté de la capacité des opérateurs à mettre en oeuvre le bouclier sanitaire avant le 1 er janvier 2010. Il s'est interrogé sur la manière dont s'articuleraient ce bouclier sanitaire, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et le dispositif d'aide à l'acquisition d'une complémentaire réservée aux ménages modestes par crédit d'impôt.
M. Jean-Pierre Godefroy a souligné le fait que 9 % des assurés hospitalisés aient à prendre à leur charge des dépenses supérieures à 1 000 euros, d'autant que les malades hospitalisés en longue durée ou en psychiatrie sont soumis à un dispositif complexe de reste à charge comprenant le ticket modérateur de 20 %, le ticket modérateur de 18 euros sur les actes importants et le forfait journaliser de 16 euros. Cette situation rend indispensable le plafonnement de la participation versée par les assurés dans le cadre d'une hospitalisation.
M. François Autain a rappelé son opposition aux mécanismes de franchise qui remettent en cause les principes de la sécurité sociale en rompant le principe de solidarité.
Il a observé que le dispositif du bouclier sanitaire ne prend pas en compte les dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins, qu'un récent rapport de l'Igas évalue à deux milliards d'euros. Ces pratiques tarifaires ont un impact important sur les dépenses demeurant à la charge des assurés : celles-ci sont alors évaluées, en moyenne, à 400 euros, contre 260 euros si l'on ne tient pas compte des dépassements. Dès lors, il convient que le bouclier sanitaire tienne compte de ces dépassements ainsi que des sommes restant à la charge des assurés dans le domaine de l'optique et des soins dentaires.
Il s'est étonné de ce que le bouclier sanitaire, dont l'objectif est d'assurer une meilleure protection des assurés les plus modestes, puisse être la cause d'une augmentation des dépenses demeurant à la charge des assurés.
M. Claude Domeizel a voulu connaître les modalités de financement de ce bouclier sanitaire.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est interrogée sur la contribution apportée par le bouclier sanitaire à la maîtrise des dépenses de santé. Elle a voulu connaître l'appréciation que MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet portent sur les propositions de bouclier sanitaire émises par le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
M. Bertrand Fragonard a estimé que le développement des aides permettant aux ménages les plus modestes d'accéder à une assurance complémentaire peut constituer une alternative à la mise en oeuvre du bouclier sanitaire, sans toutefois offrir les mêmes avantages.
Les propositions formulées dans le rapport n'entraînent pas de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie mais redistribuent, selon de nouveaux critères, le montant des dépenses demeurant à la charge des assurés. Elles ne constituent pas non plus une recette miracle pour résorber les déficits.
Enfin, la non-prise en compte des dépassements d'honoraires limite effectivement la protection offerte par le bouclier, sans qu'il soit possible d'y remédier dans l'immédiat. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé le montant annuel de ces dépassements à dix milliards d'euros et a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures pour limiter cette évolution des pratiques tarifaires, et en premier lieu dans les établissements de santé.
Audition de MM. Laurent DEGOS, président du collège, et François ROMANEIX, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS)
Réunie le mercredi 24 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a procédé à l' audition de MM. Laurent Degos, président du collège, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS) .
M. Laurent Degos, président du Collège de la Haute Autorité de santé , a précisé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fait de la Haute Autorité de santé (HAS) une structure collégiale et indépendante. Afin de conserver son indépendance et sa rigueur scientifique, celle-ci accorde une grande attention à la transparence de ses travaux. Dans ce contexte, les experts qui interviennent en son sein doivent faire connaître d'éventuels conflits d'intérêts entre les dossiers qui leur sont confiés et leurs activités pour le compte d'autres opérateurs, notamment privés. Un groupe de travail, présidé par un conseiller d'Etat, est chargé d'assurer le respect de ces règles déontologiques.
Cette rigueur méthodologique et la publicité qui accompagne les travaux renforcent la légitimité scientifique et morale des recommandations et avis rendus par la HAS. Son indépendance lui permet également de favoriser les partenariats et le dialogue entre les différents acteurs du monde de la santé, par exemple celui mené sur la délégation de tâches entre professions de santé.
La loi charge la HAS d'évaluer les médicaments, les dispositifs médicaux implantables et les actes médicaux, d'établir des recommandations de bonne pratique et lui confie l'évaluation des pratiques professionnelles, ainsi que la certification des établissements de santé et la diffusion de l'information médicale, toutes missions autrefois exercées par des structures distinctes. La création de la HAS a permis de développer une approche intégrée du fonctionnement du système sanitaire et de la prise en charge des pathologies.
Cela étant, l'optimisation et l'amélioration de la qualité du système de santé supposent de prendre en compte d'autres paramètres que la seule dimension médicale. Pour cette raison, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose que la HAS puisse émettre des recommandations et des avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription et de prise en charge les plus efficientes. Cette compétence est déjà exercée par des structures comparables en Grande-Bretagne ou en République fédérale d'Allemagne et, en France, les professionnels de santé attendent que cette dimension médico-économique soit prise en compte afin d'évaluer les stratégies de soins dans leur globalité. Au-delà de l'efficacité thérapeutique, la HAS doit pouvoir émettre des recommandations sur les volets économiques, sociétaux ou éthiques de la prise en charge d'une pathologie. Il s'agit, par exemple, d'évaluer un médicament dans son environnement pour analyser non seulement son intérêt thérapeutique, mais aussi son impact sur l'organisation des soins.
M. Laurent Degos a indiqué que, depuis un an, la HAS a mis en place un groupe de réflexion chargé de définir un modèle français d'évaluation médico-économique et d'évaluer le service rendu à la collectivité par les stratégies thérapeutiques disponibles. Ces évaluations ne doivent pas servir une ambition comptable à court terme mais s'inscrire dans un objectif d'optimisation globale, indispensable à la qualité et la pérennité du système d'assurance maladie.
Il a jugé nécessaire de maintenir une distinction claire entre, d'une part, la mesure de l'efficacité clinique qui doit toujours faire l'objet d'une évaluation scientifique, d'autre part, la mesure de l'impact économique des stratégies thérapeutiques disponibles. Concrètement, cela signifie que le rôle et les modalités de travail de la commission de la transparence, qui est chargée d'évaluer le service médical rendu des médicaments, demeureront inchangés.
M. Nicolas About, président , a voulu savoir si la rédaction initiale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet à la HAS de poursuivre ces objectifs ou s'il est nécessaire de procéder à d'autres aménagements législatifs.
M. Laurent Degos a jugé la rédaction proposée par le texte satisfaisante car elle permet à la HAS de développer cette nouvelle approche médico-économique, par exemple en procédant à des études sur l'efficacité des médicaments considérés comme innovants, deux ans après leur première commercialisation.
Par ailleurs, la HAS souhaite disposer de sources de financement simplifiées et mieux adaptées à ses besoins et envisage un statut plus uniforme de ses commissions de la transparence (CT) et d'évaluation des produits et prestations (CEPP), qui relèvent de dispositions législatives et réglementaires spécifiques antérieures à la création de la HAS. Cette situation pose la question de la place et du rôle du collège de la HAS dans le processus de validation des évaluations réalisées par ces commissions.
M. Nicolas About, président , a voulu savoir si, à l'issue de cette refonte administrative, la commission de la transparence continuerait à rendre ses avis sur les médicaments ou si cette compétence serait transférée au collège de la HAS.
M. Laurent Degos a indiqué que la commission de la transparence doit conserver toutes ses prérogatives, mais que le statut administratif des commissions doit être uniformisé afin d'assurer une meilleure intégration des services.
La HAS a renforcé son action en matière d'information sur le médicament. Elle transmet ses avis et recommandations aux professionnels de santé sous forme de fiches de bon usage des produits, suffisamment simples et lisibles pour être intégrées dans les logiciels de prescription médicale. Dans ce domaine, il serait d'ailleurs souhaitable de clarifier la répartition des compétences entre l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et la HAS sur l'établissement des recommandations de bonne pratique relatives aux produits de santé.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a souhaité connaître les recommandations de la HAS pour améliorer la prise en charge des patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD). Il a par ailleurs indiqué que certains acteurs du système de santé s'inquiètent de l'introduction d'un critère médico-économique dans les recommandations de la HAS et craignent que cette évolution se fasse au détriment de la qualité des soins.
M. Laurent Degos a présenté les trois recommandations émises sur la prise en charge des ALD : la première incite les caisses d'assurance maladie à développer une approche individualisée des dossiers des patients ; la deuxième propose que soient dissociées les prises en charge médicale et sanitaire des assurés car ces deux volets ne doivent pas être confondus : une couverture financière adaptée ne garantit pas la qualité des soins, ainsi que l'a étudié le rapport de MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire ; enfin, la troisième plaide pour une nouvelle définition des pathologies valant ALD car la liste actuelle est inadaptée aux réalités sanitaires. Le principe même d'une liste des pathologies ouvrant droit à une prise en charge intégrale est obsolète ; par ailleurs, le dispositif de prise en charge des ALD ne prévoit pas qu'un patient perde le bénéfice de ce dispositif une fois guéri.
M. François Autain a fait valoir que le dernier rapport de la Cour des comptes consacré à la sécurité sociale indique que les déclarations de conflits d'intérêts que devraient produire les experts de la HAS ne sont ni systématiques, ni actualisées.
Ayant rappelé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie accorde des pouvoirs importants à la HAS, il a voulu savoir si son budget est en adéquation avec ses missions, notamment dans le domaine de l'information où elle est confrontée aux actions de communication des entreprises pharmaceutiques.
Il a également voulu savoir si les visiteurs médicaux employés par les entreprises pharmaceutiques ont effectivement pour tâche de distribuer l'information établie par la HAS et s'est interrogé sur le respect de cette obligation et son effet sur les professionnels de santé.
Il a rappelé qu'aucune base de données publique consacrée aux médicaments n'a été développée pour assurer l'information des médecins et pour être mise à disposition des éditeurs de logiciels de prescription.
Il a observé que sur les 131 études post-AMM commandées ces dernières années, seules seize ont été menées à bien, ce qui pose la question de l'utilité et de la pertinence de ce dispositif.
Enfin, M. François Autain a voulu savoir si les propos précédemment tenus par M. Laurent Degos sur l'évolution de la situation administrative de la commission de la transparence doivent être rapprochés de ceux du directeur général de la santé qui, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, s'est prononcé en faveur d'une profonde transformation de cette commission.
Après avoir souligné l'exception française en matière de consommation de médicaments, M. Marc Laménie s'est interrogé sur la possibilité de réaliser des économies supplémentaires grâce à la promotion des médicaments génériques.
M. Gilbert Barbier a rappelé que, très souvent, les experts interviennent pour plusieurs organismes scientifiques et il a voulu savoir si les déclarations sont communes ou propres à chaque structure. Il s'est également enquis de l'opinion de M. Laurent Degos sur les programmes d'accompagnement des patients, sur l'automédication et sur la possibilité de commercialiser, en supermarché et non plus seulement en pharmacie, les produits en vente libre.
M. Jean-Claude Etienne a voulu savoir si la clarification des compétences entre l'Afssaps et la HAS requiert une modification législative. Il s'est interrogé sur l'effet des recommandations de la HAS sur la prise en charge des patients par les médecins traitants.
M. Alain Milon a rappelé que la prise en charge des patients souffrant d'une ALD pèse lourdement sur les comptes de l'assurance maladie. Il s'est interrogé sur l'opportunité de redéfinir une prise en charge globalisée des maladies chroniques.
M. Laurent Degos a indiqué que les conflits d'intérêts déclarés par les experts intervenant pour le compte de la HAS sont régulièrement actualisés et font l'objet d'un contrôle continu. Le président de chaque commission en a connaissance et vérifie, à chaque séance, en fonction de l'ordre du jour, que les experts présents peuvent se prononcer en toute indépendance sur le dossier étudié. En outre, les comptes rendus des réunions des différentes commissions sont publiés. Ces mesures ont nettement amélioré la transparence des travaux de la HAS. En revanche, il n'a pas encore été mis en place de formulaire de déclaration des conflits d'intérêt commun à la HAS et à l'Afssaps.
La HAS ne certifie que le contenant des logiciels d'aide à la prescription et non le contenu de leurs données. Ces logiciels ne seront diffusés que lorsqu'ils pourront s'appuyer sur la base de données « médicaments » constituée par l'Afssaps ou, à tout le moins, sur des bases de données privées utilisant les informations de cette agence.
M. François Autain a estimé que ces logiciels ne seront pas disponibles avant longtemps, dans la mesure où l'Afssaps doit encore rédiger plusieurs milliers de fiches avant que sa base de données soit exhaustive.
M. François Romaneix, directeur de la HAS , a considéré qu'il ne revient pas à la HAS de juger du contenu des bases de données privées. Son rôle est de déterminer des critères de qualité pour leur mise en place. Il conviendra donc de certifier les logiciels d'aide à la prescription mais aussi les bases de données.
M. Laurent Degos a indiqué que le fonctionnement de la commission de la transparence ne sera pas modifié par les dispositions de l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : elle continuera à évaluer les produits selon des critères médicaux. En revanche, la prise en compte, par la HAS, des données économiques et sociétales relatives aux produits devrait renforcer la qualité des évaluations post-AMM.
Il a également estimé que l'automédication, qui rend le patient acteur de sa santé, constitue un changement culturel considérable dans un pays où les patients sont traditionnellement invités à suivre strictement les prescriptions médicales. L'automédication doit donc être favorisée, grâce à des actions d'éducation thérapeutique auprès de la population et à la mise en oeuvre de programmes d'observance.
M. Nicolas About, président , a rappelé que le choix, par le patient, de son traitement, est prévu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
M. Laurent Degos a ensuite fait valoir que des économies peuvent encore être réalisées en réduisant le prix des génériques et des médicaments dénommés « me too ». A titre d'exemple, il a indiqué que les génériques coûtent à peine un cent aux Etats-Unis et que l'Allemagne considère les « me too » au même titre que les génériques pour la fixation de leur prix. A cet égard, le travail effectué par la HAS pour fixer le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments devrait conduire le comité économique des produits de santé (CEPS) à baisser le prix de certains produits.
En matière de commercialisation du médicament, il a jugé efficient le système français qui répartit les étapes de la procédure entre trois instances - l'Afssaps pour la mise sur le marché, la HAS pour l'évaluation du SMR et de l'ASMR et le CEPS pour la fixation du prix.
Concernant l'éducation thérapeutique des patients, il s'est déclaré en faveur d'une information et de programmes d'observance établis et diffusés par des professionnels indépendants, contrairement à la proposition du forum pharmaceutique européen favorable à la communication directe des laboratoires à destination des patients.
Il a également indiqué que la HAS soutient une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) indépendante de l'industrie et détachée de toute influence extérieure.
Il a enfin rappelé que tous les pays développés sont confrontés à une forte augmentation de la part des ALD dans les dépenses de santé. Selon les pays, elles expliquent 90 % à 95 % de l'augmentation des dépenses. La France n'est pas, sur ce point, dans la position la plus critique puisque le taux d'obésité, qui constitue un facteur majeur de déclenchement d'une ALD, y est encore relativement faible.
M. François Autain a souhaité obtenir des réponses plus précises aux questions qu'il a précédemment posées sur les études post-AMM et les visites médicales.
M. Laurent Degos est convenu que le système actuel de lancement et de suivi des études post-AMM mérite d'être amélioré. Une première étape devrait être franchie avec la prise en compte de critères médico-économiques dans les évaluations post-AMM de la HAS.
M. François Autain s'est interrogé sur le nombre important d'études post-AMM commandées depuis 1997 mais non encore effectuées.
M. Laurent Degos a estimé que cette situation s'explique par l'absence de sanctions en cas de non-réalisation des études prévues.
Concernant la visite médicale, il a fait valoir que les médecins lisent rarement l'intégralité des avis de la commission de la transparence transmis par les visiteurs médicaux. La HAS travaille donc à la rédaction de fiches de bon usage plus courtes et facilement utilisables.
M. François Romaneix a rappelé que, s'agissant de la visite médicale, la certification de la HAS porte sur les méthodes de diffusion de l'information et de formation des visiteurs par le laboratoire, et non sur le contenu de l'information. Un observatoire de la visite médicale sera prochainement installé pour mesurer l'impact de cette certification sur la qualité de la visite médicale.
M. Laurent Degos a indiqué que la limitation de la certification aux procédures - ou contenants - s'applique également aux sites Internet e-santé. Il convient toutefois d'informer les usagers sur les limites de certification de la HAS, afin qu'ils ne s'estiment pas dupés en cas de défaillance du contenu.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a demandé quels sont les moyens d'assurer aux Français un contenu de qualité des informations diffusées sur la santé.
M. Laurent Degos a proposé la création d'un label de la HAS opposable aux données.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a estimé que les pouvoirs publics doivent s'engager à ce que l'information sanitaire proposée par les sites certifiés soit de qualité.
M. Jean-Claude Etienne a souhaité connaître l'opinion de la HAS sur les références médicales obligatoires (RMO).
M. Laurent Degos a considéré que les RMO ont constitué une expérience difficile. Il existe, selon lui, trois moyens de changer les comportements : la recommandation, la comparaison et la punition, cette dernière solution étant généralement mal supportée par la société française. Or, les RMO ont été jugées trop contraignantes pour les médecins, qui ont déjà eu du mal à accepter le principe de l'évaluation des pratiques professionnelles. Il a rappelé que la HAS impose une obligation de moyens et non de résultats aux professions de santé. Ce n'est pas le cas pour les établissements de santé.
M. François Autain a estimé que les RMO ne sont pas réellement opposables car il n'existe pas de sanctions en cas de non-application.
M. Jean-Claude Etienne a ensuite interrogé M. Laurent Degos sur les perspectives en matière de démographie médicale.
M. Laurent Degos a annoncé que la HAS éditera prochainement une recommandation sur les délégations d'actes entre professionnels de santé.
Cela étant, le problème de la diminution du nombre de professionnels ne concerne pas les infirmières ni les pharmaciens, mais les seuls médecins, et ce dans les quinze prochaines années. Il ne se pose pas non plus entre les régions mais, au sein de chaque région, entre les grandes villes, les villes moyennes et les zones rurales.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a souhaité connaître l'opinion de M. Laurent Degos sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives à la démographie médicale.
M. Alain Milon a fait valoir que la situation est préoccupante en psychiatrie, où certains services ferment par manque d'infirmiers. Il s'est interrogé, à cet égard, sur l'opportunité de remettre en place une formation spécifique pour les infirmières psychiatriques. Il a également estimé que la question des inégalités de répartition de l'offre de soins doit être traitée en priorité par rapport à celles relatives au développement de l'automédication et aux transferts de tâches entre professionnels de santé.
M. François Autain a demandé quel est le montant du budget consacré chaque année par la HAS à la communication.
M. François Romaneix a précisé que ce budget, 60 millions d'euros par an, est équitablement réparti entre les activités de recommandation, de certification et d'évaluation, qui comportent toutes des actions de communication. Quoi qu'il en soit, la somme qui est consacrée à ce poste est bien inférieure au budget de communication de l'industrie pharmaceutique.
M. François Autain a rappelé que M. Etienne Caniard, président de la commission qualité et diffusion de l'information médicale de la HAS, avait indiqué à la mission d'information « médicaments » de la commission que la HAS consacrait 14 millions d'euros par an à la communication.
M. François Romaneix a estimé ce chiffre exact s'agissant du médicament, mais il a fait valoir que les actions de communication de la HAS couvrent bien d'autres domaines.
M. Laurent Degos a considéré que cette somme doit être mise en perspective avec les efforts de communication déployés par les laboratoires, notamment les 120 000 visites médicales réalisées quotidiennement.
M. François Autain a estimé que la HAS doit mettre en place une visite médicale indépendante, à l'instar de ce qui est fait par l'assurance maladie.
M. Laurent Degos a considéré que la HAS est déjà synonyme d'indépendance et de crédibilité, pour les professionnels de santé comme pour le grand public.