TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 9 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 437 (2006-2007) relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur .
M. Louis Souvet, rapporteur , a indiqué que le projet de loi propose de transposer deux directives communautaires :
- la première complète le statut de la société coopérative européenne (SCE) pour organiser les modalités d'implication des travailleurs dans sa gestion, c'est-à-dire les procédures d'information et de consultation des salariés, mais aussi l'éventuelle participation de leurs représentants aux organes dirigeants de la coopérative ;
- la seconde vise à mieux garantir le paiement des créances dues aux salariés exerçant leur activité dans un Etat membre de la Communauté européenne, lorsque leur employeur, implanté dans un autre Etat membre, est en état d'insolvabilité.
Ces transpositions sont d'ailleurs tardives car elles auraient dû intervenir, respectivement, avant le 18 août 2006 et le 8 octobre 2005. De surcroît, en ce qui concerne le premier texte, le projet de loi ne concerne que le volet « social » de la SCE : un second projet, en cours d'élaboration à la Chancellerie, doit fixer d'ici quelques mois les aspects de son statut relevant du droit commercial ; la création d'une SCE ne sera donc possible qu'à l'issue du processus complet de transposition.
M. Louis Souvet, rapporteur , a ensuite présenté la première directive. Le statut des coopératives se distingue nettement de celui des sociétés commerciales de droit commun : en vertu du principe de « double qualité », les associés de la coopérative sont aussi les bénéficiaires de ses services ; une coopérative n'a donc pas vocation, en principe, à travailler avec des tiers non associés ; les associés de la coopérative disposent de droits égaux dans sa gestion, quel que soit le montant de leurs apports ; une coopérative ne peut être rachetée ou absorbée par une société de droit commun ; enfin, les bénéfices sont répartis entre les associés au prorata des opérations traitées avec chacun d'entre eux et non en fonction de leurs apports.
On compte en France 21 000 sociétés coopératives qui emploient 700 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 100 milliards d'euros. Présentes dans tous les secteurs d'activité, elles peuvent rassembler des usagers, des entreprises ou des salariés.
La quasi-totalité des pays membres de la Communauté européenne connaissent la forme coopérative mais selon des règles juridiques très variées. La commission européenne a adopté, dès 1991, une proposition de règlement sur la société coopérative européenne et une proposition de directive sur l'implication des travailleurs dans la SCE, toutes deux définitivement adoptées en 2003 seulement, en raison de divergences de vues entre Etats membres.
Le compromis finalement obtenu, très proche du texte précédemment retenu pour la société européenne, donne la priorité au dialogue social. Il prévoit que les dirigeants de la coopérative négocient avec les représentants des salariés les modalités de leur implication dans la SCE. En cas d'échec de la concertation, des dispositions subsidiaires prévoient la création d'un organe de représentation des salariés, informé et consulté sur les questions intéressant la SCE dans son ensemble ou qui présentent un caractère transnational.
Sous certaines conditions de majorité, les représentants des salariés peuvent toutefois décider de ne pas conclure d'accord et de se fonder sur la réglementation relative à l'information et à la consultation des travailleurs en vigueur dans les Etats membres où la SCE emploie des salariés. Dans cette hypothèse, qui a vocation à être résiduelle, les dispositions subsidiaires de la directive ne s'appliquent pas et l'information ou la consultation des salariés a seulement lieu au niveau de chaque Etat membre.
Les petites coopératives sont soumises aux règles, moins strictes, prévues par le code du travail : désignation de délégués du personnel ou d'un comité d'entreprise en fonction de leurs effectifs.
Enfin, la directive comporte des garde-fous destinés à éviter que la création d'une SCE ne porte atteinte aux régimes d'implication des travailleurs en vigueur dans les entités participant à sa constitution. Par ailleurs, pour donner toutes ses chances à la concertation, la directive prévoit que, en cas d'application des dispositions subsidiaires, les représentants des salariés examinent, au bout de quatre ans, l'opportunité de rouvrir une négociation.
En définitive, M. Louis Souvet, rapporteur , a estimé que le projet de loi procède à une transposition fidèle de la directive. Toutefois, la traduction littérale de notions juridiques inconnues en droit français explique la présentation de plusieurs amendements rédactionnels. D'autres modifications techniques seront proposées pour veiller à ce que le dispositif s'applique à la fois dans l'actuel code du travail et dans sa nouvelle version codifiée en cours d'adoption par le Parlement.
M. Louis Souvet, rapporteur , a ensuite abordé le second volet du projet de loi, relatif à la garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière. Il vise à transposer une directive de 2002, modifiant une directive de 1980 par laquelle les Etats membres avaient été conduits à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs le paiement de leurs créances salariales en cas d'insolvabilité de l'employeur.
En France, cette mission relevait déjà de l'association pour la garantie des salaires (AGS) créée en 1974 par trois organisations patronales. Financée par une cotisation de 0,15 %, assise sur les salaires et recouvrée par les Assedic, elle garantit aux salariés le paiement de leur rémunération et indemnités de licenciement, notamment lorsque les fonds disponibles dans l'entreprise sont insuffisants pour faire face à ces créances.
La directive adoptée en 2002 a apporté certaines garanties aux salariés, en incluant dans le dispositif ceux employés à temps partiel, à durée déterminée ou intérimaires, en précisant l'institution de garantie compétente lorsque l'entreprise insolvable a des activités dans plusieurs Etats membres et en organisant l'échange d'informations pertinentes entre les administrations publiques et les institutions de garantie.
La transposition suppose de modifier le droit français sur deux points :
- organiser la garantie de l'AGS au profit des salariés employés en France par une entreprise installée dans un autre Etat membre ; les sommes dues aux salariés leur seront alors versées, par l'intermédiaire du syndic de faillite situé à l'étranger, sur présentation de relevés de créances ;
- organiser la communication par l'AGS des informations relatives à la réglementation des procédures d'insolvabilité, aux règles de licenciement applicables et à la nature des organismes à contacter pour le paiement des cotisations et contributions sociales.
Ceci étant, ces procédures restent d'ampleur limitée sachant que l'AGS n'a été saisie, entre janvier 2002 et décembre 2005, que de 104 procédures transfrontalières, concernant 603 salariés et occasionnant des avances de 3,8 millions d'euros, à comparer aux 6,9 milliards d'euros qu'elle a globalement engagés.
M. Louis Souvet, rapporteur , a jugé que le projet de loi procède à une transposition satisfaisante de la directive et n'appelle que quelques amendements techniques destinés à simplifier les procédures.
Mme Annie David a souhaité savoir si la qualité de sociétaire suppose la détention d'une part de l'entreprise ou s'il suffit d'être salarié. Elle a demandé également si l'acquisition d'une part conditionne la possession d'une voix au conseil d'administration.
M. Alain Milon a fait observer que le chiffre d'affaires moyen de la plupart des coopératives est certainement modeste, dès lors que la plus grande part du chiffre d'affaires des coopératives est réalisée par des groupes aussi importants que le Crédit agricole ou les Caisses d'épargne.
Mme Isabelle Debré a insisté sur la diversité des structures coopératives et des domaines économiques dans lesquels elles interviennent citant la société Alpha Taxi.
Observant que mutuelles et coopératives vont souvent de pair en droit français, M. Michel Esneu a demandé si les sociétés mutualistes sont également concernées par la directive.
Mme Annie David a demandé si le projet de loi prévoit d'affecter des ressources nouvelles à l'AGS, pour compenser les dépenses supplémentaires désormais mises à sa charge.
M. Nicolas About, président , a rappelé que les sommes versées par l'AGS à des salariés employés par une entreprise située dans un autre Etat membre demeurent très modestes. Il s'est toutefois interrogé sur l'opportunité de créer un fonds à l'échelle européenne, pour effectuer des compensations entre Etats.
Rappelant que les licenciements économiques sont exclus du champ d'intervention de l'AGS depuis 2004, M. Jean-Pierre Godefroy a souhaité savoir si les SCE seront également concernées par cette exclusion.
En réponse à Mme Annie David, M. Louis Souvet, rapporteur , a indiqué que les questions d'organisation juridique trouveront leur réponse dans le deuxième projet de loi relatif aux SCE, qui sera examiné par la commission des lois. Il a souligné le caractère très consensuel du projet de loi, qui rencontre l'approbation des représentants des coopératives.
Il a indiqué à M. Michel Esneu que les mutuelles ne sont pas visées par le texte et a confirmé que les SCE ne bénéficient, en matière de licenciement, d'aucun traitement dérogatoire.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (implication des salariés dans la société coopérative européenne), la commission a adopté neuf amendements rédactionnels, puis un amendement prévoyant que la prise en charge des dépenses de fonctionnement du groupe spécial de négociation par la SCE n'est pas limitée aux frais occasionnés par l'assistance d'un seul expert, ainsi qu'un amendement précisant le champ d'intervention du décret en Conseil d'Etat prévu par le projet de loi.
Elle a adopté l'article 2 (disposition de coordination) sans modification.
Après l'article 2 , elle a adopté un amendement de coordination portant article additionnel.
A l'article 3 (garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière), elle a adopté trois amendements : le premier organise le versement direct au salarié des sommes qui lui sont dues en cas d'insolvabilité de l'employeur ; le deuxième prévoit l'obligation de transmission, par le mandataire judiciaire ou le liquidateur, des informations relatives au montant des sommes dues au salarié ; enfin, le dernier réduit les obligations incombant à l'AGS en matière d'échanges d'informations.
Elle a adopté les articles 4 (modification d'une référence) et 5 (date d'entrée en vigueur du titre II) sans modification.
A l'article 6 (transposition dans le nouveau code du travail des règles relatives à l'implication des salariés dans la société coopérative européenne), elle a adopté quatre amendements de coordination, cinq amendements corrigeant une erreur matérielle, deux amendements rédactionnels, un amendement précisant le champ des dispositions d'application nécessitant un décret en Conseil d'Etat et un amendement de suppression de l'article L. 2363-6 du code du travail, redondant avec l'article L. 2363-4 du même code.
Après l'article 6 , la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels : le premier précise la sanction pénale applicable en cas d'entrave au bon fonctionnement du comité de la société européenne ; le second opère une coordination.
A l'article 7 (garantie des créances salariales en cas de faillite transfrontalière - insertion des dispositions dans le nouveau code du travail), elle a adopté quatre amendements de coordination et un amendement corrigeant une erreur matérielle.
Puis elle a supprimé l'article 8 (date d'entrée en vigueur des articles 6 et 7), jugé superfétatoire.
Enfin, elle a adopté le texte du projet de loi ainsi modifié .