b) Les engagements budgétaires pour les cinq ans à venir
Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, s'est engagé à ce que le budget de l'enseignement supérieur bénéficie d'une hausse de 5 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années , qui devraient être essentiellement consacrés à l'accompagnement de la réforme pour les universités qui s'y engagent.
En 2007, au sein du budget de la mission interministérielle pour la recherche et l'enseignement supérieur (MIRES), 12,5 milliards d'euros ont été consacrés aux programmes « Enseignement supérieur et recherche universitaire » et « Vie étudiante », dont plus de 10,6 milliards d'euros pour le premier. Au regard de ces chiffres, cet engagement apparaît donc très important.
Votre rapporteur veillera à ce qu'il trouve sa concrétisation dans les projets de loi de finances qui seront soumis à l'examen du Parlement.
c) Saisir cette chance pour lever des tabous et favoriser la réussite des étudiants
A l'occasion et au-delà des chantiers courageusement et rapidement engagés par Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, votre rapporteur est convaincu de l'absolue nécessité de lever certains tabous. Car de cela aussi dépend la réussite des chantiers engagés et, surtout, celle de nos étudiants.
Il évoquera deux de ces sujets, jusqu'ici intouchables dans notre pays, ainsi que l'actualité récente vient encore de le démontrer, et alors même que nos partenaires étrangers - ainsi qu'il a été dit précédemment - en traitent dans un relatif consensus ou, tout au moins, dans un esprit constructif. Il s'agit des questions de la sélection et des frais de scolarité.
(1) Promouvoir une sélection par le mérite et le succès plutôt qu'une sélection par l'échec
Le maintien de notre pays dans « l'économie de la connaissance » implique que nous renforcions le niveau d'éducation de la population.
A cet effet, il nous faut améliorer l'orientation des jeunes et lutter contre l'échec en 1 er cycle, ceci passant par une réflexion inévitable sur la question de la sélection.
Le principe de l'égalité des chances sur lequel est fondé notre système universitaire garantit, en théorie tout au moins, la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Or, la pratique apparaît sensiblement différente et décevante. Car s'il est vrai que notre pays bénéficie d'un système d'enseignement supérieur qui allie la liberté d'accès à la plupart des établissements et la quasi-gratuité des études, pour autant, l'égalité des chances des jeunes est-elle réelle ? Bien sûr, le rôle d'ascenseur social de notre système est important, mais il n'a pas joué aussi pleinement qu'on aurait pu l'imaginer et l'espérer.
En réalité, on le sait, l'entrée dans l'enseignement supérieur s'avère très inégalitaire et l'origine sociale influence l'accès à l'enseignement supérieur long et au statut de cadre.
Cette situation a mené à la dichotomie de notre organisation - et l'a entretenue - avec la coexistence des universités et des grandes écoles, qui contribue au fractionnement du paysage français de l'enseignement supérieur et renforce les inégalités, même si l'on peut toutefois se féliciter des démarches entreprises par les écoles pour favoriser l'accès d'étudiants socialement peu favorisés. La commission prend la mesure de l'importance et de l'intérêt de leurs expérimentations, au travers de la mission d'information qu'elle a constituée sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans l'accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, dont le président et le rapporteur sont respectivement M. Jacques Legendre et M. Yannick Bodin, dont votre rapporteur est vice-président, et qui rendra ses travaux en septembre prochain.
Il faut rappeler, par ailleurs, que d'autres filières sélectives se sont développées avec les instituts universitaires de technologie (IUT) et les sections de techniciens supérieurs (STS). Ces filières connaissent un succès grandissant, au point que les jeunes qui devraient y avoir un accès privilégié y sont trop peu représentés, les titulaires d'un baccalauréat général - qui devraient plutôt s'orienter vers les universités - occupant une proportion importante des places (66 % pour les IUT, 20 % pour les STS).
N'est-il pas paradoxal, voire schizophrénique, de revendiquer le libre accès d'un côté et de plébisciter les filières sélectives de l'autre ?
La question est malheureusement taboue dans notre pays. Certains osent pourtant l'évoquer. C'est ainsi que deux économistes ont récemment dénoncé la situation. Un article 8 ( * ) rappelle leur thèse pour conclure que « la fracture qui scinde notre enseignement supérieur entre voies d'élite payantes 9 ( * ) et sélectives d'une part et université « gratuite » et non sélective de l'autre, vaut mieux qu'un aggiornamento aussi douloureux idéologiquement que risqué politiquement . ».
Sans aller bien entendu jusqu'à la sélectivité poussée à l'extrême en Chine 10 ( * ) , qui produit pour l'instant un nombre réduit d'étudiants (en valeur relative) mais d'un excellent niveau et disposant de très bons résultats, ne conviendrait-il pas de trouver les moyens permettant à la fois de réduire notre taux d'échec en premier cycle universitaire et de réduire le gaspillage de moyens qui en résulte ?
L'enjeu est multiple et d'ampleur : mieux allouer les ressources publiques, mieux former les jeunes en fonction de leurs compétences et leur garantir une meilleure insertion professionnelle.
(2) La question des frais de scolarité, liée à celle de la refonte des aides sociales
Les comparaisons internationales exposées ci-dessus font apparaître que de nombreux pays, y compris européens - encore récemment l'Allemagne - ont compris la nécessité de procéder à un relèvement, plus ou moins important selon les pays, des frais de scolarité pour accéder à l'enseignement supérieur.
Une telle démarche n'est pas entrée dans la culture de notre pays. Pourtant, tant l'importance des besoins de financement qu'un nécessaire regain du respect envers l'institution universitaire prônent pour une réflexion de fond et pragmatique sur ce sujet.
Dans l'esprit de votre rapporteur, celle-ci devrait être liée à la réforme du système d'aides sociales aux étudiants, afin qu'une évolution, même modeste, de ces frais ne vienne pas contrarier la volonté de renforcer une réelle démocratisation de notre système d'enseignement supérieur.
* 8 Article de MM. Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy paru dans la « Revue française d'économie » de janvier 2005.
* 9 Notons cependant que toutes les voies sélectives ne sont pas payantes.
* 10 Ainsi que l'a constaté une délégation de la commission des affaires culturelles qui s'est rendue en mission en Chine en septembre 2005.