B. CONCILIER LES DEUX PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

1. Un texte non prioritaire

Rejoignant la délégation pour l'Union européenne, votre commission estime que de nombreuses dispositions de la proposition de directive sont contraires aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Comme l'a relevé notre collègue Robert Del Picchia lors de son audition par votre rapporteur, la directive sous prétexte de simplification et d'harmonisation va en réalité compliquer considérablement la législation française qui est pourtant l'une des plus protectrices des droits des étrangers en Europe.

La majorité des Etats membres seront contraints de modifier leur procédure d'éloignement pour un gain final en terme d'efficacité de la lutte contre l'immigration illégale et de protection des droits des étrangers à peu près nul.

Cette proposition de directive s'adresse en réalité à certains nouveaux Etats membres qui n'ont pas la même expérience que notre pays en matière d'immigration illégale.

Ce texte apparaît d'autant moins prioritaire que des instruments existent déjà qui permettent d'obtenir de bons résultats :

- la Convention européenne des droits de l'homme offre déjà de nombreuses garanties en matière de droit au recours, de droit à une vie familiale normale ou de conditions de rétention ;

- la directive du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers permet l'exécution dans tous les pays membres des mesures d'éloignement prononcées dans un Etat. Cet instrument permet d'éviter notamment qu'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement ne trouve refuge dans un autre Etat membre et il facilite les « vols groupés européens ». La reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement est aussi efficace que l'harmonisation des procédures et permet de respecter le principe de subsidiarité ;

- le SIS permet à chaque Etat membre de faire respecter pour le compte des autres Etats membres les décisions de non admission prises par eux.

En définitive, la proposition de directive apparaît comme un texte non prioritaire et il semblerait plus judicieux d'aboutir rapidement sur d'autres projets, notamment le déploiement du SIS II ou du VIS 13 ( * ) . Ces deux grands projets à vocation directement opérationnelle ont en effet pris du retard.

2. Saisir le Conseil d'Etat en raison des risques d'inconstitutionnalité

Reprenant les termes de la proposition de résolution du groupe CRC, votre commission demande au Gouvernement de saisir le Conseil d'Etat pour avis sur la constitutionnalité de la proposition de directive.

Il faut rappeler qu'une circulaire du Premier ministre du 30 janvier 2003 « demande de veiller à ce que cette nouvelle possibilité (la saisine du Conseil d'Etat pour avis) soit utilisée chaque fois qu'un projet ou une proposition d'acte de l'Union européenne paraîtra poser des problèmes juridiques ou qu'apparaîtront, en cours de négociation, des difficultés de cette nature ».

Deux questions méritent en effet de recueillir l'avis du Conseil d'Etat.

L'allongement de la durée de la rétention jusqu'à quatre mois est susceptible incontestablement de poser des problèmes de constitutionnalité, en dépit du fait que le Conseil constitutionnel n'a jamais dit clairement qu'une durée de plusieurs mois serait nécessairement inconstitutionnelle.

La création de l'interdiction de réadmission présente également quelques incertitudes constitutionnelles. Certes, la proposition de directive laisse une certaine souplesse en permettant de moduler la durée de cette interdiction ainsi qu'en laissant aux Etats membres la faculté d'annuler cette mesure. Le caractère automatique et indifférencié de la mesure, proscrit par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, n'est donc pas clairement établi. Néanmoins, le doute invite à saisir le Conseil d'Etat pour avis.

* 13 Système d'information sur les visas.

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