C. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI ET LA POSITION DE LA COMMISSION
Reprenant pour l'essentiel les recommandations du rapport Magendie, le projet de loi prévoit :
- de restreindre le champ d'application de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l'état » aux seules actions civiles en réparation du dommage causé par une infraction faisant l'objet d'un procès pénal (article 11).
Tout en répondant pour une large part aux préconisations du rapport Magendie, la disposition du projet de loi ne va pas aussi loin puisqu'elle n'abroge pas complètement le principe établi à l'article 4 du code de procédure pénale.
Initialement, le projet de loi prévoyait de subordonner la possibilité de demander la révision du procès civil, en raison de la décision rendue postérieurement par la juridiction pénale, au fait qu'un sursis à statuer ait été demandé devant le juge civil et rejeté par lui au cours du procès. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition.
Considérant qu'il est indispensable d'empêcher le dépôt de plaintes abusives et dilatoires devant le juge d'instruction, votre commission est favorable à la limitation du champ d'application du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l'état ». Elle vous propose toutefois de supprimer, par un amendement, le dernier alinéa du texte proposé par cet article qui ne lui paraît pas clair et pourrait, semble-t-il, faire l'objet d'interprétations ambiguës.
- d'empêcher les instructions et expertises injustifiées ou inutiles (article 12).
A cet effet, le projet de loi initial reprenait, quasiment à l'identique, les mesures proposées par un amendement présenté lors de l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, mais rejeté en séance. Elles avaient, par la suite, également été préconisées, pour l'essentiel d'entre elles, par la mission Magendie.
Toutefois, suivant la position de sa commission des lois, initialement hostile à l'intégralité de cet article, l'Assemblée nationale a refusé deux de ces dispositions.
Elle a ainsi supprimé la possibilité pour le procureur de la République , en matière correctionnelle, de procéder à une brève enquête préliminaire -15 jours, étendus à 1 mois par le juge d'instruction- avant de rendre ses réquisitions sur une plainte avec constitution de partie civile, et de poursuivre directement les auteurs de l'infraction devant le tribunal correctionnel , la mise en mouvement de cette action se substituant alors à la plainte avec constitution de partie civile.
Votre commission partage le sentiment de l'Assemblée nationale selon lequel ce dispositif confèrerait trop de pouvoirs au ministère public, alors même que le juge d'instruction a été saisi d'une plainte avec constitution de partie civile.
L'Assemblée nationale a également refusé que le procureur de la République puisse rendre des réquisitions de non lieu ab initio lorsque les faits dénoncés par la partie civile n'ont manifestement pas été commis.
Votre commission vous propose, par un amendement , de rétablir cette disposition . Elle estime en effet qu'il serait utile d'éviter d'ouvrir une information pour des faits qui ne sont manifestement pas avérés.
Le projet de loi prévoit également, en matière délictuelle, de subordonner le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile à la saisine préalable du procureur de la République et de permettre au juge de mettre financièrement à la charge de la partie civile l'expertise demandée par elle lorsque sa plainte a été jugée abusive ou dilatoire, un complément de consignation pouvant à cet effet être exigée à la partie civile.
Votre commission est favorable à ces deux dispositifs qui devraient permettre de réduire le nombre de plaintes avec constitution de partie civile et d'expertises inutiles. Elle vous propose toutefois, par un amendement , de prévoir que l'action publique serait suspendue tant que le ministère public n'aura pas statué ou pendant le délai de trois mois . Elle vous soumet également un amendement qui a pour objet de restreindre le champ d'application du dispositif tendant à faire rembourser à la partie civile les frais d'expertises qu'elle a demandées aux seules affaires non criminelles ou ne concernant pas un délit contre les personnes prévu par le livre II du code pénal.
- en matière d'audiencement des cours d'assises, de renforcer la compétence du ministère public , le procureur général devant désormais, non plus seulement donner son avis, mais faire des propositions au président de la cour d'appel, d'une part, et pouvant, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, demander que le rôle des sessions d'assises soit arrêté par le premier président de la cour d'appel -et non par le président de la cour d'assises-, d'autre part (article 13).
Reprenant, cette fois, des suggestions de la Cour de cassation dans son rapport annuel de 2005, l'Assemblée nationale a également inséré deux nouvelles dispositions susceptibles d'accélérer la procédure pénale dans sa phase de jugement.
En premier lieu, il est proposé de préciser que, comme pour les affaires délictuelles, le ministère public pourrait toujours se désister de son appel présenté à titre principal contre une décision d'une cour d'assises, que l'accusé se soit lui-même désisté ou non (article 13 bis ).
En second lieu, le ministère public qui forme un pourvoi en cassation en matière pénale devra désormais déposer son mémoire au greffe dans le délai d'un mois à compter de la déclaration de pourvoi (article 13 ter ).
Votre commission vous propose un amendement tendant à prévoir, comme pour les autres demandeurs en cassation, que le président de la chambre criminelle pourrait accorder, à titre dérogatoire, un délai supplémentaire au ministère public pour le dépôt de son mémoire. Il s'agit ainsi de prendre en compte la complexité de certains pourvois, l'encombrement possible des parquets ainsi que le fait que l'arrêt de la cour d'appel peut ne pas avoir encore été rédigé passé ce délai d'un mois, rendant dès lors plus difficile la rédaction du pourvoi.
Votre commission vous propose également de compléter le projet de loi, par un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 15 ter , afin d' instituer , comme en matière civile, la représentation obligatoire par un avocat à la Cour de cassation pour les pourvois en cassation relevant de la matière pénale .
En effet, cette représentation devrait permettre d'assurer l'égalité des citoyens devant la justice, en leur garantissant une meilleure défense. En outre, elle devrait réduire le nombre de pourvois injustifiés.