2. Des problèmes récurrents
Au total, le système français peine aujourd'hui à trouver un équilibre satisfaisant entre une logique purement sanitaire, prônée notamment par le groupe d'évaluation de la loi du 27 juin 1990 2 ( * ) et le rapport de 2001 sur la santé mentale 3 ( * ) , et les impératifs d'ordre public pouvant conduire à des privations abusives de liberté.
Plus récemment, et pour tenter de remédier à cette difficulté, les inspections générales de l'administration (Iga), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (IGGN) ont été chargées d'une mission conjointe sur les problèmes de sécurité liés aux régimes d'hospitalisation sans consentement 4 ( * ) . Leur rapport dresse un constat inquiétant sur le dispositif français : dans la majorité des situations observées, les enjeux de sécurité publique ne sont pas suffisamment pris en compte.
Plusieurs lacunes expliquent, selon les auteurs du rapport, ce bilan sévère, qui varie toutefois d'un département à l'autre :
- une relative confusion dans l'application des procédures d'urgence, qui conduit des personnes dangereuses à être trop souvent prises en charge sous les régimes de l'hospitalisation libre ou à la demande d'un tiers, moins contraignants que celui de l'hospitalisation d'office sur le plan administratif pour les acteurs de terrain ;
- une difficulté, pour de nombreux préfets, à accomplir les missions qui leur sont dévolues dans le domaine de l'hospitalisation sans consentement. Cette situation s'explique notamment par le contrôle insuffisant exercé par la Ddass, véritable cheville ouvrière du dispositif en tant qu'interlocutrice principale des autorités sanitaires et administratives, sur les personnes hospitalisées. De fait, le préfet ne dispose souvent pas des informations nécessaires à la prise des décisions qui lui reviennent ;
- une évolution de la psychiatrie peu favorable à l'internement, qui privilégie désormais les soins ambulatoires et l'hospitalisation en milieu ouvert, parfois au mépris de la dangerosité de certains individus.
Enfin une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires 5 ( * ) a été chargée d'établir des propositions de réforme relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
Dans ses conclusions, cette mission a considéré que la loi du 27 juin 1990 souffre d'une triple faiblesse :
- elle offre une réponse sanitaire mal adaptée, qui freine l'accès aux soins : le tiers, maillon essentiel de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, est souvent difficile à identifier ou à convaincre d'aller jusqu'au bout de la démarche ;
- les garanties reconnues aux personnes atteintes de troubles mentaux ont une effectivité relative : les magistrats chargés par la loi d'opérer des contrôles des conditions d'hospitalisation paraissent insuffisamment impliqués ;
- l'efficacité du dispositif pourrait être améliorée dans le domaine de la sûreté des personnes.
Face à ce constat, la mission a organisé ses propositions de réforme autour de trois principes :
- sur les garanties des droits et libertés, elle suggère de rendre plus effectif le contrôle a posteriori du juge des libertés et de la détention ;
- sur la dualité des procédures de soins contraints, hospitalisation d'office et hospitalisation à la demande d'un tiers, elle recommande d'affirmer les solidarités familiales et les alternatives à l'hospitalisation. Elle propose néanmoins d'inclure un mécanisme spécifique destiné à pallier l'absence du tiers ou à faire face à sa réticence à s'engager dans une procédure que le patient pourrait vivre douloureusement ;
- sur les modalités de soins sous contrainte, elle conseille de passer du régime de l'hospitalisation sous contrainte à celui du soin sous contrainte, afin de dissocier l'obligation de se soigner de ses modalités, hospitalisation ou alternatives à l'hospitalisation.
* 2 Rapport d'Hélène Strohl, septembre 1997.
* 3 Rapport des docteurs Eric Piel et Jean-Luc Roelandt, De la psychiatrie vers la santé mentale, juillet 2001.
* 4 Rapport Iga,IGPN, IGGN, mai 2004.
* 5 Rapport présenté par Alain Lopez et Isabelle Yeni (Igas) et Martine Valdes-Boulouque et Fabrice Castold (IGSJ), mai 2005.