III. FAUT-IL CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA PANNE D'ÉLECTRICITÉ DU 4 NOVEMBRE 2006 ?
Tout en reconnaissant l'intérêt de la démarche de nos collègues du groupe CRC, votre commission tend à considérer qu'une commission d'enquête sur l'incident du 4 novembre dernier ne constituerait pas une réponse appropriée puisqu'en définitive ce sujet s'inscrit dans la problématique plus générale de la sécurité d'approvisionnement électrique de notre pays, qui pourrait faire l'objet d'un travail d'information à part entière.
A. UNE COMMISSION D'ENQUETE NE SEMBLE PAS APPROPRIÉE AU CAS D'ESPÈCE
Comme votre rapporteur l'a démontré dans ce rapport, il n'y a pas lieu d'enquêter sur les conditions dans lesquelles l'incident a été géré en France puisque précisément tous les mécanismes de défense et de gestion de la panne d'électricité ont prouvé leur efficacité .
Il n'en reste pas moins vraisemblable que certaines erreurs d'appréciation aient pu être commises par les gestionnaires de réseaux de transport allemands. A ce titre, il est probable que la décision prise par E.ON Netz d'avancer la mise hors service de la ligne à une heure où la consommation en Europe était encore soutenue, tout en ayant prévenu tardivement les autres gestionnaires de réseaux de transport allemands, ait pu contribuer à accélérer l'enchaînement des incidents. Ce bref rappel des premières explications sur les causes de la panne, qui nécessitent encore des analyses approfondies, démontre d'ailleurs que des éléments d'information ont déjà été communiqués, contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la proposition de résolution.
Au surplus, l'enquête conduite par l'UCTE a précisément pour objet d'analyser cet enchaînement d'événements, d'étudier dans quelle mesure des erreurs d'appréciation ont pu aggraver l'incident et de proposer des solutions pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Un rapport d'étape de l'UCTE, rendu public vendredi 1 er décembre, émet plusieurs hypothèses et le rapport définitif pourrait être élaboré avant la fin janvier 2007. De même, le conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) a lancé sa propre enquête sur le sujet. Les premiers résultats de cette enquête pourraient être connus à la mi-décembre 2006 et le rapport définitif, élaboré pour la Commission européenne, pourrait être achevé avant la fin février 2007. Dans ces conditions, il y a fort à parier que le déroulement des événements et leurs explications seront précisément analysés dans les deux prochains mois, faisant alors perdre à une commission d'enquête une grande partie de son intérêt puisqu'elle éprouverait des difficultés à rendre ses conclusions dans un laps de temps aussi court.
En tout état de cause, même si la panne a eu des conséquences sur le territoire national, les faits précis qu'une commission d'enquête aurait à analyser se sont produits en Allemagne. Dans ces conditions, il apparaît délicat qu'une délégation du Sénat français se rende sur le territoire allemand ou convoque en France des responsables allemands. En outre, dans ce cadre, la commission d'enquête ne pourrait, à l'évidence, faire usage des pouvoirs de coercition qui sont les siens.
En vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, « toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l'exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». Par ailleurs, la personne qui « ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende ». |
Enfin, compte tenu du caractère solennel et symbolique de la commission d'enquête, votre commission estime que cette procédure doit être réservée aux sujets les plus lourds et les plus sensibles, comme le démontrent les précédents exemples (recherche des causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau, conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, sécurité du transport maritime à la suite du naufrage du navire Le Prestige etc...).
En outre, sans minimiser la gravité des évènements survenus le 4 novembre dernier, votre commission note que des coupures d'électricité plus importantes dans leur ampleur et leur durée ont eu lieu aussi bien en 1978 qu'en 1987 et n'ont pas entraîné la constitution d'une commission d'enquête. Au regard de ces deux événements historiques, la panne du 4 novembre 2006 est restée, en définitive, assez circonscrite.