B. VUE PROSPECTIVE
Le rapport entre l'effectif des cotisants et celui des pensionnés, dénommé « rapport démographique », est une donnée fondamentale des régimes de retraite, car elle permet d'évaluer leur degré de viabilité ou d'autonomie. Il est admis qu'en deçà d'un rapport démographique de 2 (c'est-à-dire avec moins de deux cotisants pour un retraité), un régime connaît des difficultés à assurer son propre équilibre.
Le graphe suivant illustre l'évolution démographique du régime de la SNCF :
Source : graphe construit (sans pondération du rapport démographique) à partir de documents de travail communiqués sur le site du Conseil d'orientation des retraites (COR)
Le graphe suivant illustre l'évolution démographique du régime de la RATP : Source : graphe construit à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Les rapports démographiques demeureront durablement inférieurs à 1, ce qui indique le degré de dépendance de ces régimes vis-à-vis des transferts et des subventionnements.
Bien qu'intrinsèquement plus dégradé, l'évolution du rapport démographique de la SNCF est plus favorable en tendance que celui de la RATP, car le déséquilibre entraîné par les fortes diminutions d'effectifs engagées par la société nationale ces dernières décennies tend à se résorber naturellement dans le long terme avec un volume d'emploi globalement stabilisé.
*
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu que le gouvernement devait, avant le 1 er janvier 2008, élaborer un rapport rendu public et transmis au Parlement, sur la base des travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR). Ce rapport permettra de dresser un premier bilan de la réforme, et s'il devait s'avérer que de nouvelles évolutions soient nécessaires à la sauvegarde de l'équilibre financier des régimes de retraite, les principes d'équilibre entre les générations et d'équité inter-régimes joueraient nécessairement un rôle : « l'intérêt de faire évoluer certaines règles de fonctionnement et certaines caractéristiques « historiques » vers une plus grande harmonisation mériteront d'être examinées en 2008, sans préjuger des réflexions à venir » 15 ( * ) .
Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur la sécurité sociale 16 ( * ) , la Cour des comptes a consacré un développement important sur les régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières, de la RATP et de la SNCF, dont la synthèse est reproduite ci-dessous :
Synthèse du chapitre X du rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale
1. - En 2004 et 2005, le régime des IEG et le régime de la RATP ont fait l'objet d'une réforme de leur financement. L'adossement aux régimes de droit commun (régime général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC) a été organisé pour éviter que les entreprises (EDF, GDF et RATP) supportent la charge du provisionnement de leurs engagements de retraite.
En revanche, ces réformes n'ont pas touché aux droits des affiliés . L'opportunité n'a pas été saisie d'adapter les règles d'acquisition et de liquidation des droits à la retraite dans ces régimes, comme cela a été fait dans les fonctions publiques lors de la réforme des retraites de 2003.
Aucune réforme n'est encore intervenue dans le régime de la SNCF.
2. - Les droits spécifiques représentent un avantage important . La réforme du financement des régimes des IEG et de la RATP a permis d'isoler et de mesurer le poids des droits spécifiques dans le montant de la pension liquidée. Ces droits complètent la pension versée par les régimes de droit commun. En 2005, ils représentaient, dans le régime des IEG, 35,7 % des pensions versées.
3. - L'âge de départ à la retraite est précoce dans les régimes spéciaux des entreprises publiques en raison des bonifications d'annuités. L'importance des droits spécifiques dans ces régimes s'explique par le salaire pris en considération pour le calcul de la pension, la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein et, surtout, par la précocité de l'âge de départ en retraite .
Dans le régime de la SNCF, l'âge de départ à la retraite est fixé à 55 ans. Par le jeu des bonifications d'annuités liquidables accordées en raison de la nature des emplois occupés, les catégories actives peuvent anticiper leur départ à la retraite de cinq ans et liquider à partir de 50 ans (SNCF, RATP) ou de 55 ans (RATP, IEG)). Il en résulte que près de 20 % des retraités de ces régimes spéciaux ont moins de 60 ans.
De plus, ces régimes ont conservé la règle des 37,5 annuités accomplies dans le régime pour liquider à taux plein et aucune pénalisation financière sous la forme d'une décote n'est appliquée quand la condition de durée d'assurance n'est pas satisfaite pour obtenir le taux plein. Quelle que soit la durée de la carrière validée, le taux d'annuité est constant et garanti (2 %) alors que dans le régime général, cette durée est de 40 annuités et devrait passer à 41 annuités en 2012.
4. - Les droits spécifiques ne sont pas financés par leurs bénéficiaires . La réforme du financement du régime de la RATP a mis à la charge du budget de l'Etat la totalité du financement des droits spécifiques des agents de la régie. Dans le régime de la SNCF, la subvention publique d'équilibre finance plus de la moitié des prestations versées. Dans le régime des IEG, les droits spécifiques passés relevant des activités régulées sont financés par une nouvelle taxe sur la consommation, la CTA.
5. - Dans le futur, la détérioration de la situation financière des régimes spéciaux augmentera la charge du financement des droits spécifiques . Dans le régime de la RATP , la subvention d'équilibre du compte retraite devrait, en euros constants, être multipliée par trois à l'horizon 2050 , en raison de la forte détérioration de sa situation financière. Après la réforme du financement de 2005, cette subvention finance les droits spécifiques et elle est, à présent, directement versée par le budget de l'Etat.
Dans le régime de la SNCF , la détérioration des comptes serait concentrée dans les dix prochaines années . La subvention d'équilibre devrait être multipliée par 1,3 .
Le régime des IEG est théoriquement équilibré puisque les besoins de financement sont comblés par appel de cotisations auprès des employeurs. Il n'échappera cependant pas à la forte augmentation du coût des pensions qui devrait être multipliée par 2,3 à l'horizon 2050.
6. - Les régimes spéciaux adossés feront face à des risques financiers. Dans les régimes adossés (IEG et RATP), les droits spécifiques sont équivalents à une pension supplémentaire différentielle qui garantit à la fois un montant de pension et des avantages particuliers sous la forme d'une durée de cotisation plus courte et d'une durée de retraite plus longue par rapport à ce qui prévaut dans les régimes de droit commun.
Le mécanisme de l'adossement aux régimes communs et la garantie accordée à la pérennisation des droits spécifiques sont néanmoins porteurs de risques économiques et financiers dans le futur pour les entreprises et les salariés . En effet, les augmentations des taux de cotisation et la diminution relative des droits dans les régimes de droit commun se répercuteront automatiquement sur le coût des pensions et des droits spécifiques dans les régimes adossés.
Pour conclure, la Cour des comptes formule la recommandation suivante : « En raison des perspectives démographiques et financières des régimes spéciaux, réformer ces régimes en mettant en oeuvre les principes prévus par la loi de 2003 ».
Le tableau suivant fait apparaître, concernant la SNCF et la RATP, les âges moyens de départ à la retraite qui n'excédent guère 55 ans, quelle que soit la catégorie considérée:
Age moyen de départ à la retraite des cheminots et des agents de la RATP
Age moyen de départ à la retraite |
||
SNCF |
Agents de conduite |
50,3 |
Autres catégories |
55,1 |
|
RATP |
Hommes |
54,8 |
Femmes |
55 |
Source : rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 2006
De fait, les règles de liquidation et de calcul des pensions dans les régimes précités diffèrent sensiblement de celles du régime général ou des régimes de la fonction publique (Etat et CNRACL 17 ( * ) ), qu'il s'agisse :
- de l'age normal de la liquidation ;
- de la durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation ;
- de la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein ;
- de l'assiette de liquidation ;
- des taux de liquidation (taux plein) ;
- de la décote, absente pour les régimes précités ;
- des règles de revalorisation.
Votre commission des finances a dressé le tableau suivant, qui permet de comparer les droits des assurés des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP avec ceux relevant du régime général et avec ceux des fonctionnaires (de l'Etat, territoriale et hospitalière) :
REGLES DE LIQUIDATION |
REGIME GENERAL |
FONCTIONNAIRES (civils) |
SNCF |
RATP |
|
Âge normal de la liquidation |
60 ans |
60 ans 18 ( * ) |
Droit commun : 55 ans Agents de conduite 19 ( * ) : 50 ans |
« Sédentaires » 20 ( * ) : 60 ans (avec 30 ans de service) Agents de maintenance 2 : 55 ans Agents d'exploitation 2 : 50 ans (avec 25 ans de service) |
|
Durée de service minimale à l'âge normal de la liquidation |
Sans objet |
15 ans |
Droit commun : 25 ans Agents de conduite : 15 ans Si plus de 55 ans : aucune |
15 ans Si âge limite de la catégorie : aucune |
|
Durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein |
« Durée d'assurance tous régimes » : 40 ans 21 ( * ) |
37,5 ans y compris les bonifications d'annuités 2 |
|||
Assiette de liquidation |
25 22 ( * ) meilleures années (moyenne) |
6 derniers mois hors primes |
Eléments de rémunération perçus les 6 derniers mois |
||
Taux de liquidation (taux plein) |
50 % 23 ( * ) |
75 % |
|||
Modu-lation |
Proratisation en fonction de la durée de cotisation |
Proratisation sur 40 ans 4 (160 trimestres) |
Proratisation sur 37,5 ans (150 trimestres) |
||
Décote (se superpose à la proratisation) |
Décote 24 ( * ) de 5 % par année manquante pour atteindre la durée d'assurance tous régimes, soit 40 ans (ou pour atteindre l'âge de 65 ans, la décote étant alors plafonnée à 25 %) |
Absence de décote |
|||
Surcote |
Après 60 ans et 40 ans de cotisations , surcote de 3 % par an |
idem dans la limite de 15 % |
Absence de surcote |
||
Activité après limite d'âge (65 ans sauf services actifs) |
Possibilité de prolonger l'activité pour obtenir le taux plein |
Dans la limite de 10 trimestres pour obtenir le taux plein |
Sans objet |
||
Revalorisation |
Indice des prix à la consommation hors tabac |
Mécanismes de péréquation selon lesquels toute modification des salaires des agents en activité se trouve répercutée sur les pensions |
Comparaison des modalités de liquidation et de revalorisation des pensions de la SNCF et de la RATP avec celles des principaux régimes
* 15 Extrait d'une réponse au questionnaire budgétaire.
* 16 Rapport de septembre 2006.
* 17 Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, dont relèvent les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
* 18 55 ans (ex : policier) voire 50 ans (ex : infirmière) pour les personnels en « service actif » (emplois dangereux ou pénibles, soit 40 % des recrutements).
* 19 Régime dit des « bonifications d'annuités » : jusqu'à 5 années de bonifications au titre de l'emploi occupé (ex : « bonification de traction » à la SNCF).
* 20 Catégorie concernant 15 % des emplois de la RATP.
* 21 Alignement progressif des fonctionnaires sur le régime général, avec une augmentation de la durée de cotisation de 37 ans et demi en 2003 à 40 ans en 2008. La loi portant réforme des retraites prévoit ensuite que la durée de cotisation sera portée progressivement à 41 années de 2008 à 2012, sous réserve de l'évolution des conditions démographiques, économiques et sociales. La durée de cotisation serait ensuite portée à 41 années et trois trimestres en 2020.
* 22 A partir de 2008 (nombre d'années majorée d'une unité par an depuis de la réforme du régime général en 1993, date à laquelle 10 années étaient prises en compte). Les salaires « portés en compte » sont indexés sur les prix à la consommation,et non sur le pouvoir d'achat.
* 23 Le régime général est complété par les régimes complémentaires obligatoires, AGIRC et ARRCO, qui fonctionnent selon la technique du « point » ; si, pour un profil de carrière identique, la prise en compte de la carrière aboutit à faire valider des salaires moins élevés que dans les régimes spéciaux publics, la base de calcul comprend l'intégralité de la rémunération, alors que les primes sont, dans l'ensemble, exclues de l'assiette de liquidation des régimes spéciaux.
* 24 Dans le régime général, le taux annuel de la décote doit être progressivement ramené de 10 % à 5 % jusqu'en 2013, au rythme de 0,5 point par an . Parallèlement, l'instauration de la décote dans les régimes de la fonction publique s'effectue progressivement de 2005 à 2020.