N° 418

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 juin 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant règlement définitif du budget de 2005 ,

Par M. Philippe MARINI,

Rapporteur général,

Sénateur.

Tome I : Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3109 , 3155 , 3163 et T.A. 591

Sénat : 417 (2005-2006)

Lois de règlement

AVANT-PROPOS : UNE ANNÉE DE TRANSITION BUDGÉTAIRE

Le présent projet de loi de règlement est le dernier à être présenté et discuté dans les formes prévues par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Ainsi devrait se tourner une page de notre histoire budgétaire au cours de laquelle la loi de règlement était restée une simple formalité de nature comptable, sans véritable portée politique .

L'entrée en vigueur pleine et entière, à compter du 1 er janvier 2006, de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF) a toutefois conduit votre commission des finances à anticiper sur cette ère nouvelle, en donnant à la discussion du présent projet de loi une ampleur sans précédent.

Donner à la loi de règlement une nouvelle portée

Longtemps, on s'est contenté de comparer, d'une année sur l'autre, des prévisions aux prévisions et des réalisations aux réalisations, sans vraiment chercher à faire le lien entre prévisions et réalisations.

L'esprit de la LOLF nous amène, au contraire, à réhabiliter la loi de règlement pour en faire sinon le temps fort des débats budgétaires, du moins l'heure de vérité, celle où l'on est en mesure d'apprécier ce qui a été effectivement réalisé au regard tant des prévisions initiales que du contexte général.

Pour tenir compte de ce changement d'optique déjà amorcé l'an passé 1 ( * ) et parvenir à la nécessaire revalorisation de la « loi de reddition des comptes », dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, votre commission des finances a voulu, dès cette année, rénover profondément la discussion de la loi de règlement.

C'est ainsi qu'elle a d'abord procédé, les mardi 20, mercredi 21 et jeudi 22 juin, à l'audition publique de dix ministres gestionnaires sur les crédits dont ils ont la charge. Ces auditions, ouvertes à l'ensemble de nos collègues ainsi qu'au public et à la presse, ont été placées sous le signe d'une plus grande interactivité, grâce à des échanges sous la forme de questions et de réponses.

En outre, la conférence des Présidents, sur proposition de votre commission, a décidé d'organiser quatre débats sectoriels en séance publique , les mardi 27 et mercredi 28 juin 2006.

Sur le plan matériel, le présent rapport se compose de deux tomes : un tome I contenant de façon classique un exposé général analysant de façon systématique les modalités de l'exécution budgétaire suivi de l'examen des articles constituant le projet de loi de règlement ; un tome II regroupant 18 contributions des rapporteurs spéciaux sur l'exécution des crédits qu'ils sont chargés de suivre, ainsi que les comptes rendus des dix auditions de ministres en commission élargie, tels qu'ils sont parus au bulletin des commissions.

Enfin, elle a tenu à procéder à l'audition le 30 mai 2006, de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, ainsi que de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre sur les rapports de la Cour des comptes concernant l'exécution 2005 et les comptes associés.

Pour résumer de façon emblématique ce changement d'attitude, votre commission des finances vous proposera de modifier , dans le respect de la lettre de la loi organique, l'intitulé du présent projet de loi qui deviendrait : « Projet de loi portant règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2005 ».

Certes, s'agissant d'une année charnière, l'exercice entrepris cette année par votre commission des finances ne peut pas être complètement « d'équerre ». En toute rigueur, nous continuons d'avoir d'un côté des dépenses réparties en près de 800 chapitres et de l'autre, des rapporteurs dont les compétences se définissent au regard des 34 missions et 133 programmes pour le seul budget général.

Une année de transition en matière de gestion budgétaire et comptable

L'exécution 2005 marque bien une année de transition technique.

D'abord, sur un plan général, parce qu'on ne dispose pas, pour cette année, des outils permettant d'apprécier effectivement la performance de gestion des différents ministères, à savoir de rapports annuels de performances (RAP) faisant écho aux projets annuels de performances (PAP). Nous sommes en période de rodage et il est difficile de juger des performances d'une machine administrative qui se met en ordre de marche.

Ensuite, il manque encore les nouveaux instruments de mesure, alors que l'on a « déréglé » les « anciens compteurs ». En particulier, les expériences de globalisation des crédits ne permettent plus de calculer avec une précision suffisante la progression des dépenses de fonctionnement et notamment de personnel. A ces considérations, on peut ajouter que des progrès restent à faire dans la connaissance des effectifs , l'application informatique censée permettre de les mesurer n'étant pas encore pleinement opérationnelle pour des raisons d'homogénéité de concepts et de modalités de prise en compte des emplois.

Néanmoins, les contributions faites par chaque rapporteur spécial, tout comme les considérations générales du tome I du présent rapport, pointeront utilement des difficultés qui risquent d'apparaître dans l'exécution 2006.

Une année de transition en matière de politique budgétaire

Année de transition en matière de gestion budgétaire et comptable, 2005 l'est aussi en matière de politique budgétaire.

En 2004, l'ampleur du rétablissement tenait, pour une large part, au caractère inattendu du retournement de conjoncture et au fait que, sous l'effet de la prudence des estimations initiales - et il faut saluer la sagesse de ceux qui en sont à l'origine - l'amélioration des comptes avait été particulièrement importante.

L'année 2005 se présente sous des abords plus classiques, avec moins d'écarts entre prévisions initiales, ajustements en cours de gestion en loi de finances rectificative et résultat final. En dépit du poids des mesures non reconductibles et du fait que l'on n'est pas parvenu à atteindre le solde stabilisant la dette publique , votre rapporteur général estime que l'on peut néanmoins parler d' année de consolidation budgétaire , performance appréciable eu égard au caractère incertain de la conjoncture économique. Le gouvernement a réussi à atteindre ses objectifs dans des conditions globalement satisfaisantes, même si certaines - mais pas toutes - des méthodes employées suscitent des interrogations.

La nécessité de faire le tri entre bonnes et moins bonnes pratiques

L'exposé général du présent rapport s'efforcera de « faire le tri » entre les pratiques sinon légitimes du moins acceptables et celles qui le sont moins et qui devront être rectifiées dans l'avenir.

Dans son rapport préliminaire rendant compte des premiers résultats de l'exécution budgétaire 2005 2 ( * ) , votre commission des finances avait souligné l'importance des mesures spécifiques pour démontrer que les tendances sous-jacentes des différentes variables budgétaires, au niveau des dépenses comme des recettes, ne suffisaient pas à remettre la France dans le « droit chemin budgétaire ». De ce point de vue, et faisant le lien avec le débat d'orientation sur les finances publiques qui va se tenir au Sénat dans la foulée de la discussion du présent projet de loi, on ne peut que répéter que l'heure n'est pas aux largesses budgétaires.

Il convient d'ailleurs de souligner que, si votre commission des finances a repris à son compte une bonne part des observations de la Cour des comptes, elle s'est montré plus « compréhensive » pour certaines pratiques qui lui sont apparues comme relevant de la marge d'initiative normale du pouvoir exécutif.

Il n'en reste pas moins que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, on retrouve, cette année encore, les mêmes pratiques discutables en matière de sous-budgétisation des dotations initiales , de retards de paiement générateurs de charges d'intérêts pour le budget ou d'arriérés de paiement de l'Etat au détriment de la sécurité sociale qui sont difficilement justifiables.

Il convient de relever que le décalage entre le cadre des missions dans lequel s'apprécie la performance et la réalité budgétaire et comptable soumise à l'approbation du Parlement, ne disparaîtra pas totalement l'année prochaine parce que les emplois restent comptabilisés au niveau des ministères et non des missions ; ensuite, parce que la responsabilité spécifique des directeurs de programme devra encore être précisée ; enfin, parce que le décalage entre la structure de la nomenclature budgétaire et l'organisation administrative peut aboutir à limiter les capacités de manoeuvre et l'autorité des responsables des programmes, au détriment de l'efficacité globale des mécanismes de responsabilisation mis en place par la LOLF.

La LOLF un outil encore perfectible

En dernier lieu, on ne saurait trop insister sur le fait qu'il ne faudrait pas que la LOLF complique la tâche des agents et crée une segmentation de l'action administrative contraire au souci d'efficacité. Outre la création d'une « bureaucratie lolfienne », le risque n'est pas mince de voir s'imposer une organisation « en tuyaux d'orgue » qui aboutirait à une recentralisation des politiques et à une moindre efficacité de la nécessaire mise en cohérence territoriale de l'action de l'Etat. A cet égard, les contributions des rapporteurs spéciaux comme les observations que votre commission des finances a pu faire lors de son séminaire de travail à Guéret dans la Creuse les 3 et 4 avril dernier, témoignent des risques que fait courir une application par trop mécanique de la LOLF.

Votre commission des finances mesure, à l'occasion de l'examen de ce texte, à la fois les progrès accomplis par les administrations pour la mise en oeuvre de la LOLF et le chemin qui reste encore à parcourir pour que les principes qu'elle pose, soient pleinement appliqués. Elle a pris bonne note, à cet égard, des observations contenues dans les deux rapports de la Cour des comptes, relatifs aux comptes et à la gestion de l'exercice 2005, comme dans la présentation de son Premier président M. Philippe Séguin, le 30 mai 2006, notamment au regard de l'application du principe de sincérité budgétaire et de l'établissement du bilan d'ouverture qui conditionne la certification des comptes de l'Etat.

Nul doute que la volonté politique qui a porté le beau projet non partisan qu'est la LOLF, trouvera encore à s'exercer pour que soit menée à son terme une réhabilitation de la loi de règlement, qui en ce qu'elle place la performance au coeur d l'action de l'Etat, contribue ainsi à cette maîtrise de la dépense publique dont dépend le redressement du pays.

I. DU BUDGET INITIAL À LA LOI DE RÈGLEMENT : UN PILOTAGE DU SOLDE PLUTÔT HABILE COMPTE TENU DE LA CONJONCTURE

A. UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DÉCEVANTE

Après l'embellie de 2004, la croissance de l'année 2005 s'est révélée décevante du fait de l'évolution défavorable des exportations.

1. Une croissance du PIB de 1,2 %, contre 2,5 % en prévision

La croissance du PIB a été de 1,2 % en 2005, alors que la prévision associée au projet de loi de finances pour 2005 était de 2,5 %, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance du PIB depuis 1990

(en %)

Sources : Insee, projet de loi de finances pour 2005

Cette prévision de croissance était légèrement supérieure à celle du consensus des conjoncturistes, de 2,3 %, comme le soulignait alors votre commission des finances.

Cependant, comme les années précédentes, l'écart entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des conjoncturistes a été bien plus faible que celui entre le consensus des conjoncturistes et la croissance observée, comme l'indique le graphique ci-après.

Les prévisions de la croissance du PIB de 1999 à 2006

(en %)

Sources : Insee, projets de lois de finances

Ainsi, depuis 1999, si on excepte l'année 2004, il y a eu chaque année un écart d'environ 1 point, à la hausse ou à la baisse, entre la prévision du consensus et la croissance observée.

L'année 2005 ne fait pas exception à la règle. Ce phénomène vient du fait que les conjoncturistes ont tendance à sous-estimer l'écart de la croissance par rapport à son potentiel.

* 1 A l'automne 2005, l'examen du projet de loi de règlement pour 2004 avait déjà permis d'accorder une place accrue au suivi de l'exécution budgétaire :

- la date de la discussion en séance publique avait été avancée très en amont de l'examen du projet de loi de finances ;

- il avait été organisé pendant une journée, sous la « houlette » des rapporteurs spéciaux et avec la participation active des rapporteurs pour avis, trois débats sectoriels en séance publique, en présence des ministres concernés, afin d'approfondir l'examen des crédits.

* 2 Rapport d'information n° 313 (2005-2006) de M. Philippe Marini.

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