3. L'assouplissement du régime des substitutions
Le projet de loi assouplit considérablement le régime des libéralités résiduelles et graduelles.
a) L'octroi d'une base légale aux libéralités résiduelles
La libéralité résiduelle* est la disposition par laquelle le disposant consent à un premier gratifié un don ou un legs tout en prévoyant qu'un second gratifié recueillera ce qui subsistera de ce don ou legs au décès du premier gratifié.
Le projet de loi consacre la validité des legs résiduels , qui était déjà admise par la jurisprudence, et prévoit celle des donations résiduelles , qui était soutenue par une partie de la doctrine mais restait incertaine jusqu'à présent ( articles 1057 à 1061 du code civil - article 17 du projet de loi ).
b) La suppression de la prohibition des libéralités graduelles
La substitution fidéicommissaire* , également appelée libéralité graduelle* , est la clause par laquelle le disposant charge la personne gratifiée de conserver toute sa vie durant les biens ou droits qu'il lui a donnés ou légués en vue de les transmettre, à son décès, à une autre personne désignée par lui.
Elle fait aujourd'hui l'objet d'une prohibition de principe , à la fois en raison de son histoire et de ses effets économiques :
- sous l'Ancien Régime, elle fut en effet utilisée comme un instrument de conservation du patrimoine familial et de mise en oeuvre du droit d'aînesse sur certains biens ;
- en plaçant les biens hors du commerce, elle crée des situations de mainmorte -inaliénables, les biens sont exposés au risque d'une exploitation abusive ou négligente ; insaisissables, ils ne peuvent être un instrument de crédit.
La substitution fidéicommissaire est toutefois exceptionnellement admise dans deux hypothèses justifiées par un intérêt familial :
- les père et mère peuvent imposer à l'enfant qu'ils gratifient, dont ils redoutent la prodigalité ou l'impéritie, la charge de conserver et de remettre les biens reçus à ses propres enfants ;
- une personne sans postérité peut grever une libéralité consentie à ses frères ou soeurs d'une charge leur imposant de transmettre les biens reçus à leurs enfants et s'assurer ainsi du maintien des biens dans la famille.
L'Assemblée nationale a décidé de permettre l'octroi d'une telle libéralité non plus seulement au bénéfice de ses petits enfants ou de ses neveux et nièces mais de toute personne , physique ou morale, de son choix, tout en conservant l' obligation d'une conservation en nature des biens donnés ou légués ( articles 1048 à 1056 du code civil - article 17 du projet de loi ).
En conséquence, elle a supprimé le principe de la prohibition des substitutions fidéicommissaires ( article 896 du code civil - article 10 du projet de loi ).
Pour illustrer les perspectives offertes par ces assouplissements, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait valoir que les parents pourraient recourir :
- à la libéralité graduelle pour accorder à leur enfant handicapé un appartement qui serait rendu à ses frères et soeurs à son décès ;
- et à la libéralité résiduelle pour confier à ce même enfant un portefeuille de valeurs mobilières. Les revenus dégagés par sa gestion lui permettraient de mener une existence normale. Si des frais importants s'avéraient nécessaires, son tuteur pourrait vendre les valeurs mobilières. A son décès, ses frères et soeurs, ou leurs descendants, récupéreraient le portefeuille.
Ces deux solutions combinées permettraient ainsi à un majeur sous tutelle de disposer à la fois d'un logement et de revenus tout en réglant le problème du retour du patrimoine à la famille.