H. AUDITION DE MME GABRIELLE SIMON, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE ADJOINTE, ET M. OLIVIER GOURLÉ, SECRÉTAIRE CONFÉDÉRAL, DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DES TRAVAILLEURS CHRÉTIENS (CFTC)
Au sujet du contrat première embauche (CPE), Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, s'est inquiétée qu'un employeur puisse se séparer d'un salarié sans avoir à motiver sa décision, ce qui créerait un déséquilibre du contrat de travail à son profit. Cependant, elle a admis que les entreprises ont besoin de plus de souplesse, ce qui n'exclut pas une sécurisation des parcours professionnels, corollaire indispensable d'une plus grande flexibilité du droit du travail. On pourrait, en outre, en attendre un nombre plus limité de recours en justice et une meilleure acceptation des réformes par les salariés. Elle a proposé que les salariés en CNE et en CPE puissent, en cas de rupture du contrat, bénéficier d'une convention personnalisée de reclassement en conservant 80 % de leur rémunération, ainsi que d'un accompagnement personnalisé par les services de l'emploi.
Concernant l'apprentissage, elle a regretté le manque de concertation en amont de la rédaction du texte, alors que le dialogue social aurait permis d'aboutir, dans un esprit constructif, à une réforme mieux acceptée. Alors que l'apprentissage semble être mieux perçu dans la société, elle s'est inquiétée du fait que le projet de loi ne détériore son image. Puis elle a rappelé la nécessité de former les tuteurs, afin qu'ils soient dotés d'un véritable statut dans l'entreprise.
Afin de répondre, de façon adaptée, à tous les profils individuels, elle a proposé d'offrir la possibilité aux jeunes apprentis de renouveler la période initiale d'orientation d'un an, qui paraît insuffisante en cas de grandes difficultés scolaires. Elle s'est également déclarée favorable au maintien de l'apprentissage dans le système scolaire, pour permettre une réintégration de l'élève dans le cursus classique à tout moment. Enfin, il apparaît essentiel que les jeunes apprentis soient encadrés par une équipe pédagogique composée à la fois d'enseignants et de professionnels, en liaison constante avec la famille.
M. Olivier Gourlé, secrétaire confédéral de la CFTC , a indiqué qu'il existe déjà un statut et une formation pour les tuteurs en entreprise, mais qu'ils pourront être améliorés. Il a fait valoir l'intérêt d'un stage professionnel, qui peut être l'occasion pour les jeunes de redécouvrir les savoirs fondamentaux dans un cadre concret et leur redonner ainsi le goût d'apprendre. Il a souligné l'importance du rôle de la famille, surtout en cas d'échec, et le fait qu'elle doit rester en relation constante avec l'équipe pédagogique.
Abordant la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, Mme Gabrielle Simon a regretté qu'on change un système qui commence à porter ses fruits. En effet, l'actuel fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre la discrimination (Fasild) a pour avantage d'être bien inséré dans le tissu associatif, grâce à ses déclinaisons locales, les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Crild). Elle a déploré une nouvelle fois l'absence de concertation, alors que les représentants syndicaux auraient pu contribuer positivement à la réflexion, grâce à leur bonne connaissance de l'entreprise et du monde associatif.
M. Alain Gournac, rapporteur , a demandé quelles seraient les adaptations nécessaires pour améliorer le CPE.
Mme Gabrielle Simon a confirmé la nécessité d'un avis motivé de l'employeur en cas de rupture du contrat ainsi que de la sécurisation des parcours, sauf en cas de faute grave, qui doit se traduire par un accompagnement personnalisé avec des propositions alternatives, telles que le contrat de professionnalisation, une formation adaptée ou une validation des acquis de l'expérience (VAE) en lien avec le bassin d'emploi.
M. Guy Fischer a exprimé sa crainte que la remise en cause des structures, notamment le Fasild, ne conduise les politiques de la ville à l'échec. Il s'est montré peu convaincu par le rôle de substitution que pourraient jouer les préfets nouvellement nommés, délégués pour l'égalité des chances.
M. Jean-Pierre Godefroy s'est inquiété de l'absence d'avis motivé en cas de rupture du CPE, estimant au contraire que les jeunes recherchent des explications en cas d'échec. Cette situation entraînera une judiciarisation croissante des rapports entre employeurs et salariés. Il a ensuite rappelé sa ferme opposition au travail des apprentis mineurs la nuit, le dimanche et les jours fériés. Les dérogations accordées à plusieurs professions risquent de créer des discriminations entre les différents métiers de l'apprentissage et de démotiver les jeunes apprentis qui auront des difficultés à concilier formation scolaire et vie professionnelle. Il a également émis des réserves sur le versement d'une gratification hebdomadaire de 50 euros qui pourrait se traduire par une déscolarisation précoce pour motif économique. Il s'est montré hostile à une rémunération de la formation, lui préférant le maintien d'une scolarité jusqu'à seize ans. A l'inverse, certains pays comme l'Allemagne et le Japon ont prolongé l'enseignement général jusqu'à dix-huit ans.
Mme Gabrielle Simon a estimé qu'il doit être possible de trouver un équilibre pour que le jeune apprenti soit confronté aux réalités de son métier, sans que cela soit préjudiciable à sa motivation pour l'acquisition des savoirs fondamentaux. Elle a en outre confirmé l'existence de discriminations ethniques lors du recrutement des stagiaires apprentis dans certains secteurs, attestées par des études ou enquêtes statistiques sérieuses. Enfin, elle a rappelé les avantages d'une diversification des cursus scolaires ouverts aux jeunes, l'apprentissage ayant la particularité d'allier le développement des aptitudes intellectuelles et l'acquisition de compétences pratiques.
M. Alain Gournac, rapporteur , a précisé en effet que certains parcours d'apprentissage peuvent être très valorisants pour certains jeunes qui parviennent, dans ce cadre, à sortir d'une situation d'échec scolaire, et parfois de la délinquance.
Au sujet de l'indemnisation des stagiaires apprentis, M. Olivier Gourlé a estimé qu'il faut apprécier la situation au cas par cas sans minorer les besoins économiques de certains élèves dont les parents ont des ressources modiques. De plus, la reconnaissance financière peut apporter une contrepartie d'autant plus appréciable que les conditions de travail du stagiaire sont difficiles.