TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 20 décembre 2005 sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président puis de M. Paul Blanc, secrétaire , la commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , sur le projet de loi n° 118 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux .

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord expliqué que le nombre élevé d'allocataires des minima sociaux (3,3 millions, dont 1,2 million au revenu minimum d'insertion [RMI]) prouve que les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent plus et qu'une politique d'activation des minima sociaux doit désormais être engagée.

Elle a indiqué qu'en juin 2005, 11,5 % seulement des allocataires du RMI bénéficiaient d'un intéressement à la reprise d'emploi et que ce chiffre était en baisse continue. Cet échec est dû à la complexité des dispositifs d'intéressement et au fait que le retour à l'emploi s'accompagne souvent d'une réduction des revenus du foyer.

En apportant une première réponse à ces deux problèmes, le projet de loi constitue une étape dans la réforme des minima sociaux, qui devra être complétée par un volet sur les droits connexes, conformément aux propositions du groupe de travail présidé par Mme Valérie Létard, et sur l'accompagnement, à la lumière des conclusions de la mission confiée par le Premier ministre, à MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier.

Mme Catherine Vautrin, ministre, a ensuite présenté les fondements de la réforme de l'intéressement proposée par le projet de loi : celle-ci vise d'abord à ce que chaque heure travaillée apporte un gain par rapport aux dispositifs d'assistance ; elle améliore ensuite la lisibilité de l'intéressement en prévoyant un système identique pour le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation de solidarité spécifique (ASS), fondé sur des primes forfaitaires ; elle assure une plus grande sécurité des bénéficiaires grâce à un rétablissement immédiat de l'allocation en cas d'échec de l'insertion professionnelle.

Le nouveau dispositif sera ciblé sur les emplois permettant d'assurer l'autonomie financière des familles et la sortie de la précarité, c'est-à-dire ceux dont la durée est supérieure à un mi-temps. Il prévoit un cumul intégral entre revenus d'activité et allocation pendant trois mois, puis une prime forfaitaire de 150 euros, majorée de 75 euros pour les familles, versée pendant neuf mois. Les personnes concernées bénéficieront également d'une prime de 1.000 euros au quatrième mois suivant l'embauche, afin de faire face aux dépenses qu'entraîne la reprise d'emploi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a observé que l'effet incitatif des nouvelles primes serait complété par les mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2006, à savoir l'amélioration de la prime pour l'emploi et la création d'un crédit d'impôt de 1.500 euros au bénéfice des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui sont amenés à déménager à plus de 200 kilomètres pour reprendre un travail. En outre, les personnes accédant à un emploi d'une durée inférieure au mi-temps continueront de bénéficier du mécanisme actuel d'intéressement.

Le coût de cette réforme sera nul pour les départements, la charge étant intégralement supportée par l'Etat, pour un montant évalué à 240 millions d'euros.

Mme Catherine Vautrin, ministre , a ensuite indiqué que les personnes qui reprennent un emploi bénéficieraient d'une aide pour faire garder leurs enfants, sous la forme d'un accès privilégié aux crèches. Ce dispositif a été remanié à l'Assemblée nationale, la stricte priorité d'accès ayant été remplacée par un mécanisme de réservation de places au profit des enfants des allocataires en reprise d'activité. Elle a ajouté que les députés ont également réformé le régime des sanctions pour fraude, dans le sens d'une harmonisation des dispositions applicables aux trois allocations et d'une atténuation des peines encourues. Enfin, une possibilité d'amendes administratives, moins sévères que les poursuites pénales, en cas d'absence de déclaration ou de déclaration délibérément inexacte ou incomplète, a été créée.

Pour conclure, Mme Catherine Vautrin, ministre , a énuméré les autres dispositions, de moindre importance, du texte : l'adaptation des conditions d'attribution du RMI aux ressortissants de l'espace économique européen et de l'Union européenne qui résident en France depuis plus de trois mois, conformément aux directives européennes, et l'assouplissement du régime des contrats d'avenir et des contrats d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA).

M. Alain Gournac, président , a indiqué que l'Assemblée nationale avait porté le nombre d'articles du projet de loi de 11 à 23.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est interrogé sur la pertinence du délai de quatre mois prévu avant le versement de la prime de retour à l'emploi. Il a également voulu savoir ce qui justifie la différence de champ de bénéficiaires entre le régime de prime proposé par le projet de loi et celui précédemment créé par le décret du 29 août 2005.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite souhaité connaître le niveau de salaire maximal ouvrant droit au bénéfice des primes mensuelles d'intéressement. Il a reconnu que l'équité à l'égard des salariés ayant le même niveau de revenu d'activité impose de donner à l'intéressement un caractère temporaire, mais il s'est inquiété de la diminution brutale des ressources qui résultera du terme de cet intéressement. Il a donc plaidé pour une sortie progressive du dispositif.

Il a également voulu savoir comment le Gouvernement compte traiter la question de la nécessaire neutralisation des différentes primes pour le bénéfice des droits connexes.

Pour ce qui concerne l'accès des bénéficiaires de minima sociaux aux modes de garde, M. Bernard Seillier, rapporteur , a évoqué la nécessité de prévoir un accueil temporaire des enfants lorsque les allocataires doivent se rendre à un entretien d'embauche. Il a voulu savoir si le Gouvernement envisage d'étendre le dispositif d'accueil prioritaire aux assistantes maternelles.

Il a enfin souhaité obtenir un bilan de la mise en oeuvre des contrats d'avenir et des CI-RMA, à la lumière notamment des modifications apportées par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord expliqué que le délai de quatre mois prévu pour le versement de la prime de 1.000 euros a pour but de limiter les risques d'effet d'aubaine du dispositif. Elle a également précisé que le champ couvert par la prime de retour à l'emploi est plus large, sur un grand nombre de points, que celui prévu par le décret, puisque l'ensemble des allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS pourront désormais en bénéficier sans condition de durée d'inscription comme demandeur d'emploi et que ceux-ci en bénéficieront et ce, que l'emploi retrouvé relève du secteur marchand ou non. Elle a exclu tout plafonnement du salaire ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement et confirmé que les différentes primes seraient neutralisées pour le calcul des droits connexes. Elle s'est également engagée à réserver l'analyse des autres aspects relatifs à ces droits connexes jusqu'à l'examen des conclusions du groupe de travail mis en place par la commission sur ces questions. Elle s'est par ailleurs déclarée intéressée par les propositions des commissaires pour améliorer et compléter le dispositif d'accès aux modes de garde des enfants des bénéficiaires de minima sociaux.

En ce qui concerne les contrats aidés, Mme Catherine Vautrin, ministre, a indiqué que 149.025 personnes bénéficient à l'heure actuelle des nouveaux contrats prévus par le plan de cohésion sociale : 134.000 au titre du contrat d'accès à l'emploi, dont 24.000 sont d'anciens titulaires de minima sociaux ; 13.500 au titre des contrats d'avenir, soit 400 nouvelles entrées chaque jour depuis le vote de la loi sur les services à la personne ; 1.525 au titre du CI RMA. Elle a souligné le rôle moteur joué par les chantiers d'insertion pour le succès de ces contrats aidés et a ajouté que les divers assouplissements prévus par le projet de loi devraient encore accentuer cette dynamique.

M. Guy Fischer a considéré que la précipitation du Gouvernement à faire adopter ce projet de loi et l'annonce déjà faite d'un second texte pour mettre en oeuvre la proposition d'allocation unique d'insertion, issue du rapport des sénateurs Michel Mercier et Henri de Raincourt, attestent de la volonté de la majorité de remettre au travail, à n'importe quel prix, les bénéficiaires de minima sociaux. Il a craint que ce second texte n'amorce un mouvement généralisé de fusion de l'ensemble des minima sociaux défavorable aux allocataires. Il a observé que les conseils généraux se plaignent du coût des nouveaux contrats aidés pour les finances départementales. Il a enfin souligné que le caractère temporaire de l'intéressement constitue un obstacle à une insertion professionnelle durable.

M. Bernard Cazeau s'est étonné que la réforme proposée puisse réellement avoir un coût nul pour les départements, dans la mesure où les primes mensuelles d'intéressement sont à la charge des conseils généraux.

Mme Sylvie Desmarescaux a voulu savoir si la prime de retour à l'emploi serait réservée aux contrats à durée indéterminée ou si elle serait également ouverte aux contrats à durée déterminée et, le cas échéant, quelle serait alors la durée minimale du contrat ouvrant droit à la prime. Elle a attiré l'attention du Gouvernement sur le cas des frontaliers qui bénéficient du RMI en France, tout en travaillant dans un pays voisin. Elle a également déploré la lourdeur administrative entourant la mise en oeuvre des CI-RMA et des contrats d'avenir. Elle s'est enfin déclarée favorable à la création d'outils innovants en milieu rural pour l'accès des bénéficiaires de minima sociaux aux différents modes de garde des enfants.

Mme Gisèle Printz a regretté qu'une personne licenciée avant quatre mois d'activité, quel qu'en soit le motif, ne puisse pas bénéficier de la prime de 1.000 euros. Elle a fait valoir qu'un système de places réservées en crèches pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux serait difficile à gérer dans un contexte de pénurie de places et de pression sur les gestionnaires pour qu'ils améliorent le taux d'occupation des structures. Elle s'est enfin interrogée sur la condition de résidence de plus de trois ans imposée aux ressortissants de l'Union européenne pour l'accès au RMI.

Mme Isabelle Debré a souhaité connaître la durée minimale d'emploi ouvrant droit au bénéfice de la prime de 1.000 euros et le délai de carence courant entre deux primes pour le même bénéficiaire. Elle a confirmé la difficulté qu'il y aurait à mettre en oeuvre un système de places réservées en crèches pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux et elle a plaidé pour un élargissement du dispositif aux assistantes maternelles.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord indiqué que les caisses d'allocations familiales sont sensibilisées au problème de l'accès aux crèches des enfants d'allocataires de minima sociaux, en particulier de l'API, et qu'elles intègrent de plus en plus souvent, dans les conventions de financement des structures, des stipulations à ce sujet.

Pour la prime de retour à l'emploi, elle a précisé que le délai de carence entre deux primes serait fixé à dix-huit mois et que la durée minimale des contrats pour en bénéficier serait de quatre mois. Elle a rappelé que les personnes qui reprendraient un emploi avant l'épuisement de ce délai de carence bénéficieraient quand même du volet intéressement du projet de loi.

Elle a expliqué que les adaptations des conditions d'accès des ressortissants de l'Union européenne au RMI découlent des évolutions récentes du droit communautaire à ce sujet et qu'elles visent à limiter les effets d'aubaine. Elle a reconnu que le Gouvernement n'avait pas étudié la question des Français allocataires du RMI qui travaillent à l'étranger.

Elle a ensuite écarté toute crainte d'une fusion des différents minima sociaux, soulignant que la volonté du Gouvernement est seulement de faire bénéficier l'ensemble des allocataires de l'accompagnement individualisé, jusqu'ici réservé aux titulaires du RMI. Elle a insisté sur le fait que le Gouvernement entend également laisser aux parlementaires le temps de parfaire leurs propositions dans le domaine des droits connexes.

Mme Catherine Vautrin, ministre, a confirmé que le coût de la réforme serait nul pour les départements, les primes mensuelles mises à leur charge se substituant simplement aux allocations différentielles qu'ils financent jusqu'ici.

M. Paul Blanc, président , a fait valoir qu'il est plus opportun d'investir dans l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux plutôt que de leur verser des allocations sans contrepartie, sachant que, le plus souvent, ils souhaitent pouvoir être en activité.

Mme Gisèle Printz a adhéré à cette analyse, sous réserve que le retour à l'emploi soit réellement plus rémunérateur.

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