II. LE RESPECT DE LA NORME DE DÉPENSES VOTÉE PAR LE PARLEMENT EN LOI DE FINANCES INITIALE
Les dépenses nettes du budget général proposées par le présent projet de loi de finances rectificative pour 2005 s'établissent à 285.343 millions d'euros. En loi de finances initiale pour 2005, le plafond des dépenses nettes tel qu'il a été approuvé par le Parlement s'élevait à 288.464 millions d'euros.
A ce moment de l'exécution budgétaire, le niveau des dépenses nettes du budget général est donc très significativement inférieur, de 3 milliards d'euros, au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2005 . Cette situation tranche avantageusement avec le projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui présentait un surplomb de dépenses par rapport aux crédits initialement votés par le Parlement de 1,8 milliard d'euros, engendrant un ressaut de reports sur l'exercice 2005.
Devant l'Assemblée nationale, M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a indiqué, le 7 décembre 2005, dans sa présentation du présent projet de loi de finances rectificative, que le gouvernement avait « veillé à restaurer la loi de finances rectificative de fin d'année dans la fonction qui est vraiment la sienne : conclure la gestion budgétaire de l'année en cours, et non pallier les insuffisances réelles ou prétendues des crédits de la loi de finances de l'année suivante ».
Il convient, en effet, de donner acte au gouvernement de présenter un montant d'annulations de crédits pour les dépenses ordinaires civiles brutes (1,5 milliard d'euros après passage à l'Assemblée nationale) supérieur aux ouvertures pour les mêmes dépenses (1,2 milliard d'euros après passage à l'Assemblée nationale) dans le présent projet de loi de finances rectificative pour 2005. En net, sur l'ensemble des crédits, les annulations compensent les ouvertures. L'exercice 2005 devrait donc, malgré les importants reports de l'année 2004 sur 2005, être le troisième exercice consécutif à respecter le plafond de dépenses voté par le Parlement . Votre rapporteur général s'interroge même sur le point de savoir si l'exercice 2005 ne pourrait pas être le premier à respecter non plus seulement la norme « zéro volume » mais également la norme « zéro valeur ».
En cours d'exercice, le gouvernement a ainsi annulé plus de 3 milliards d'euros de crédits par la voie réglementaire, le 3 novembre 2005 4 ( * ) . Les ouvertures de crédits en cours d'année, à hauteur de 1,9 milliard d'euros, par le biais de cinq décrets d'avance, dont le dernier est intervenu le 1 er décembre 2005, ont été gagées par des décrets d'annulation d'un même montant.
Il convient néanmoins de relever quelques points qui témoignent de la grande fragilité de nos finances publiques.
Premièrement, si le montant des ouvertures de crédits demandées dans le présent projet de loi de finances rectificative apparaît relativement limité, et correspond pour la plus grande part à des dépenses liées à des évènements ou décisions intervenues en cours d'année 2005, les annulations proposées dans le présent collectif correspondent pour l'essentiel à l' effet d'aubaine de la diminution de la charge de la dette par rapport à la prévision initiale, en raison de la poursuite de la baisse des taux au fil des mois : 727 millions d'euros au titre de la charge de la dette sont ainsi annulés à l'article 10, soit plus de la moitié des crédits nets annulés.
Deuxièmement, des inquiétudes persistent en matière de reports de 2005 vers 2006 , comme le soulignent les « dérogations » que demande le gouvernement à l'article 57 ter du projet de loi de finances pour 2006 en ce qui concerne l'application de la règle des 3 % de crédits reportables par rapport à la dotation initiale. Plus de 16,9 milliards d'euros sont concernés par cette dérogation, même si seulement 5 milliards d'euros devraient se trouver au final reportés.
Troisièmement, un grand nombre d'ouvertures de crédits sont dues à une sous-estimation des dotations en loi de finances initiale .
Les postes de sous-estimation, contraires au principe de sincérité posé par l'article 32 de la LOLF, demeurent nombreux. Ils sont désormais bien connus.
A l'Assemblée nationale, le gouvernement a ainsi présenté un amendement visant à ouvrir 283 millions d'euros au titre de la prime de Noël 2005 pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, qui est devenu une dépense à ce point certaine qu'elle aurait vocation à être inscrite en loi de finances initiale.
Les autres postes de sous-budgétisation ont, eux, été dotés par des décrets d'avance, hors autorisation parlementaire, même si ceux-ci lui sont transmis auparavant pour information, et que leur ratification est demandée dans le présent projet de loi de finances rectificative.
Le décret d'avance du 26 septembre 2005 5 ( * ) a ainsi abondé les crédits dédiés aux opérations extérieures (OPEX) du ministère de la défense à hauteur de 421 millions d'euros, la dotation initiale de 100 millions d'euros ayant été sous-évaluée en 2005, comme l'avait noté votre commission des finances.
Le décret d'avance du 1 er décembre 2005 6 ( * ) a par ailleurs abondé les crédits affectés aux contributions obligatoires du ministère de la défense à hauteur de 93 millions d'euros afin d'honorer les engagements pris par la France au Conseil de sécurité de l'ONU en ce qui concerne le financement des opérations du maintien de la paix (OMP). En loi de finances initiale, ces crédits n'avaient pas fait l'objet d'une prévision sincère en fonction des engagements déjà souscrits par la France.
De même, le décret d'avance du 1 er décembre 2005 a procédé à des ouvertures de crédits destinées à financer une insuffisance au titre des rémunérations des personnels de l'Etat à hauteur de 444 millions d'euros. Selon la Cour des Comptes, dans son rapport complémentaire à celui du 23 novembre 2005 relatif aux décrets d'avance pour l'année 2005, adressé au Parlement en application de l'article 58 de la LOLF, le budget initial pour 2005 se caractérisait par une insuffisance des crédits de rémunération d'au moins 750 millions d'euros.
Ce même rapport établit qu'un « certain nombre d'ouvertures de crédits effectuées par voie réglementaire [en 2005] ne répondaient pas à la condition d'urgence fixée par l'article 11 de l'ordonnance organique [du 2 janvier 1959] . Pour beaucoup, elles n'ont été rendues nécessaires que parce que le montant des crédits ouverts en loi de finances a été établi sans prendre en compte la réalité des besoins telle qu'elle pouvait être prévue au moment du vote du budget ».
Enfin, quatrièmement, 303 millions d'euros, soit un quart des crédits ouverts, font l'objet d'ouvertures, dans le présent projet de loi de finances rectificative, au titre des dépenses sociales (hors prime de Noël pour les bénéficiaires du RMI) : la progression continue de ces dépenses, si elle témoigne d'une situation économique de notre pays encore fragile, incite également à une réflexion sur les modalités d'octroi des minima sociaux et à la meilleure façon de répondre aux besoins des personnes les moins favorisées.
A. DES CRÉDITS 2005, EN EXÉCUTION, INFÉRIEURS À LA NORME DE DÉPENSES DE LA LOI DE FINANCES INITIALE
L'article d'équilibre du présent projet de loi de finances rectificative fait état des mouvements de crédits suivants sur l'exercice.
Cinq décrets d'avance et cinq décrets d'annulations qui leur étaient associés ont ouvert et annulé, dans les mêmes proportions, des crédits pour près de 1,9 milliard d'euros. Leur impact est nul sur la norme de dépense.
Le décret d'annulation du 3 novembre 2005 7 ( * ) pris au cours du présent exercice a réduit les dépenses nettes du budget général de 3 milliards d'euros , contre seulement 992 millions d'euros en 2004.
Le présent projet de loi de finances rectificative propose d'ouvrir des crédits au titre des dépenses ordinaires civiles, sur le budget général, à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Les annulations de crédits proposées au titre des dépenses ordinaires civiles brutes portent sur 1,5 milliard d'euros, dont il convient de déduire pour le calcul des dépenses nettes du budget général les remboursements et dégrèvements d'impôt (- 424 millions d'euros).
Une variation est constatée en ce qui concerne les recettes en atténuation des charges de la dette (+ 197 millions d'euros).
Les ouvertures et annulations sur les autres postes de dépenses (dépenses civiles en capital, dépenses ordinaires des services militaires) sont très limitées.
Au total, ces différents mouvements font apparaître une diminution de la dépense par rapport à la loi de finances initiale pour 2005 de 3.091 millions d'euros, après examen du présent projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale.
1. La régulation budgétaire en cours d'année
La régulation budgétaire est intervenue en deux temps distincts au cours de l'exercice 2005 : le premier temps a été celui, au 1 er trimestre, des gels de crédits, afin d'éviter tout dérapage de la dépense, puis, le second, plus tardif, a consisté à annuler des crédits en une fois, de manière importante (3 milliards d'euros) afin de tenir la norme de dépense.
Comme les années précédentes ont été constituées en début d'exercice 2005 des réserves de précaution 8 ( * ) . En février 2005, a été mise en place une réserve de 3,95 milliards d'euros de crédits de paiement et de 2,2 milliards d'euros d'autorisations de programme. Elle a été complétée en juillet 2005, à hauteur de 950 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter 2,5 milliards d'euros au titre des crédits de report. Au total, les réserves de précaution ont donc atteint, en 2005, 7,4 milliards d'euros pour faire face aux aléas de gestion et ralentir la progression de la dépense.
En un décret d'annulation 9 ( * ) , pris le 3 novembre 2005, le gouvernement a annulé des crédits à hauteur de 3.063 millions d'euros 10 ( * ) . Ce montant d'annulations, avant intervention du présent projet de loi de finances rectificative, est supérieur à celui de l'exercice 2004 (992 millions d'euros) et même à celui de l'exercice 2003 (2,4 milliards d'euros).
* 4 Décret n° 2005-1362 du 3 novembre 2005.
* 5 Décret n° 2005-1206 du 26 septembre 2005.
* 6 Décret n° 2005-1479 du 1 er décembre 2005.
* 7 Décret n° 2005-1362 du 3 novembre 2005.
* 8 La constitution des réserves de précaution concerne uniformément l'ensemble des crédits du budget général, après exclusion des dépenses obligatoires (rémunérations, pensions, charge de la dette, engagements contractuels) et des priorités gouvernementales (aide publique au développement, lutte contre le cancer, recherche, actions en faveur du handicap, renforcement de la sécurité routière).
* 9 Décret n° 2005-1362 du 3 novembre 2005.
* 10 Seuls 3.029 millions d'euros ont un impact sur le solde du budget général 2006 car 34,5 millions d'euros concernent des crédits reportés au budget 2005 et annulés par le décret précité.