AUDITION DE M. DOMINIQUE
PERBEN
MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'ÉQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA
MER
Au cours d'une réunion tenue le mercredi 16 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer , a indiqué que l'ensemble des crédits programmés pour les missions gérées par le ministère de l'équipement s'élevait à 17 milliards d'euros pour 2006, soit une progression de 5,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. Il a souligné l'importance de cet effort public et précisé que les moyens nouveaux mis en oeuvre dans le cadre de la mission « Transports » seraient consacrés à 4 objectifs ambitieux : la réalisation de grands projets d'infrastructure, l'amélioration de la sécurité dans les transports, la mise en cohérence du secteur avec l'impératif du développement durable et la poursuite des réformes du ministère.
S'agissant des infrastructures, M. Dominique Perben a souligné que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) était désormais l'outil principal de leur financement. Les moyens de l'agence comprendront, comme l'année précédente, les redevances domaniales, et seront complétés en 2006 par le produit de la taxe d'aménagement du territoire, une partie du produit des amendes des radars automatiques, soit un montant de 770 millions d'euros de recettes pérennes, et une subvention budgétaire de près de 400 millions d'euros. L'attribution d'une partie des recettes de privatisation des sociétés d'autoroute permettra ainsi à l'AFITF de disposer d'un budget de 2 milliards d'euros en 2006, contre 1,1 milliard d'euros en 2005. L'AFITF aura pour priorité l'amélioration du taux de réalisation des contrats de plan Etat-Régions (CPER) et l'accélération de la mise en oeuvre des grands projets définis par le Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) de décembre 2003.
M. Dominique Perben a souligné que, dans ce cadre, 30 millions d'euros seraient consacrés à la mise en place des partenariats publics-privés.
Sur le deuxième objectif relatif à la sécurité dans les transports, il a observé qu'il concernerait l'ensemble des modes de transport et, en particulier, le réaménagement des tunnels routiers de la région parisienne, la mise en place de 500 nouveaux radars sur les routes, l'augmentation du nombre des contrôles sur les compagnies aériennes et les avions, le renforcement du maillage des stations de Météo-France, et le lancement d'un plan de régénération du réseau ferroviaire. Il a enfin précisé qu'une de ses priorités serait, en 2006, la réorganisation des services déconcentrés de son ministère après celle de l'administration centrale intervenue en 2005.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a constaté que depuis 2003, le ministère de l'équipement avait réalisé des efforts significatifs d'adaptation de ses effectifs contribuant ainsi activement à la réforme de l'Etat. Il a noté qu'en raison des perspectives ouvertes par la privatisation des sociétés d'autoroutes, ce ministère retrouvait dans sa politique d'investissement des marges de manoeuvre qui pourraient être utilisées pour le réajustement de la part de l'Etat dans les CPER. Il a interrogé le ministre sur les perspectives nouvelles des grands investissements d'infrastructure, et en particulier, sur le projet de canal Seine-Nord-Europe qui devrait faire l'objet d'un contrat de partenariat public-privé.
M. Dominique Perben a répondu que le projet de canal Seine-Nord-Europe avait été retenu par le CIAT de décembre 2003, et que les études avaient été lancées en novembre 2004. Il a indiqué que le dossier d'avant-projet serait remis dans le courant du premier semestre 2006 et que la déclaration d'utilité publique pourrait intervenir en 2007. Il a confirmé la volonté forte du gouvernement d'avancer sur la mise en oeuvre de ce projet.
M. Alain Lambert, rapporteur spécial de la mission « Transports » , s'est félicité de la collaboration qui s'est instaurée avec le ministère de l'équipement, ainsi que de l'attachement de ses services aux objectifs de transparence et de performance. Il a interrogé le ministre sur le calendrier de la privatisation des autoroutes, sur l'évolution de la procédure de transfert partiel du capital de la Société nationale corse méditerranée (SNCM) et sur les objectifs qu'il retenait pour l'exécution du volet routier des CPER d'ici à la fin 2006. Il s'est également enquis de son avis quant à une éventuelle unification des systèmes de gestion de la dette de l'Etat, de Réseau ferré de France (RFF) et de la SNCF.
En réponse à ces interrogations, M. Dominique Perben a indiqué que les décisions d'attribution relatives à la privatisation des sociétés d'autoroutes seraient prises d'ici à la fin de l'année 2005. Il a précisé, que pour les CPER, son objectif était d'atteindre un taux d'exécution, fin 2006, de 76,5 % sur le volet routier, entre 63 % et 64 % sur les autres volets et de 64 % sur le transport collectif en Ile-de-France. Compte tenu d'une réelle « sur-programmation », il a considéré que cet objectif était ambitieux. S'agissant de la SNCM, après avoir rappelé qu'il avait effectué cinq déplacements sur place, il a observé que l'entreprise avait repris un fonctionnement normal, que le processus de transfert partiel de propriété était enclenché. Il a souligné la nécessité de « tenir les délais » pour éviter un risque de rebondissement social. Il a fait remarquer que le gouvernement, face à l'incompréhension des salariés, avait toujours agi avec la volonté de sauver l'entreprise en assainissant durablement sa situation.
S'agissant de la dette de RFF et de la SNCF, M. Dominique Perben s'est déclaré favorable à l'engagement d'une réflexion avec la commission des finances sur des évolutions futures. Il a indiqué, après les observations de MM. Jean Arthuis, président, et Alain Lambert, rapporteur spécial, sur le différentiel de dix points entre le coût de la gestion de la dette de l'Etat et celle de la SNCF, qu'un rapport sur la gestion du service annexe d'amortissement de la dette (SAAD) serait remis avant le 30 juin 2006.
En ce qui concerne les partenariats public-privé, il a souligné que le choix des opérations qui en bénéficieront avait été effectué de manière à privilégier des investissements lourds, attendus depuis longtemps, et que les financements classiques n'étaient pas en mesure d'assurer. Il a précisé que ces partenariats concerneraient 12 projets routiers, 6 projets ferroviaires et l'aéroport de Nantes. Il a indiqué enfin que le projet d'autoroute de la mer en Atlantique, qui sera financé dans le cadre d'un partenariat, recevait désormais un accueil favorable de l'Espagne.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la mission « Transports » a souligné l'excellence des rapports entretenus avec la DGAC et les services du ministère de l'équipement. Il s'est inquiété de l'effet de l'institution de la taxe de solidarité sur le secteur aérien compte tenu de la concurrence y régnant ainsi que des projets de développement d'Aéroports de Paris (ADP) et d'Air France.
M. Dominique Perben a répondu que le gouvernement était très attentif à l'évolution des taxes dans le domaine aérien et, en particulier, aux effets de la taxe de solidarité dont trois pays ont actuellement décidé la mise en place : la France, la Grande-Bretagne et le Chili. Il a fait observer qu'un des problèmes lié à la mondialisation du transport aérien était l'incapacité de certains pays à assurer la régulation des compagnies qui sont immatriculées sur leur sol. Il a également évoqué les décisions prises récemment, à son initiative, au niveau français et qui comprennent : l'augmentation de 20 % des contrôles « SAFA » (safety assessment of foreign aircraft - évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers), alors que la France effectue déjà le tiers des contrôles réalisés sur l'espace européen, l'obligation pour les agences de voyages de préciser à leurs clients l'identité des compagnies assurant les vols, et la publication sur Internet d'une liste noire des compagnies.
M. Dominique Perben a indiqué qu'il avait présenté un mémorandum au Conseil des transports de l'Union européenne en octobre 2005. Les propositions présentées consistent à retenir les mêmes critères pour tous les pays de l'Union européenne, à disposer d'une liste commune de sociétés interdites, à appliquer les règles de la transparence des listes noires d'ici à la fin 2005 dans l'ensemble de l'Union européenne, et à améliorer la coopération au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
M. Maurice Blin a souhaité savoir si la liste des projets de contournement de ville était limitative. Il s'est interrogé aussi sur l'actualité de la question du rééquilibrage des modes de transport et a demandé au ministre des précisions quant aux projets européens prioritaires en matière d'infrastructures et de grands travaux.
M. Eric Doligé s'est inquiété des incidences du transfert du patrimoine routier sur le budget des départements. Il a indiqué avoir reçu, dans son département, des modèles de délibération, tendant à l'inscription de dépenses d'entretien sur le réseau routier national transféré, sans aucune justification de la part des services de l'équipement. Il a regretté, par ailleurs, le retard pris dans la réalisation des CPER.
M. Roger Karoutchi a remercié le ministre pour la part qu'il avait prise dans la résolution de la crise liée au transfert du Syndicat des transports de l'Ile-de-France (STIF) à la région. Il a observé que les contrats de plan pour les transports collectifs en Ile-de-France donnaient lieu à des dérapages de coût et représentaient un montant global de travaux de 9 milliards d'euros qu'il a jugé irréaliste et irréalisable. Il a donc interrogé le ministre sur les perspectives de réforme du système actuel de contrat de plan. S'agissant de la SNCF, il a constaté qu'une cinquième grève était d'ores et déjà programmée et s'est inquiété de l'opportunité d'un texte établissant le service minimum ainsi que de l'extension d'un système de service garanti, au delà de la seule région Ile-de-France.
M. Roger Besse a constaté que le transfert des personnels des directions départementales de l'équipement avait eu pour conséquence, dans son département, une concentration des subdivisions dans les sous-préfectures.
M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur les effets concrets sur l'activité de l'AFITF de la réduction de crédits de 30 millions d'euros votée par l'Assemblée nationale. Il a également demandé quelle serait la date de publication du décret transférant une partie des routes nationales aux départements, et a estimé que trop d'ouvertures simultanées de chantiers ralentissaient leur réalisation.
En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Perben a indiqué que 94 projets au total avaient été actés et confirmés par les comités interministériels d'aménagement du territoire. Rappelant que le rapport entre le transport par route et les autres modes de transport s'établissait actuellement à 85 % contre 15 %, alors que les crédits de l'AFITF étaient répartis à égalité entre les modes de transport, il en a conclu qu'il existait une évidente volonté de rééquilibrage. Il a souligné qu'il avait demandé à RFF et à la SNCF d'amplifier leurs efforts en ce sens par la réalisation de l'autoroute ferroviaire Luxembourg-Perpignan. Il a estimé que les opérateurs de transports et les chargeurs devaient avoir à leur disposition un choix d'infrastructures fiables et performantes. S'appuyant sur l'exemple du chantier du tunnel du Saint-Gothard en Suisse, il a relevé la fragilité extrême des infrastructures de l'arc alpin qui reposent actuellement sur trois points de passage seulement : Vintimille, le tunnel du Fréjus et celui du Mont-Blanc.
Il a estimé, qu'au niveau européen, deux types de pays existaient : les uns de transit -souvent favorables à l'eurovignette-, et les autres périphériques. Dans ce cadre, la prise de conscience de l'opinion publique, désormais attentive à la qualité d'un système de transport respectueux du cadre de vie, prendrait sûrement bientôt en France l'ampleur qu'elle a prise dans d'autres pays européens.
Il a souligné, à cet égard, que le transport combiné bénéficiait d'une progression de 50 % de ses crédits en 2006 et qu'il s'était attaché à lancer l'étude de nouveaux modes de transport comme le « meroutage ».
M. Dominique Perben a indiqué que le décret transférant les routes nationales serait publié dans les tout prochains jours et que les arrêtés préfectoraux de transfert interviendraient avant la fin de l'année. Il a rappelé que les inscriptions budgétaires des dépenses dans les budgets départementaux auraient leur contrepartie dans la dotation générale de décentralisation au premier trimestre 2006. Il a précisé que le transfert des personnels n'aurait pas lieu en même temps que celui des routes et qu'il représentait un travail considérable pour les présidents des conseils généraux comme pour l'administration de l'équipement. Compte tenu des conséquences pour les personnels, qui sont dans l'incertitude, une attention toute particulière sera accordée par les directeurs départementaux de l'équipement à la question de la répartition des effectifs sur les sites afin de ne pas conduire à un éclatement excessif des équipes.
S'agissant de la nouvelle génération de CPER, M. Dominique Perben a souligné qu'elle devait intégrer le décroisement des financements et les effets du transfert des routes sur le rôle des régions dans le domaine des infrastructures routières. Il a également observé qu'un examen attentif des contrats actuels faisait apparaître à la fois une surprogrammation mais aussi une part notable de projets inscrits, bien qu'irréalisables sur la durée des contrats. De ce fait, un certain nombre d'opérations qui ont été engagées n'étaient pas prioritaires. Il en a conclu à la nécessité de s'interroger sur la pertinence de la méthode retenue par rapport aux dépenses, estimant qu'un élément de réponse pouvait résider dans l'exemple de l'étude qui avait été réalisée en 2003 afin de définir un schéma national de grandes infrastructures. S'agissant de la grève à la SNCF, M. Dominique Perben a fait observer que sa motivation affichée, qui était de s'opposer à la « privatisation rampante » de la SNCF, lui apparaissait sans fondement.
Notant que le système du service garanti avait très bien fonctionné à la RATP et de manière satisfaisante à la SNCF en Ile-de-France, il a indiqué qu'un accord similaire s'appliquerait en région Alsace à compter du 1er janvier 2006 et qu'il était favorable à ce que d'autres initiatives soient prises dans d'autres régions.
Il a souligné, encore une fois, que les moyens et les effectifs des subdivisions de l'équipement devraient être positionnés, après le transfert, de manière à conserver une masse critique suffisante indispensable à la qualité du service rendu.
En conclusion, il a indiqué que le conseil d'administration de l'AFITF examinerait les conséquences de la réduction de crédits votée par l'Assemblée nationale et sa répartition sur les projets d'infrastructure. Il a convenu que la réduction de la durée des chantiers permettrait, certainement, des économies.
M. Jean Arthuis, président , a remercié le ministre pour sa disponibilité et la qualité des réponses apportées à la commission.