B. LE TEXTE ISSU DE LA DEUXIÈME LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La nouvelle version de la proposition de loi adoptée par les députés a tenu compte des critiques et des réserves exprimées par le Sénat en première lecture . Si l'Assemblée nationale a rétabli certains des articles supprimés par le Sénat, elle en a ainsi toujours modifié -parfois dans des proportions importantes- la rédaction initiale. Il faut se féliciter que la navette ait ainsi permis de faire mûrir et évoluer certaines positions. Malgré ces progrès, certaines des dispositions proposées par les députés continuent de soulever de réelles difficultés.

Au total, sur les vingt articles de la proposition de loi restant en discussion, l'Assemblée nationale a adopté deux articles sans modification et maintenu la suppression de quatre articles. Elle a modifié sept articles et rétabli cinq articles.

Par ailleurs, le texte de la proposition de loi a été complété par vingt quatre nouveaux articles .

• Les articles adoptés sans modification

L'Assemblée nationale a approuvé la modification de présentation de l'ordre de deux articles (article 15 bis et article 15 ter ).

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a maintenu la suppression des articles 10, 11 et 12 (redondants compte tenu du nouveau dispositif retenu pour le placement sous surveillance électronique mobile) ainsi que l'article 15 (le fichier des délinquants sexuels étant entré en vigueur depuis la publication du décret n° 2005-627 du 30 mai 2005).

• Les dispositions modifiées par l'Assemblée nationale

- La définition de la réitération

Tout en approuvant en première lecture la clarification de la notion de réitération, le Sénat avait jugé inutile la précision selon laquelle le juge devait prendre en compte les « antécédents » du prévenu pour prononcer la peine. En outre, notre assemblée avait également supprimé la disposition susceptible d'interprétation ambiguë, prévoyant que les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulaient sans limitation de quantum .

L'Assemblée nationale a cherché à répondre à ces objections. Aux termes de la nouvelle rédaction proposée, le juge serait conduit à tenir compte de l'« existence de la précédente condamnation » avant de prononcer la peine à l'encontre d'un réitérant. Ensuite, la possibilité de cumul des peines et l'interdiction subséquente de confusion concerneraient la « précédente condamnation » (article 2).

- L' incarcération, dès le prononcé de la peine, des prévenus en état de récidive légale

L'Assemblée nationale a maintenu la faculté, introduite par le Sénat, de délivrer un mandat de dépôt dans tous les cas de récidive tout en rétablissant l' obligation de décerner ce mandat de dépôt lorsque la récidive concerne les délits de violence ou à caractère sexuel, le juge conservant la possibilité de ne pas ordonner l'incarcération par décision spécialement motivée (article 4).

- La limitation du crédit de réduction de peine pour les récidivistes

Les députés ont rétabli cette disposition, supprimée par le Sénat, en prévoyant cependant qu'elle ne s' appliquerait pas aux détenus acceptant une mesure de libération conditionnelle (article 5). En outre, à l'initiative du Gouvernement, ils ont précisé les modalités de calcul du crédit de réduction de peine de droit commun.

- Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)

L'Assemblée nationale a rétabli les articles, supprimés par le Sénat, relatifs au placement sous surveillance électronique mobile tout en modifiant substantiellement le dispositif initialement retenu en première lecture.

En effet, le PSEM constituerait désormais une modalité de mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire . Le suivi socio-judiciaire, institué par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 permet de soumettre le condamné, après sa libération , à certaines mesures de surveillance et d'assistance similaires, pour la plupart, à celles du suivi avec mise à l'épreuve. Le régime juridique du bracelet mobile qui, dans la première version, innovait totalement au regard de notre droit pénal, s'inscrirait ainsi, sous réserve des adaptations nécessaires, dans un cadre juridique existant et éprouvé. Les députés ont maintenu par ailleurs la possibilité, introduite par notre assemblée, de mettre en oeuvre le PSEM dans le cadre de la libération conditionnelle (article 8 bis A).

Le dispositif proposé diffère ainsi sensiblement de celui d'abord imaginé par les députés. Sans doute le PSEM s'appliquerait-il, comme le permet le suivi socio-judiciaire, « à compter du jour où la privation de liberté a pris fin ». Cependant, cette mesure serait subordonnée au prononcé par la juridiction de jugement d'un suivi socio-judiciaire. Son champ d'application serait donc celui retenu pour le suivi socio-judiciaire à cette réserve, reprise du dispositif initial, qu'elle ne pourrait concerner que les personnes condamnées à une peine au moins égale à cinq ans d'emprisonnement. Se rangeant aux positions du Sénat, les députés ont réduit considérablement la durée maximale de la mesure la ramenant de 20 ans à 6 ans (3 ans renouvelable une fois) en matière correctionnelle et de 30 ans à 10 ans (5 ans renouvelable une fois) en matière criminelle. Ils ont également repris les dispositions prévues par notre assemblée tendant à fixer les garanties nécessaires pour l'utilisation des données recueillies dans le cadre de la surveillance électronique mobile.

Enfin, les députés ont renoncé à l'application rétroactive du PSEM, dans le cadre du suivi socio-judicaire aux personnes condamnées avant la date d'entrée en vigueur du présent texte.

En revanche, ils ont préconisé que le juge de l'application des peines prononce le PSEM même si celui-ci n'a pas été ordonné par la juridiction de jugement (article 8 bis AA).

• Les nouvelles dispositions introduites en deuxième lecture

Les mesures proposées comportent deux volets :

1° Les dispositions destinées à renforcer la sanction de la récidive :

- la prise en compte, au titre de la récidive, des condamnations prononcées par les juridictions des autres Etats membres de l'Union européenne (article premier bis ) ;

- la prise en compte par les juridictions du passé pénal du prévenu et la définition des finalités des peines prononcées (article 2 bis ) ;

- la possibilité de prononcer un sursis avec mise à l'épreuve pour les récidivistes condamnés à une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement (alors que le plafond est actuellement fixé à cinq ans) et, en contrepartie, l' allongement du délai d'épreuve jusqu'à sept ans pour les personnes se trouvant une deuxième fois en état de récidive légale (article 2 ter ) ;

- l'impossibilité d'accorder une suspension de peine pour raison médicale lorsqu'elle est susceptible de provoquer un trouble à l'ordre public ou qu'il existe un risque avéré de récidive ; l'obligation de soumettre les personnes condamnées pour crime et ayant bénéficié d'une telle mesure, à une expertise médicale semestrielle (articles 4 quater et 4 quinquies ) :

- l' allongement du temps d'épreuve de la libération conditionnelle (c'est-à-dire la partie de la peine qui doit être exécutée pour obtenir une libération conditionnelle) actuellement de 15 ans au maximum et qui serait porté à 18 ans pour un condamné à la réclusion à perpétuité, 20 ans au maximum pour un condamné en état de récidive légale et à 22 ans si le récidiviste est condamné à la réclusion à perpétuité (article 5 ter ) ;

- l'exclusion du récidiviste du bénéfice des dispositions de l'article 729-3 du code de procédure pénale tendant à permettre une libération conditionnelle plus rapide aux condamnés exerçant l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans (article 5 quater ) ;

- la suppression de l'obligation de motiver la peine d'emprisonnement lorsque la personne est en état de récidive légale (article 6 bis ) ;

- l' allongement à 25 ans de la période de sûreté pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité actuellement fixée à 22 ans (article 6 ter ) ;

- l 'extension de la compétence du juge unique pour les infractions commises en état de récidive (article 6 quater ) ;

- l'aggravation des peines pour les infractions de viol commises en concours (article 15 bis E).

2° Les dispositions destinées à favoriser la prévention de la récidive :

- le renforcement du dispositif incitant le détenu à accepter un traitement médical pendant la détention (article 4 bis ) ;

- une disposition de principe encourageant les activités de travail et de formation en détention (article 4 ter ) ;

- l'institution d'une surveillance judiciaire destinée à s'appliquer à la libération du détenu, à condition que celui-ci ait purgé une peine d'emprisonnement au moins égale à 10 ans d'emprisonnement pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru pendant une durée maximale correspondant aux réductions de peine obtenues par l'intéressé. Au cours de cette période, la personne pourrait être soumise à certaines obligations de la mise à l'épreuve et du suivi socio-judiciaire y compris l'injonction de soins et le PSEM (article 5 bis ) ; cette surveillance judicaire serait d' application immédiate : elle pourrait donc concerner les personnes déjà condamnées lors de l'entrée en vigueur de la présente loi (article 16) ;

- l' extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire , d'une part au meurtre et à l'assassinat (article 13 AA), d'autre part à l'enlèvement et à la séquestration (article 13 A) et enfin aux incendies volontaires (article 13 B) ;

- l' intégration dans le fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) des auteurs de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, de crimes de tortures ou d'actes de barbarie, de meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale (article 14) ;

- la possibilité pour l'avocat de la victime de faire valoir ses observations devant le tribunal de l'application des peines et, en appel, devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel (article 15 bis A) ;

- le placement en centre éducatif fermé de mineurs ayant commis de graves infractions afin de permettre au juge d'instruction de poursuivre ses investigations (article 15 bis B) ;

- la détermination du cadre juridique des fichiers de police judiciaire concernant les « crimes en série » (article 15 bis C).

- l'obligation pour le juge de se prononcer sur la déchéance de l'autorité parentale de parents auteurs d'inceste (article 15 bis D) ;

- la consécration de la possibilité d'éloigner l'auteur de violences commises au sein de sa famille du domicile familial (dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites, de la composition pénale, du contrôle judiciaire et du sursis avec mise à l'épreuve) (article 15 quate r A).

Par ailleurs, les députés ont également adopté une série de dispositions complétant de manière ponctuelle la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (article 15 quater ).

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