N° 435
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 juin 2005 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1), sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' égalité salariale entre les femmes et les hommes ,
Par Mme Esther SITTLER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2214 , 2282 et T.A. 422
Sénat : 343 (2004-2005)
Travail. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
« L'an passé, j'avais appelé les partenaires sociaux à négocier sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. Un accord interprofessionnel a été conclu. Il pose des principes et des objectifs intéressants. Nous devons, ensemble, aller plus loin. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de présenter sans tarder un projet de loi pour que les accords d'entreprise fixent des objectifs chiffrés, en vue de parvenir à l'égalité salariale dans un délai maximum de cinq ans ». Trois mois après cette déclaration du Président de la République, formulée à l'occasion de ses voeux aux forces vives de la Nation, Nicole Ameline, alors ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, présentait en Conseil des ministres, le 24 mars dernier, un projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Conformément au souhait du Gouvernement de s'appuyer sur le dialogue social chaque fois que la vie de l'entreprise est en cause, ce projet de loi s'inspire de l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, signé à l'unanimité par les partenaires sociaux.
L'objectif commun est d'apporter une réponse à :
- un impératif démocratique, qui exige le respect de la législation relative à la lutte contre les discriminations au travail, directes ou indirectes, qui s'expriment parfois dès l'embauche, au retour des congés parentaux, dans les écarts de rémunération, dans la formation professionnelle et dans la promotion ;
- une nécessité économique, face aux tensions démographiques attendues sur le marché du travail dès 2006 ; la baisse prévisible de 100.000 nouveaux actifs par an implique de rechercher des ressources de main d'oeuvre que les femmes sont en plus grand nombre pour fournir ;
- une exigence sociale, pour que la vie familiale ne soit plus un obstacle à l'épanouissement professionnel des femmes.
Le succès de cette démarche suppose la remise en cause de nombreux stéréotypes, dès l'école, ainsi qu'une lutte active contre les discriminations, l'accès accrue à la formation professionnelle et la diversification des filières de formation initiale.
Or, les règles législatives n'ont eu jusqu'à aujourd'hui qu'un effet limité en la matière, comme l'a constaté la délégation sénatoriale aux droits des femmes 1 ( * ) lorsqu'elle a évalué l'application de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Faut-il pour autant considérer le présent projet comme une énième loi sur la parité et penser inutile de légiférer dans ce domaine si les lois existantes ne sont pas respectées ? Nous ne le croyons pas car ce texte propose une nouvelle approche, à la lumière des résultats obtenus par ceux qui l'ont précédé.
Sa première originalité est, en s'appuyant sur le dialogue social, d'inciter les partenaires sociaux à négocier. Jugeant, dans l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004, que « l'emploi des femmes est un facteur de dynamisme social et de croissance économique et que les femmes constituent un vivier de compétences dont une société moderne a besoin », les représentants des entreprises et des syndicats de salariés ont, en effet, reconnu qu'il est de leur « responsabilité de garantir la mixité et l'égalité professionnelle au travail ».
Les quinze articles du projet - vingt-cinq depuis son adoption à l'Assemblée nationale - poursuivent quatre objectifs :
- supprimer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans un délai de cinq ans , en recourant à la négociation dans les branches professionnelles et dans les entreprises ;
- réconcilier vie professionnelle et vie familiale , en renforçant les droits des femmes en congé parental, notamment lorsqu'elles sont en formation et en aidant financièrement, les petites entreprises à pourvoir au remplacement temporaire des salariées absentes pour cause de congé de maternité ou d'adoption ;
- promouvoir un plus large accès des femmes dans les instances délibératives et juridictionnelles , dans les conseils d'administration des entreprises publiques et dans les conseils des prud'hommes ;
- améliorer l'accès des femmes à l'apprentissage et à la formation professionnelle , en invitant les régions, compétentes en la matière, à mieux prendre en compte la mixité dans l'entreprise.
La seconde originalité de ce projet de loi réside dans le dispositif d'incitation des entreprises, soumises non plus à une obligation de moyens mais à une obligation de résultat. A défaut d'engagement clair de leur part dans le sens de la parité professionnelle, une conférence nationale sur les salaires sera organisée et une taxe assise sur la masse salariale pourra être à terme imposée aux entreprises récalcitrantes. Les entreprises, pour faire face à leurs besoins en compétences nouvelles, devront nécessairement défendre une autre idée du management, fondée sur la mixité professionnelle qui, comme tout autre facteur de diversité, est un réel stimulateur de performance.
Le fait de vouloir passer d'un droit proclamé à une réalité concrète est apparu à votre commission comme un signal fort en direction des femmes, mais aussi des entreprises qui, dans le contexte démographique actuel, ne devront désormais plus considérer la mixité comme une faveur faite aux femmes mais comme une condition de leur compétitivité.
Entre convaincre et contraindre, le Gouvernement a donc choisi la voie de la conviction. Ce faisant, il ne commet pas l'erreur de penser que l'égalité se décrète alors qu'elle s'organise ni celle d'ouvrir la guerre des sexes alors que l'égalité professionnelle suppose aujourd'hui un partenariat intelligent entre les hommes et les femmes au sein de l'entreprise. On abandonnera ainsi le discours de la victimisation des femmes pour une démarche qui consiste à démontrer que la femme active est source de plus-value pour l'entreprise. Comme l'a relevé Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité 2 ( * ) , « l'égalité salariale est un enjeu trop important pour que l'ensemble des forces productives de la Nation ne se mette en mouvement pour assurer que la France de demain, la France qui gagne, assure une place équitable à la moitié de sa population, dans tous les secteurs de la vie publique, sociale et professionnelle ».
I. EN DÉPIT DES LOIS, LA PARITÉ PROFESSIONNELLE RESTE À CONQUÉRIR
La place des femmes dans le monde du travail a connu de réelles avancées. En cinquante ans, le nombre de femmes actives, qui s'élevait à 6,5 millions, a doublé, passant de 40 % à 80 %. Cette féminisation massive et rapide du salariat n'est pas seulement une mutation économique mais le signe d'un profond changement de la société où les femmes acquièrent l'indépendance économique. Depuis les années quatre-vingt, la tendance s'est même accélérée puisque la part des femmes cadres supérieurs est passée de 25 % à 35 %.
Toutefois, ce changement considérable, favorisé par les transformations économiques de notre pays et par un arsenal juridique important, n'a pas résorbé les inégalités, qui sont aujourd'hui de moins en moins acceptables, tant pour des raisons démocratiques et sociales qu'économiques.
A. UN ARSENAL JURIDIQUE IMPORTANT
La protection des femmes au travail repose sur le respect du principe d'égalité.
1907 : loi autorisant les femmes mariées à disposer de leur salaire ; 1920 : possibilité pour les femmes d'adhérer à un syndicat sans l'autorisation de leur mari ; 1946 : inscription du principe d'égalité entre les hommes et les femmes dans le Préambule de la Constitution ; 1951 : convention n° 100 de l'organisation internationale du travail affirmant l'égalité de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale ; 1957 : affirmation de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes dans le Traité de Rome ; 1965 : loi réformant les régimes matrimoniaux et le code civil : les femmes peuvent désormais exercer une profession sans l'autorisation de leur mari ; 1972 : loi sur l'égalité de la rémunération et ouverture aux femmes du concours d'entrée à Polytechnique ; 1973 : entrée en vigueur en France de la Charte sociale européenne de 1961 prévoyant l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour le même travail ; 1976 : adoption de la directive européenne du 9 février relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes ; 1977 : loi créant le congé parental pour les femmes travaillant dans les entreprises de plus de deux cents salariés ; 1983 : loi « Roudy » sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; 1987 : assouplissement des restrictions de l'interdiction de travail de nuit et abolition de certaines dispositions particulières au travail des femmes ; 1992 : loi sanctionnant l'abus d'autorité en matière sexuelle dans le monde du travail ; 2000 : loi « Génisson » sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; 2001 : création du congé paternité dans la loi de financement de la sécurité sociale et adoption de la loi du 16 novembre relative à la lutte contre les discriminations ; 2004 : accord national interprofessionnel du 1 er mars relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ; lancement, le 24 juin, du label « Egalité » pour les entreprises ; 2005 : premier label « Egalité » décerné à PSA Peugeot Citroën. Source : Liaisons sociales, avril 2005 |
1. L'égalité professionnelle, un principe constitutionnel
Le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes figure dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».
2. Le dispositif législatif et réglementaire : les limites de la sanction
Ce principe constitutionnel a été traduit dans la législation, à l'article 225-1 du nouveau code pénal qui précise que constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes en raison de leur sexe ainsi qu'aux articles L. 123-1 et suivants du code du travail qui disposent que « sauf si l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe est la condition déterminante de l'exercice d'un emploi ou d'une activité professionnelle, nul ne peut refuser d'embaucher une personne ...en considération du sexe... ».
La loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dite « loi Roudy », réaffirme en droit français l'égalité professionnelle. Cette loi, née de la transposition de la directive communautaire n° 76/207 du 9 février 1976 relative à l'égalité d'accès à l'emploi, à la formation, à la promotion professionnelle et en matière de conditions du travail, oblige les entreprises à publier chaque année un rapport comparant les situations entre les hommes et les femmes et à proposer des « plans d'égalité ». Mais cette obligation n'est assortie d'aucune sanction.
La loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Génisson », actualise la loi précédente en définissant quatre axes de mise en oeuvre : le travail de nuit, le harcèlement sexuel, la représentation dans les élections professionnelles et l'obligation pour les entreprises de négocier tous les trois ans sur des mesures tendant à remédier aux inégalités constatées dans le monde du travail entre les hommes et les femmes.
Un décret d'application de cette loi a été publié le 12 septembre 2001 au journal officiel 3 ( * ) - ce qui montre un progrès par rapport à la loi « Roudy » dont les décrets d'application ne sont jamais parus. Ce texte dresse la liste des « indicateurs pertinents » que les entreprises doivent intégrer dans leurs bilans sociaux pour établir des comparaisons sexuées pour l'année écoulée.
Bien que la loi « Génisson » ait prévu des sanctions pénales (un an de prison et 3.750 euros d'amende), son bilan n'est pas convaincant. Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat, observait à partir d'une enquête réalisée par l'IFOP sur la situation des femmes « la persistance des inégalités professionnelles tant dans la hiérarchie des fonctions que celle des rémunérations ». Elle ajoutait que, trois ans après son adoption, la loi « Génisson » faisait l'objet d'« une application mitigée voire médiocre sur certains points ». Toutefois, « les enseignements de l'enquête ne permettent pas de faire à ce sujet un constat totalement négatif et laissent apparaître qu'une nouvelle génération de femmes, caractérisée par leur jeunesse et leur haut niveau de diplôme, parvient à occuper assez rapidement des postes de responsabilité au sein de l'entreprise. Cela permet d'envisager, sans faire preuve d'un optimisme excessif, que cette génération serait moins sujette que les plus anciennes aux inégalités professionnelles » 4 ( * ) .
L'enquête a été menée auprès de deux mille DRH ou responsables des ressources humaines d'entreprises de cinquante salariés et plus, du 27 septembre au 18 octobre 2004. Tout d'abord, l'enquête révèle que le critère de la taille semble le plus déterminant dans l'attitude des entreprises par rapport à la loi : plus celles-ci sont grandes, plus elles ont tendance à appliquer cette loi. Cela tient probablement au fait qu'elles possèdent des services juridiques et des services en ressources humaines plus fournis que les entreprises de taille plus modeste, et qu'elles sont donc mieux à même de respecter le droit du travail, dans tous les domaines. Par ailleurs, les plus grandes entreprises sont caractérisées par une présence syndicale plus forte qui permet une meilleure surveillance de l'application des dispositions du code du travail. En ce qui concerne la tenue de négociations spécifiques dans l'entreprise, 72 % des entreprises n'ont jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes . Dans 19 % des entreprises, les négociations spécifiques, prévues par la loi, ont eu lieu en 2004, soit le même taux qu'en 2002 et légèrement moins qu'en 2003. Cette proportion augmente à 32 % parmi les entreprises de plus de mille salariés. Par ailleurs, 18% des entreprises semblent s'engager à les organiser prochainement. La faible part des DRH déclarant ne pas savoir si les négociations spécifiques ont ou non eu lieu est par ailleurs le signe que les dispositions de la loi ne leur sont pas inconnues. Dans les branches, on relève un nombre plus important de négociations spécifiques sur l'égalité professionnelle . Cela s'explique surtout par le fait que la branche est traditionnellement un lieu plus favorable à l'exercice des négociations collectives. Ainsi, selon les déclarations des DRH, pour 34 % des entreprises des négociations ont eu lieu au niveau de la branche, 31 % des répondants ne se prononçant pas. Sans surprise, au niveau de la branche, les réponses varient sensiblement selon le secteur d'activité de l'entreprise. Certains secteurs semblent ainsi plus propices que d'autres aux négociations spécifiques. Ainsi, parmi les entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, le taux d'entreprises où les négociations spécifiques ont eu lieu atteint 43 %. En revanche, il n'est que de 25 % dans le secteur des transports et des télécommunications. Dans 60 % des entreprises, le rapport de situation comparée n'a jamais été écrit depuis 2002. La proportion d'entreprises dans lesquelles le rapport est écrit évolue peu dans le temps : 32 % en 2004, 30 % en 2002 et 35 % en 2003. Parmi les entreprises qui ont rédigé au moins une année un rapport de situation, 87 % l'ont transmis au comité d'entreprise. Ce taux progresse en fonction de la taille de l'entreprise et atteint 98 % pour les entreprises de plus de mille salariés. La transmission du rapport semble plus fréquente en interne qu'en externe. En effet, 60 % des entreprises envoient ce rapport à l'inspection du travail. Le respect de cette disposition de la loi est encore une fois corrélé à la taille de l'entreprise.
L'ensemble des indicateurs utilisés pour la
rédaction du rapport sont jugés pertinents par une
majorité des DRH interrogés, à l'exception des
données en matière d'embauches et de départs
(46
% jugent ce dernier critère pertinent, contre
53
% qui pensent le contraire). L'indicateur le plus
pertinent aux yeux des DRH a trait à la rémunération
effective (80
% le jugent pertinent).
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3. Une jurisprudence limitée : les conflits ne se règlent pas devant les tribunaux
Les évolutions jurisprudentielles récentes ont également contribué à porter devant les tribunaux les discriminations constatées en matière de travail des femmes. Les principales avancées qu'elles ont consenties aux salariées sont l'allégement de la charge de la preuve et l'institution d'une protection contre le licenciement injustifié.
Dans le premier cas, en vertu de l'arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996, rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation, l'employeur doit garantir une égalité de rémunération entre les salariés « pour autant qu'ils soient placés dans une situation identique ». Le salarié n'est pas tenu de prouver la discrimination : il lui suffit d'établir une inégalité de traitement, dont l'employeur doit ensuite démontrer qu'elle est liée à des facteurs « objectifs ». Le principe « à travail égal, salaire égal » conforte désormais un principe de non-discrimination, la jurisprudence plus récente semblant même donner à celui-ci la valeur d'un principe fondamental du droit du travail.
Dans le second cas, l'arrêt Harba c/Fédération nationale de la Mutualité française rendu par la même instance, le 28 novembre 2000, marque une date importante car, pour la première fois, la Cour de Cassation fait appliquer l'article L. 123-5 du code du travail et consacre la nullité du licenciement pour discrimination salariale.
4. Des règles internationales nombreuses
Au niveau international , l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 condamne la discrimination fondée sur le sexe, en proclamant que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage » donnant une portée générale au principe « à travail égal, salaire égal ». Par la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'encontre des femmes, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, l'Organisation des Nations-Unies (ONU) a défini, plus précisément, la discrimination sexuelle comme « toute distinction, exclusion ou restriction faite sur la base du sexe qui empêche les femmes de jouir de leurs droits et libertés fondamentaux, à égalité avec les hommes ».
La convention 111 de l'Organisation internationale du travail du 25 juin 1958 affirme également l'interdiction de discrimination sexuelle en matière d'emploi et de profession.
Au niveau européen , le Traité de Rome de 1957 consacre, à son article 141, le principe de l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. En 1997, le Traité d'Amsterdam renforce cette déclaration, en incluant la promotion de l'égalité professionnelle dans son article 2. La Charte des droits fondamentaux mentionne également ce principe.
Plusieurs directives sont parallèlement venues lui donner une portée pratique en matière de rémunérations (directive 75/117/CEE), d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle (directive du 9 février 1976), de régime de sécurité sociale (directive 79/7/CEE), de sécurité des travailleuses enceintes (directive 92-85-CEE) et de charge de la preuve dans les cas de discrimination sexuelle (directive 97/80/CEE du 15 décembre 1997). Une nouvelle directive européenne est parue le 23 septembre 2002 sur la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail.
Le 14 février 2005, la Commission européenne a publié un rapport sur l'égalité entre les femmes et les hommes, indiquant que, « malgré le ralentissement de la croissance économique au cours des dernières années et la progression limitée de l'emploi, on continue d'observer une tendance positive vers une réduction des disparités entre les femmes et les hommes dans les domaines de l'éducation et de l'emploi au sein de l'Union élargie à vingt-cinq, tandis que l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes reste quasiment inchangé ». Elle a alors formulé cinq recommandations à l'intention des Etats membres de l'Union européenne :
- renforcer la position des femmes sur le marché de l'emploi , notamment en augmentant le taux d'emploi des femmes des classes d'âge supérieure sur le marché du travail, en réduisant les écarts salariaux, en garantissant l'égalité d'accès au marché du travail aux femmes ayant des enfants à charge et en éliminant les facteurs qui obèrent la trajectoire professionnelle des femmes ou limitent leur protection sociale ;
- améliorer les services d'accueil des enfants et des personnes dépendantes , en favorisant des services de garde d'enfants qui soient abordables, accessibles et de qualité ;
- sensibiliser les hommes à la prise en charge partagée des responsabilités en matière de garde d'enfants et d'autres personnes dépendantes ;
- prendre en compte le genre dans les politiques d'immigration et d'intégration , en s'attaquant à la double discrimination sexiste et raciste à laquelle les immigrées sont souvent confrontées, notamment sur le marché du travail, et en tenant compte des pratiques et attentes culturelles des femmes selon leur pays d'origine ;
- évaluer les progrès en matière d'égalité entre les femmes et les hommes , en profitant du dixième anniversaire, en 2005, de la plateforme d'action de Pékin pour réaffirmer les engagements pris en 1995 et pour présenter les résultats obtenus en matière d'égalité des sexes depuis lors. La prochaine proposition de la Commission sur la création d'un Institut européen pour l'égalité entre hommes et femmes étendra les possibilités d'évaluation des réalisations.
* 1 Rapport d'information Sénat n° 103 (2004-2005) de Gisèle Gautier, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes le 8 décembre 2004.
* 2 Cf. p. 102, audition de Catherine Vautrin devant la commission des Affaires sociales, le 28 juin 2005.
* 3 Décret n° 2001-832 du 12 septembre 2001 portant application de l'article premier de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001.
* 4 Rapport d'information précité n° 103 (2004-2005) du 8 décembre 2004.