Rapport n° 361 (2004-2005) de M. Jean PUECH , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 1er juin 2005

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N° 361

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 31 mai 2005

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juin 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées(1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de la convention européenne du paysage ,

Par M. Jean PUECH,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1326 , 1632 et T.A. 328

Sénat : 17 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

La Convention européenne du paysage a été adoptée à Strasbourg le 19 juillet 2000 sous l'égide du Conseil de l'Europe et à l'instigation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, organe consultatif du Conseil, composé de délégations d'élus des collectivités territoriales des Etats membres. Elle est dite « convention de Florence » depuis son ouverture à la signature dans cette ville, le 20 octobre 2000.

Ce texte est le premier instrument international spécifique consacré au paysage ; il est également le premier à considérer cette notion sous tous ses aspects et non plus seulement dans une perspective architecturale ou environnementale.

Les conventions relatives au paysage actuellement en vigueur ne portent que sur certains de ses aspects : il est envisagé sous l'angle de la protection de sites exceptionnels (convention UNESCO du 16 novembre 1972), du patrimoine architectural (Convention de Paris sur le patrimoine culturel de 1954, Convention de Londres pour la protection du patrimoine archéologique de 1969 et Convention de Grenade pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe de 1985) ou encore de la protection de l'environnement ( Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe de 1979). La convention fait référence à certains de ces instruments dans son préambule.

Les approches les plus complètes sont réalisées par des textes à vocation régionale, dont la présente Convention est inspirée, comme la Charte du paysage méditerranéen.

La Convention retient une définition très large de la notion de paysage et accorde une attention particulière à la participation du public mais aussi des élus de proximité à la définition et à la mise en oeuvre des politiques de gestion et de préservation du paysage.

Elle s'inscrit ainsi dans le prolongement de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, qui vise à une plus grande implication du public aux décisions relatives à son environnement et à son cadre de vie et à la définition d'un équilibre entre préservation de l'environnement et développement économique dans une perspective de développement durable.

Les objectifs de la Convention sont d'assurer la protection, la gestion et l'aménagement des paysages européens, de favoriser l'adoption de mesures nationales ainsi que la mise en place d'une coopération entre les Parties.

I. UNE DÉFINITION PARTICULIÈREMENT LARGE DU PAYSAGE

Le premier des quatre chapitres de la Convention est consacré aux définitions des termes utilisés, du champ d'application et des objectifs généraux de la Convention.

Le paysage est défini par la Convention comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Cette définition met l'accent sur la relation subjective qui unit les populations à leur environnement, la perception qualitative de leur cadre de vie.

C'est l'accent mis sur cette interrelation qui nécessite la conclusion d'un instrument international spécifique : le préambule de la Convention rappelle l'objectif de « parvenir à un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement ».

Le texte précise que la Convention s'applique à l'ensemble du territoire des Parties, qu'elle porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains, qu'elle inclut les espaces terrestres, les eaux intérieures et maritimes et qu'elle concerne tant les paysages remarquables que les paysages du quotidien et les paysages dégradés.

La Convention concerne tous les paysages, y compris ceux qui n'ont pas une valeur exceptionnelle. Elle n'établit pas de liste des sites concernés mais définit un régime de protection général.

Ce régime de protection est lié au processus de décision en matière de paysage et à l'association la plus étroite possible des populations et des collectivités territoriales aux décisions qui les concernent.

II. LES OBLIGATIONS LIÉES À LA CONVENTION

Il revient aux différents signataires de la Convention le soin d'assurer sa mise en oeuvre selon leur propre législation. Le chapitre II est consacré aux mesures à prendre au niveau national.

La Convention doit être mise en oeuvre à l'échelon administratif le plus approprié, les collectivités territoriales doivent être assurées d'une participation officielle aux processus de définition des politiques du paysage.

A. LES MESURES GÉNÉRALES

La Convention poursuit l'objectif d'inciter à des actions de conservation, de gestion, mais aussi d'aménagement des paysages, cette dernière notion supposant des actions plus volontaristes comme la création de paysages.

Elle fait référence à la notion de développement durable, fondé sur un équilibre entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement. Elle promeut la coopération européenne dans ces domaines.

Les Parties s'engagent à mettre en oeuvre quatre mesures générales :

- la reconnaissance juridique du paysage comme composante du cadre de vie des populations ;

- la définition et la mise en oeuvre de politiques visant la protection et l'aménagement des paysages ;

- la mise en place de procédures de participation du public et des autorités locales ;

- l'intégration du paysage dans les politiques d'aménagement du territoire ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir un effet direct ou indirect sur le paysage.

B. LES MESURES PARTICULIÈRES

Les signataires prennent également l'engagement de prendre cinq types de mesures plus particulières :

- mener des actions de sensibilisation auprès des populations et des autorités publiques ;

- promouvoir des formations spécialisées et des actions éducatives ;

- accomplir un travail d'examen des ses paysages et définir leur niveau de qualité ;

- formuler des « objectifs de qualité paysagère ». Ces objectifs doivent exposer les caractéristiques et les qualités particulières d'un paysage, les éléments spécifiques du paysage visés par la protection, la gestion ou l'aménagement et les instruments à utiliser ; ils doivent être définis, exposés et publiés par l'autorité compétente, après consultation du public et prise en compte de tous les intérêts pertinents;

- mettre en oeuvre des politiques du paysage.

Ces objectifs particuliers sont définis de façon très large et il reviendra à chaque Etat partie d'en assurer la déclinaison dans la législation et ses politiques nationales.

III. LES IMPLICATIONS DU TEXTE POUR LA FRANCE

Les dispositions du droit français répondent assez largement aux objectifs définis par la convention européenne du paysage. Certains textes communautaires, en matière d'environnement (Règlement CE concernant les méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de l'environnement ainsi que l'entretien de l'espace naturel, directive sur la conservation des habitats naturels ou encore, directive sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement), répondent directement aux objectifs de la Convention.

En droit interne, les notions de protection, de gestion et d'aménagement des paysages sont présentes dans le code de l'environnement, notamment dans son article 350.

La loi du 8 janvier 1993 relative à la protection et à la mise en valeur des paysages, à présent codifiée dans le code de l'environnement comporte des dispositions qui permettent la mise en oeuvre de la Convention.

Le paysage ne fait pas cependant pas l'objet d'une définition juridique précise en droit français, même si le code de l'environnement dispose que « les paysages font partie du patrimoine commun de la Nation ». Le caractère juridiquement opposable de cette notion, dans les termes retenus par la Convention, n'est donc pas effectif actuellement.

Pour l'identification et la qualification de ses paysages, notre pays poursuit un programme des « atlas de paysage » afin de recenser et des qualifier les paysages.

Le programme des Atlas de paysages, mis en oeuvre par le ministère de l'écologie et du développement durable, a pour objectif que les collectivités publiques, État, Régions et Départements, réalisent ensemble un « état des lieux » des paysages sur chacun des 100 départements français. Ces documents de référence partagée doivent contribuer à la définition et l'harmonisation des politiques de paysages des différentes collectivités.

La méthode mise en oeuvre pour la réalisation de ces documents concerne obligatoirement la totalité des territoires concernés et, par conséquent, l'ensemble des paysages.

Au 1 er janvier 2005, les Atlas de paysages étaient publiés dans 62 départements. L'objectif fixé est d'achever la couverture nationale en 2007.

En matière de formation, la France dispose de quatre établissements d'enseignement supérieur de formation des paysagistes, ce qui répond à la nécessité de disposer de personnels d'une bonne technicité pour la connaissance et l'intervention sur les paysages.

Pour ce qui concerne la coopération internationale, les collectivités territoriales et l'Etat mènent des actions de coopération transfrontalière avec les pays voisins, notamment dans les Alpes ou les Pyrénées.

La notion de participation du public, entendue au sens de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, est le point qui nécessite encore des modifications de notre droit. Le Gouvernement précise que ces adaptations seront réalisées à l'occasion de réformes législatives ou réglementaires, sans nécessiter un texte particulier. La politique du paysage est une politique transversale qui touche au droit de l'environnement, de l'urbanisme, de l'aménagement du territoire ou encore au code rural.

CONCLUSION

La Convention européenne du paysage est entrée en vigueur le 1er mars 2004, une fois remplie la condition de la ratification par dix signataires. Elle est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle a été ratifiée à ce jour par 17 des 29 Etats signataires.

Elle correspond assez largement à la conception française de la politique du paysage et ne soulève en cela aucune difficulté particulière sur le plan juridique.

Il s'agit en revanche d'une politique particulièrement difficile à mettre en oeuvre puisqu'elle doit définir un équilibre entre des impératifs parfois divergents : environnement, économie, cadre de vie et règles d'urbanisme.

La Convention invite à ouvrir un dialogue entre tous les acteurs concernés par le paysage, ce qui devrait contribuer à définir cet équilibre.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 8 juin 2005.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Jean Faure a considéré que le paysage était une notion capitale dans la société française, mais que sa nécessaire protection avait conduit à un empilement de procédures en droit français, auquel il convient désormais d'ajouter le droit communautaire. Il a notamment cité les parcs nationaux, les parcs régionaux, les sites classés, les espaces protégés ou encore les sites remarquables, considérant qu'ils induisaient une grande difficulté de gestion pour les élus locaux, du point de vue tant des procédures que des financements.

M. Jean Puech, rapporteur, a souligné que la convention du paysage ne créait pas des nouveaux modes de protection, mais qu'il revenait à la législation nationale de mettre en oeuvre ses procédures. Il a convenu que la cohérence de la politique du paysage était à renforcer au niveau national et que la France accordait d'ores et déjà une protection des paysages plus exigeante que les stipulations de la convention.

M. Jacques Peyrat a indiqué que, dans le cas particulier de Nice, la loi Littoral et la loi Montagne se surajoutaient aux autres dispositifs.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si la convention concernait les paysages urbains auxquels un certain nombre d'associations sont particulièrement sensibles, ce qui a notamment conduit à la définition de la notion nouvelle de parcs naturels urbains.

M. Jean Puech, rapporteur, a précisé que la convention concernait tous les types de paysage, y compris les paysages urbains.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention européenne du paysage, signée à Florence le 20 octobre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

ANNEXE -
ÉTAT D'AVANCEMENT DES RATIFICATIONS

Renvois :a.: Adhésion - s.: Signature sans réserve de ratification - su.: Succession - r.: signature "ad referendum".
R.: Réserves - D.: Déclarations - A.: Autorités - T.: Application territoriale - C.: Communication - O.: Objection.

Source : Bureau des Traités sur http://conventions.coe.int

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1326 - XIIe législature

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