TITRE V -
DISPOSITIONS
RELATIVES A LA MONTAGNE
CHAPITRE IER -
Objectifs et institutions de la politique de la
montagne
Article 62 A -
(Article 2 de la loi du 16 octobre 1919
relative
à l'utilisation de l'énergie hydraulique) -
Régime
d'autorisation des installations hydroélectriques
L'article 62 A, adopté à l'Assemblée nationale et modifié par le Sénat en première lecture, est relatif au régime d'autorisation des installations hydroélectriques.
Cet article se compose désormais de deux paragraphes.
Le paragraphe I a été introduit à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, malgré l'avis défavorable de la commission des Affaires économiques et du Gouvernement. Il convient de noter que les modifications proposées avaient déjà été repoussées par le Sénat en première lecture.
Ces dispositions, qui modifient l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, concernent le régime d'autorisation pour l'implantation de petits ouvrages hydrauliques, dits « microcentrales » . Selon la rédaction actuelle de cet article, issue de la loi du 15 juillet 1980 4 ( * ) , sur certains cours d'eau ou sections de cours d'eau, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, aucune nouvelle installation hydroélectrique ne peut être autorisée. Pour les installations existantes, une nouvelle autorisation ne peut être accordée, sur ces mêmes cours d'eau, que si la hauteur du barrage n'est pas modifiée. La loi a ainsi institué la notion de cours d'eau « réservés » afin de protéger la qualité écologique des eaux, tout en veillant à ne pas entraver le développement de l'énergie hydroélectrique. Sur cette base législative, dix décrets en Conseil d'Etat ont été pris de 1981 à 1999, après avis favorable de près de soixante conseils généraux intéressés, qui couvrent plus de 10 % du linéaire de cours d'eau ainsi protégés. Il est à noter qu'une grande partie de ces textes réglementaires concerne des cours d'eau ayant conservé une excellente qualité écologique de l'eau et qui constituent des axes majeurs pour les poissons migrateurs. Les principaux objectifs de ces dispositions étaient de préserver les dernières parties de cours d'eau proches d'un état naturel , tout comme les axes faisant l'objet d'importants efforts de restauration pour faciliter le retour des poissons migrateurs . Les grands cours d'eau Loire-Allier, Dordogne, Garonne, Adour et Gave de Pau ont notamment bénéficié de ces dispositions.
Toutefois, ces décrets ont parfois procédé à des classements en fonction de divers motifs appréciés localement. Il peut ainsi en résulter un obstacle au développement de l'utilisation de l'énergie hydraulique, sans que cela soit toujours justifié par un intérêt général suffisant . Votre commission, à l'instar du Gouvernement, juge qu'une réforme de ce dispositif est donc nécessaire afin de parvenir à un meilleur équilibre entre protection de la qualité écologique des eaux et des milieux aquatiques et développement nécessaire des énergies renouvelables, conformément aux objectifs de la directive 2001/77 5 ( * ) , ce qui passe par une meilleure promotion du potentiel hydroélectrique français.
Pour remédier à ces inconvénients, l'Assemblée nationale a proposé de reformuler le libellé du cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 pour assouplir le régime d'autorisation des petits ouvrages hydroélectriques et adapter les critères de classement des cours d'eau . Selon les termes de la modification adoptée, sur les cours d'eau ou sections de cours d'eau « réservés », seuls de petits ouvrages hydrauliques , réalisés à l'initiative d'une commune ou d'un groupement de communes, pourraient désormais être autorisés . En outre, ces ouvrages ne pourraient obtenir une autorisation qu'à la condition de respecter les stipulations des contrats de rivière ou les orientations arrêtées par l'agence de l'eau compétente et de disposer, si besoin est, d'aménagements permettant le passage des poissons.
Le paragraphe II de cet article, qui résulte du vote d'un amendement par l'Assemblée nationale en première lecture, modifié par le Sénat, vise à inscrire dans des délais stricts la procédure d'autorisation des nouvelles installations hydroélectriques . L'avis d'ouverture de l'enquête publique devrait désormais être publié, au plus tard, un an après la transmission de la demande et la décision prise dans un délai de deux ans à compter de la même date.
Proposition de votre commission :
S'agissant du paragraphe I de cet article , tout en souscrivant aux intentions des auteurs de cet amendement qui ont souhaité réaménager les dispositions relatives à l'hydroélectricité pour développer les énergies renouvelables et valoriser le potentiel hydraulique, notamment dans les zones de montagne, votre commission estime que les modifications adoptées à l'Assemblée nationale sont problématiques à plusieurs égards .
Tout d'abord, réserver le bénéfice de ce dispositif aux seuls ouvrages réalisés à l'initiative des communes et de leurs groupements instaure une rupture d'égalité entre les différents niveaux de collectivité territoriale . Ce paragraphe est donc susceptible de s'avérer contraire au principe d'égalité et donc à la Constitution. En outre, l'inadaptation et l'imprécision de ses termes peuvent s'avérer sources de confusion et d'insécurité juridique . Ainsi les « petits ouvrages » visés par le dispositif ne sont pas définis, tout comme « l'initiative » d'une commune ou d'un groupement de communes et la référence aux « contrats de rivières » -qui constituent des engagements financiers entre l'Etat, l'agence de l'eau et les collectivités territoriales sur un programme de travaux- paraît inadaptée. Concernant le renvoi aux « orientations de l'agence de bassin » , votre commission , à l'instar du rapporteur de l'Assemblée nationale, s'interroge sur la pertinence de cette référence et se demande s'il ne s'agit pas plutôt des orientations des schémas directeurs et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE et SAGE). Elle note qu'au demeurant toutes les autorisations ou concessions hydroélectriques doivent être compatibles avec les SDAGE et les SAGE et que la précision de cette compatibilité sur les cours d'eau classés pourrait, a contrario, laisser croire que tel ne serait pas le cas sur les cours d'eau non classés.
De manière plus générale, votre commission considère que le nouveau classement qui résulterait de ces dispositions (qui, au demeurant, priveraient de base légale les dix décrets publiés depuis vingt-quatre ans et remettraient en cause un important travail réalisé en concertation avec plus de soixante départements) n'est pas assez rigoureux car il n'interdit , de fait, que la construction de grands ouvrages, ce qui rendrait l'intérêt du classement des cours d'eau par décret en Conseil d'Etat assez faible, compte tenu de sa portée limitée . Surtout, un tel classement permettrait la multiplication de petits ouvrages dont les impacts cumulés remettraient en cause les efforts de restauration des cours d'eau et des milieux aquatiques entrepris depuis plus de vingt ans.
Au total, votre commission estime qu'un travail approfondi doit être effectué sur cette question et rappelle que le Gouvernement a pris l'engagement, devant l'Assemblée nationale, de constituer un groupe de travail sur ce sujet réunissant des parlementaires. Au surplus, le Gouvernement projette, à brève échéance, de proposer une réforme de ces dispositions dans le cadre du projet de loi sur l'eau. Selon les informations transmises à votre rapporteur, ce texte tendrait à remédier aux inconvénients du droit en vigueur, notamment au manque de clarté des critères actuels de classement des cours d'eau et au manque de cohérence avec les autres dispositifs de protection des cours d'eau.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose, par un amendement , de supprimer ce paragraphe dans l'attente des conclusions du groupe de travail évoqué ci-dessus et de la discussion devant le Parlement du projet de loi sur l'eau.
S'agissant des dispositions du paragraphe II , l'Assemblée nationale ne les ayant pas modifiées lors de la deuxième lecture, votre commission vous propose de les adopter sans modification.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 4 Article 25 de la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur.
* 5 Directive 2001/77 du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité.