ARTICLE 36

Crédit d'impôt au profit des petites et moyennes entreprises qui exposent des dépenses d'équipement dans les technologies de l'information

Commentaire : le présent article vise à encourager les PME à accroître leurs dépenses dans le domaine des nouvelles technologies en mettant en place un crédit d'impôt spécifique.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article propose l'insertion, dans le code général des impôts, d'un nouvel article 244 quater K, instituant un crédit d'impôt en faveur des PME qui exposent des dépenses d'équipement en nouvelles technologies.

A. LES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES

1. Les petites et les moyennes entreprises telles que définies par la Commission européenne...

Le I du nouvel article 244 quater K du code général des impôts dispose que les entreprises éligibles au crédit d'impôt seraient les petites et les moyennes entreprises.

La définition proposée des petites et des moyennes entreprises respecte la nouvelle recommandation de la commission européenne en date du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises :

- un effectif inférieur à 250 salariés, étant précisé que l'effectif de l'entreprise est apprécié par référence au nombre moyen de salariés employés au cours de cette période ;

- un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros, ou un total bilan inférieur à 43 millions d'euros ;

- une entreprise autonome, c'est-à-dire dont le capital « doit être entièrement libéré et être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions ».

2. ...Imposées au bénéfice réel...

Pour bénéficier du crédit d'impôt créé par le présent article, les entreprises doivent être imposées au bénéfice réel.

Les entreprises soumises au régime de l'imposition d'après le bénéfice réel sont, selon l'article 53 A du code général des impôts, celles dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 76.300 euros hors taxes pour les activités de vente et de fourniture de logement ou à 27.000 euros hors taxes pour les autres prestations de service qui ne sont pas expressément exclues du régime.

Ces entreprises ont le choix entre le régime réel, normal ou simplifié. Le régime réel simplifié s'applicable de plein droit aux entreprises ayant un chiffre d'affaires annuel inférieur ou égal à 763.000 euros hors taxe pour les entreprises de vente et de fourniture de logement ou 230.000 euros hors taxe pour les autres entreprises. Le régime réel normal s'applique obligatoirement aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel dépasse les limites du régime réel simplifié.

3. ...ou bénéficiant d'exonérations particulières

Pourront également bénéficier du crédit d'impôt les entreprises exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés :

- en raison de leur localisation : il s'agit des entreprises implantées dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux prioritaires et dans les zones de redynamisation urbaine en vertu de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans les zones franches urbaines, en vertu de l'article 44 octies du même code, et en Corse, en vertu de l'article 44 decies du même code ;

- ou en raison de leur type d'activité : il s'agit des jeunes entreprises réalisant des projets de recherche et de développement, dites innovantes au sens de l'article 44 sexies A.

B. LES DÉPENSES ÉLIGIBLES

Aux termes du II du nouvel article 244 quater K, les dépenses éligibles correspondent :

- aux dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisations incorporelles et corporelles relatives à la mise en place d'un réseau intranet ou extranet, à l'exception des ordinateurs sauf lorsqu'ils sont exclusivement utilisés comme serveurs ;

- aux dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisations corporelles permettant un accès à internet à haut débit, à l'exception des ordinateurs ;

- aux dépenses d'acquisition à l'état neuf d'immobilisations corporelles ou incorporelles nécessaires à la protection des réseaux mentionnés ci-dessus. Cela vise notamment des logiciels de protection, tels que les antivirus, les « firewall » ou les antispams ;

- aux dépenses d'aide à la mise en place et à la protection des réseaux mentionnés ;

Il est précisé que ces dépenses doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation.

C. LE MONTANT DU CRÉDIT D'IMPÔT

Selon le I du nouvel article 244 quater K, le crédit d'impôt serait égal à 20 % des dépenses éligibles ci-dessus mentionnées.

Toutefois plusieurs dispositions encadrent le montant du crédit d'impôt :

- le III du nouvel article indique que les subventions publiques reçues par les entreprises à raison de dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit.

- le IV précise que les mêmes dépenses ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du présent crédit d'impôt et dans celle d'un autre crédit d'impôt. Cette formulation tend à éviter qu'une dépense théoriquement éligible à plusieurs crédits d'impôt soit utilisée plusieurs fois pour déterminer le montant de l'exonération de l'impôt : la double exonération comme la double imposition sont à proscrire .

Cette disposition est utile car le risque de double éligibilité de certaines dépenses est réel, et risque de s'intensifier compte tenu de l'actuelle floraison des dispositions instaurant des crédits d'impôts . Ainsi la définition des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche pourrait éventuellement se croiser avec celle des dépenses éligibles au présent crédit d'impôt.

Le V prévoit que les entreprises ne pourront bénéficier de ce crédit d'impôt que dans les limites prévues par le règlement n° 69/2001 de la commission européenne du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE relatifs aux aides dites de minimis , de sorte que le bénéfice du crédit d'impôt proposé serait limité à 100.000 euros par entreprise pour chaque période de trois années consécutives . En outre, ce plafond serait réduit à due concurrence des autres aides d'Etat reçues dans le cadre de régimes relevant du règlement de minimis , quelles que soient leur provenance et leur forme (ce qui inclut par exemple certaines aides apportées par les collectivités territoriales).

Cette disposition dispense la France de notifier à la Commission européenne le présent projet de crédit d'impôt.

Aux termes du II du nouvel article, le crédit d'impôt est mis en place pour une durée limitée de trois ans , les dépenses éligibles correspondant aux dépenses exposées entre le 1 er janvier 2005 et le 31 décembre 2007.

D. L'IMPUTATION DU CREDIT D'IMPÔT

Le B , C , et D du I du présent article précisent les modalités d'imputation du crédit d'impôt qui ne présentent pas de caractère particulier par rapport aux autres crédits d'impôts prévus par le code général des impôts.

Le B du I insère un nouvel article 199 ter J dans le code général des impôts prévoyant que le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater K est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle l'entreprise a engagé les dépenses. Si le montant du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre de ladite année, l'excédent est restitué.

Lorsque les sociétés sont soumises à l'impôt sur les sociétés , le C du I du présent article, créant un nouvel article 220 L du code général des impôts, prévoit que le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'année au cours de laquelle l'entreprise a engagé les dépenses.

En outre, le deuxième alinéa du V du nouvel article 244 quater K prévoit que lorsque les sociétés ou groupements ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés , le crédit d'impôt peut être utilisé par les associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements, à condition qu'ils soient redevables de l'impôt sur les sociétés, ou participer, en tant que personne physique, à l'exploitation de l'activité de façon personnelle, continue et directe (au sens du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts).

Le D du I du présent article complète l'article 223 O du code général des impôts en disposant que pour les groupes de sociétés, le montant du crédit d'impôt serait calculé au niveau de chaque société du groupe, mais imputé au niveau de la société-mère.

Un décret fixe les conditions d'application du nouvel article 244 quater K du code général des impôts, créé par le présent article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Compte tenu de l'importance économique des PME, qui réalisent 46 % du chiffre d'affaires global des entreprises et 53 % de la valeur ajoutée, on ne peut être évidemment que favorable à leur modernisation et à l'amélioration de leur insertion au sein d'une économie caractérisée par une gestion en flux tendus, requérant une maîtrise de l'information aussi rapide et efficace que possible. Il convient d'ailleurs de rappeler qu'il existe une différence d'équipement en matière de nouvelles technologies entre les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises.

Cependant, on peut observer que le champ des dépenses éligibles du crédit d'impôt est relativement flou . Les notions de réseau internet et extranet ne font pas l'objet de définition précise, quant aux immobilisations corporelles et incorporelles servant à constituer ces réseaux et permettant un accès à haut débit, elles peuvent recouvrir tant de choses que l'instruction fiscale qui sera prise pour détailler exactement ce que recouvrent les dépenses éligibles sera digne d'un inventaire « à la Prévert ».

En outre, il est nécessaire de prendre en compte la rapidité avec laquelle ces nouvelles technologies évoluent et, par conséquent, la rapidité avec laquelle l'instruction d'application de ce nouveau crédit d'impôt pourra être dépassée. La difficulté de définir de manière précise et stable les dépenses éligibles est préjudiciable, selon votre rapporteur général, à la lisibilité et à la mise en oeuvre efficace de ce crédit d'impôt.

Par ailleurs, une fois de plus , l'aide proposé sous la forme d'un crédit d'impôt s'inscrit dans le cadre des aides dites de minimis .

Or votre rapporteur général s'inquiète de la multiplication des aides accordées sous le régime de minimis . C'est pourquoi, à l'initiative de votre commission des finances, le Sénat a adopté, dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, un amendement tendant à ce que « le Gouvernement communique chaque année avant le 31 mars aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat la liste des régimes d'aides de toute nature accordées par l'Etat relevant du règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis. »

En outre, comme l'a déjà fait remarquer votre rapporteur général à plusieurs reprises, la gestion d'aides accordées sous le régime de minimis est en principe extrêmement complexe pour l'Etat, comme pour les entreprises bénéficiaires .

En effet, l'article 3 du règlement ( CE) n° 69/2001 de la commission du 12 janvier 2001 relatif aux aides de minimis dispose :

« 1. Lorsqu'un Etat membre octroie une aide de minimis à une entreprise, il l'informe du caractère de minimis de cette aide ; l'entreprise concernée lui fournit des informations complètes sur les autres aides de minimis qu'elle a reçues au cours des trois années précédentes . L'État membre ne peut lui accorder la nouvelle aide de minimis qu'après avoir vérifié que cette nouvelle aide ne porte pas le montant total des aides de minimis perçues au cours de la période de référence de trois ans au-delà du plafond de [100.000 euros](...)

« 3. Les États membres enregistrent et compilent toutes les informations concernant l'application du présent règlement. Ces dossiers contiennent toutes les informations nécessaires pour établir si les conditions du présent règlement ont été respectées. Les informations sont conservées, en ce qui concerne les aides de minimis individuelles, pendant une période de dix ans à compter de la date à laquelle l'aide a été octroyée et, pour ce qui est des régimes d'aides de minimis, pendant une période de dix ans à compter de la date d'octroi de la dernière aide individuelle au titre du régime en question. Sur demande écrite de la Commission, les Etats membres concernés lui communiquent, dans un délai de vingt jours ouvrables ou tout autre délai plus long fixé dans cette demande, toutes les informations que la Commission considère comme nécessaires pour lui permettre de déterminer si les conditions du présent règlement ont été respectées, en particulier le montant total des aides de minimis octroyées à une entreprise donnée ».

On peut d'ailleurs se demander, dans le cas d'espèce, si les dispositions précitées de l'article 3 du règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 relatif aux aides de minimis ne requièrent pas des services fiscaux la vérification, préalable à l'octroi du crédit d'impôt « nouvelles technologies », du respect par chaque entreprise demanderesse du plafond de 100.000 euros sur trois années consécutives pour l'ensemble des aides de minimis dont elle a bénéficié, même si cela risquerait d'alourdir encore davantage une procédure déjà fort complexe au regard des montants financiers en jeu. Dans le cas contraire, la responsabilité de l'Etat pourrait être en effet engagée.

Quoi qu'il en soit, il résulte des dispositions du règlement de minimis précitées que les entreprises éligibles au crédit d'impôt doivent, en principe, avant d'en demander le bénéfice, calculer chaque année le montant de l'ensemble des autres aides de minimis qu'elles ont reçues au cours des trois dernières années et ce, sous peine d'engager également leur responsabilité.

Il résulte de tout cela que le présent régime s'avèrera souvent assez illusoire et facteur de complications administratives ainsi que d'insécurité fiscale pour des entreprises peu structurées.

Plus largement votre rapporteur général s'inquiète de la prolifération de nouvelles dépenses fiscales. L'importance et surtout le nombre des régimes fiscaux dérogatoires sont indissolublement liés au niveau élevé des prélèvements, qui ne serait sans doute pas supportable sans les soupapes que constituent les dépenses fiscales.

Dès lors, votre rapporteur général rappelle qu'il préférerait que soit engagé un processus de réforme de notre fiscalité, fondé sur une stratégie fiscale lisible, et en ce qui concerne les entreprises, sur une baisse du taux nominal de l'impôt sur les sociétés, plutôt que de créer sans cesse des dispositifs spécifiques dont l'encadrement est nécessairement arbitraire. Mais il sait très bien que cette vision est tout à fait contraire aux habitudes de l'administration et que les ministres préfèrent bien souvent s'en tenir aux effets d'annonce.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

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