ARTICLE
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Simplification des formalités de garantie à
l'importation et à l'introduction des ouvrages en métaux
précieux et à la suppression de la distinction des
dénominations « or » et « alliages
d'or »
Commentaire : le présent article vise à supprimer la distinction entre les dénominations « or » et « alliage d'or » et à simplifier les formalités de garantie des ouvrages en métaux précieux.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA DISTINCTION ENTRE LES DÉNOMINATIONS « OR » ET « ALLIAGE D'OR »
1. La distinction opérée
Une réglementation et un contrôle spécifiques garantissent la part, dénommée « titre », des métaux précieux, c'est-à-dire du platine, de l'or et de l'argent, dans l'alliage des ouvrages.
Aux termes de l'article 522 du code général des impôts, une distinction est opérée entre les ouvrages en or et les ouvrages contenant de l'or. En effet, les titres légaux sont les suivants :
- pour les ouvrages en or : 999 millièmes, 916 millièmes et 750 millièmes ;
- pour les ouvrages contenant de l'or : 585 millièmes et 375 millièmes.
Afin de garantir la teneur en métal précieux de la pièce, les ouvrages sont marqués de deux poinçons :
- le poinçon de responsabilité apposé sur l'ouvrage par le fabricant , ou le poinçon de responsabilité , apposé par l' importateur ;
- le poinçon de garantie , apposé le plus souvent par les bureaux de garantie de l'administration des douanes et droits indirects.
Signalons que l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2003 (loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) a réformé le régime de garantie et de poinçonnage des métaux précieux 57 ( * ) .
L'article 522 bis du code général des impôts précise que « seuls les ouvrages d'or dont le titre est supérieur ou égal à 750 millièmes peuvent bénéficier de l'appellation « or » lors de leur commercialisation au stade du détail auprès des particuliers. Les ouvrages contenant de l'or aux titres de 585 ou 375 millièmes bénéficient de l'appellation « alliage d'or », assortie de leur titre, lors de leur commercialisation au stade du détail auprès des particuliers ».
2. La décision de la Cour de justice des communautés européennes du 8 juillet 2004
Une décision récente de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) impose de remettre en cause la distinction ainsi opérée.
En effet, dans son arrêt du 8 juillet 2004 (Commission contre République française, affaire C-166/03), la CJCE a jugé que la dénomination « alliage d'or », moins attrayante pour le consommateur, devait être considérée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne, qui dispose que « les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres ».
La CJCE a notamment relevé que des ouvrages contenant de l'or aux titres de 375 ou de 585 millièmes sont légalement commercialisés sous l'appellation « or » dans d'autres États membres que la France et a estimé que « le système de double dénomination prévu à l'article 522 bis du CGI n'est pas proportionné à l'objectif d'assurer la loyauté des transactions commerciales et la défense des consommateurs ».
B. LES CONDITIONS DE CIRCULATION DES OUVRAGES EN MÉTAUX PRÉCIEUX EN PROVENANCE D'AUTRES ETATS
1. Les dispositions actuelles
Le d de l'article 524 bis du code général des impôts dispose que les ouvrages introduits sur le territoire national en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne portant un poinçon de fabricant et un poinçon de titre enregistrés dans ces Etats sont dispensés de poinçon de garantie, dès lors que le poinçon du fabricant a été déposé auprès de l'administration française et que le poinçon de titre a été reconnu par celle-ci, dans les conditions prévues à l'article 548 du code général des impôts.
Ce dernier article dispose que les ouvrages fabriqués ou mis en libre pratique dans un Etat membre de l'Union européenne, comportant déjà l'empreinte, d'une part, d'un poinçon de fabricant ou d'un poinçon de responsabilité et, d'autre part, d'un poinçon de titre, enregistrés dans cet Etat, peuvent être commercialisés sur le territoire national sans contrôle préalable d'un bureau de garantie français ou d'un organisme agréé français, selon le cas.
Une condition doit toutefois être remplie : d'une part, le poinçon de fabricant dont ils sont revêtus doit avoir été déposé au service de l'administration ou à un organisme de contrôle agréé et, d'autre part, le poinçon de titre doit avoir été reconnu par ce service.
Il est toutefois précisé que les personnes qui commercialisent ces ouvrages sur le territoire national ont la faculté de les présenter à la garantie pour y être essayés et insculpés du poinçon de titre français.
En outre, les fabricants ou les professionnels responsables de l'introduction en France de leurs ouvrages en provenance des autres Etats membres de l'Union européenne doivent, quant à eux, déposer leur poinçon au service de la garantie, préalablement à toute opération.
L'article 549 du code général des impôts fixe notamment les conditions de mise sur le marché français d'ouvrages, introduits au titre de l'exception aux dispositions de l'article 548 applicable aux bijoux destinés à l'usage personnel d'un voyageur, en provenance d'Etats qui ne sont pas membres de l'Union européenne. Il prévoit ainsi que ces ouvrages doivent être portés au bureau de garantie ou à l'organisme de contrôle agréé, selon le cas, pour y être marqués.
2. Les règles communautaires
Ces règles ont été source de difficultés pour la mise sur le marché français d'ouvrages en métaux précieux originaires d'autres Etats membres de l'Union européenne, ce qui a amené la Commission européenne à adresser un avis motivé à la France.
En effet, la procédure de dépôt du poinçon de fabricant et de reconnaissance des titres en vigueur dans les autres Etats par le biais d'une convention est décrite comme étant non conforme aux articles 28 et 30 du traité instituant la Communauté européenne : dans la mesure où un ouvrage est légalement en circulation dans un Etat membre de la Communauté européenne, le poinçon du fabricant n'a pas à être déposé auprès des services de la garantie français et ces derniers n'ont pas à reconnaître les poinçons de titre par convention.
Dans son arrêt Houtwipper (affaire C-293/93 du 15 septembre 1994), relatif aux conditions d'importation des ouvrages en métaux précieux aux Pays-Bas, la CJCE a jugé que « l'article 30 du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale prohibant la mise en vente d'ouvrages en métal précieux non revêtus d'un poinçon de titre répondant aux exigences de cette réglementation, pour autant que ces ouvrages n'ont pas fait l'objet, conformément à la législation de l'Etat membre d'exportation, d'un poinçonnage ayant un contenu informatif équivalant à celui des poinçons prescrits par la réglementation de l'Etat membre d'importation, et compréhensibles pour le consommateur de cet Etat.
« Lorsqu'une réglementation nationale exige que le poinçon soit apposé par un organisme indépendant, la commercialisation d'ouvrages en métal précieux importés d'autres Etats membres ne peut être interdite dans le cas où ces ouvrages ont été effectivement poinçonnés par un organisme indépendant dans l'Etat membre exportateur.
« Les appréciations de fait nécessaires en vue d'établir l'équivalence des indications fournies par le poinçon doivent être portées par le juge national, auquel il appartient également de vérifier si les ouvrages en métal précieux ont été poinçonnés par un organisme indépendant dans l'Etat membre exportateur.
« L'article 30 du traité s'oppose à l'application d'une réglementation nationale prohibant la commercialisation d'ouvrages en métal précieux dépourvus de la mention de la date de fabrication, mais qui, importés d'autres Etats membres, y sont légalement commercialisés sans cette indication . »
Par ailleurs, la Commission européenne a également estimé que la réglementation française tenant au dépôt du poinçon de fabricant et à la reconnaissance des titres étrangers par convention ne pouvait s'appliquer aux produits légalement fabriqués et commercialisés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, de l'Espace économique européen ou en Turquie, lorsque le poinçon a été apposé par un organisme offrant les garanties de compétence et d'indépendance nécessaires à la bonne information des consommateurs. En effet, l'union douanière entre les pays européens et entre les pays européens et la Turquie fait obstacle à ce que soient prises des restrictions quantitatives aux importations ou des mesures d'effet équivalent.
Le décret n° 2004-661 du 6 juillet 2004 relatif aux conventions habilitant les professionnels à vérifier les ouvrages en métaux précieux et à l'agrément des organismes de contrôle agréés pour l'essai et le marquage des ouvrages en métaux précieux tient compte de ces avis et prévoit que le poinçon de garantie peut être apposé par un organisme de contrôle agréé ou par un organisme de contrôle indépendant établi dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, dans des Etats parties à l'Espace économique européen (Islande, Norvège, Lichtenstein) ou en Turquie.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
A. LA SUPPRESSION DE LA DISTINCTION ENTRE LES DÉNOMINATIONS « OR » ET « ALLIAGE D'OR »
Afin de tirer les conséquences de l'arrêt précité de la CJCE du 8 juillet 2004, le I du présent article propose deux mesures :
- d'une part, le 1° du I modifie l'article 522 du code général des impôts afin de viser au a de cet article les titres 999 millièmes, 916 millièmes, 750 millièmes, 585 millièmes et 375 millièmes pour les ouvrages en or, supprimant ainsi la notion « d'ouvrages contenant de l'or » ;
- d'autre part, le 2° du I supprime la distinction opérée par l'article 522 bis du CGI, en prévoyant que seuls les ouvrages d'or dont le titre est supérieur ou égal à 375 millièmes d'or peuvent bénéficier de l'appellation « or ».
Par ailleurs, les 4° et 7° du I du présent article constituent des mesures de coordination, qui suppriment les références aux alliages d'or ou aux ouvrages contenant de l'or.
Enfin, le 1° du II du présent article modifie le livre des procédures fiscales, en supprimant tout d'abord la référence à la notion d'« alliage d'or » au sein de l'article L. 36 et en procédant à une autre modification rédactionnelle, en substituant aux termes « les personnes » les termes « les contribuables ».
Ensuite, le 2° du II du présent article abroge l'article L. 222 du livre de procédures fiscales, qui dispose que « les procès verbaux constatant les infractions commises par les marchands ambulants d'ouvrages d'or ou contenant de l'or, d'argent ou de platine peuvent être établis par les maires, leurs adjoints ou les commissaires de police ». Ces dispositions étaient en effet tombées en désuétude et les articles correspondants dans le code général des impôts ont été abrogés par les articles 14 et 15 de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des simplifications en matière fiscale.
B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA CIRCULATION DES OUVRAGES EN MÉTAUX PRÉCIEUX
Afin de tenir compte des observations de la commission européenne sur les difficultés de circulation des ouvrages en métaux précieux, le présent article modifie les articles 524 bis , 548 et 549 précédemment mentionnés du code général des impôts, ces dispositions s'appliquant à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Ainsi, le 5° du I du présent article modifie l'article 548 du code général des impôts et prévoit que « les ouvrages aux titres légaux, fabriqués ou mis en libre pratique dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou importés d'un autre Etat partie à l'accord instituant l'Espace économique européen ou de Turquie , comportant déjà l'empreinte, d'une part, d'un poinçon de fabricant ou d'un poinçon de responsabilité et, d'autre part d'un poinçon de titre enregistrés dans cet Etat, peuvent être commercialisés sur le territoire national sans contrôle préalable d'un bureau de garantie français ou d'un organisme de contrôle agréé selon le cas ». Deux modifications sont introduites par cette rédaction : d'une part, l'extension du dispositif aux Etats membres de l'Espace économique européen et à la Turquie et, d'autre part, la suppression de la condition de dépôt du poinçon de fabricant au service de la garantie et de reconnaissance par celui-ci du poinçon de titre.
Le texte proposé prévoit toutefois que « le poinçon de titre doit avoir été apposé par un organisme indépendant ou par l'administration compétente de l'Etat concerné selon des normes offrant des garanties suffisantes d'information du consommateur . »
En outre, la présentation volontaire à un bureau de garantie ou à un organisme de contrôle agréé français demeure possible. En l'absence d'un des poinçons, les ouvrages seraient soumis aux contrôles actuellement en vigueur pour les importations extracommunautaires.
Seuls les professionnels responsables de l'importation et de l'introduction en France d'ouvrages en métaux précieux devraient désormais déposer leur poinçon au service de la garantie, lorsqu'ils apposent des poinçons de responsabilité.
Le 3° du I du présent article modifie en conséquence l'article 524 bis du code général des impôts, qui liste les ouvrages échappant à l'obligation que le poinçon de garantie soit apposé par l'administration des douanes, les organismes de contrôle agréé ou les professionnels habilités par convention.
Le 6° du I du présent article modifie également en conséquence l'article 549 du code général des impôts.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget.
En outre, elle a accepté un amendement du gouvernement précisant les garanties offertes aux consommateurs et aux professionnels en cas d'importation d'ouvrages en métaux précieux.
La modification proposée par le gouvernement visait, tout en se conformant au droit communautaire, à répondre aux craintes exprimées par nos collègues députés, s'agissant de la qualité des produits commercialisés et du maintien d'une concurrence loyale dans ce domaine, alors que le secteur d'activité des ouvrages en métaux précieux représente environ 15.000 emplois en France, d'après les données fournies lors de la discussion de cet article par notre collègue député Gilles Carrez.
Aussi le dispositif adopté modifie-t-il le 3° du I du présent article, afin de prévoir que « le poinçon de titre doit être apposé par un organisme indépendant ou par l'administration compétente de l'Etat concerné selon des normes identiques ou équivalentes à celles exigées en France pour le contrôle et la certification du titre », formule plus précise que celle initialement envisagée, qui faisait simplement état de « normes offrant des garanties suffisantes d'information du consommateur ».
La deuxième phrase du 5° du I du présent article a également été réécrite en conséquence, en reprenant la même formule que celle prévue au 3° et en précisant que « les services en charge de la garantie publient une liste des Etats membres ou Etats associés utilisant des systèmes de contrôle et de certification des titres de métal précieux équivalents ou identiques au système français, ainsi qu'une liste des organismes de contrôle habilités par ces Etats et des poinçons qu'ils utilisent ».
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Les mesures prévues par le présent article mettent en conformité le droit français avec le droit communautaire.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale est plus satisfaisant que le texte initial du présent article, dans la mesure où il est de nature à offrir de réelles garanties, s'agissant des ouvrages en métaux précieux provenant d'autres Etats.
Toutefois, votre rapporteur général estime que le dispositif proposé s'agissant de la suppression de la distinction entre les appellations « or » et « alliage d'or » est insatisfaisant , dans la mesure où il n'offre pas de garanties suffisantes pour le consommateur. La mise en place d'un système « proportionné à l'objectif d'assurer la loyauté des transactions commerciales et la défense des consommateurs », pour reprendre la formule employée par la CJCE, doit être étudiée. Cette question est complexe et ne peut être traitée dans la hâte d'un collectif budgétaire. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur général vous propose dans l'immédiat, à titre conservatoire, de supprimer les dispositions mettant fin à la distinction entre « or » et « alliage d'or ».
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 57 Sur ce point, se reporter au commentaire de votre rapporteur général sur l'article 23 du projet de loi de finances rectificative pour 2003, rapport n° 112 (2003-2004).