C. DES GISEMENTS D'ÉCONOMIES ENCORE « À PORTÉE DE MAIN »
La Cour des comptes, dans son rapport public particulier d'avril 2003 sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat, a attiré l'attention sur certains dispositifs procurant des avantages en matière de retraite lui semblant disproportionnés par rapport aux contraintes subies par les fonctionnaires concernés.
1. La bonification pour dépaysement
Cette bonification, égale en règle générale au tiers de la durée des services civils accomplis hors d'Europe, constitue, a rappelé la Cour des comptes, un dispositif « défini, dans ses grandes lignes, il y a un siècle et demi, soit à une époque où la France entendait assurer sa présence coloniale et où les moyens de transport et les modes de vie étaient sans rapport avec la situation actuelle ».
Le coût, en 2003, estimé par le service des pensions, des bonifications pour dépaysement, s'élevait à 212 millions d'euros .
La Cour des comptes a préconisé un réaménagement complet de ce dispositif, qui comprendrait, en particulier, un « ciblage géographique beaucoup plus strict excluant notamment les DOM et les TOM » et un plafonnement du nombre d'années susceptibles d'être acquises au titre de la bonification pour dépaysement.
Au delà, la Cour de comptes estimait qu'« il convenait de s'interroger sur le principe même du maintien de ce dispositif pour l'avenir », compte tenu, notamment, des mesures trouvant déjà à s'appliquer durant la période d'activité.
2. Les bonifications accordées à certains professeurs de l'enseignement technique
Cette bonification, introduite en 1964 dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, est égale, dans la limite de cinq années, à la durée de l'activité professionnelle dans l'industrie dont les professeurs de l'enseignement technique ont dû justifier pour se présenter au concours. Ces années demeurent prises en compte dans la pension du régime général, ce qui aboutit à la prise en compte, exorbitante du droit commun, d'une même période de travail au titre de deux pensions différentes.
Certes, une politique volontariste de promotion de l'enseignement professionnel était alors nécessaire, car le statut des professeurs de l'enseignement technique n'était pas encore aligné sur celui des professeurs certifiés, tant en terme de rémunération (alignement en 1989), que d'horaires (alignement en 2000).
En 2003, la Cour des comptes a observé que ce « dispositif daté et devenu injustifié (...) donnait lieu à des demandes reconventionnelles visant à étendre cette mesure à l'ensemble des enseignants ayant à faire valoir une expérience professionnelle dans le secteur privé », de plus en plus nombreux dans l'enseignement général. Ainsi, « le maintien du statu quo paraissait difficile ».
Le coût, en 2001, estimé par le service des pensions, de cette bonification, s'élevait à 37 millions d'euros .
3. L'indemnité servie à certains pensionnés résidant outre-mer
Les décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 ont instauré une indemnité temporaire au profit des pensionnés titulaires d'une pension de l'Etat et justifiant d'une résidence effective outre-mer.
Cette indemnité, dont le montant représente un pourcentage de la pension concédée, est servie à la Réunion, à Mayotte (35 % de la pension concédée), à Saint-Pierre-et-Miquelon (40 %), en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna (70 %) ; en outre, elle bénéficie -sauf à la Réunion- de régimes fiscaux particulier.
Le coût, en 2003, estimé par la direction générale de la comptabilité publique, de l'indemnité temporaire, s'élevait à 203 millions d'euros , la dépense s'avérant dynamique, puisqu'elle s'était élevée à 120 millions d'euros en 1995. Selon la Cour des comptes, cette croissance s'explique « par la meilleure information diffusée sur le sujet par les services de retraites des administrations, la publicité donnée à la mesure par certaines émissions télévisées et par la baisse générale des tarif aériens ».
Or, la condition de résidence 67 ( * ) « s'est avérée depuis vingt ans pratiquement impossible à contrôler » , et il doit être rappelé que les actifs bénéficient déjà de majorations de rémunération en cas de service dans les territoires concernés.
La conclusion de la Cour des comptes était sans appel : « (...) l'heure n'est plus à de nouvelles - et très vraisemblablement vaines - tentatives de rationalisation. Il importe de mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée, d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite ».
A l'occasion de la discussion du projet de loi de programme sur l'outre-mer, nos collègues Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, et Philippe Marini, rapporteur général, avaient déposé un amendement visant, conformément aux préconisations de la Cour des comptes, à supprimer l'indemnité temporaire. Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, donnant un avis défavorable à cet amendement, avait ainsi justifié sa position : « (...) le choix du gouvernement est très clair en matière de réforme de retraites. (...) Jean-Paul Delevoye (...) a nettement indiqué que la question des retraites d'outre-mer n'entrait pas dans le champ de la réforme actuellement présentée par le gouvernement , qui est une réforme progressive visant à permettre aux agents de modifier leur stratégie en matière de départ à la retraite, et non pas une réforme ponctuelle portant sur des éléments particuliers de droit à pension des fonctionnaires » 68 ( * ) .
Compte tenu de cette dernière indication, si aucune des évolutions préconisées par la Cour des comptes dans son rapport public particulier d'avril 2003 sur les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat n'avait en effet, a priori , vocation à être véhiculée par la loi portant réforme des retraites, votre rapporteur spécial estime qu'aujourd'hui, rien ne s'opposerait à un réexamen de ces situations.
* 67 Résultant des décret précités et de l'instruction de référence de la direction générale de la comptabilité publique n° 82-17-B3 du 20 janvier 1982 : en principe, les absences du territoire ne peuvent dépasser 40 jours pour l'année civile, et l'indemnité doit être proratisée en cas de dépassement.
* 68 JO Débats Sénat, séance du 22 mai 2003, page 3545.