II. LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE
Entre 1994 et 2003, les échanges commerciaux de la France ont été dynamiques : les exportations et les importations ont progressé à un rythme annuel moyen supérieur à 6 % (en euros), contre une croissance de 3,5 % du PIB (en valeur courante). De fait, les exportations françaises ont atteint près de 324 milliards d'euros en 2003, pour représenter près de 26 % du PIB (soit une progression de plus de 5 points en dix ans).
En particulier, le solde commercial a connu sept années, entre 1993 et 1999, de forts excédents : après un déficit conjoncturel en 2000, dû à la forte hausse du prix du pétrole et des matières premières importées, la France a renoué à partir de 2001 avec un excédent commercial.
Ces bons résultats reflètent les atouts structurels de l'économie française :
- la bonne tenue des secteurs dans lesquels la France possède des avantages comparatifs (ce qui a été bénéfique à nos exportations manufacturières) ;
- les gains de compétitivité accumulés depuis le début des années 1990 dans le secteur manufacturier : de fait, malgré la forte appréciation de l'euro depuis le début 2002 - défavorable au commerce extérieur français - notre compétitivité-prix par rapport à nos partenaires de l'OCDE était encore supérieure au premier semestre 2004 de 2 % à sa moyenne des vingt dernières années, et notre compétitivité-coût (rapport des coûts salariaux unitaires ramenés à une monnaie commune), de plus de 15 % ;
- le positionnement des opérateurs français sur les segments « hors prix » de la compétitivité (qualité et diversité des produits, étendue des gammes proposées), qui leur assure des débouchés à l'exportation, en particulier dans le secteur des biens de consommation.
A. LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FRANCE S'EST AMÉLIORÉE DURANT LES DIX DERNIÈRES ANNÉES
1. Quel indicateur utiliser ?
Plusieurs indicateurs peuvent être mobilisés afin de cerner la réalité de l'évolution de la compétitivité de la France. Les plus couramment utilisés sont :
- le taux de change effectif nominal , qui permet de mesurer l'évolution du taux de change par rapport à un panier de 42 devises, en tenant compte de la concurrence exercée sur les exportateurs nationaux par les exportateurs des pays partenaires sur les marchés tiers (méthode dite des « doubles pondérations »). Cependant, cet indicateur présente une difficulté méthodologique : il ne permet pas, en tant qu'indicateur de compétitivité, de prendre en compte les différentiels d'inflation : une appréciation de la monnaie ne se traduit pas par une perte de compétitivité si elle est compensée par une baisse des prix ;
- afin de corriger cet indicateur, on utilise donc le taux de change effectif réel , qui corrige la difficulté méthodologique du taux de change effectif nominal . Il est mesuré en déflatant le taux de change effectif nominal par les prix à la consommation ;
- cependant, le taux de change effectif réel peut fluctuer avec l'évolution de prix des biens qui ne sont pas échangés sur les marchés internationaux. Ainsi, l'indicateur le mieux à même d'apprécier la compétitivité-prix à l'exportation (respectivement la compétitivité-coût ) des produits nationaux consiste donc à rapporter, dans une même monnaie, les prix d'exportation français (respectivement les coûts salariaux unitaires) dans un secteur donné à ceux de nos principaux concurrents dans ce secteur, sur les marchés tiers.
2. Le taux de change effectif nominal s'est fortement apprécié depuis 1994
Le taux de change effectif nominal de la France se trouve, à la fin du premier semestre 2004, fortement apprécié par rapport au niveau du début de l'année 1994 (22,4 % pour les biens, 20,7 % dans le secteur manufacturier et 35,5 % pour les produits agro-alimentaires).
Evolution du taux de change effectif nominal par rapport à 42 pays entre 1994 et 2004
Source : direction de la prévision
3. En termes réels, la France connaît une nette appréciation de son taux de change effectif depuis plus de trois ans
En juin 2004, le taux de change effectif réel de la France, après avoir atteint un point bas historique en octobre 2000, s'est apprécié de façon quasi-continue depuis, jusqu'à atteindre le même niveau qu'il y a 10 ans : il s'établit ainsi à un niveau inférieur de 0,7 % à celui de janvier 1994 dans le secteur manufacturier et de 1,7 % dans le secteur agroalimentaire.
Evolution du taux de change effectif réel par rapport à 42 pays entre 1994 et 2004
Source : direction de la prévision
4. La compétitivité des produits français vis-à-vis des pays de l'OCDE s'est sensiblement dégradée dans la dernière période avec l'appréciation de l'euro.
Compte tenu de la disponibilité des statistiques de prix des échanges et de coûts sur le secteur des produits manufacturés, les indicateurs de compétitivité-prix à l'exportation et de compétitivité-coût présentés ici n'englobent que nos partenaires de l'OCDE, et constituent donc eux aussi des indicateurs imparfaits de notre compétitivité.
Entre le premier semestre 1994 et le premier semestre 2004, la compétitivité-prix à l'exportation et la compétitivité-coût se sont respectivement améliorées de 7,1 % et 21,3 %.
Entre le premier semestre 1994 et le second semestre 2000, la compétitivité-prix et, surtout, la compétitivité-coût, se sont nettement améliorées (+ 9,3 % et + 25 % respectivement) dans un contexte d'appréciation nominale (hausse du taux de change effectif nominal de 2,8 %).
Ceci reflète les efforts sur les coûts des exportateurs français (le différentiel de coûts a évolué favorablement de + 22,2 %) le différentiel de prix étant moins favorable (+ 6,5 %). Les producteurs nationaux ont donc pu accroître la profitabilité des ventes à l'étranger tout en continuant d'améliorer leur compétitivité-prix.
Depuis le second semestre 2000, l'évolution de la compétitivité de la France est confrontée au mouvement d'appréciation de l'euro (15,2 % en termes effectifs nominaux). Il en résulte une dégradation tant de la compétitivité-prix (- 8,7 %) que de la compétitivité-coût (- 6,1 %), les différentiels d'évolution favorable de prix (+ 6,5 %) et de coûts (+ 9,1 %) exprimés en monnaies nationales ne parvenant pas à compenser les évolutions de change.
Au total, à la suite du mouvement d'appréciation de l'euro, la compétitivité-prix à l'export se situe désormais au dessous (- 1,9 %) du niveau moyen observé depuis 1994 et la compétitivité-coût, bien que s'établissant encore au dessus (+ 5,6 %), s'en est sensiblement rapprochée.
Compétitivité-prix et compétitivité-coût de la France entre 1994 et 2004 par rapport aux 24 pays de l'OCDE
Au vu de l'évolution de l'euro, votre rapporteur spécial notait dans son rapport pour 2004 que « les effets d'une appréciation prolongée de l'euro seraient considérables ». On peut aujourd'hui constater que, en ce qui concerne la compétitivité du pays, cette analyse s'est révélée juste.
En effet, le mouvement d'appréciation de l'euro, entamé en 2002, et qui s'est poursuivi jusqu'au début de l'année 2004 a pesé sur notre compétitivité-prix et a pénalisé les exportations de produits manufacturés. En raison de l'impact retardé des effets de compétitivité-prix, les effets passés de l'appréciation de l'euro continueraient à peser en 2004. Au total, l'impact de ces pertes de compétitivité de nos exportations devrait s'élever à 6 points .
A l'importation, la dégradation continue de la compétitivité-prix des produits français a poussé à la hausse nos importations, mais cette influence, limitée jusqu'en 2002 par la dépréciation de l'euro, s'est amplifiée avec le retournement sur le marché des changes. L'impact des évolutions de la compétitivité reste toutefois moins marqué pour les imports.
Les effets de l'appréciation de l'euro par rapport aux autres devises
Une appréciation du taux de change rend mécaniquement les produits français plus chers par rapport à ceux qui sont libellés dans une autre devise, ce qui tend à réduire nos exportations en volume. Cependant, une grande partie de nos échanges se fait avec nos partenaires de la zone euro, ce qui limite la concurrence ressentie par les produits français à l'exportation . Symétriquement, l'appréciation de l'euro rend plus compétitifs les produits importés de pays situés en dehors de la zone euro. La baisse des exportations, en raison du fort contenu en importations des exportations, atténuera sensiblement la correction à la hausse sur les importations. De plus, suite à l'appréciation du taux de change, les industriels français compriment leurs marges pour absorber une partie du choc et, ainsi, ne pas trop dégrader leur compétitivité. Par le passé, on a pu constater un tel comportement de marge de la part des entreprises américaines lors de la période d'appréciation du dollar : ainsi, entre les premiers semestres 1999 et 2001, le taux de change effectif du dollar s'est apprécié de 13,7 % et, en parallèle, les exportateurs américains ont accru de 9,0 % leurs efforts de marge.
Les industriels étrangers appliquent également un comportement de marge. Les producteurs des autres pays de la zone euro réagissent comme les entreprises françaises et réduisent leurs marges, dégradant, toutes choses égales par ailleurs, la compétitivité des produits français à l'exportation et à l'importation. A l'inverse, les exportateurs hors zone euro profitent des marges de manoeuvre liées à la dévaluation de leur monnaie, et accroissent leurs marges, réduisant donc légèrement les pertes de compétitivité enregistrées par la France.
Au total, ces comportements de marge amortissent, sans les annuler, les pertes de compétitivité des producteurs français. Ces dernières se traduisent par une baisse des volumes exportés et une hausse des volumes importés.
Une appréciation de 10 % de l'euro par rapport à l'ensemble des autres devises tendrait, selon de simulations (hors effets de bouclage macroéconomique) à dégrader le solde des produits manufacturés de 6,4 milliards d'euros à horizon de 18 mois.
Aux effets sur le solde manufacturier, il convient d'ajouter l'allégement de la facture énergétique, de 3,2 milliards d'euros dans cette hypothèse. Au total, avant bouclage macroéconomique et réaction de politique économique, l'appréciation de 10 % de l'euro conduirait mécaniquement à une baisse d'environ 3,2 milliards d'euros de notre solde commercial au bout de 18 mois. (notamment l'aéronautique), les boissons et l'industrie du verre. Au contraire, certains secteurs (agro-alimentaire, tabac, automobile) sont nettement moins exposés aux fluctuations du dollar.
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Une hausse continue de la monnaie européenne aurait trois types d'effets sur l'économie :
- un renchérissement des exportations en direction des pays de la « zone dollar », qui comprennent, en plus des Etats-Unis, l'Asie et l'Amérique Latine ;
- une concurrence vers les pays tiers , les produits européens devenant moins compétitifs que les produits des pays arrimés au dollar ;
- une concurrence à l'importation , sur le territoire européen, où les produits de la zone dollar connaissent des baisses de prix.
Dans ce contexte, les études montrent que la variable la plus touchée est l'investissement des entreprises, via une baisse de leur profitabilité, puis les exportations.
Les conséquences de la hausse sont différenciées d'un secteur à l'autre . Les secteurs les plus touchés seraient notamment ceux liés au transport et à l'aéronautique.