F. UN DÉFICIT D'ÉVALUATION DES AIDES À L'INDUSTRIE

1. Les opportunités offertes par la LOLF

La mise en oeuvre de la LOLF peut contribuer de deux façons à une amélioration de l'évaluation de l'efficacité des aides publiques à l'industrie :

- par la réalisation d'enquêtes de la Cour des comptes sur ce sujet, à la demande des commissions des finances des deux assemblées (la communication de la Cour des comptes de mai 2003 11 ( * ) sur les actions de restructuration et de reconversion du secrétariat d'Etat à l'industrie a constitué, à cet égard, une première digne d'intérêt) ;

- par l'élaboration, à laquelle le Parlement est appelé à s'associer, d'objectifs et d'indicateurs de performances pertinents sur ce point.

A en juger par les réponses aux questions posées à ce sujet par votre rapporteur spécial, ce travail n'est pas actuellement très avancé .

S'agissant, par exemple, des aides aux investissements des PMI, les futurs indicateurs devraient permettre de mesurer l'efficacité des différentes formes de soutien (subventions, avances remboursables, aides en fonds propres, allégements d'impôts et de charges sociales...) en terme de nombre et de coût des emplois créés ou maintenus, de durée de vie ou de développement des entreprises, d'effet de levier des dépenses publiques engagées, etc...

2. L'insuffisance des possibilités actuelles d'appréciation

La Cour des comptes, dans sa communication précitée de mai 2003 à votre commission des finances, a montré que la complexité des systèmes d'aide pouvait constituer un obstacle important à leur efficacité.

Son enquête portait sur les restructurations et les reconversions.

Les évaluations semblent déficientes à d'autres égards.

S'agissant, par exemple, de la procédure ATOUT de diffusion des nouvelles technologies, les études, dont les résultats sont mentionnés en réponse aux questions de votre rapporteur spécial sur les résultats des aides correspondantes, datent de 1995-1996 !

Il est reconnu, par ailleurs, que « le ministère ne dispose pas d'études récentes portant sur l'impact de ses procédures d'aide à l'innovation et à la recherche industrielle » ! (en dehors de celles effectuées par le secrétariat d'Eurêka).

G. L'ÉBAUCHE D'UNE NOUVELLE POLITIQUE INDUSTRIELLE

1. De vastes réformes amorcées

a) Une rationalisation des structures

De vastes réformes ont été achevées ou sont en cours, en ce qui concerne les services du ministère de l'industrie, ses partenaires, acteurs de la politique industrielle, ou la structure des dépenses avec principalement :

- la mise en place, en 2001, de la DSP (Délégation de service public), nouveau dispositif de conversion industrielle comprenant le recours à des prestataires extérieurs à l'administration et à des garanties d'emprunt exceptionnelles ;

- la création, en 2002, de la DGSNR (Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection) ;

- le regroupement, en 2003, sous la responsabilité de l'ANVAR, de l'ensemble des moyens consacrés au soutien à l'innovation (y compris ce qui concerne la procédure ATOUT et les recherches sur les technologies pétrolières et gazières) ;

- le rapprochement, qui vient d'être décidé, de cette agence avec la banque de développement des PME, dont la mise en oeuvre devra être suivie avec attention ;

- la fusion prochaine de la DGTIP et de la DARPMI au sein d'une nouvelle Direction générale des entreprises (DGE) ;

- les modifications des tâches des DRIRE (extension au contrôle de la radioprotection, externalisation du contrôle des véhicules...) ;

- l'annonce, par Mme Nicole Fontaine alors ministre déléguée à l'industrie, du transfert aux régions, en 2004, de l'attribution de l'ensemble des aides individuelles directes aux entreprises 12 ( * ) ;

- concernant Charbonnages de France, la fusion des trois EPIC du groupe en un seul, et la création d'une Association nationale de gestion des retraités 13 ( * ) à laquelle sera directement affectée la subvention figurant auparavant à l'article 10 du chapitre 45-10 ;

- enfin, tous les changements de nomenclature budgétaire et d'imputation de dépenses découlant de cet ensemble de mesures.

b) De nouveaux concepts

- Depuis longtemps, les aides aux entreprises industrielles ont été diversifiées. Aux subventions, attribuées selon une logique de projet et non plus de guichet, se sont ajoutées d'autres formes de soutien : aides au conseil, au recrutement, à l'investissement immatériel, à la recherche de partenaires, avances remboursables, prêts participatifs, garanties d'emprunt, aides en fonds propres, montages financiers, allègements d'impôts et de charges sociales, etc...

- Le dispositif d'encouragement à la création de JEI ( jeunes entreprises innovantes ), mis en place par la loi de finances pour 2004, semble avoir rencontré un franc succès. Les 25 millions d'euros prévus, pour l'allégement de leurs charges sociales, devraient être intégralement consommés et l'objectif des 500 entreprises bénéficiaires atteint, voire dépassé.

- Les soutiens apportés à l'innovation et à la recherche industrielle, en 2005, privilégieront les pôles de compétitivité , instrument essentiel d'une nouvelle politique industrielle faisant appel à une coopération étroite entre activités de production, de recherche et de formation dans un domaine et une zone géographique bien définis.

Ces pôles, dont l'agglomération grenobloise représente un modèle de réussite, seront labellisés dans le cadre d'un appel à projet national lancé avant la fin de 2004.

25 à 30 % des fonds d'intervention des ministères concernés devront être consacrés à leur émergence et à leur développement.

A l'aide de l'Etat se joindra celle des collectivités territoriales concernées.

- Enfin, une mission d'experts dirigée par le président de Saint-Gobain, M. Jean-Louis Beffa, a été chargée, par le Président de la République, d'étudier les conditions d'une relance de l'industrie à haut contenu technologique.

M. Jean-Louis Beffa milite pour un retour des grands programmes technologiques des années soixante qui ont connu d'éclatants succès, dans les domaines du nucléaire, de l'aéronautique et de l'espace, mais aussi des échecs retentissants (plan Calcul).

Il s'agit de politiques de l'offre ; la demande doit être au rendez-vous ; parfois c'est elle qui commande les évolutions de l'industrie, que l'on pense à l'électronique grand public ou à la micro-informatique.

Le volontarisme a ses limites.

2. La recherche de nouveaux débouchés

Il est indispensable de disposer d'une stratégie industrielle prospective permettant tout d'abord d'identifier les activités et les produits d'avenir.

- La recherche industrielle française (et souvent aussi européenne) accuse des retards préoccupants concernant des technologies génériques (bio et nanotechnologies, logiciels) ou des produits (véhicules hybrides) de première importance pour notre avenir industriel. Au moins, le mal est-il correctement diagnostiqué.

- Mais il semble que l'avenir de notre industrie, en tant qu' acteur d'un développement durable , n'ait pas été suffisamment pensé.

Les biocarburants par exemple, ou l'agrochimie, ne figurent pas parmi les technologies clés recensées pour 2005 par le MINEFI, alors qu'il s'agit de produits ou d'activités qui présentent un intérêt particulier :

• dans un contexte de pétrole cher,

• pour valoriser les atouts de notre agriculture et assurer son avenir par un partenariat avec l'industrie, créateur de valeur ajoutée et d'emplois, écologiquement vertueux, et bénéfique pour notre commerce extérieur.

La liquéfaction du charbon, source fossile d'énergie dont les réserves, dans le monde, sont les plus importantes, mériterait aussi une attention soutenue.

Les contraintes environnementales doivent être vécues par notre industrie comme une opportunité de nouveaux débouchés et non comme une contrainte 14 ( * ) .

* 11 Cette communication a donné lieu à la publication d'un rapport d'information n° 322 (2002-2003) de la commission des finances.

* 12 Il semble, en tout cas, que les DRIRE doivent être, d'une part, rapprochées des DIREN (directions régionales de l'environnement), d'autre part intégrées, avec d'autres services déconcentrés d'intervention économique de l'Etat, dans des pôles économiques régionaux, ce qui confirmerait leur double mission (protection de l'environnement, développement des entreprises).

* 13 EPA (établissement public administratif) créé par la loi n° 2004-105 du 3 février 2004.

* 14 Ce qui n'a pas été le cas dans le passé lorsque nos constructeurs automobiles, par exemple, ont mené des combats d'arrière garde contre le pot catalytique.

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