B. LA RÉFORME DE LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE
En application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la loi de finances initiale pour 2004 a remplacé la redevance, taxe parafiscale, par une « imposition de toute nature », mais sans modifier l'imputation du produit correspondant ni les bénéficiaires de son produit.
L'article 24 du présent projet de loi de finances propose, suite au rapport d'information 2 ( * ) de notre collègue député Patrice Martin-Lalande ayant effectué des recommandations en ce sens, d' adosser le recouvrement de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation pour les particuliers, et à la taxe sur la valeur ajoutée pour les professionnels . En l'absence de détention d'un appareil de télévision, une déclaration sur l'honneur serait ainsi effectuée par le redevable.
Une augmentation du produit de la redevance audiovisuelle est attendue de cette réforme, du fait d' économies de gestion liées au redéploiement de 1.000 des 1.400 agents du service de la redevance, ainsi que d'une diminution de la fraude.
En revanche, la détention d'un poste de télévision dans les résidences secondaires serait désormais exonérée du paiement de la redevance audiovisuelle. Lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2005, l'Assemblée nationale a adopté en outre, à l'article 24, un amendement exonérant de redevance audiovisuelle une partie des enfants rattachés fiscalement au foyer de leurs parents pour le paiement de l'impôt sur le revenu.
Enfin, pour des raisons d'ordre technique, le taux de la redevance a été arrondi de 116,50 euros à 116 euros en métropole, et de 74,31 euros à 74 euros outre-mer.
Votre rapporteur spécial tient à rappeler ses positions sur la redevance et, plus généralement, sur les besoins de financement de l'audiovisuel public .
S'il ne veut pas être marginalisé, le secteur public doit bénéficier de ressources courantes - indépendamment de ses besoins d'investissements propres pour acheter des programmes - mais aussi se placer sur le marché de l'interactivité dont la croissance reste du même ordre de grandeur que celle de ses concurrents .
Il lui faut investir dans des programmes suffisamment attractifs, qu'il s'agisse de payer les droits de plus en plus lourds exigés pour les retransmissions sportives ou de conserver les animateurs vedettes - ce qui est un problème non seulement pour la télévision mais également pour la radio - ou de faire réaliser des émissions de fiction de prestige. C'est ce que le gouvernement a fait en consacrant aux programmes les moyens qui devaient être affectés aux nouvelles chaînes du numérique.
Votre rapporteur spécial se demande cependant si ces moyens sont suffisants. En effet, TF1 continue de disposer de recettes d'exploitation dont la croissance est deux fois plus rapide que celles de France Télévisions.
La question du devenir de la redevance reste entière . Si votre rapporteur spécial comprend que l'on ait pu retarder l'augmentation de la redevance pour des raisons psychologiques, il estime toujours qu' il faut, à moyen terme, l'augmenter substantiellement pour la rapprocher du niveau en vigueur chez nos principaux partenaires et, notamment en Allemagne où elle est de l'ordre de 190 euros, alors que le projet de loi de finances pour 2005 maintient son niveau à 116 euros. Il se demande, à cet égard, si le succès des bouquets payants en France ne vient pas précisément de la relative faiblesse du montant de notre redevance qui a permis aux Français d'accéder plus facilement aux services privés.
Défavorable à une budgétisation des ressources de l'audiovisuel public ainsi qu'à son financement par le produit des jeux , dans la mesure où il est essentiel de conserver au travers de la redevance un lien entre les Français et leur télévision, votre rapporteur spécial estime que l' adossement de la redevance sur la taxe d'habitation doit s'effectuer dans des conditions qui permettent d'éviter la confusion entre deux impositions aux finalités très différentes, l'une ayant un caractère local et l'autre un caractère national .
Pour d'évidentes raisons de lisibilité, l'article 24 du projet de loi de finances pour 2005 tend à aligner les exonérations de redevance audiovisuelle sur celles de taxe d'habitation , tout en prévoyant le maintien - au moins à titre transitoire - des actuelles exonérations de redevance audiovisuelle pour les redevables qui en perdraient le bénéfice. Ce choix pose toutefois la question d'une budgétisation à un niveau suffisant du remboursement des exonérations de redevance audiovisuelle , lequel s'établit à 440 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances (contre 428 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004).
Votre rapporteur spécial s'interroge enfin sur les conséquences des évolutions technologiques quant au dynamisme de la redevance audiovisuelle, dont le fait générateur est inchangé . En particulier, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004 à l'Assemblée nationale, le gouvernement avait précisé que l'assujettissement à la redevance de toute personne possédant un moyen de réception de la télévision n'avait pas pour effet d'étendre cette imposition aux propriétaires de micro-ordinateurs 3 ( * ) .
Or les opérateurs de téléphonie ont développé des offres combinées à l'accès à Internet et à la télévision par ADSL , dans des conditions financières attractives. Si l'usager choisit de telles offres, sans détenir de poste de télévision, il n'est pas assujetti à la redevance audiovisuelle et le coût de cet accès à la télévision n'est actuellement pas directement répercuté sur le montant de son abonnement. Votre rapporteur spécial estime que le financement des organismes de l'audiovisuel public par la redevance est ainsi potentiellement menacé .
* 2 Assemblée nationale, rapport d'information n° 1019 (XII ème législature), juillet 2003.
* 3 Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a réaffirmé cette position dans une réponse à une question écrite de notre collègue Jacques Mahéas du 29 janvier 2004, rappelée le 30 septembre 2004 : « L'article 37 de la loi de finances pour 2004 prévoit que le fait générateur de la redevance est constitué par la détention d'un appareil récepteur de télévision ou d'un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision . Cette dernière notion couvre les téléviseurs qui sont dépourvus de tuner, mais qui, reliés à un magnétoscope, offrent la possibilité de recevoir la télévision. Le décret n° 92-304 du 30 mars 1992 prévoyait déjà que le fait générateur de la redevance était constitué par la détention d'un appareil récepteur de télévision. Il précisait en outre que tout dispositif permettant la réception de la télévision était considéré comme appareil récepteur de télévision . Le fait générateur de la redevance n'a donc pas été modifié par la loi de finances pour 2004. Les détenteurs de micro-ordinateurs ne sont toujours pas assujettis à la redevance » (Journal officiel, Sénat, débats parlementaires, jeudi 4 novembre 2004, p. 2528).