2. Un transfert de compétences trop timide
Lors des débats parlementaires sur la loi du 9 septembre 2002, votre rapporteur avait souligné le caractère expérimental de la création de ces juridictions de proximité et observé que des ajustements se révèleraient sans doute nécessaires.
Dès le mois d'octobre 2003, M. Michel Lernout, chef de la mission chargée du recrutement des juges de proximité, entendu par notre collègue M. Christian Cointat, alors rapporteur pour avis au nom de votre commission des Lois sur les crédits de la loi de finances pour 2004, affectés aux services généraux de la justice, avait constaté le faible volume d'affaires transférées des tribunaux d'instance vers les juridictions de proximité, 5 %, et jugé inévitable d'élargir leurs attributions 11 ( * ) .
Compte tenu de l'intention du ministère de la justice de recruter près de 3.300 juges de proximité d'ici 2007, il paraît en outre peu probable que chacun d'eux puisse traiter des dossiers en nombre suffisant.
En réponse à une question écrite de notre collègue Bernard Frimat 12 ( * ) , le ministère de la justice a indiqué qu'au regard de l'activité juridictionnelle des juridictions de proximité, le nombre d'affaires civiles relevant de leur compétence représentait environ 5 % du contentieux des tribunaux d'instance. Cette estimation a été confirmée par l'Association nationale des juges d'instance entendue par votre commission.
Cette situation est regrettable car les juges de proximité, pourtant disponibles et formés, tiennent peu d'audiences - une par mois, en moyenne, selon l'Association nationale des juges de proximité, voire une ou deux par trimestre . Traitant moins d' une dizaine de dossiers par mois , la plupart d'entre eux souhaitent être saisis d'un contentieux plus volumineux. En outre, ainsi que l'a fait valoir M. Dominique Hamard, juge de proximité à Angers, lors de son audition par votre commission, la compétence des juges de proximité et la qualité des décisions seront d'autant plus avérées qu'ils pourront traiter un nombre d'affaires significatif.
Selon les informations fournies par le ministère de la justice, l'activité des juridictions de proximité en matière pénale représente environ 15 % du contentieux traité auparavant par les tribunaux de police . Ainsi, en 2003, les juges de proximité ont statué sur près de 4.750 contraventions de la cinquième classe et 17.500 contraventions des quatre premières classes. Ils ont prononcé près de 40.800 ordonnances pénales concernant les contraventions des quatre premières classes. Ces chiffres attestent d'une activité plus dense qu'en matière civile .
A Paris, entre janvier et septembre 2004, la juridiction de proximité a jugé plus de contraventions (65 % des jugements) que le tribunal de police, surtout en ce qui concerne celles des quatre premières classes 13 ( * ) .
ACTIVITÉ DU TRIBUNAL DE POLICE ET
DE LA
JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE PARIS
(du 1er janvier au 31 septembre
2004)
|
TRIBUNAL DE POLICE |
JURIDICTION DE PROXIMITÉ |
JUGEMENTS |
|
|
Contraventions des quatre premières classes
|
|
|
Contraventions de la cinquième classe
|
|
|
Activité totale |
18.791 |
29.226 |
AUDIENCES |
|
|
septembre 2004 |
30 |
50 |
octobre 2004 |
27 |
52 |
novembre 2004 |
27 |
53 |
Source : Ministère de la justice
Si les compétences dévolues aux juges de proximité sont très controversées en matière civile, leur intervention dans le domaine pénal est mieux acceptée, voire souhaitée par les acteurs de l'institution judiciaire. M. Michel Lernout a en effet indiqué que les magistrats professionnels admettaient volontiers que l'intervention des juges de proximité contribuerait à décharger utilement les juridictions judiciaires. L'Association nationale des juges d'instance a d'ailleurs souscrit à cette analyse, sous réserve d'un allongement de leur formation.
* 11 Avis sur les crédits de la loi de finances pour 2004 consacrés aux services généraux de la justice n° 78 - Tome IV - de M. Christian Cointat (Sénat, 2003-2004) - p. 24.
* 12 Journal Officiel - Questions écrites - Sénat - 28 octobre 2004 - p. 2.477.
* 13 Les juridictions de proximité ont jugé 11 % des contraventions de la cinquième classe.