C. LES BASES D'UN ASSAINISSEMENT DURABLE DES FINANCES SOCIALES
1. Un redressement financier conditionné par le succès de la réforme
Le plan de redressement de l'assurance maladie repose essentiellement sur le succès de la réforme du système et sur l'infléchissement significatif des comportements des professionnels et des assurés qui en est attendu. Les éléments de cadrage financier doivent de ce fait être appréhendés avec le recul nécessaire à toute prévision fondée sur la modification de ces comportements.
L'amélioration du fonctionnement du système de soins
L'amélioration du système de soins, enjeu principal de la réforme, devrait contribuer à hauteur de 8,7 milliards d'euros au redressement financier de la sécurité sociale, soit 60 % de son déficit prévisionnel à l'horizon 2007.
Économies attendues de l'amélioration de
l'organisation
et du fonctionnement du système de soins
en milliards d'euros
Maîtrise médicalisée |
3,5 |
Actions sur les produits de santé |
2,3 |
Économies à l'hôpital (hors revalorisation du forfait hospitalier) |
1,6 |
Amélioration de la gestion des indemnités journalières |
0,8 |
Amélioration du recours contre tiers |
0, 3 |
Diminution des coûts de gestion de la CNAM |
0,2 |
Total |
8,7 |
Source : Gouvernement
Les mesures de redressement financier
Afin de rétablir l'équilibre des comptes de l'assurance maladie, il est nécessaire de réclamer, à l'ensemble de la collectivité nationale, un effort financier. Celui-ci est équitablement réparti entre les usagers, les contribuables et l'État.
Les usagers acquitteront une contribution d'un euro par acte . Cette mesure plafonnée ne vise d'ailleurs pas les plus fragiles et les plus modestes d'entre eux. Le forfait hospitalier sera également augmenté.
Les ménages supporteront un relèvement de la contribution sociale généralisée (CSG), ce relèvement prenant la forme soit d'un élargissement de l'assiette pour les actifs, soit d'un relèvement du taux pour les retraités imposables, ainsi que pour l'imposition du produit des revenus du patrimoine ou des jeux. Les entreprises, pour leur part, acquitteront une contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), taxe sur le chiffre d'affaires affectée aux régimes sociaux.
Enfin, l'État participera à hauteur d'un milliard d'euros à compter de 2005, par la rétrocession d'une fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs qu'il détient désormais.
Affectation de recettes nouvelles
en milliards d'euros
Contribution d'un euro par acte |
0,7 |
Augmentation du forfait journalier hospitalier |
0,3 |
Augmentation du produit de la CSG |
2,3 |
Création d'une contribution additionnelle à la CSSS |
0,9 |
Participation de l'État |
1 |
Total |
5,2 |
Source : Gouvernement
L'amortissement de la dette
Le volet financier de la réforme fiscale ambitionne un retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie à l'horizon 2007. En raison de son ampleur, la dette constituée par les déficits cumulés des régimes d'assurance maladie depuis 1998 doit être amortie.
À cette fin, le dernier article du projet de loi prévoit une nouvelle ouverture de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). La technique utilisée est identique dans ses modalités à celle mise en oeuvre lors des deux premières opérations de reprise de dette : la CADES assurera l'amortissement de la dette constatée à la fin de la présente année (1998-2004), à hauteur de 35 milliards d'euros, ainsi que celui des déficits prévisionnels pour 2005 et 2006, à hauteur de 15 milliards d'euros.
L'intervention de la CADES permettra de limiter l'impact des frais financiers qui pèseraient, en 2005, pour 1,1 milliard d'euros sur la trésorerie du régime général. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une économie, ni en termes maastrichtiens, ni pour la sphère sociale, puisque le coût d'amortissement est transféré à cette caisse. Mais elle procure aux régimes d'assurance maladie et à l'ACOSS une bouffée d'oxygène appréciable. A titre d'exemple, le montant des frais financiers en 2004 s'élève à environ 0,5 % des recettes de la CNAM et à 5 % de son déficit. En 2005, ces pourcentages pourraient doubler.
Un débat s'est ouvert dès l'an dernier, lors de la publication du rapport d'information de la commission 6 ( * ) , sur la légitimité d'une éventuelle réouverture de la CADES, avec ou sans augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
En effet, la prise en charge du déficit actuel pouvait se faire selon trois modalités différentes :
- l'augmentation de la CRDS dans des proportions suffisantes (+ 0,35 %) pour que la caisse réalise l'amortissement d'ici l'échéance fixée lors de l'ouverture précédente, à savoir 2014 ;
- l'allongement de la durée de la mission de la CADES, dans des proportions suffisantes pour lui permettre d'assurer le refinancement de la dette transférée sans augmentation de la CRDS ;
- « un panachage » tendant à marier l'allongement de la durée de vie de la CADES et l'augmentation du prélèvement qui lui est affecté.
La première et la troisième solutions présentent le mérite, à des degrés variables, d'épargner les générations futures. La deuxième solution les sollicite davantage.
Opter, comme le fait le texte, pour cette dernière solution pourrait être considéré à première vue comme un arbitrage au bénéfice du présent. Pour autant, du fait des prélèvements nouveaux prévus par le présent projet de loi, et du caractère fragile de la reprise économique, faire ce choix, c'est aussi préparer l'avenir. On connaît l'effet de la conjoncture sur les comptes de l'assurance maladie : l'augmentation des prélèvements, dans une période où l'économie connaît une timide reprise, pourrait en réalité se traduire par des effets récessifs et creuser à nouveau les déficits sociaux.
Au-delà de cette considération, votre commission s'interroge sur la pertinence d'augmenter la CRDS, alors que le partage des responsabilités entre l'État et l'assurance maladie dans le creusement de la dette de la sécurité sociale n'est pas entièrement établi. Il paraît en effet moins légitime de demander aux Français de consentir à l'augmentation de cette taxe au prétexte de financer le coût de leur santé passée, si cette augmentation sert en réalité à couvrir, a posteriori , des dépenses n'ayant rien à voir avec l'assurance maladie.
A qui est imputable la dette transmise à la CADES ?
en milliards d'euros
Dette constatée |
- 35 |
Dette prévisionnelle |
- 15 |
Dette imputable à l'État |
25 |
Dont pertes de recettes 7 |
16,75 |
Dont dette FOREC 2000² |
2,25 |
Dont dette prévisionnelle imputable à l'État |
6 |
Dette relevant de la sécurité sociale |
25 |
7 Mesurées à travers la perte de trois recettes antérieurement affectées à la sécurité sociale (droits alcools, taxe sur les contrats de prévoyance, taxe auto). L'ampleur de cette perte de recettes atteint désormais 4 milliards d'euros pas an.
² Cette dette a été remboursée à la sécurité sociale en 2003 et 2004, par la CADES.
Ce chiffre correspond à la perte de recettes pour les années 2005 et 2006. Il s'agit de la perte de recettes mentionnée ci-dessus de laquelle est retranché le milliard d'euros annuel résultant de la rétrocession, par l'État à l'assurance maladie, d'une fraction des droits sur les tabacs à partir de 2005.
Au total, si elle considère qu'on aurait pu être encore plus ambitieux sur ce point, votre commission se félicite des principes de clarification financière posés par le Gouvernement à l'occasion du présent projet de loi.
* 6 Alain Vasselle, La CADES, nouvel enjeu des finances sociales - Rapport d'information n° 248, session 2002-2003.