II. LA RÉFORME : À LA RECHERCHE D'UNE « AFFECTIO SOCIETATIS » POUR L'ASSURANCE MALADIE

Les termes du pacte proposé par le Gouvernement, tant aux assurés qu'aux professionnels de santé, visent à préserver un système de soins dont on dit qu'il est l'un des meilleurs du monde mais dont il est aussi démontré qu'il fait partie des plus coûteux.

Le projet de loi garantit les fondements de l'assurance maladie que constituent la liberté du patient et le caractère libéral de l'exercice d'une profession médicale.


Le coût respectif des différents modèles de santé

L'étude se fonde sur la distinction proposée par l'OCDE de trois modèles différents :

(1) le modèle « public intégré » (pays nordiques, Royaume-Uni, Italie, Espagne) avec un financement essentiellement public, une couverture universelle de la population, des praticiens salariés ou rémunérés à la capitation ;

(2) le modèle de « contrat public » (Allemagne, Pays-Bas) : les assureurs passent des contrats avec les fournisseurs de soins privés. Les individus sont assurés en fonction de leurs revenus avec une assurance publique obligatoire en deçà d'un seuil et des complémentaires facultatives au-delà. Les praticiens sont rémunérés soit à l'acte (Allemagne), soit à la capitation ou à l'acte (Pays-Bas) ;

(3) le modèle de « remboursement » (France pour les soins de ville, États-Unis) : les producteurs de soins sont essentiellement privés à but lucratif, la rémunération est généralement à l'acte, le choix du patient est libre (même si aux États-Unis les assureurs offrent des contrats différenciés, après mise en concurrence des médecins, pouvant comporter une restriction du choix des patients).

L'étude montre, sur la base d'évaluations empiriques, que le système « par contrat » serait le plus efficace pour ralentir les dépenses de santé, suivi par le système « intégré ». En revanche, le système de « remboursement » se traduirait par la croissance continue 5 ( * ) la plus forte : celle-ci est évaluée par le CEPII à 1,15 % par an (contre 0,9 % pour le système « intégré » et une croissance autonome non significative pour le système « par contrat ») ;

(4) le mode de rémunération des médecins :

A partir de travaux empiriques, le CEPII observe que le système à la capitation entraîne, indépendamment de tout autre facteur d'augmentation, une croissance des dépenses de santé deux fois moins rapide que le système de paiement à l'acte (0,55 % contre 1,1 % par an).

D'après le CEPII - Juillet 2004 - (Étude précitée)

Pour prix de cette garantie, le Gouvernement jette les bases d'une réforme profonde du système dont les dysfonctionnements actuels affectent tout autant les comptes de l'assurance maladie, que la santé des assurés.

Le pari ici fait consiste à concevoir des instruments susceptibles d'infléchir les comportements des patients et des professionnels au bénéfice de tous. À cette fin, le projet de loi propose trois axes forts.

A. UN PACTE « GAGNANT-GAGNANT » AVEC LES ASSURÉS ET LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

1. Améliorer la dispense du soin aux assurés

L'un des facteurs essentiels de l'inefficience du système de soins et de la dérive des coûts de santé tient à la répétition inutile d'actes ou à la mise en oeuvre simultanée de thérapeutiques contradictoires face à une même pathologie.

Le projet de loi vise à résoudre cette équation, posée à des degrés divers à l'ensemble du système de soins des pays développés : comment assurer la dispense d'un « juste soin de qualité » aux assurés, sans nourrir le sentiment d'un rationnement purement comptable ? Pour cela, il propose à la collectivité nationale d'investir dans deux dispositifs ayant fait la preuve, chez nos voisins, de leur efficacité.

Le dossier médical personnel

Des expériences menées dans plusieurs pays étrangers ont mis en avant les conséquences bénéfiques apportées par la mise en place d'un système d'information de qualité retraçant la situation médicale des assurés.

Le projet de loi propose l'instauration d'un dossier médical personnel informatisé. Sa généralisation est programmée pour 2007.

L'instauration d'une base de données regroupant, dans des conditions de stricte confidentialité, les informations médicales de l'assuré devrait permettre :

- d'assurer la chaîne de l'information médicale relative aux patients, et ainsi d'optimiser les soins qui leur sont dispensés ;

- de diffuser les connaissances médicales et notamment favoriser le partage des bonnes pratiques ;

- de franchir une étape essentielle à la réussite de la maîtrise médicalisée des dépenses, par la limitation des actes redondants ou nocifs.

Le médecin traitant

Étroitement articulée avec la mise en place du dossier médical personnel, l'instauration d'un médecin traitant participe de la rationalisation des soins dispensés aux assurés .

Ce médecin constitue en quelque sorte un chef de file, garant du parcours de soins du patient, notamment pour l'accès à un médecin spécialiste.

Cette procédure n'est pas contraignante, rien n'empêchant l'assuré d'accéder au praticien de son choix, hors recommandation de son médecin traitant. Mais l'usage de cette liberté, qu'aucune justification médicale ne légitime, autorisera les partenaires conventionnels à prévoir des modalités de remboursements spécifiques.

Le recours à ces deux instruments n'est pas motivé par la nécessité de réaliser des économies, mais avant tout par la recherche d'une meilleure efficience des soins. Ils ont d'ailleurs un coût : celui de l'institution du dossier médical personnel pourrait s'élever à un demi milliard d'euros ; l'équilibre économique du recours à un médecin traitant n'est pas démontré. En revanche, l'amélioration du système de soins qui en résultera devrait permettre de réduire sensiblement actes et prescriptions inutiles et de rentabiliser ainsi l'investissement initial.

* 5 C'est-à-dire indépendamment des autres facteurs d'évolution des dépenses de santé.

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