CHAPITRE V
TAUX DE L'OCTROI DE MER
ARTICLE 27
Taux de l'octroi de mer
Commentaire : le présent article pose le principe général de la liberté de fixation des taux de l'octroi de mer par les conseils régionaux.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article 10 de la loi de 1992 précitée fixe, en son 1), les grands principes de la taxation à l'octroi de mer.
Trois éléments en forment le socle.
A. UNE TAXATION DÉCIDÉE PAR LES CONSEILS RÉGIONAUX
La loi de 1992 précitée prévoit que les taux de l'octroi de mer sont « fixés par délibération du conseil régional ». L'exécutif régional est donc le seul compétent, à l'exclusion de tout autre, pour décider du niveau de taxation.
Si la compétence des conseils régionaux existe depuis 1984 en la matière, cette liberté a cependant évolué avec la loi de 1992 précitée, notamment sur deux points :
- le nombre des taux possibles, qui n'était pas fixé avant 1992 et donc virtuellement illimité , a été borné à 8 par le 3 de l'article 10 de la loi de 1992 précitée. Comme le taux pour certains produits (« produits alcooliques et tabacs manufacturés » ) est fixé à 50 %, cela revient à laisser une marge de manoeuvre de 7 taux . On observe en effet, avant la mise en application de la loi de 1992, un très grand nombre de taux différents, de 11 en Martinique à 19 à la Réunion . Cette disposition de limitation des taux répondait à un désir exprimé par les socioprofessionnels. Selon le rapport 22 ( * ) précité de notre ancien collègue Henri Goetschy, « cette multiplicité nuit à la compréhension [...], constitue un facteur d'alourdissement des frais de gestion pour les entreprises, [...] elle paraît en outre largement inutile dans la mesure où la recette totale est très concentrée sur quelques taux seulement et que nombre d'entre eux ne génèrent qu'un produit marginal » ;
- les taux, sous le régime de la loi de 1992, sont fixés pour des catégories de produits , ce qui a constitué un changement notable avec le régime précédent qui prévoyait des taux réduits entreprise par entreprise .
B. DES TAUX QUI NE PEUVENT DÉPASSER 30 %
Le niveau des taux , qui n'était pas limité avant 1992, est limité à un maximum de 30 % , sauf pour les alcools et les tabacs (50 %).
De fait, avant la promulgation de la loi de 1992 précitée, on observait une très grande dispersion des taux d'octroi de mer selon les entreprises : de 35 % à 73 % en Guadeloupe, de 32 % à 77 % à la Réunion. Il convient de rappeler que le passage au nouveau système avait été précédé d'une période d'adaptation, afin de ne pas déséquilibrer de manière brutale les budgets des collectivités d'outre-mer.
A l'intérieur de cette limite de 30 % , et sous les contraintes propres au respect du droit communautaire définies dans le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi, les conseils régionaux ont donc la possibilité de fixer les niveaux de taux qui leur paraissent les plus adaptés à la situation de chaque produit.
C. UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE TRAITEMENT IDENTIQUE DES PRODUITS SIMILAIRES
Le principal objet de la loi de 1992 précitée est de mettre ce qui apparaissait comme une véritable « taxe à l'importation », et donc une barrière douanière, en conformité avec les articles du Traité relatifs aux aides d'Etat .
Le troisième paragraphe de l'article 10 de la loi de 1992 formule donc une doctrine de manière extrêmement précise, et de portée générale « les produits identiques ou similaires appartenant à une même catégorie soumis à l'octroi de mer [...] sont soumis au même taux, quelque soit leur provenance ». Il y a donc ici un principe absolu, propre au droit communautaire, comme il est écrit à l'article 90 du traité instituant la communauté européenne (TCE).
Article 90 du TCE
Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article ne modifie pas en profondeur les grands axes définis au 1) de l'article 10 de la loi de 1992 précitée, mais permet d'introduire le nouveau régime prévu par la décision du 10 février 2004 précitée.
A. DES GRANDS PRINCIPES QUI RESTENT INCHANGÉS
Les taux de l'octroi de mer sont toujours de la compétence exclusive des conseils régionaux.
De même, la règle communautaire de l'égal traitement de produits similaires est rappelée dans des termes quasiment identiques , avec toutefois la précision que ce traitement identique s'effectue « sous réserve des dispositions prévues aux articles 28 et 29 [du présent projet de loi] ». Ces réserves, si elles n'étaient pas explicitement formulées au même endroit dans la loi de 1992 précitée, n'en sont pas moins d'ores et déjà présentes et constituent de fait le « coeur » de la décision précitée du Conseil.
B. DES MODIFICATIONS COHÉRENTES AVEC L'ENSEMBLE DU TEXTE
Deux éléments doivent cependant être soulignés.
D'une part, il n'y a plus de taux limite de 30 % , comme dans la loi de 1992 précitée. Sur ce point, on en revient à la situation de 1984, qui laissait aux conseils régionaux la possibilité de fixer librement le taux de l'octroi de mer, sans aucune limite. Cette liberté est cependant encadrée, et constitue l'objet des articles 28 et 29 du présent projet de loi .
D'autre part, en ce qui concerne la taxe de 50 % possible pour « les produits alcooliques et les tabacs manufacturés », cette possibilité disparaît. Deux arguments peuvent être avancés pour justifier cette suppression :
- si l'objectif de ce taux majoré est de protection de la santé publique , la liberté laissée lors de la fixation devrait permettre de le préserver, voire de l'augmenter, puisqu'il n'y a plus de limite ;
- si l'objectif est de protection des productions locales , le régime des alcools rentre dans le cadre des articles 28 et 29, et est donc précisément encadré par la décision communautaire.
III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel au présent article, qui tend à préciser que les productions locales, tout comme les marchandises importées, sont désormais désignées par référence à la nomenclature douanière dite « nomenclature combinée ».
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article pose le cadre général de ce qui constitue le « coeur » du présent projet de loi, en rappelant les grands principes de l'octroi de mer, à savoir la faculté des conseils régionaux d'en fixer le taux, et le cadre communautaire d'ensemble tel que défini à l'article 90 du TCE.
Il apporte de plus une grande modification , qui prend son sens à la lecture des articles 28 et 29.
Ainsi, il n'y a désormais plus de limite aux taux que peuvent fixer les conseils régionaux. Votre rapporteur estime que cela participe de la responsabilité des élus locaux et ajoute à leur liberté , ce qui est conforme aux grands principes de l'autonomie financière des collectivités locales. On peut ajouter que, sur ce point, la logique budgétaire , qui pourrait conduire à instaurer des taux très élevés sur certains produits, s'oppose à la logique économique et à la satisfaction des citoyens, ce qui devrait permettre de parvenir à un équilibre favorable à tous.
Il n'y a donc pas, pour votre rapporteur, de raison de craindre des effets trop importants pour les résidents dans les régions d'outre-mer.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 28
Différentiels de taux de l'octroi de mer
Commentaire : le présent article tend à instaurer des écarts de taux entre les importations et les productions locales.
I. LE DROIT EXISTANT
Le principe posé par l'article 90 du Traité instituant la communauté européenne (TCE), et rappelé dans le commentaire de l'article 27 du présent projet de loi, présente un caractère « absolu » qui, appliqué strictement, serait nuisible aux économies européennes.
Ainsi, de nombreux marchés possèdent des caractéristiques qui nécessitent un traitement particulier, que ce soit au sein de l'Union douanière ou en termes de politiques commerciales. De même, les aides d'Etat aux entreprises peuvent être acceptées au regard de considérations d'intérêt général. Il est donc important de rappeler que si l'Union européenne est un marché libre où joue la concurrence, cette concurrence est et doit être régulée, en prenant en considération d'autres éléments.
La spécificité des régions d'outre-mer, qui a été rappelée dans l'exposé général, fait l'objet d'une disposition spécifique dans le Traité précité , qui rend possible des mécanismes particuliers d'aide. En tout état de cause, il aurait été contraire au principe d'égalité de traiter de manière égale des situations économiques aussi différentes que celles, par exemple, de l'Allemagne et de la Guyane.
C'est pourquoi l'article 299-2 du Traité, élevé donc au rang de norme communautaire, reconnaît leur caractère spécifique, et sert de base aux possibilités d'adaptation.
Le principe de cet article peut être résumé par la formule d'Aristote mise en exergue de le rapport au Premier ministre par notre collègue Jean-Paul Virapoullé 23 ( * ) : « La plus grande injustice est de traiter également les choses inégales ».
Article 299-2 du TCE
2. Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements français d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries.
Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des îles Canaries, qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions , y compris les politiques communes.
Le Conseil, en arrêtant les mesures visées au deuxième alinéa, tient compte des domaines tels que les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité, les aides d'État, et les conditions d'accès aux fonds structurels et aux programmes horizontaux de la Communauté.
Le Conseil arrête les mesures visées au deuxième alinéa en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques sans nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes.
Dès 1989, les autorités communautaires, en association avec les autorités françaises, ont cherché le meilleur moyen de « mettre en balance » les exigences de l'article 90 et de l'article 299-2 du Traité .
Les solutions retenues, que ce soit dans la loi de 1992 précitée ou dans le présent projet de loi, ont pour objectif de respecter l'égalité de traitement, tout en tenant compte de la situation particulière de ces régions.
A. DES POSSIBILITÉS D'EXONÉRATION DÉCIDÉES PAR LES CONSEILS RÉGIONAUX
1. Des exonérations pour certains produits
Le principe de la loi de 1992 précitée est fixé au 2) de l'article 10. Il s'agit en fait de la possibilité, laissée ouverte aux conseils régionaux, d'exonérer totalement ou partiellement les productions locales de l'octroi de mer . Cette possibilité s'ajoute à l'exonération de droit dont bénéficient les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaire inférieur à 520.000 euros, et qui, comme nous l'avons vu au commentaire de l'article 5, sont en situation de « hors champ » au regard de cette taxe.
Le b ) de l'article 10 de la loi de 1992 précitée prévoit, en conformité avec ce qui a été décrit dans notre commentaire de l'article 27 du présent projet de loi, que ces exonérations totales ou partielles doivent « concerner l'ensemble des produits appartenant à une même catégorie ». En d'autres termes, les conseils régionaux ne peuvent plus exonérer entreprise par entreprise, mais produit par produit, le « degré de précision » de cette exonération étant de leur compétence (par exemple, les fruits et légumes, ou bien, les seules tomates).
2. Les exonérations doivent répondre aux « besoins économiques »
Le a ) de l'article 10 de la loi de 1992 précitée met cependant une importante barrière à ces possibilités d'exonérations : elles doivent être faites « selon les besoins économiques », ce qui constitue de facto , formulée de manière différente, l'exigence propre au droit communautaire, qui n'accepte des différences de traitement que dans la mesure où elles répondent à une vraie différence de situation.
B. L'APPLICATION DE LA LOI DE 1992 A POSÉ CERTAINES DIFFICULTÉS
La liberté laissée aux conseils régionaux n'est pour autant pas absolue. Les termes de la loi de 1992, qui se réfèrent aux « besoins économiques », laissent en effet une large place à l'interprétation.
1. Une pratique codifiée
Le 5) de l'article 10 de la loi de 1992 précise la démarche à suivre pour les conseils régionaux afin de pourvoir rendre exécutoires les délibérations qu'ils prennent afin d'exonérer d'octroi de mer interne les productions locales. Il s'agit de la transcription en droit national de l'avant dernier paragraphe de la décision du Conseil du n° 89-688 du 22 décembre 1989.
En pratique, le conseil régional doit transmettre la délibération au représentant de l'Etat (le préfet), qui la transmet au gouvernement, qui engage les négociations avec les autorités communautaires. Un délai de trois mois est prévu pour que ces dernières se prononcent sur la compatibilité de l'exonération au regard de la concurrence, ce délai étant de deux mois pour la Commission européenne (un mois est donc prévu pour la phase « nationale », entre la délibération et sa notification au préfet et la transmission par le gouvernement à la Commission).
En l'attente de l'accord de la Commission, la décision est « non exécutoire ». Elle le devient au terme du délai de trois mois si les autorités communautaires n'ont pas formulé d'observations.
2. Des lacunes dans la notification
Dans leur rapport consacré à l'octroi de mer 24 ( * ) , les inspections générales des finances et de l'administration formulent la remarque suivante :
« La jurisprudence de la CJCE a montré les limites juridiques du dispositif. L'arrêt du 19 février 1998 Chevassus-Marche précise que seules sont autorisées les exonérations « nécessaires, proportionnelles et précisément déterminées». Or le respect de ces trois caractéristiques semble difficile à justifier pour tous les secteurs d'activité qui ont été exonérés d'octroi de mer interne. La Cour a également rappelé que les décisions d'exonérations devaient être notifiées à la Commission. La lourdeur du mécanisme de notification n'a toutefois pas permis à la mission d'attester avec certitude que toutes les délibérations ont effectivement été transmises à la Commission ».
De même, ce rapport relève que :
« La mission n'a jamais été en mesure, au cours de ses quatre déplacements dans les DOM, d'obtenir des éclaircissements sur le schéma de transmission à la Commission des délibérations des conseils régionaux. Une préfecture ignorait que la notification était obligatoire, une autre renvoyait cette tâche entre ses services sans qu'au bout du compte il fût possible de savoir si les délibérations avaient été envoyées, une autre pensait qu'il revenait au conseil régional de le faire .
« Par ailleurs, elle a pu constater que le régime de l'octroi de mer interne et des exonérations d'octroi de mer externe n'était pas contrôlé dans des conditions satisfaisantes par les administrations du ministère des finances ».
Les informations transmises à votre rapporteur ne permettent pas de revenir sur ce constat, qui traduit les difficultés de gestion d'un système relativement lourd et complexe.
En tout état de cause, comme les négociations avec la Commission européenne ont pu le montrer, les autorités communautaires, tout en étant désireuses de préserver l'essentiel d'un dispositif qui a montré son utilité , ont été particulièrement attentives aux conditions dans lesquelles les exonérations allaient être accordées.
Lors de son déplacement à Bruxelles le 19 mai 2004, votre rapporteur a pu constater que, si le principe même de l'octroi de mer était parfaitement admis par la Commission européenne , les conditions et les modalités de contrôle constituaient un pré requis indispensable afin d'éviter toute contestation.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le dispositif du présent article prend acte des remarques formulées par le rapport. Deux écueils, également préjudiciables, devaient être évités :
- un système trop lourd à gérer pour les collectivités locales, susceptible d'entraîner des délais disproportionnés pour l'application de mesures de sauvegarde des productions nationales ;
- un système trop « lâche » , qui aurait pu permettre de ne pas tenir compte des constations de la CJCE, et aurait conduit à des écarts de taxation décidés par les conseils régionaux qui n'auraient pas été « nécessaires, proportionnelles et précisément déterminée ».
La solution retenue, issue de deux années de négociation, semble répondre à ce cahier des charges.
A. LE SYSTÈME REPOSE DÉSORMAIS SUR DES ÉCARTS DE TAUX
L'article 28 du présent projet de loi précise que, lorsque le conseil régional exonère totalement ou partiellement des productions locales, il convient de considérer non pas le niveau absolu de la taxation (laissé à la libre appréciation des conseils régionaux en vertu de l'article 27 du présent projet de loi), mais les écarts de taxation entre les productions locales et les importations similaires.
Concrètement, si une production locale est taxée à un certain taux à l'octroi de mer interne, la taxation de l'importation d'un produit équivalent ne peut dépasser un certain écart.
B. LES ÉCARTS SONT PRÉCISÉMENT DÉFINIS
Ainsi, pour déterminer l'écart de taux maximal, des listes sont fournies en annexe de la décision du Conseil de l'Union européenne du 10 février 2004, rédigées en terminologie douanière. Ces listes sont propres à chaque région, et sont classées suivant trois lettres, A, B et C :
- pour les produits présents à l'annexe A, l'écart de taxation ne peut dépasser les 10 points de pourcentage ;
- pour les produits présents à l'annexe B , l'écart de taxation ne peut dépasser les 20 points de pourcentage ;
- pour les produits présents à l'annexe C , l'écart de taxation ne peut dépasser les 30 points de pourcentage .
L'annexe III du présent rapport présente la transcription de la nomenclature douanière utilisée dans la décision du Conseil précitée.
Trois remarques peuvent être faites sur ces listes :
- il s'agit d'un différentiel « plafond ». En d'autres termes, le conseil régional peut utiliser sa marge de manoeuvre au maximum, mais également fixer un seuil inférieur , dans les conditions définies à l'article 30 du présent projet de loi ;
- ce système ne concerne que les assujettis à l'octroi de mer dont le chiffre d'affaire dépasse les 550.000 euros , ce qui est logique, puisque, selon l'article 5 , les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur sont exonérés de plein droit. Leur cas fait l'objet de l'article 29 du présent projet de loi ;
- les listes ont, selon les informations fournies à votre rapporteur, été réalisées principalement en tenant compte de la situation qui prévaut actuellement, c'est à dire des écarts de taxation constatés sur les produits les plus sensibles.
La question pourrait se poser s'il apparaissait que certaines productions importantes n'étaient pas présentes sur les listes. Sur ce point, l'article 3 de la décision du Conseil du 10 février 2004 prévoit la possibilité d'une actualisation.
Article 3 de la décision du 10 février 2004
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les mesures nécessaires à l'application de la présente décision en ce qui concerne l'actualisation des listes de produits figurant à l'annexe en raison de l'apparition de nouvelles productions dans les départements français d'outre-mer et l'adoption de mesures urgentes en cas de mise en péril d'une production locale par certaines pratiques commerciales
Les listes ne sont donc pas « figées » pour les dix années d'application de la loi.
Leur application se combine avec la liberté laissée aux conseils régionaux de fixer les taux de l'octroi de mer.
Ainsi, si l'on prend l'exemple d'un produit figurant à l'annexe C :
- le conseil régional dispose d'une marge de manoeuvre de 30 points ;
- s'il taxe la production locale au taux de 5 %, l'importation sera taxée dans une fourchette allant de 5 % (le conseil régional décide, ce qui est son droit, de ne pas aider tel ou tel produit) à 35 % (il utilise alors l'écart maximum qui lui est autorisé, soit 30 points), sans possibilité d'aller au-delà.
III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. UNE PRÉCISION DE NATURE RÉDACTIONNELLE
A l'initiative de notre collègue député Didier Quentin, rapporteur au nom de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel, en cohérence avec la modification apportée à l'article 5 du présent projet de loi.
B. LA PRISE EN COMPTES POSSIBILITÉS DE NON EXONÉRATION DES PETITES ENTREPRISES
A l'initiative du gouvernement, le présent article comporte désormais un alinéa qui prend en compte la possibilité offerte aux conseils régionaux de ne pas exonérer certaines entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000 euros.
Les commentaires des articles 5 et 29 du présent projet de loi ont en effet montré qu'une exonération « systématique » pouvait comporter des risques pour les ressources des collectivités concernées, notamment dans le cas où un produit ne figure pas sur les listes qui ouvrent droit aux possibilités d'exonérations.
Il est donc précisé que les dispositions de l'article 28, c'est-à-dire le principe des différentiels de taux , est également applicable lorsque le conseil régional fait usage de la faculté, reconnue par l'article 5 tel que modifié par l'Assemblée nationale, de ne pas exonérer les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000 euros.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article constitue de facto le coeur du présent projet de loi. Il constitue une double réponse :
- aux craintes exprimées par les conseils régionaux de voir disparaître l'octroi de mer dans le pire des cas, ou d'être tenus à des opérations administratives complexes et susceptibles de les mettre en infraction avec le droit communautaire ;
- au désir de la Commission européenne , gardienne des traités, de pouvoir exercer un contrôle sur les exonérations , sans pour autant devoir s'astreindre, ce qui lui est matériellement impossible, à une étude approfondie sur chaque demande d'exonération.
Le cadre fixé est donc pérenne, et devrait permettre de concilier les différents intérêts en jeu.
Votre rapporteur, qui exprimait ses craintes au mois de novembre 2003 dans son rapport budgétaire 25 ( * ) consacré aux crédits du ministère de l'outre-mer quant au futur régime de l'octroi de mer en ces termes : « les négociations sont donc actuellement en cours avec les instances communautaires afin de reconduire le système en 2004. En tout état de cause, ce point, d'une importance cruciale, sera suivie avec une attention toute particulière par votre rapporteur spécial », ne peut que se féliciter tout à la fois de l'accord obtenu auprès des autorités européennes, et de la qualité de cet accord, qui devrait se traduire par une plus grande transparence et une plus grande sécurité pour tous les acteurs.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 29
Différentiels de taux pour les assujettis
exonérés
Commentaire : le présent article tend à préciser le régime applicable pour les assujettis exonérés conformément à l'article 5 du présent projet de loi.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
L'article 28 du présent projet de loi a posé le cadre général des écarts de taxation entre les productions locales et les importations dans les régions d'outre-mer.
A. UNE DIFFICULTÉ POUR LES ENTREPRISES EXONÉRÉES
Une difficulté se pose cependant. Comme il est précisé à l'article 28 , seules sont concernées « les personnes assujetties à l'octroi de mer dont le chiffre d'affaires relatif à l'activité de production mentionné à l'article 2 est égal ou supérieur à 550.000 euros ».
Cette définition prend acte de l'exonération dont bénéficient les personnes qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 550.000 euros pour l'année civile, telle que définie à l'article 5, et conforme à la pratique actuelle.
Cette exonération se traduit concrètement par un taux d'octroi de mer égal à 0.
Nous allons prendre un exemple afin d'éclairer les enjeux du présent article, et les débats qu'il soulève.
Supposons que, sur un marché, deux acteurs soient en présence : un importateur , et un producteur local dont le chiffre d'affaire dépasse les 550.000 euros, et qui doit donc acquitter l'octroi de mer.
Le conseil régional constate que le produit fabriqué sur place, et importé, est présent sur l'annexe C, telle que définie dans le commentaire de l'article 28. Il est donc en mesure de procéder à un différentiel de taxation de 30 points.
Supposons alors qu'il décide (comme l'article 27 l'y autorise), de fixer le taux « interne » à 20 %, et d'utiliser l'écart de taux maximal pour protéger sa production locale (comme l'article 28 l'y autorise). On se retrouve donc dans le cas de figure suivant :
- l'importateur est taxé à hauteur de 50 % (20 % de base plus 30 points d'écart autorisé) ;
- le producteur local est taxé à hauteur de 20 % (le taux normal).
L'écart entre les deux, de 30 points, est conforme à l'article 28.
Un petit producteur local rentre alors sur le marché. Son chiffre d'affaires étant inférieur à 550.000 euros, il n'acquitte pas l'octroi de mer. Son taux est donc égal à 0 %.
On se retrouve alors avec :
- un importateur taxé à 50 % ;
- un producteur local taxé à 20 % ;
- un petit producteur local taxé à 0 % .
On voit bien, sur cet exemple, que la différence de taxation qui sépare le petit producteur local de l'importateur est très supérieure à 30 % , le maximum autorisé par l'annexe C de la liste. De plus, on peut remarquer que cette limite est virtuellement « infinie » : rien n'empêche le conseil régional de taxer à 200 % les importations, du moment que le différentiel de taux avec le producteur local qui acquitte l'octroi de mer respecte les listes prévues à l'article 28 du présent projet de loi, et en annexe à la décision du Conseil du 10 février 2004. Le petit producteur local, pour sa part, restera taxé à 0 %.
Une telle situation, si elle est à l'évidence largement hypothétique, n'en constitue pas moins un problème potentiel qui devait être résolu dans le cadre de la présente loi. C'est l'objet du présent article.
B. UNE MAJORATION DU DIFFÉRÉNTIEL POSSIBLE, MAIS LIMITÉE
Ainsi, le 3) de l'article premier de la décision du Conseil du 10 février 2004 précise que « afin de permettre aux autorités françaises d'exonérer les produits localement par un opérateur dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550.000 euros, les différentiels prévus au paragraphe 2 peuvent être majorés d'au maximum cinq points de pourcentage ».
La spécificité de la question est donc reconnue au niveau communautaire, et une marge de manoeuvre supplémentaire offerte aux conseils régionaux.
Le présent article précise donc, pour chaque liste, les écarts de taux maximum autorisés, respectivement, pour les listes A, B et C, quinze, vingt-cinq et trente-cinq points.
Ces taux représentent, comme dans le cas « normal », des taux « plafonds » : rien n'oblige le conseil régional à les utiliser, c'est une simple possibilité supplémentaire qui lui est ainsi offerte.
Si l'on reprend notre exemple précédent, on voit bien que l'écart entre la taxation de l'importation (50 %) et la taxation à 0 % de la production locale est trop élevé, puisque supérieur à 35 points. En l'occurrence, et dans ce cas précis, l'application du texte va obliger le conseil régional à abaisser sa taxation sur l'importation à 35 %, à faire passer la production locale de l'entreprise assujettie et redevable à 5 % s'il veut respecter l'écart de taux, puisqu'il n'a pas la possibilité d'appliquer un taux supérieur à 0 % à la petite entreprise.
On a donc, par rapport à la situation précédente :
- un importateur taxé à 35 % ;
- un producteur local taxé à 5 % ;
- une petite entreprise taxée à 0 % .
C. LE SYSTÈME PRÉSENTE UN CERTAIN NOMBRE DE RISQUES
Le système ainsi conçu, s'il permet de respecter des écarts de taux proportionnés, pourrait cependant avoir des effets pervers . Dans l'exemple que nous venons de donner, la région va manifestement perdre des ressources fiscales importantes, puisqu'elle sera tenue d'abaisser sa taxation sur tout un secteur de production, pour peu qu'un petit producteur « émerge ».
La question est encore plus importante si l'on considère le cas où le produit ne serait pas présent sur une des listes. Dans cas, il ne peut y avoir de différences de taxation entre l'entreprise qui produit localement et l'importateur. Le dernier alinéa de l'article 28 prévoit dans ce cas (c'est à dire « les autres produits ») un écart qui ne peut pas dépasser 5 %. Comme le petit producteur est obligatoirement à 0 %, cela donnera des taux pour les importations ne pouvant dépasser 5 %, ce qui serait préjudiciable pour le budget des collectivités concernées.
D. POUR AUTANT, CES RISQUES DEVRAIENT ÊTRE LIMITÉS
En effet, les deux problèmes posés peuvent être en grande partie résolus.
Dans le cas des produits qui figurent sur la liste , il convient de rappeler que le régime actuellement en vigueur possède un taux maximal de 30 % . En conséquence, il n'y a, en-dehors des alcools et des tabacs, pas de taux supérieur à ce seuil. Dès lors, le cas de figure que nous avons étudié ne peut se produire qu'à la condition que le conseil régional décide d'augmenter de manière significative par rapport à la situation présente les taux pratiqués.
Dans le cas où le produit ne figure pas sur la liste , les conséquences pourraient être potentiellement plus dommageables pour les finances des collectivités locales. Cependant, il convient de relativiser ce risque. D'une part, si le produit n'est sur aucune des listes, c'est ou bien que la production locale n'a pas besoin d'être protégée, ou bien qu'elle n'existe pas. De plus, comme on l'a vu avec l'article 28, il existe des possibilités « d'actualisation » explicitement prévues par la décision du Conseil du 10 février 2004.
En tout état de cause, il apparaît que les cas « extrêmes » susceptibles de poser des difficultés seront rares, et que des moyens existent pour les conseils régionaux afin de les limiter.
On peut relever que, dans la demande circonstanciée adressée par la France à la Commission européenne en avril 2003, un dispositif spécifique dit « clause de souplesse » était prévu , qui permettait aux régions d'inscrire « en urgence » sur les listes une production locale, sans attendre la décision communautaire. Cette demande n'a pas été retenue dans le texte de la décision du 10 février 2004. Lors de son déplacement à Bruxelles le 19 mai 2004, votre rapporteur a interrogé les autorités communautaires sur ce point , et les raisons du refus de la Commission européenne.
Deux éléments ressortent de ces échanges :
- d'une part, le système proposé par la France ne garantissait pas, aux yeux de la Commission européenne, un contrôle suffisant des délibérations des conseils régionaux . Il semble que les défaillances dans la transmission des délibérations, prévue par la loi de 1992 précitée, aient beaucoup joué dans la position des autorités communautaires ;
- d'autre part, il a semblé à votre rapporteur que les deux directions générales (direction générale de la fiscalité et direction générale de la concurrence) étaient conscientes des difficultés pratiques qui pourraient se poser . En conséquence, et sans revenir sur leur position, l'engagement a été pris d'examiner les demandes formulées en urgence dans les meilleurs délais, sous réserve que le dossier constitué à cette occasion présente bien l'ensemble des justifications demandées.
Votre rapporteur se félicite donc de la compréhension dont la Commission européenne fera preuve dans l'examen des délibérations , et qui devrait permettre de résoudre l'essentiel des difficultés qui pourraient survenir.
Une autre possibilité, qui n'a pas été retenue par le gouvernement mais que la décision du Conseil du 10 février 2004 laissait ouverte, aurait pu constituer à rendre l'exonération pour les petites entreprises facultatives . L'article 5 aurait donc pu prévoir une simple possibilité d'exonération, laissée à la libre disposition du conseil régional. Cette solution avait pour elle la simplicité, mais aurait alors conduit à revenir sur une exonération qui existe depuis l'origine, et était susceptible de générer une grande complexité administrative.
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence avec les modifications apportées aux articles 5 et 28 du présent projet de loi.
La modification au présent article permet de clarifier un point qui aurait pu provoquer des difficultés d'interprétation. En effet, la décision du Conseil du 10 février 2004 et le présent article accordent cinq points d'écart de taxation en plus pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000 euros .
Dès lors, il convenait de préciser si les productions que le conseil régional choisissait de taxer à l'octroi de mer en application de l'article 5 pouvaient de surcroît bénéficier de ces cinq points d'écart.
La réponse, apportée par les modifications aux articles 28 et 29 est clairement négative : si le conseil régional fait le choix de taxer une production locale qui pourrait être exonérée, elle rentre dans le cadre fixée à l'article 28 (donc, des écarts de taux entre 10 et 30 points), et non dans celui fixé à l'article 29 (entre 15 et 35 points).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article permet, par une majoration possible des taux, de régler le cas des productions exonérées d'octroi de mer en raison de la taille de l'entreprise. Votre rapporteur tient à souligner que, compte tenu de la structure des économies d'outre-mer, ce cas de figure sera vraisemblablement souvent évoqué.
La solution retenue semble en l'état actuel équilibrée, et conforme aussi bien aux intérêts des entreprises qu'aux exigences d'un écart « proportionné et justifié » demandé par les autorités communautaires et qui constitue la base du présent projet de loi.
De plus, la modification apportée à l'Assemblée nationale permet de clarifier la pratique des écarts de taux.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 29 bis (nouveau)
Procédure d'actualisation des
listes
Commentaire : le présent article, introduit par voie d'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale, tend à préciser, dans le respect du cadre communautaire, la procédure d'actualisation des listes de produits.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Les commentaires des articles 27, 28 et 29 ont montré que l'ensemble du nouveau dispositif de l'octroi de mer reposait sur un système d'écart de taxation entre les productions locales et les importations.
Les écarts autorisés sont déterminés a priori par les listes annexées à la décision du Conseil du 10 février 2004 . Cependant, l'article 3 de cette décision ouvre la possibilité d'une actualisation des listes , procédure dont on a vu l'intérêt dans notre commentaire de l'article 29 du présent projet de loi.
Le présent article précise donc les modalités exactes, au niveau national de cette actualisation.
De manière synthétique :
- le conseil régional adresse au représentant de l'Etat (en l'occurrence, le préfet), une demande circonstanciée « permettant notamment de justifier les différences de taux à retenir au regard des surcoûts supportées par les productions locales dont l'inclusion dans les listes précitées est sollicitée ». Il y a donc, de la part du conseil régional, une démarche de justification et d'éclaircissements pour toute nouvelle demande ;
- cette demande ne peut intervenir qu'une fois par an ...
- ... sauf si une production locale est mise en péril, ou en cas de « besoin impérieux » pour une nouvelle production locale ;
- une exception est cependant prévue pour l'année 2004 , où la demande pourra être adressée dès l'entrée en vigueur des dispositions de la loi.
Le cas d'urgence prévu explicitement pourrait trouver à s'appliquer notamment dans le cadre fixé par l'article 5 du présent projet de loi pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000 euros. Le conseil régional pourra alors, au lieu de taxer cette entreprise, lancer en urgence la procédure d'actualisation des listes.
Pour autant, il convient de souligner que le présent article ne fixe que le cadre national de la demande . L'article 3 de la décision du Conseil précitée prévoit pour sa part que « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission , arrête les mesures nécessaires à l'application de la présente décision en ce qui concerne l'actualisation des listes de produits figurant à l'annexe ».
En conséquence, si la procédure décrite au présent article est nationale, la décision revient in fine au Conseil .
Concrètement, il reviendra donc au gouvernement français , à l'aide des éléments fournis par les conseils régionaux, de mener la discussion avec la Commission européenne, puis dans le cadre du Conseil. Comme il a été souligné dans le commentaire de l'article 29, votre rapporteur a pu interroger sur ce point la Commission européenne . Il a semblé que cette dernière, consciente des enjeux et de la nécessaire rapidité de la procédure, soit déterminée à rendre ses conclusions dans des délais particulièrement brefs, sous réserve que les éléments transmis par le gouvernement français soient suffisamment complets.
En tout état de cause, les conseils régionaux devront donc fournir un travail important et utile de justification afin de faire évoluer les listes annexées à la décision du Conseil précitée.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Compte tenu des enjeux liés à l'actualisation des listes, et des risques qui pourraient en résulter tant pour les entreprises locales que pour les collectivités, votre rapporteur considère comme extrêmement positif le fait que le gouvernement ait introduit dans le présent projet de loi une procédure précise afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs locaux.
Si l'on excepte les cas d'urgence, prévus par le présent article, les conseils régionaux pourront donc chaque année, et au premier trimestre , soumettre leurs demandes au gouvernement, avec des éléments de nature à permettre à ce dernier de convaincre les autorités communautaires.
On peut imaginer que, par souci d'efficacité, le gouvernement mènera donc une discussion annuelle avec la Commission européenne, puis avec le Conseil.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 30
Principe général des différentiels de
taux
Commentaire : le présent article tend à préciser le cadre général des différentiels de taux, et à demander aux régions de réaliser une évaluation annuelle des dispositifs.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article pose un principe général qui rappelle les obligations faites aux articles 28 et 29 du présent projet de loi.
Ces principes, qu'il convient de rappeler, sont que « les taux sont déterminés en fonction des handicaps que supportent les productions locales du fait de leur localisation dans une région ultrapériphérique de l'Union européenne ».
La formulation retenue est en fait proche dans l'esprit de l'article 299-2 du Traité instituant la communauté européenne (TCE). Elle rappelle que le traitement particulier que constitue l'octroi de mer a pour seule justification, aux yeux du droit européen, les handicaps particuliers dont souffrent les régions d'outre-mer.
Ce constat n'est pas neutre, puisqu'il fait obligation aux régions, au second paragraphe, de présenter un rapport sur « la mise en oeuvre des exonérations pendant l'année précédente ».
La production de ce rapport appelle trois remarques .
Il se présente, d'une certaine manière, comme le contrepoint de ce qui a été relevé par le rapport précitée des inspections générales des finances et de l'administration concernant les justifications, parfois peu « fouillées », fournies par les conseils régionaux afin d'exonérer les productions locales . En l'occurrence, le présent article invite les conseils régionaux à un vrai travail en profondeur sur la mise en oeuvre des mesures d'exonération, ce qui passe par des justifications, pour chaque produit, des handicaps spécifiques, et des raisons qui ont poussé le conseil régional à décider de tel ou tel écart.
On ne peut cependant pas sous-estimer le travail que la production de ce rapport annuel occasionnera pour les régions . Votre rapporteur, comme le gouvernement au reste, est pleinement conscient de l'ampleur de la tâche, de son caractère nouveau et, dans un premier temps du moins, relativement « empirique ».
Pour autant, il faut souligner que cet effort de justification est d'autant plus nécessaire qu'il conditionnera en grande partie la future reconduction du régime, et que les explications fournies aux autorités communautaires seront autant d'éléments permettant à ces dernières de prendre conscience de l'utilité et de la pertinence du système sur le long terme.
De plus, on peut penser que les rapports annuels fournis par les régions serviront de base lors de l'examen par la Commission du dispositif, prévu à l'article 4 de la décision du 10 février 2004 pour le 31 décembre 2008 .
Ainsi, les autorités communautaires de la direction générale « Fiscalité et Union douanière » aussi bien que de la direction générale de la concurrence ont exprimé leur souhait de pouvoir, à cette date, réaliser une évaluation précise des différentes exonérations et modulations de taux , tout en se montrant conscientes de la difficulté pratique de cet exercice pour les régions .
II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de notre collègue député Didier Quentin, rapporteur au nom de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel qui tend à préciser que le rapport est remis non pas par « la région », mais par « le conseil régional ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur est pleinement favorable à une mesure qui permettra une réelle évaluation des politiques publiques et du régime d'aide spécifique que constitue l'octroi de mer.
Il a pu, en outre, noter l'attention que la Commission européenne portait à ce processus, ce qui devrait encourager les régions à réaliser un travail approfondi sur ce thème.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 31
L'octroi de mer et les régimes spécifiques
d'approvisionnement
Commentaire : le présent article permet de compléter le dispositif au regard de certains régimes spécifiques d'approvisionnement.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le règlement n° 1452/2001 du Conseil du 28 juin 2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements français d'outre-mer, met en oeuvre un régime spécifique aux départements français d'outre-mer.
Le quatrième considérant précise ainsi que « en vue de pallier les surcoûts d'éloignement, d'insularité, et d'ultrapériphicité, [...] il convient d'octroyer des aides pour la fourniture de produits communautaires dans les DOM ».
Concrètement, et dans certains quotas définis par ce règlement, des aides sont octroyées pour certains produits, notamment agricoles .
Le présent article précise que ce régime d'aide ne peut se combiner avec celui défini aux articles 27 et 28. En effet, on pourrait alors se retrouver avec des produits qui recevraient une aide « double » : celle prévue par le régime spécifique d'approvisionnement, celle prévue par le différentiel de taxation à l'octroi de mer.
On peut relever que la question ne se pose que pour les produits qui, tout en se retrouvant sur une des listes (A, B ou C), bénéficient du régime d'aide . Or il semble que ce cas existe pour certaines productions agricoles. Il aurait donc été possible d'éviter le cumul en considérant que, ces produits ayant déjà leur régime d'aide, il était inutile de prévoir en plus une taxation différentiel. Cependant, comme le régime d'aide ne s'applique plus au delà d'un certain quota, il a semblé préférable de maintenir sur la liste ces produits.
Cela signifie que, passé un certain seuil, il sortent des quotas, et ne bénéficient donc plus de l'aide communautaire, mais peuvent, par contre, rentrer dans le régime de droit commun de l'octroi de mer.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La mesure proposée dans le présent article, qui n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale, est une transposition de l'article 2 de la décision du Conseil du 10 février 2004.
La position des autorités européenne, qui préside à l'ensemble du texte, est que les traitements différents sur les produits doivent pouvoir être mesurés avec précision, pour une plus grande lisibilité de l'aide et de son efficacité. En l'occurrence, un double système d'aide pour un même produit pourrait nuire à cette lisibilité.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 22 Rapport n° 443 (1991-1992) sur le projet de loi relatif à l'octroi de mer et portant mise en oeuvre de la décision du Conseil des Communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989.
* 23 « Les départements d'outre-mer, régions ultra-périphériques et traits d'Union de l'Europe », rapport du sénateur Jean-Paul Virapoullé remis à Monsieur le Premier ministre le 12 mars 2003.
* 24 Rapport d'enquête sur le régime de l'octroi de mer, n° 2002-M-028-01, décembre 2002.
* 25 Annexe n° 28 au rapport général n° 73 (2003-2004).