2. Préserver le pouvoir d'achat des ménages
Au-delà de sa dimension « fraternelle », selon l'expression du Premier ministre, le choix de l'institution d'une journée de solidarité en lieu et place d'un jour précédemment chômé appuie le constat qu'il n'est désormais plus possible d'augmenter tout uniment la pression fiscale chaque fois que des ressources doivent être trouvées.
L'instauration de cette journée préserve le revenu des ménages : elle ne donne pas lieu à rémunération supplémentaire mais les salariés mensualisés, auxquels les jours fériés sont déjà payés, ne subissent aucune perte de salaire.
Trois facteurs justifient pleinement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires :
- la consommation reste l'un des moteurs essentiels de la croissance économique . Déjà pénalisé par la modération salariale qui fut une contrepartie des négociations ayant permis l'application des trente-cinq heures, le revenu des salariés ne devait pas être diminué davantage ;
- le recours au déficit public accru pour permettre le financement du plan de solidarité n'aurait eu pour seul effet que de creuser la dette. Lorsque la dette publique atteint un billion d'euros, ce qui est le cas de la France, les ménages ne peuvent plus être victimes d'une « myopie budgétaire ». Il résulte de ce cas de figure la constitution d'une épargne privée parallèle à la croissance de la dette publique, et le sentiment que cette dette devra un jour être remboursée. Financer l'autonomie des personnes âgées et handicapées par le recours à de nouveaux déficits pour préserver le potentiel de croissance ne constituait donc pas une alternative crédible ;
- les difficultés désormais connues des comptes sociaux, et notamment de l'assurance maladie dont le déficit dépassera en 2004 les 10 milliards d'euros, pourraient imposer aux ménages un nouveau sacrifice financier, que ce soit pour équilibrer les comptes du système de soins ou pour apurer sa dette . Dans cette perspective, il convenait d'être des plus prudents quant à la création d'un nouveau prélèvement social.
Le dispositif prévoyant le financement de la dépendance par l'augmentation du temps de travail souffre deux exceptions :
- en premier lieu, il exonère de tout travail supplémentaire les travailleurs indépendants, professions libérales, artisans, commerçants ou exploitants agricoles. Ces catégories ne seront assujetties au paiement de la cotisation relative au jour férié qu'en ce qu'elles ont la qualité d'employeurs, c'est-à-dire au titre de leurs salariés. Bien que discutable au regard du principe d'égalité devant les charges publiques, cette exonération trouve sa justification dans la situation de ces personnes : peut-on véritablement demander à ceux qui ne comptent pas le temps passé au travail d'accomplir une journée supplémentaire ? Votre commission ne le pense pas ;
- en deuxième lieu, il frappe les revenus du capital d'une taxe équivalente à celle assise sur la masse salariale (0,3 %). Cette disposition constitue bien évidemment une augmentation de la pression fiscale sur l'épargne. Mais il n'aurait sans doute pas été compris que cette fraction de la richesse nationale soit dispensée de tout effort à l'égard des personnes handicapées et des personnes âgées. Il est par ailleurs à noter que ces dernières, bénéficiaires du plan de solidarité pour les personnes dépendantes, sont aussi dans leur ensemble les détentrices de la fraction la plus importante du patrimoine national. En quelque sorte, en exigeant des revenus du capital une contribution, du reste modeste, le projet de loi permet aux personnes les plus aisées qui ne sont pas assujetties à la taxe sur les salaires de contribuer au bien-être collectif.