II. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME,
PRÉSIDENTE
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES
(CNAF)
Réunie le jeudi 29 avril 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) sur le projet de loi n° 201 (2003-2004) relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux .
A titre liminaire, Mme Nicole Prud'homme a plaidé l'urgence de revaloriser les métiers de service à la personne, en particulier dans le domaine de la petite enfance. Elle a estimé que la pénurie de professionnels formés à ces métiers neutralisait une grande partie des efforts consentis par la collectivité en matière de création de places de crèche et conduisait à une surenchère en termes de coût de prise en charge, tant pour les parents que pour les pouvoirs publics. C'est la raison pour laquelle elle a insisté pour que les conseils généraux mettent rapidement en place la commission départementale de la petite enfance, de façon à améliorer le recensement des besoins et la planification des créations de places.
M. Nicolas About, président, a déploré la rigidité des normes encadrant l'agrément et le fonctionnement des crèches communales.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a plaidé pour une simplification des barèmes qui régissent la contribution des familles. Il a par ailleurs reconnu la faible valorisation des filières sanitaires et sociales auprès des jeunes. Il a enfin fait valoir la nécessité de diversifier les modes de garde et s'est félicité que le projet de loi aille dans ce sens.
M. Guy Fischer a observé que les communes hésitaient à s'engager dans le lourd investissement que constitue la création d'une crèche, en raison des coûts de fonctionnement au berceau. Il s'est interrogé sur le taux de prise en charge par la branche famille du fonctionnement d'une place de crèche. Il a regretté le caractère inadapté du fonctionnement des crèches aux besoins des familles, notamment en terme d'amplitude des horaires d'accueil. Il s'est enfin inquiété des conséquences de la régionalisation des formations sociales et médico-sociales, prévue par le projet de loi relatif aux responsabilités locales, dans le domaine de l'accueil de la petite enfance.
M. Jean Chérioux a déploré le manque de souplesse qui régit la création et le fonctionnement des crèches, tant en matière de normes que de barème de prise en charge ou de financement.
Répondant à l'ensemble des intervenants, Mme Nicole Prud'homme a d'abord constaté que la formation des professionnels de la petite enfance ne relevait pas, à l'heure actuelle, du ministère de l'éducation nationale et qu'elle était assurée, dans une large mesure par des associations ou des fondations, pour un coût extrêmement élevé. Elle s'est également prononcée en faveur de la diversification des modes de garde. A cet égard, elle a rappelé que la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, offrait aux parents le libre choix de celui-ci. S'agissant du barème régissant la contribution des parents au financement de la garde, elle a concédé que le décret paru en août 2000 devrait vraisemblablement être assoupli.
Revenant enfin sur la question de la contribution financière de la CNAF à l'effort de construction de crèches, elle a rappelé que la branche famille disposait à cet effet du fonds national d'action sociale (FNAS) et qu'elle comptait sur un renforcement des moyens de celui-ci dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a souhaité connaître l'avis du conseil d'administration de la CNAF sur les trois orientations fondamentales du projet de loi : la distinction entre assistants maternels et assistants familiaux, l'obligation de formation imposée à ces professionnels et l'extension, à leur intention, des règles de droit commun issues du code du travail.
Mme Nicole Prud'homme a indiqué que la CNAF était globalement favorable aux évolutions apportées par le projet de loi. Elle a estimé qu'un véritable statut des assistants maternels et familiaux était nécessaire, a fortiori au vu de leurs effectifs qui en font la deuxième profession en France, après les enseignants.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est interrogé sur la proportion d'enfants de moins de trois ans gardés par un assistant maternel à son domicile ou en crèche familiale, ainsi que sur le coût de ce mode de garde pour les familles. Il a également voulu savoir le nombre et le revenu moyen des professionnels actuellement agréés.
Mme Nicole Prud'homme a indiqué qu'en 2002, 20 % des 2,3 millions d'enfants de moins de trois ans, soit 467.000 enfants, étaient gardés au domicile d'une assistante maternelle agréée et 2,5 %, soit 57.000 enfants, en crèche familiale. Elle a précisé que le coût moyen pour les parents de ce mode de garde variait de 81 à 356 euros par mois en crèche familiale et de 260 à 281 euros par mois pour une assistante maternelle directement employée par les parents.
S'agissant du nombre de professionnels agréés, elle a fait état d'un chiffre de 424.100 assistants maternels, répartis de la façon suivante : 343.100, soit 81 % d'entre eux, gardent des enfants à la journée, 46.300 (soit 11 %) les accueillent à titre permanent, 25.600 (soit 6 %) exercent en crèche familiale et 9.100 (soit 2 %) ont une activité mixte. La capacité d'accueil théorique de ces professionnels serait de 686.000 enfants, soit en moyenne deux enfants par assistant maternel.
Elle a enfin indiqué que le salaire mensuel moyen net déclaré par les assistants maternels s'élevait à 542 euros, le salaire médian s'établissant autour de 488 euros, avec des écarts salariaux importants : 22 % déclarent un salaire inférieur à 300 euros et 15 % un salaire supérieur à 900 euros. Elle a toutefois déclaré que ces chiffres devaient être maniés avec précaution, dans la mesure où ils ne permettaient pas de mettre en rapport le salaire déclaré et le nombre d'heures travaillées.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a observé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait prévu un budget de 10 millions d'euros, à la charge de la branche famille, pour financer des actions de formation professionnelle continue. Il a donc souhaité connaître la situation actuelle des assistants maternels au regard de la formation continue et le champ des professionnels concernés par les actions de formations prévues au budget de la branche famille. Il a également demandé des précisions quant aux autres financeurs de la formation continue de ces professionnels et aux structures dispensant les formations.
Mme Nicole Prud'homme a rappelé que seuls les employeurs de plus de dix salariés étaient aujourd'hui soumis à l'obligation de cotiser au titre de la formation professionnelle continue. Elle en a déduit que, si les assistants maternels employés par une crèche familiale bénéficiaient de la formation continue, tel n'était pas le cas des assistants employés par des particuliers.
Elle a toutefois indiqué que la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, adoptée le 7 avril dernier, rendait obligatoire la formation continue pour l'ensemble des salariés et que le présent projet de loi prévoyait, en conséquence, une nouvelle cotisation patronale de 0,15 points, en réalité intégralement prise en charge par la branche famille, pour alimenter un fonds de formation professionnelle pour les assistants maternels. Elle a, en outre, précisé que la gestion de ce fonds pourrait, comme pour l'ensemble des autres salariés de droit privé, être confiée à l'association de gestion du fonds d'assurance formation des salariés des petites et moyennes entreprises (AGEFOSS-PME).
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, a fait part de son souhait d'étendre le bénéfice de la formation professionnelle continue aux travailleurs familiaux intervenant au domicile des parents dans le cadre de l'allocation de garde d'enfant à domicile (AGED).
Il a ensuite évoqué la création de deux nouvelles cotisations visant à mettre en place, d'une part, un fonds du paritarisme, d'autre part, un accord de prévoyance santé. Il a souhaité connaître quels seraient les redevables de ces cotisations et le coût supplémentaire éventuellement à la charge de la branche famille.
Mme Nicole Prud'homme a précisé que le coût global pour la CNAF de la mise en place de la formation professionnelle continue, du fonds du paritarisme et de la prévoyance santé s'élèverait à 50 millions d'euros à compter de 2005.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est interrogé sur l'impact financier, d'une part pour la branche famille, d'autre part pour les parents, d'une revalorisation de la rémunération minimale des assistants maternels à hauteur d'un SMIC pour trois enfants gardés, en équivalent temps plein. Il a voulu savoir si une telle revalorisation ne conduirait pas à neutraliser l'effet positif de la mise en place de la PAJE sur le taux d'effort des familles.
Mme Nicole Prud'homme a d'abord rappelé que la rémunération minimale des assistants maternels et familiaux s'élevait aujourd'hui à 2,25 SMIC horaire par jour de garde et par enfant : sur la base de cinq jours de garde par semaine, on peut donc estimer qu'un assistant maternel bénéficie d'une rémunération mensuelle de 146,25 SMIC horaire par mois, à l'exclusion des indemnités d'entretien, ce qui correspond à 86,5 % du SMIC mensuel calculé sur la base de 39 heures hebdomadaires ou à 96,4 % du SMIC mensuel sur la base de 35 heures. Elle a donc expliqué que l'objectif d'une rémunération garantie égale au SMIC mensuel calculé sur la base de 39 heures serait atteint par un passage de 2,25 à 2,60 SMIC horaire par jour de garde et par enfant.
Elle a estimé que le coût, pour la branche famille, d'un tel relèvement de la rémunération minimale des assistants maternels et familiaux s'élèverait à 60 millions d'euros au titre de la prise en charge des cotisations et à 25 millions d'euros résultant mécaniquement de l'augmentation des sommes versées au titre de la PAJE. Elle a indiqué que le coût pour les parents s'élèverait, quant à lui, à 55 millions d'euros et n'absorberait que 12 % de l'effort consenti en faveur des familles employant un assistant maternel dans le cadre du complément de libre choix du mode de garde de la PAJE.
En réponse à M. Roland Muzeau qui s'interrogeait sur l'ampleur du travail au noir dans le secteur de la garde d'enfants, Mme Nicole Prud'homme a précisé que celui-ci pouvait prendre deux formes : le dépassement du nombre autorisé d'enfants accueillis par une même assistante maternelle et la garde d'enfants sans agrément.
M. Guy Fischer a souhaité connaître les modalités d'application de la validation des acquis de l'expérience aux assistants maternels et familiaux. Il a également fait part de la revendication des assistants maternels employés par les crèches familiales d'être intégrés dans la fonction publique territoriale.
Mme Nicole Prud'homme a estimé que la question de l'intégration des assistants maternels dans la fonction publique territoriale devait être traitée dans le cadre d'un débat plus large sur l'avenir de la fonction publique. Elle a surtout insisté sur la nécessité de prévoir des perspectives de carrière pour les assistants maternels, en rappelant que les dispositions du projet de loi concernant la formation professionnelle continue et la validation des acquis de l'expérience étaient deux moyens importants d'y contribuer.
M. Jean Chérioux a voulu savoir s'il existait une estimation du nombre de candidatures à l'agrément d'assistant maternel qui échouaient en raison des conditions de logement.
M. Jean-Pierre Godefroy a souhaité connaître l'état d'avancement des négociations sur la nouvelle convention collective des assistants maternels et familiaux. Il a également plaidé en faveur d'une possibilité de rémunération des assistants maternels par chèque emploi service.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur, s'est enfin interrogé sur la proportion d'enfants confiés à des assistants familiaux au titre de placements judiciaires.
Mme Nicole Prud'homme a reconnu que l'exiguïté des logements était une des difficultés les plus importantes pour l'agrément des assistantes maternelles, notamment en région parisienne. Elle a ensuite rappelé que la création du chèque PAJE permettrait de simplifier les formalités administratives liées à l'emploi d'une assistante maternelle agréée. Elle a enfin précisé qu'environ 65.000 enfants étaient aujourd'hui confiés à des assistants familiaux dans le cadre de placements judiciaires.