Rapport n° 210 (2003-2004) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 11 février 2004
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AUDITIONS
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I. AUDITION DE MME MARIE-THÉRÈSE
BOISSEAU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES HANDICAPÉES, LES
MERCREDI 28 JANVIER ET MARDI 3 FÉVRIER 2004
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II. COMPTE RENDU INTÉGRAL DES AUDITIONS DES
MERCREDI 28 JANVIER, MERCREDI 4 ET JEUDI 5 FÉVRIER 2004
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Audition de M. Jean-Marie
SPAETH,
président du conseil d'administration de la Caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)
(mercredi 28 janvier 2004)
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Audition de M. Laurent COCQUEBERT
directeur général de l'Union nationale des associations de parents
et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI)
(mercredi 4 février 2004)
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Audition de MM. Jean-Marie SCHLERET,
président,
et Jean-Pierre GANTET, vice-président,
du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
(mercredi 4 février 2004)
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Audition de Mme Laurence TIENNOT-HERMENT,
présidente,
et M. Jean-Claude CUNIN, responsable du pôle revendications
de l'Association française contre les myopathies (AFM)
(mercredi 4 février 2004)
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Audition de M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE,
Mme Cécile KERBEL et M. Dominique LEDOUCE
du Collectif des démocrates handicapés (CDH)
(mercredi 4 février 2004)
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Audition de Mme Marie-Sophie DESAULLE,
présidente,
et de M. Patrice TRIPOTEAU, directeur général administratif,
de l'Association des paralysés de France (APF)
(jeudi 5 février 2004)
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Audition de M. Patrick
GOHET,
délégué interministériel aux personnes handicapées
(jeudi 5 février 2004)
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Audition de M. Jean CANNEVA,
président de l'Union nationale des amis et familles
de malades mentaux (UNAFAM)
(jeudi 5 février 2004)
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Audition de M. Jean-Marie
SPAETH,
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I. AUDITION DE MME MARIE-THÉRÈSE
BOISSEAU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES HANDICAPÉES, LES
MERCREDI 28 JANVIER ET MARDI 3 FÉVRIER 2004
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ANNEXE I
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LISTE DES AUDITIONS DE LA COMMISSION
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ANNEXE II
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LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR
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ÉTUDE D'IMPACT
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TABLEAU COMPARATIF
N° 210
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 février 2004 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1):
- sur le projet de loi pour l' égalité des droits et des chances , la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ,
et
- sur la proposition de loi de MM. Nicolas ABOUT, Paul BLANC et Mme Sylvie DESMARESCAUX rénovant la politique de compensation du handicap ,
Par M. Paul BLANC,
Sénateur
Tome II :
Auditions et Tableau comparatif
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Sénat : 287 (2002-2003), 183 (2003-2004)
Personnes handicapées. |
AUDITIONS
I. AUDITION DE MME MARIE-THÉRÈSE BOISSEAU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES HANDICAPÉES, LES MERCREDI 28 JANVIER ET MARDI 3 FÉVRIER 2004
M. Nicolas ABOUT, président - Nous accueillons Mme la ministre, qui va nous présenter les principales dispositions du projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il s'agit d'un sujet très important et chacun se rappellera de la part que le Sénat a prise dans le cadre de l'arrêt Perruche et des engagements qu'il a pris dans ce dossier.
Après avoir travaillé considérablement, nous sommes heureux de constater que le texte a été déposé par le Gouvernement et qu'il a été abordé ce matin en conseil des ministres. Nous sommes également heureux de constater que le Président de la République l'a érigé au rang de priorité nationale.
C'est donc un moment important que celui de vous accueillir, afin de débattre avec vous sur le projet que vous avez défendu ce matin. Si vous le souhaitez, vous pouvez nous présenter le projet de loi et ensuite, le rapporteur et les commissaires vous interrogeront.
Madame la ministre, je vous cède la parole.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je vous remercie, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, c'est effectivement un moment important, que celui de la présentation d'un projet de loi sur les personnes handicapées, trente ans après la loi fondatrice de 1975, qui avait largement contribué à une meilleure prise en compte des personnes handicapées dans notre société. L'impact de cette loi de 1975 avait été, de l'avis unanime, déterminant. Mais en près de trente ans, les esprits ont mûri et les attentes sont autres et une nouvelle étape dans la reconnaissance de la personne handicapée doit être franchie. Puisse-t-elle être la dernière ; ce n'est peut-être qu'un rêve, mais il représente, à tout le moins, un souhait très profond.
Certes, le temps n'est plus celui où l'on cachait le handicap. Mais notre société hésite encore souvent entre le rejet et la compassion. Trop de nos concitoyens handicapés se sentent laissés pour compte, abandonnés à des situations douloureuses, voire insupportables, ou a contrario , embrigadés dans des modes, des rythmes de vie qu'on a choisis pour eux et qui ne leur ressemblent pas.
Nous avons le devoir de répondre positivement aux aspirations, à la fois de ceux qui réclament plus d'autonomie et de ceux qui ont besoin d'être soutenus et accompagnés quotidiennement, tout au long de leur vie.
L'ensemble de ces problèmes touche, peu ou prou, 10 % de la population. Tenter d'y remédier est donc un enjeu majeur de cohésion sociale, que ce gouvernement a choisi d'élever au rang de ses priorités nationales, au coeur du pacte républicain.
Ce projet de loi, qui vous est présenté aujourd'hui, est le fruit de dix-huit mois de travaux, qui ont mobilisé de nombreux ministères, des élus nationaux et locaux, les associations représentant les personnes handicapées, les partenaires sociaux, les organismes de protection sociale et de recherche, mais aussi l'ensemble de la société civile, au travers de multiples rencontres sur le terrain, de débats, de consultations organisées par les préfets et des nombreuses manifestations de l'année européenne des personnes handicapées. Le dialogue, entre les différents partis, a été particulièrement riche et exemplaire, même s'il n'a pas toujours été facile.
Je voudrais rendre un hommage particulier au Sénat, pour son investissement dans cette grande cause et le remercier très chaleureusement pour le travail qu'il a fourni : une première fois, au travers du rapport d'information de M. Paul Blanc, qui a été publié en 2002 ; une deuxième fois, avec la proposition de loi que votre président, M. Nicolas About et votre rapporteur, M. Paul Blanc ont rapportée. Ces travaux, mesdames et messieurs les sénateurs, ont contribué un apport non négligeable à notre réflexion. Je suis convaincue qu'ils nous aideront à améliorer encore le texte, tout au long du débat parlementaire.
Le projet de loi que je vous présente est sous-tendu à chaque pas, par le souci de la dignité de toute personne handicapée et de la conviction qu'elle porte en elle des richesses singulières, quel que soit le handicap, qu'il ne s'agit à aucun moment de nier, mais de toujours reconnaître dans sa diversité et dans sa complexité. Nous avons le devoir d'accueillir toute personne handicapée pour ce qu'elle est et de faciliter son insertion et sa participation à la vie en société, en l'aidant à développer ses potentialités et ses richesses.
Il s'agit tout à la fois, de permettre effectivement à ceux qui le peuvent de vivre pleinement dans la cité, et aux plus vulnérables, aux plus fragiles, d'être protégés, sécurisés, sans renoncer jamais, à les écouter, à les entendre, et à les aider à exprimer leurs besoins avant de tenter de les satisfaire. Ce souci d'équilibre est constant : tout au long de l'élaboration de ce projet de loi, il a été présent. Je pense notamment aux avancées qui sont proposées en matière d'accessibilité dans tous les domaines, mais aussi à celles qui concernent la protection juridique pour les plus démunis, comme la reconnaissance des groupes d'entraide mutuelle pour les personnes handicapées psychiques.
Le principe sous-jacent est, bien évidemment, celui de la non-discrimination et de l'accès systématique des personnes handicapées au droit commun, éventuellement complété par des dispositifs spécifiques, lorsque cela est nécessaire. L'instauration d'une prestation de compensation, un des points essentiels de cette loi, procède de cette même volonté, puisqu'elle tend à réduire les charges spécifiques qui pèsent sur les personnes handicapées et surtout, à leur permettre d'exprimer leurs aptitudes et leur potentialité.
Cette logique conduit tout naturellement, à placer la personne handicapée au coeur des dispositifs la concernant. Jusqu'à présent, les instances administratives chargées d'évaluer le handicap et d'orienter la personne handicapée, faute parfois de moyens humains, statuent, trop souvent, sur des dossiers. Désormais, la personne handicapée, quelle qu'elle soit, est reconnue comme une personne à part entière et les choix qui la concernent sont des choix partagés, au moins par les familles, et non plus des décisions subies. C'est un défi difficile à relever, mais nous n'avons pas le choix. C'est un devoir.
L'évaluation du handicap, notamment, est personnalisée. La personne peut exprimer, devant une équipe médico-sociale pluridisciplinaire, ses aspirations et son projet de vie, ses désaccords aussi, accompagnée, selon les cas, par sa famille ou par son représentant légal.
Il signe la fin de la logique d'assistance qui sous-tendait la loi de 1975 et il marque un tournant dans l'approche que notre société doit avoir des personnes handicapées, auxquelles ces dernières, je n'en doute pas, seront très sensibles.
Ce projet de loi s'inscrit dans une perspective de protection sociale étendue, au travers de droits indiscutables qui ne sauraient faire l'objet de tractations ni avec la personne handicapée, ni avec sa famille. La création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui financera le droit à la compensation, incarne bien ce nouvel état d'esprit, dans une logique de protection sociale, ce qui est à souligner, et non plus d'aide sociale.
La loi réaffirme et renforce une autre obligation, qui est celle de l'accessibilité au sens large du terme. En la matière, la prise en compte des besoins des personnes handicapées motrices, sensorielles, mentales et psychiques doit être un impératif démocratique. On reproche souvent à la France d'être en retard dans ce domaine et par rapport à d'autres pays, ce qui est relatif.
Il est exact que nous n'avons pas toujours produit les efforts nécessaires pour rendre notre société accueillante pour les personnes handicapées. Il est exact aussi, que toutes les dispositions de la loi de 1975 à ce sujet, restent à ce jour inappliquées. Des faits viennent nous le rappeler quotidiennement et tristement, qu'il s'agisse de l'accessibilité des personnes handicapées aux transports, aux lieux publics ou privés, à l'école, aux sports, à l'emploi, à la justice ou à la culture, cette liste n'étant pas exhaustive.
L'accessibilité se mesure à la qualité d'usage, mais aussi à l'absence de rupture dans la chaîne de déplacement, élément essentiel de la vie de la personne handicapée. Ses facultés d'adaptation sont, par définition, moindres que celles d'une personne valide, qu'il s'agisse de déplacements dans la cité, de parcours scolaires ou d'activités professionnelles ou sociales. Il faut donc assurer, à tous les niveaux, la continuité. La notion d'accessibilité évoluera constamment et inéluctablement, du fait de la dématérialisation accélérée des procédures administratives, mais aussi, par certains aspects, de la scolarisation et de la vie professionnelle. Quoi qu'il en soit, l'accessibilité sous toutes ses formes restera toujours, avec la compensation, un élément majeur de l'intégration.
Les partenaires se retrouveront, notamment, au sein de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, qui réunira la commission départementale d'éducation spéciale, la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel et les « sites pour la vie autonome ». Ce regroupement permettra, entre autres, d'éviter les dysfonctionnements lors du passage de l'enfance à l'âge adulte et il facilitera les prises de position adéquates. Il permettra une rénovation profonde des procédures.
Le projet de loi ne se contente pas d'affirmer des droits nouveaux ou de rendre plus effectif ce qui existait. Le projet de loi a l'ambition d'humaniser les procédures, de mettre fin au parcours du combattant que trop de personnes handicapées connaissaient, et il prend en compte leurs familles, pour faire valoir leurs droits ou, tout simplement, pour qu'elles puissent demander de l'aide.
Accueil, écoute, information, conseil, évaluation, orientation, médiation et suivi des décisions, telles sont les missions confiées à la « maison départementale des personnes handicapées », interlocuteur unique de l'intéressé et de sa famille et interlocuteur reconnu, comme l'est l'ANPE pour les personnes qui sont à la recherche d'un emploi. Cette identification rapide est essentielle, dans la mesure où le handicap survient toujours de façon brutale, qu'il s'agisse d'un handicap de naissance ou d'un handicap survenu à la suite d'un accident. Il s'agit d'aller vite et de répondre efficacement, dans un souci de proximité.
La nouvelle législation souhaite mobiliser l'ensemble des partenaires de proximité dans ses instances rénovées, les services sociaux des conseils généraux, les services déconcentrés de l'État, les organismes de sécurité sociale, les centres communaux d'action sociale, les « sites pour la vie autonome », les mutuelles ou encore les services publics ou spécialisés de l'emploi. Finalement, tout ce qui a trait au handicap de près ou de loin, doit se retrouver dans une même instance, afin de conjuguer les efforts et faire en sorte que les décisions qui sont prises, soient les plus efficaces possible.
Le pilotage de ce nouveau dispositif reste à préciser, ce qui n'est pas, en soi, satisfaisant. Mais vous savez que ce sujet fait actuellement l'objet d'une réflexion qui a été confiée à MM. Briet et Jamet, dans le cadre de la mise en place de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, décidée par le Premier ministre, le 6 novembre dernier.
Je ne doute pas que vous serez attentifs à ce souci de proximité, de simplification, de clarification des compétences et d'efficacité des services rendus, que nous partageons tous. Quelles que soient les orientations retenues par la mission Briet et Jamet, je souhaite affirmer, de nouveau, que l'État restera le garant de la politique en matière de handicap, et de l'égalité de traitement de nos concitoyens handicapés, au travers, mais pas uniquement, des fonctions qui seront celles de la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie.
Vigilante en matière d'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, l'instance nationale qui sera choisie devra, par ailleurs, assurer l'harmonisation des aides techniques, attester de leur qualité et tenir son rôle en matière de recherche.
A mes yeux, il s'agit d'un projet novateur, comportant des avancées nombreuses et majeures pour les personnes handicapées. Avant de répondre à vos questions, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaiterais en dresser une liste, qui ne sera pas exhaustive, mais significative.
Pour la première fois, le handicap psychique est pris en considération, au même titre que les autres handicaps. Ce sont, du même coup, plus de 600.000 personnes, aujourd'hui le plus souvent laissées pour compte, qui sont reconnues et qui se trouvent davantage motivées pour trouver les réponses appropriées à leurs besoins.
Pour la première fois aussi, les personnes handicapées bénéficieront des moyens financiers de faire face aux dépenses supplémentaires qui sont engendrées par le handicap. En effet, la prestation de compensation couvre l'ensemble des aides possibles, comme les aides humaines, les aides techniques, les aides à un éventuel aménagement du logement ou des aides destinées à faire face à des handicaps bien précis. Le Gouvernement a prévu le financement de la compensation avant même le vote de la loi, en créant la caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie, qui sera alimentée, vous le savez, à hauteur de 0,3 % par les entreprises dont les salariés travailleront un jour supplémentaire par an, mais également à hauteur d'un taux de prélèvement de 0,3 % sur les revenus du capital. Le budget consacré aux personnes handicapées s'élèvera à 850 millions d'euros par an, à partir de 2005.
Je vous rappelle que les bénéfices du jour férié travaillé s'élèveraient à environ 2,1 milliards d'euros, ce qui permettrait de financer l'APA à hauteur de 400 millions d'euros, et de 1,7 milliard d'euros les aides aux personnes handicapées. Jamais un effort financier d'une telle ampleur n'avait été produit en une seule année et sur le long terme, puisqu'il portera sur une durée de quatre ans, à partir de 2005.
Pour la première fois encore, mesdames et messieurs les sénateurs, la place des « aidants » familiaux est reconnue dans le cadre des aides humaines. La personne handicapée qui reçoit l'assistance de son conjoint pourra le dédommager, dans la mesure où il aura partiellement ou totalement cessé de travailler, pour assurer les fonctions de tierce personne.
Pour la première fois aussi, les obligations en matière d'accessibilité du cadre bâti neuf sont étendues à toutes les constructions neuves, qu'elles soient collectives ou individuelles. Dans ce dernier cas seulement, des possibilités de dérogations, qui seront motivées et donc exceptionnelles, peuvent être obtenues dans des conditions très précises. M. Jean-Louis Borloo affirmait ce matin même, que dans la mesure où l'accessibilité est conçue avant même la construction, le surcoût ne représente que 0,2 % environ, ce qui est finalement très négligeable. Nous avons donc besoin d'un changement de mentalité et d'une préparation des architectes à la conception de l'accessibilité des personnes handicapées. En outre, M. Jean-Jacques Aillagon est très sensible à cette question et une formation sur les handicaps sera dispensée obligatoirement dans les écoles d'architecture, dès la rentrée prochaine.
Les contrôles seront renforcés, afin que ces obligations soient effectives. Des sanctions précises sont prévues, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
La loi prévoit par ailleurs, la mise en accessibilité de l'existant dans des délais précisés par voie réglementaire, en fonction de la nature du bâtiment et des prestations qui sont attendues par les personnes handicapées, et aussi en fonction des études d'impact qui accompagneront la préparation des décrets.
En ce qui concerne les transports, ils disposeront d'un délai de six ans, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour devenir accessibles.
Pour la première fois encore, les parents d'enfants handicapés pourront faire valoir une demande d'inscription dans l'école la plus proche de leur domicile et je citerai le texte même du projet de loi :
« Les enfants sont inscrits et reçoivent cette formation dans l'école ou l'établissement d'enseignement public ou privé sous contrat, au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés, le plus proche de leur domicile ».
L'expression « au besoin » a été introduite, pour que la décision de non-inscription dans le milieu ordinaire, voire dans un le cadre d'un dispositif adapté soit, désormais, expressément motivée. Les moyens nécessaires au suivi de la scolarité de l'enfant handicapé sont proposés, après l'établissement d'un projet individuel pour l'enfant, avec la participation de ses parents. Ce projet pourra conclure à une scolarité en milieu ordinaire individuel ou collectif, ou à un accueil dans un établissement médico-éducatif. Ces décisions sont révisables à tout moment.
Avec le ministre de l'éducation nationale, notre volonté politique, au sens noble du terme, est de tout entreprendre pour qu'un maximum d'enfants puisse bénéficier d'une scolarité ordinaire, ce qui libèrera des places dans les établissements spécialisés, pour les enfants plus lourdement handicapés, dont un nombre important d'entre eux reste, aujourd'hui, à l'entière charge de leur famille.
Pour la première fois aussi, la loi affirme la nécessaire continuité du parcours de formation et la complémentarité souhaitable entre d'une part, la pédagogie et d'autre part, les interventions éducatives et de rééducation. L'abandon du terme « éducation spéciale » est significatif. Il exprime la volonté d'intégrer à l'école et dans la cité le maximum d'enfants handicapés, dès leur plus jeune âge. Le texte témoigne également, tout au long du parcours, d'une attention particulière envers les étudiants handicapés. Mieux, la loi garantit l'obligation d'accueil des étudiants handicapés en université. Enfin, je mentionne la possibilité, pour les parents, d'envoyer leurs enfants à l'école dès l'école maternelle.
Le projet de loi insiste aussi sur la responsabilité des établissements médico-éducatifs et leurs obligations d'accueil des enfants les plus lourdement handicapés.
Pour la première fois, les trois fonctions publiques, dans la mesure où elles n'atteindront pas le quota de 6 %, comme les entreprises privées, devront verser une contribution à un fonds spécifique unique qui servira à l'insertion des personnes handicapées dans le secteur public, à l'instar de ce qui existe dans le secteur privé, avec l'AGEFIPH. Comme cette dernière, ce fonds public financera des formations spécifiques, des aménagements de poste de travail, des moyens de transport pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.
Dans le domaine de l'emploi, au-delà de la création d'un fonds commun pour l'ensemble de la fonction publique, des mesures nouvelles seront prises, à la fois pour développer le travail des personnes handicapées en milieu ordinaire, et mieux valoriser leur travail en milieu protégé. Des négociations collectives de branche tous les trois ans et d'entreprise tous les ans placeront l'emploi des personnes handicapées au coeur du dialogue social. Les entreprises qui embauchent des handicapés en situation de chômage de longue durée ou qui suivent une formation professionnelle, seront encouragées. A l'inverse, celles qui ne consentent à aucun effort en matière de recrutement seront sanctionnées plus sévèrement qu'auparavant.
Par ailleurs, la loi consacre la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées, leur reconnaissant ainsi une place spécifique, mais entière, dans le milieu de travail ordinaire. Parallèlement, la loi réaffirme l'utilité du travail en milieu protégé, pour certaines personnes qui ne peuvent pas travailler en milieu ordinaire. Le travail en milieu protégé doit pouvoir constituer, dans certains cas, un refuge ou un tremplin vers le milieu ordinaire, ce qui oblige à proposer des réponses souples, évolutives dans l'espace et dans le temps, adaptées à la personnalité et aux capacités de chaque travailleur handicapé. Ces allers et venues ne pourront avoir lieu que si des passerelles sont établies entre les milieux ordinaires et protégés de travail. Le droit au retour en centre d'aide par le travail, en cas de difficulté en milieu de travail ordinaire, sera garanti.
Le statut et la vocation médico-sociale des centres d'aide par le travail (CAT) sont réaffirmés, ce qui n'est pas antinomique avec une reconnaissance du droit des personnes qui y travaillent. Ces dernières peuvent accéder à la formation professionnelle, valider les acquis de l'expérience, prendre des congés, bénéficier de l'allocation parentale d'éducation et mieux, cumuler les ressources provenant de l'activité, avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH), grâce à un système d'abattement beaucoup plus favorable. Les activités à temps partiel, qui sont faiblement rémunérées, sont ainsi encouragées.
Ce projet de loi, par ailleurs, éloigne des familles pour la première fois, de toute perspective de retour sur succession, dès lors que la personne handicapée bénéficie de la prestation de compensation ou qu'elle est accueillie en établissement. C'est une preuve de plus que les personnes handicapées ont quitté le champ de l'assistance sociale pour rejoindre clairement celui de protection sociale.
Au-delà de ces priorités, le projet de loi comprend un titre qui est consacré aux compétences professionnelles, afin, dans un souci de démarche de qualité, d'améliorer les prestations offertes pour certains métiers relatifs à l'appareillage, à l'interprétariat en langue des signes française ou en langage codé, parlé et complété.
Dans les derniers articles de la loi, sont proposées un certain nombre de dispositions secondes et non pas secondaires, comme l'élaboration de conventions pour faciliter l'intervention souhaitable et souhaitée des bénévoles, ou la possibilité pour les associations, de défendre ou d'assister les personnes handicapées qui seraient victimes de crimes ou de délits. Ces possibilités s'inscrivent dans le droit-fil des propositions que le Sénat avait suggérées dans son rapport sur la maltraitance.
Je citerai enfin, l'extension de la réduction d'impôt afférente au contrat de rente survie, ou la suppression de la commission départementale des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés.
Mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai conscience d'avoir été un peu longue et je vous remercie pour votre attention. A ma décharge, l'exposé que je viens de faire touche à de très nombreux domaines, preuve, s'il en était, que l'intégration des personnes handicapées est un chantier vaste et complexe, auquel beaucoup d'artisans se sont attelés et s'attèleront encore, pour qu'il avance de façon significative.
Ce projet de loi modifie six codes différents. Je suis convaincue que ce texte offre aux personnes handicapées des perspectives nouvelles importantes, qui leur permettront, selon le voeu du Président de la République, d'être des membres plus actifs de la société française.
Par ailleurs, j'ai pleinement conscience du travail qui reste à accomplir, d'abord parce que tout projet législatif n'est qu'une oeuvre humaine et qu'elle est donc perfectible, mais aussi parce que celui-ci, tout particulièrement, doit être complété par des amendements qui tiendront notamment compte des conclusions de la mission Briet-Jamet.
Le projet de loi fera ensuite l'objet de très nombreux décrets, puisque les sujets qui sont évoqués sont extrêmement nombreux et parce que nous avons le souci de délimiter ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire. Je sais que les sénateurs sont particulièrement sensibles et qu'ils nous aideront dans ce sens. Ces décrets d'application seront préparés et ils paraîtront dans l'année, dans la mesure où nous avons l'obligation de mettre cette loi en application à partir du 1 er janvier 2005. Je compte beaucoup sur la participation des uns et des autres, afin d'élaborer ces décrets.
Pour l'heure, nous nous situons dans la phase de présentation de la loi. Dès cet instant, j'attends beaucoup de votre collaboration et de votre critique constructive. Il s'agit d'un sujet noble, qui mérite que nous nous y attelions de manière digne et respectueuse.
D'avance, je vous en remercie.
M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, je vous remercie. Nous nous efforcerons de ne point vous décevoir.
Vous avez évoqué les décrets, or il me semble nécessaire que la loi en fixe les limites, pour qu'elle conserve tout son sens. En effet, les années passées ont montré que de nombreux textes n'ont pas été traduits au niveau réglementaire, ou que des textes originaux pouvaient être dénaturés par leurs décrets d'application.
Je sais que nous pouvons faire confiance au Gouvernement, au Premier ministre et au Président de la République, qui ont élevé l'égalité des droits des personnes handicapées au rang de priorité nationale. En outre, nous souhaitons que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle sur ce dossier si sensible.
La parole est attribuée à M. le rapporteur.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je vous remercie, madame la ministre pour l'exposé très complet que vous avez présenté. Je vous poserai un certain nombre de questions sur le projet de loi, afin de préciser certains éléments.
D'abord, la création d'une prestation de compensation est un progrès incontestable. Certains de ses aspects restent cependant à préciser. Le projet de loi prévoit de prendre en compte les ressources des bénéficiaires : ces ressources conditionneront-elles l'accès à la prestation ou simplement son montant ? Le montant total du plan de compensation sera-t-il lui-même plafonné ?
Pourquoi exclure, a priori, le versement de la prestation de compensation pour les personnes handicapées accueillies en établissement social ou médico-social ?
Ensuite, le projet de loi est peu précis quant à la procédure applicable aux aides autres qu'humaines. Selon quelle procédure seront-elles prises en charge, dans le cadre de la prestation de compensation ?
Etes-vous en mesure, enfin, de préciser ce qu'est l'évaluation du coût de cette nouvelle prestation, tant pour l'État que pour les départements, dans la mesure où cette prestation sera vraisemblablement servie par les départements ?
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - La prestation de compensation est une prestation de protection sociale universelle. Elle n'est donc soumise à aucune condition de ressource et elle n'exclut aucune personne handicapée a priori . En revanche, cela ne signifie pas que la totalité des dépenses liées à cette prestation soient couvertes intégralement. Comme l'article L. 245-4 du projet de loi l'indique, il y aura des taux de prise en charge et des montants plafonds qui ne pourront pas être dépassés. En effet, il nous est paru anormal de faire payer à la collectivité un coût supérieur au coût d'un accueil de la personne handicapée en établissement spécialisé. Ces taux ou ces montants varieront en fonction de la nature des aides et des ressources des bénéficiaires.
En ce qui concerne les ressources, nous ferons en sorte que la solidarité nationale s'exerce de prime abord, en faveur des personnes les moins favorisées. Par exemple, nous ne traiterons pas de la même manière une personne désirant acquérir du matériel informatique et qui perçoit des revenus, qu'une personne qui présente le besoin crucial d'un ordinateur, mais qui ne perçoit aucun revenu. La participation à l'achat de ce matériel ne sera donc pas la même.
En ce qui concerne le versement de la prestation de compensation pour les personnes handicapées qui séjournent dans des établissements sociaux ou médico-sociaux, je rappelle que le droit à la prestation de compensation est prévu pour les personnes handicapées en établissement, mais qu'il est organisé différemment. La loi prévoit que le paiement de la prestation de compensation pourra être suspendu totalement ou partiellement, en cas d'hospitalisation ou d'hébergement, selon l'article L. 245-9. La prestation de compensation a pour objet de couvrir les surcoûts qui sont liés aux handicaps dans la vie quotidienne. Or les personnes handicapées qui sont accueillies en établissement social ou médico-social sont exonérées de fait des charges de la vie quotidienne.
Enfin, les associations ont souhaité intégrer les établissements dans la prestation de compensation, au titre de la compensation collective. Il faut donc en tirer les conséquences et finalement, le fait que la même personne bénéficie de deux compensations dans des conditions identiques à celle qui vit chez elle, paraît illogique. Par contre, en cas d'accueil à temps partiel ou à titre temporaire, il conviendra d'en tenir compte pour le calcul du montant de la prestation de compensation.
Au sujet des procédures applicables aux aides autres qu'humaines et de leur prise en charge dans le cadre de la prestation de compensation, je souligne que la prestation de compensation comprendra quatre types d'aides : les aides humaines, les aides techniques, les aides éventuelles au logement pour améliorer son accessibilité et les aides spécifiques, comme les clubs des centres d'accueil pour les personnes handicapées au niveau psychique, ou encore les couches pour les personnes incontinentes.
Certaines de ces aides font l'objet de dépenses régulières, comme les aides humaines. D'autres aides ont un caractère plus ponctuel, comme l'aide pour l'aménagement d'un logement. Les modalités de leur attribution sont différentes et comme vous l'avez préconisé vous-même, monsieur le rapporteur, certaines pourront faire l'objet d'un versement en capital, alors que d'autres pourront être mensualisées.
S'agissant des aides techniques, deux scénarios sont possibles.
Premièrement, les aides techniques sont remboursées par la sécurité sociale et les améliorations se font dans ce cadre. La prestation de compensation vise alors à minorer, voire à annuler le restant à charge pour la personne, selon le type d'aide. Par exemple, le restant à charge après l'acquisition d'un fauteuil électrique, est très élevé.
Deuxièmement, il est décidé d'élargir le périmètre des compétences de la caisse à la totalité des aides techniques existantes, comme le préconise la mission Briet-Jamet. Cela conduirait nécessairement à se poser les questions relatives au remboursement, de manière différente.
En ce qui concerne l'aide au logement, le décideur prendra connaissance des préconisations établies par l'équipe pluridisciplinaire au sein de la « maison départementale du handicap » et il établira un niveau de prise en charge, qui déterminera le montant des dépenses prises en charge. Ce niveau sera établi en fonction des conventions qui seraient passées au niveau national avec les différents partenaires, comme l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Je rappelle que l'objectif est de réduire le reste demeurant à la charge des intéressés.
Enfin, en ce qui concerne les aides spécifiques, un forfait mensuel sera attribué à la personne et il pourra varier en fonction de la nature de la dépense, comme des frais d'incontinence ou des piles pour équiper les appareils auditifs, qui coûtent extrêmement cher et dont la charge restante incombe aujourd'hui à la personne handicapée.
Enfin, au sujet de l'évaluation du coût global de la nouvelle prestation, la situation actuelle est connue. S'agissant des aides humaines, l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne (ACTP), qui est un droit ouvert sous conditions de ressources, bénéficie aujourd'hui à plus de 90.000 personnes. Or le nombre de bénéficiaires de l'ACTP est relativement stable depuis plusieurs années. De plus, nous connaissons, grâce à la politique de soutien aux personnes qui sont très lourdement handicapées, de mieux en mieux le nombre de personnes qui nécessitent une veille de plus de 12 heures par jour, soit entre 3.000 et 4.000 personnes. Pour ce qui concerne les aides techniques, nous disposons du rapport du Professeur Leconte, qui a été remis en mars 2004, aux termes duquel si nous financions la totalité des aides techniques disponibles sur le marché, le surcoût s'élèverait à 700 millions d'euros. Enfin, nous savons que le fonctionnement des « sites pour la vie autonome » mobilise environ 30 millions d'euros pour l'État.
C'est sur cette base que le montant pris en compte par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été prévu. Il reste à déterminer les sommes affectées à chaque élément de la prestation de compensation, ce qui sera effectué dans le courant de l'année 2004.
L'ajustement de la prestation de compensation s'effectuera sur ces bases, sans transfert de charges aux départements. Ces 850 millions d'euros s'ajoutent aux 50 millions d'euros, qui sont déjà financés par l'État au titre des auxiliaires de vie et aux 30 millions d'euros, au titre des sites pour la vie autonome (SVA).
M. Paul BLANC, rapporteur - J'ai pu remarquer la satisfaction d'André Lardeux, à la suite des paroles que vous avez prononcées.
Par ailleurs, la prestation de compensation s'insère dans un ensemble déjà riche de prestations destinées aux personnes handicapées. Leur articulation mérite à l'évidence d'être clarifiée. Se pose notamment la question de l'allocation aux adultes handicapés.
Avec la création de la prestation de compensation, l'AAH ne se justifie plus qu'en tant que minimum social pour des personnes handicapées dans l'incapacité de travailler. Il est donc légitime d'en encadrer le cumul avec des revenus tirés d'une activité professionnelle. Pourquoi, dès lors, réserver un sort particulier aux revenus des travailleurs de CAT ?
Plus fondamentalement, si les conséquences du handicap sont désormais correctement compensées, pourquoi maintenir un minimum social spécifique aux personnes handicapées ?
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Monsieur le président et monsieur le rapporteur, si vous me le permettez, je commencerai par répondre sur le sort qui est réservé aux ressources des personnes handicapées. Dans votre rapport et dans votre proposition de loi, le Sénat abordait ce sujet, en estimant que si nous instaurions une prestation de compensation, il n'y avait plus lieu de maintenir un minimum spécifique pour les personnes handicapées. Cette question est légitime, mais nos réponses sont divergentes.
Nous avons estimé, en effet, qu'il était légitime de maintenir une allocation spécifique pour les personnes handicapées. C'est la raison pour laquelle nous proposons de laisser intacte l'AAH. Le fait d'être handicapé engendre la plupart du temps des dépenses supplémentaires, celles qui incombent à une personne valide. Par exemple, un usager du métro non-voyant met 20 minutes de plus qu'une personne valide pour effectuer le même trajet, ce qui à terme, peut coûter de l'argent. Ces dépenses ne sont pas toujours identifiables au titre de la compensation, comme le fait de faire tourner plus souvent des machines à laver ou encore de devoir s'approvisionner dans un commerce de proximité, faute d'un accès au supermarché.
En outre, je rappelle que l'AAH ne s'adresse pas uniquement aux personnes handicapées qui sont frappées d'une incapacité de travailler. En d'autres termes, la capacité de travailler n'est pas un critère d'attribution de l'AAH. Un des objectifs du projet de loi, qui s'inscrit pleinement dans les orientations rappelées par le Président de la République, lors de ses voeux aux Français, consiste à encourager le travail des personnes handicapées qui le peuvent et à privilégier une dynamique d'insertion essentiellement par le travail, plutôt qu'une dynamique d'assistance. Cet objectif est dans l'intérêt de notre société, parce qu'elle ne peut plus se payer le luxe de passer à côté du concours, très précieux, des personnes handicapées.
Pour atteindre cet objectif, les conditions de cumul de l'allocation adultes handicapés, avec des revenus d'activité professionnelle, même à temps partiel, seront améliorées. De plus, le complément d'AAH pourra, désormais, être maintenu pour les personnes exerçant une activité professionnelle, alors qu'aujourd'hui, la perte d'activité se traduit par une perte du complément versé aux personnes en logement autonome bénéficiant de l'APL.
Dans la même logique que celle qui vise à valoriser l'activité professionnelle, les travailleurs handicapés de CAT doivent pouvoir tirer l'essentiel de leurs ressources de leur activité professionnelle et non pas de l'AAH. La réforme qui est proposée va dans ce sens, en revalorisant le niveau moyen de la rémunération servie. De ce fait, l'AAH sera subsidiaire pour ces travailleurs, même si elle ne disparaît pas. Dans le même temps, la réforme vise à simplifier le dispositif de rémunération en CAT, qui est marqué par une complexité. Cette complexité avait été dénoncée, par ailleurs, dans un rapport de l'IGAS et de l'IGF. Désormais, la rémunération des travailleurs en CAT sera composée d'un revenu direct et d'un complément qui sera financé par le biais d'une aide au poste forfaitaire versée à l'employeur. Le montant du revenu direct, fixé par le directeur du CAT en fonction des capacités au travail, devra atteindre un minimum, fixé par décret, et qui sera supérieur aux 5 % actuels. Le complément sera composé d'une partie de l'aide anciennement apportée par l'État au titre de la GRTH, c'est-à-dire la garantie de ressources des travailleurs handicapés, et d'une partie de l'aide anciennement apportée au titre de l'AAH.
La personne handicapée percevra donc une rémunération unique sur son bulletin de paie, versée par le CAT.
M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, dans l'esprit du rapporteur et du mien, lorsque nous n'avions pas prévu d'allocation spécifique complémentaire à l'allocation compensatrice, nous avions considéré que les surcoûts que vous avez évoqués relevaient de la compensation. Bien entendu, ce sont des surcoûts qui sont liés au handicap. Il s'agit bien, en définitive, des éléments de compensation qu'il convient d'apporter à ce surcoût. Par contre, le problème du revenu du travail ou de l'allocation versée en cas d'incapacité de percevoir un revenu du travail se pose.
Nous avons apporté une réponse, vous en apportez une autre. A mon sens, nous essayons d'apporter les mêmes réponses sous des formes différentes.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - En effet, nos travaux sur le fond sont très proches, d'où la nécessité des auditions et du travail en commission, afin de parvenir à une expression la plus simple et la plus authentique possible du projet de loi, permettant de répondre au mieux aux besoins des personnes handicapées et de les servir.
M. le PRÉSIDENT - Je laisse le soin à monsieur le rapporteur de vous poser sa dernière question.
M. Paul BLANC, rapporteur - Le projet de loi prévoit la création des « maisons départementales des personnes handicapées ». Quelle sera leur forme juridique ? Comment seront-elles administrées et par qui seront-elles dirigées ?
Un groupement d'intérêt public entre l'État, les départements et l'assurance maladie ne serait-il pas la structure la plus adaptée et la plus souple, pour coordonner les différents acteurs intervenant dans le domaine du handicap ?
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - La loi prévoit la création des « maisons départementales des personnes handicapées », de façon à substituer à l'éclatement actuel des commissions et des services, une organisation cohérente et accessible. Les missions des « maisons départementales » et de leurs antennes locales seront supérieures à celles qui sont dévolues aux services existants, puisqu'elles porteront sur :
- premièrement, l'information, l'accueil et le conseil ;
- deuxièmement, l'élaboration médico-sociale personnalisée des besoins ;
- troisièmement, l'ouverture des droits aux prestations ;
- quatrièmement, le suivi des décisions ;
- et enfin, l'accompagnement des personnes handicapées.
Ce que nous souhaitons, c'est la simplification de la vie quotidienne et des démarches, des personnes handicapées et de leur société. Nous souhaitons également créer les conditions d'effectivité et d'un réel suivi des décisions qui seront prises. Et enfin, nous souhaitons garantir une organisation territoriale compatible avec les autres dispositifs d'action sociale.
Le projet de loi laisse votre question ouverte, dans la mesure où le Gouvernement a chargé MM. Briet et Jamet de lui faire des propositions sous deux mois, sur une organisation qui serait à même de concilier le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'organisation territoriale associant les départements.
Au vu de l'expertise réalisée par ces rapporteurs et des objectifs qui sont affichés, le Gouvernement tirera les conclusions nécessaires sur l'organisation des « maisons départementales », dont on me dit souvent qu'elles concrétiseront les inégalités sur les territoires. Mon opinion consiste à affirmer que ces inégalités existent aujourd'hui, quoi qu'il en soit, entre les territoires. Par maison départementale, nous pensons en termes de proximité et d'efficacité.
Quoi qu'il en soit, l'État entend demeurer le garant de la politique nationale du handicap. Si vous me le permettez, j'évoquerai une « instance nationale », qui sera chargée d'harmoniser les pratiques entre les départements. Même si le nom de cette instance n'est pas déterminé à l'heure actuelle, je peux vous promettre qu'elle existera bel et bien, tant le fait d'établir des référentiels pour les aides techniques, est nécessaire. En outre, l'instance nationale aura un rôle à jouer dans le domaine du traitement des handicaps rares.
Enfin, en ce qui concerne la structure du GIP, je vous réponds qu'il s'agit d'une piste de réflexion intéressante. Aujourd'hui, nous attendons les conclusions de la mission Briet-Jamet.
M. Paul BLANC, rapporteur - Vous avez évoqué les délocalisations des maisons départementales. Il est clair qu'on ne peut pas avoir une seule maison du handicap dans le chef-lieu du département, au risque d'introduire des inégalités territoriales supplémentaires pour les personnes handicapées.
Il me semble donc que la nécessité des antennes locales des maisons du handicap est avérée. Cependant, je ne comprends pas pourquoi on créerait des structures différentes, alors que les départements sont prêts à accueillir ces antennes locales au sein de leurs maisons sociales, cantonales ou communales. Cette question relève du bon sens et j'estime qu'elle ne nécessite pas les conclusions d'un rapport.
M. le PRÉSIDENT - S'agissant des maisons départementales, j'ai compris que nous étions en présence d'un guichet unique et d'un interlocuteur unique. Dès lors, l'interlocuteur unique, qui serait une personne valide, pourrait se déplacer pour aller à la rencontre des personnes handicapées. A mon sens, s'il est toujours nécessaire de faire déplacer les personnes handicapées, il n'y aura pas eu de réelle avancée, par rapport à la législation précédente.
M. Paul BLANC, rapporteur - Concernant la délocalisation des maisons départementales, nous ne pouvons pas nous contenter de doter chaque chef-lieu de département d'une telle structure, sous peine d'introduire des inégalités supplémentaires entre les personnes handicapées.
Les départements, qui ont l'habitude de mener des actions de proximité, possèdent des antennes réparties à travers les communes les plus importantes de leur territoire. De la même façon, il me semble que, par souci de pragmatisme, la maison départementale du handicap doive également être dotée d'antennes locales. Je ne vois pas pourquoi nous opterions pour une structuration différente, alors que les départements sont tout à fait prêts à accueillir ces antennes au sein de leurs maisons sociales, qui sont déjà implantées au coeur des cantons et des communes.
Cette question relève du simple bon sens : nul n'est besoin d'attendre les conclusions d'un rapport pour trancher.
M. le PRÉSIDENT - Pour ma part, j'ai compris qu'il nous était proposé d'appliquer le principe du guichet unique, qui permet aux personnes handicapées d'avoir un seul et même interlocuteur. Ce dernier aura pour rôle de se rendre auprès des intéressés et non de les faire se déplacer. Dans le cas contraire, nous n'aurions pas obtenu de réelle avancée.
M. André LARDEUX - Madame la ministre, je vous remercie de la précision et de la clarté de votre exposé. Nous ne pouvons que partager les objectifs que vous avez présentés. A l'instar de M. Paul Blanc, et en tant que président de conseil général, j'ai bien noté que la prestation et le droit à compensation relèvent de la solidarité nationale.
Vous avez évoqué l'égalité des chances et des droits, qui est notre principal objectif, ainsi que l'harmonisation des dispositifs. Or, l'État et les départements se rejettent la responsabilité de la prise en charge des adultes handicapés, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer s'ils relèvent de maisons d'accueil spécialisé (MAS) ou de foyers occupationnels. Dans ce cadre, pourquoi n'êtes-vous pas allée plus loin, en modifiant et en simplifiant le paysage institutionnel ? Pour ma part, je ne serais pas choqué qu'en la circonstance, le seul pilote dans l'avion soit l'État. Le problème du handicap est d'ampleur nationale, puisqu'il est le même dans toute la France, alors que la situation des personnes âgées, par exemple, diffère en fonction des régions.
Par ailleurs, je vous soutiens tout à fait lorsque vous invitez les collectivités à embaucher des adultes handicapés. Cependant, vous avez parié sur le fait que ces dernières ne rempliraient pas leurs obligations, puisque vous prévoyez de financer de nombreuses actions grâce aux pénalités financières imputées aux contrevenants.
Enfin, si l'accessibilité des logements neufs ne devrait pas poser de problèmes insurmontables, les surcoûts restant limités lorsque les aménagements sont prévus dès la conception du bâtiment, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés que vont rencontrer certains bailleurs et les propriétaires privés de monuments historiques.
Premièrement, reste à savoir si, lorsqu'ils devront rénover les logements, les petits bailleurs privés auront les moyens de faire face à cette obligation. Dans le cas contraire, ces dispositions risquent de favoriser la dégradation du parc immobilier.
Deuxièmement, lorsque les monuments historiques appartiennent à l'État ou aux collectivités locales, ces derniers effectueront les travaux de mise en conformité. J'ai moi-même contribué à cette obligation pour le compte du département du Maine et Loire. En revanche, les propriétaires de petits monuments historiques n'auront pas les moyens d'y faire face.
Ma dernière question ne relève pas du domaine législatif. Avez-vous prévu un renforcement des sanctions à l'encontre les personnes qui stationnent sur les places réservées aux handicapés ? Lors de la visite que nous avons effectuée au Canada, nous avons constaté que le montant de l'amende appliquée dans ce pays était très dissuasif. Nous devrions peut-être consentir à quelques efforts dans ce domaine.
M. Alain VASSELLE - Au préalable, je me félicite de l'initiative gouvernementale. Cette réforme était attendue depuis longtemps et le Sénat ne peut que se féliciter que le gouvernement ait pris soin de respecter les engagements qu'il avait pris.
Ceci étant, ce texte n'arrive pas au moment opportun, dans la mesure où il sera examiné entre les vacances parlementaires et la période de suspension du travail parlementaire pour cause d'élections cantonales et régionales. Ce calendrier risque de donner le sentiment que ce travail ne peut être effectué dans de bonnes conditions.
Pour ma part, je me sens quelque peu frustré de ne pas pouvoir participer au débat en séance publique sur ce texte, étant donné que je dois me rendre dans mon département pour préparer les élections cantonales. Certains rétorqueront que cet inconvénient est dû au cumul des mandats, mais chacun sait à quel point les fonctions électives locales et nationales sont complémentaires.
Nous attendons ce texte depuis si longtemps, que nous aurions pu reporter son examen jusqu'au mois de mars. Nous n'étions plus à quinze jours près. Je tiens à ce que vous transmettiez mon sentiment à M. Copé. Je m'en suis d'ailleurs ouvert à son directeur de Cabinet, qui m'a expliqué que le Président de la République tenait à ce que ce texte soit examiné de suite. Quoi qu'il en soit, j'approuve réellement cette réforme, qui est très intéressante.
J'aimerais savoir si la notion de handicap social sera prise en compte dans le cadre de ce texte, sachant que ce handicap touche aux difficultés d'insertion dans la vie économique et dans la vie active rencontrées par certaines personnes, malgré les dépenses d'insertion réalisées par les départements et les collectivités territoriales.
Je me réjouis de la création de la prestation de compensation. Si la proposition que vous avez émise est de nature à répondre à mes attentes, pour autant, nous n'avons pas résolu la question de l'insuffisante solvabilité du bénéficiaire de l'AAH. Ce texte sera-t-il accompagné, à l'occasion de la prochaine loi de finances, de mesures permettant une véritable revalorisation de l'AAH afin que les personnes handicapées puissent subvenir aux besoins de la vie courante. Je me suis ouvert de cette préoccupation à plusieurs reprises au ministre des Affaires sociales : aujourd'hui, lorsqu'un adulte handicapé, placé en établissement, a versé la totalité du forfait journalier au conseil général, il ne lui reste pas suffisamment de ressources pour faire face à des besoins essentiels, tels que la couverture maladie.
Aujourd'hui, l'effet de seuil appliqué à la CMU et à la CMUC met le bénéficiaire de l'AAH en dehors du champ d'application de ces dispositifs. La prise en charge par la caisse nationale d'assurance maladie, à hauteur de 10 %, ne couvre pas la totalité des besoins. Outre sa couverture santé, la personne handicapée doit pouvoir répondre à des besoins essentiels, comme l'habillement, le transport ou les loisirs, ce qui n'est pas le cas. En l'absence d'amélioration de la situation financière de la personne handicapée, je crains que les familles ne soient déçues par ce texte, même s'il comporte des avancées tout à fait significatives.
Par ailleurs, je demande que le dispositif concernant les jours de présence dans les établissements médico-sociaux soit assoupli de telle manière que nous ne parvenions pas à des situations perverses, à l'instar de celles dont l'existence a été constatée par la mission du Sénat sur la maltraitance. Cette dernière a observé que dans certains établissements, lorsque l'adulte a exercé son droit de sortie à deux ou trois reprises, il en est privé par la suite, de manière à ce que l'établissement ne perde pas les ressources nécessaires à son équilibre financier.
J'ignore comment se comportent les autres conseils généraux, mais la gestion assurée par le département de l'Oise répond à des impératifs comptables, sans prendre en considération les aspects humains. Or, je n'ai pas trouvé dans le texte présenté aujourd'hui les dispositions qui permettraient de résoudre les problèmes que nous avons relevés dans le cadre de cette mission.
Je souhaiterais enfin aborder la question des aides familiales. L'allocation de compensation versée aux personnes handicapées pourra servir à rémunérer un membre de la famille de l'intéressé. Le bénéficiaire devra-t-il déclarer cette personne et payer des charges sociales et patronales ? Je connais une personne âgée de 80 ans et aveugle qui versait son allocation compensatrice à l'une de ses filles, qui venait l'aider quotidiennement. Lorsqu'on a exigé l'effectivité, une partie de cette allocation a servi à payer les cotisations sociales, diminuant d'autant les sommes versées à sa fille.
Je vous prie de m'excuser de la longueur de mon intervention, mais je tenais à attirer votre attention sur ces questions, ce que je n'aurai peut-être plus l'occasion de faire plus tard.
M. le PRÉSIDENT - Les questions que vous avez soulevées me semblent très importantes, notamment celle portant sur l'allocation compensatrice pour les périodes passées à l'extérieur des maisons d'accueil. Nous devons régler ce sujet en prenant en compte le projet de vie des personnes.
Mme Michelle DEMESSINE - Une fois n'est pas coutume, je partage la révolte de M. Alain Vasselle, tant sur le fond que sur la forme. Il est déplorable d'examiner ce projet de loi dans une période complexe et immédiatement antérieure aux élections, ce qui ne permet pas à tous nos collègues d'être présents, alors même que nous abordons ce texte très important 30 ans après le vote de la loi précédente. Nous n'en discutons donc pas dans les meilleures conditions, d'autant que nos collègues ont été particulièrement sollicités ces derniers temps. Par ailleurs, nous attendons toujours le rapport d'expert, dont nous ne connaissons pas encore le contenu. Nous rencontrons d'autant plus de difficultés pour nous situer raisonnablement dans le débat.
En outre, nous partageons bon nombre des préoccupations dont vous avez dressé la liste et auxquelles vous avez répondu en inscrivant une série de voeux dans la loi. Si vous citez un certain nombre d'actions volontaristes. Nous avons quelques difficultés à comprendre comment vous allez les mettre en oeuvre. Nous ne voyons aucune objection à nous prononcer sur ces voeux. Cependant vous ne nous garantissez pas que de réels moyens seront dévolus à leur mise en oeuvre.
Enfin, j'approuve pleinement la remarque de M. le président, relative aux contours des décrets que ce projet de loi devra s'attacher à dessiner. Il est difficile d'en comprendre la réelle portée, sauf à considérer les ressources financières, qui semblent insuffisantes. En affirmant que la prestation est universelle, vous répondez aux voeux exprimés pendant des années par les acteurs associatifs. Néanmoins, vous assujettissez l'octroi de cette prestation à des conditions de ressources, ce qui est contradictoire avec son universalité.
Vous avez annoncé que vous consacreriez environ 700.000 euros aux aides directes, ce qui laisse une place bien faible aux aides humaines. Ces dernières seront octroyées principalement aux bénéficiaires actuels de l'ACTP. Vous n'apportez rien de plus. Ne pouvions-nous pas demander à l'assurance maladie d'élargir le champ de la prise en charge des aides techniques ? C'eût été une solution.
En ce qui concerne l'AAH, je me réjouis de savoir qu'elle est maintenue. Pour autant, il me semble que son montant est trop faible pour assurer une vie décente aux personnes handicapées et assurer un véritable droit à la citoyenneté chez les intéressés. De la même façon, les mesures concernant les CAT, notamment l'élargissement du nombre de places, sont extrêmement attendues. Vous nous proposez de réformer les CAT, afin de résoudre les dysfonctionnements dénoncés par un certain nombre de rapports. Vous devriez d'abord mettre en place des moyens de contrôle démocratiques, permettant de vérifier l'efficacité du fonctionnement des CAT.
Je crains que l'aide au poste n'entraîne une normalisation de la prise en charge des usagers. D'une manière générale, dans le domaine sanitaire, nous assistons à la volonté de normaliser un certain nombre d'approches en matière de soins, au détriment des besoins réels, qui varient en fonction de la nature du handicap, des besoins des personnes concernées et des innovations mises en oeuvre. Dans cette optique, il me semble que l'aide au poste va pénaliser le système.
Je suis favorable à l'instauration d'un bulletin de paie unique, qui ne fera que souligner la faiblesse des revenus que perçoivent les usagers des CAT (environ 70 % du SMIC). Par ailleurs, un certain nombre d'entre eux sont accueillis en foyer d'hébergement, prestation dont le coût est déduit directement de leur salaire. Il ne leur reste alors qu'une somme modique, qui ne leur permet pas de prendre une réelle autonomie. Ne pas examiner ces problèmes va à l'encontre du droit à la citoyenneté et à l'autonomie. Une expérience était menée, qui consistait à établir des passerelles entre le CAT et le milieu ordinaire du travail et qui était accompagnée par l'État. Il semblerait que cette mesure soit abrogée, alors que 13.000 personnes en bénéficient. Qu'adviendra-t-il de cette disposition ?
La question des transports adaptés mérite également qu'on s'y attarde, car ces derniers représentent un maillon essentiel de la chaîne de l'autonomie des personnes handicapées. Si des transports collectifs adaptés existent, toutes les personnes handicapées ne peuvent pas utiliser ces derniers de façon autonome. Les dispositifs sont concentrés dans les zones urbaines, donnant peu de chance aux personnes handicapées habitant à l'extérieur de ces zones d'accéder au milieu ordinaire du travail. Il me semble qu'un chantier pourrait être ouvert avec les communautés d'agglomérations et les communautés de communes, que nous pourrions aider financièrement à mettre en place des transports adaptés.
Enfin, Mme Hélène Luc rappelait que les assistants d'éducation, sans lesquels l'insertion des enfants handicapés à l'école serait un voeu pieux, sont en nombre insuffisant par rapport aux aides éducateurs. Faute de personnel, les expériences nouvelles qui ont été menées ne pourront être étendues, c'est pourquoi elle demande quelles dispositions financières seront prises en collaboration avec l'Education Nationale pour généraliser l'insertion des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire.
M. le PRÉSIDENT - J'ignore si Mme la ministre disposera de suffisamment de temps pour répondre à toutes ces questions. Quoi qu'il en soit, elle en prendra bonne note et nous communiquera ses réponses, qui seront reportées dans le procès-verbal diffusé auprès de tous les participants. Je souhaite donc que chacun puisse exprimer ses questions, quitte à prendre connaissance des réponses ultérieurement.
M. Jean CHÉRIOUX - Je souhaite émettre une modeste observation, issue de mon expérience. Je tiens à saluer l'esprit de cette loi, qui vise indéniablement à passer de l'assistance aux personnes handicapées à leur intégration dans la vie normale.
Je crains néanmoins que votre projet ne se heurte au corporatisme des CAT. Certes, il faut prévoir des aides aux entreprises afin de les inciter à intégrer les personnes handicapées, mais encore faut-il que les CAT ne manifestent pas quelques réticences à laisser partir leurs meilleurs éléments et à perturber ainsi leur fonctionnement. Ne faisons pas preuve d'angélisme en la matière ! Il serait fort dommage que ces personnes handicapées n'aient pas la possibilité d'accéder à un autre monde du travail !
Par ailleurs, il est difficile d'intégrer les enfants dans le milieu scolaire ordinaire, étant donné les résistances manifestées par l'Education nationale. En la matière, nous pourrions également nous heurter au corporatisme des éducateurs spécialisés. Il faudra prévoir une manière d'associer ces derniers à l'intégration des enfants handicapés dans les écoles.
Vous ne devez pas négliger ces réactions, parfaitement humaines, pour mener à bien votre tâche.
M. Serge FRANCHIS - Vous avez évoqué les personnes souffrant de troubles mentaux ou psychiques, qui seraient susceptibles d'intégrer ce dispositif. Elles seraient éligibles à l'allocation adulte handicapés du fait qu'elles bénéficient de soins médicaux. Cependant, reste à savoir si les mécanismes d'attribution d'aides diverses (AAH, RMI) ne risquent pas d'entrer en conflit.
Par ailleurs, l'éligibilité à l'AAH est évaluée à l'aune des revenus perçus l'année précédente : certaines personnes, qui percevaient des ressources suffisantes un an auparavant et sont dorénavant sans ressources, se trouvent privées de l'exercice de leur droit. Peut-être faudrait-il raccourcir le délai de référence.
J'aimerais également savoir si les contrats d'épargne handicap sont soumis au droit commun ou à un régime spécifique, leur permettant de bénéficier de réductions d'impôts. Enfin, avez-vous prévu un dispositif permettant aux membres de la famille d'une personne handicapée (parents, fratrie...) de prendre des congés spéciaux leur permettant de s'occuper de l'adulte handicapé en question ?
M. Philippe NOGRIX - La commission des Affaires culturelles examinera les deux articles ayant trait à l'accessibilité à l'école. Néanmoins, serait-il possible d'inscrire dans la loi des dispositions à caractère obligatoire, relatives à la formation qui est dispensée dans le cadre de l'IUFM aux futurs professeurs, qui accueilleront à un moment ou un autre de leur carrière, un enfant handicapé dans leur classe ? En effet, la réussite de l'intégration d'un enfant handicapé en milieu scolaire ordinaire dépend essentiellement de la qualité du maître.
M. le PRÉSIDENT - Je me réjouis que l'on évalue la compensation du handicap. Cependant, sommes-nous assurés que l'évaluation des besoins sera effectuée indépendamment des financeurs ? Je ne vois pas d'inconvénient à la présence de ces derniers au sein de l'équipe chargée de cette évaluation, mais il faudrait alors prévoir pour l'intéressé la possibilité de contester les résultats de cette évaluation devant une instance paritaire, au sein de laquelle siégeraient des représentants des personnes handicapées et des financeurs.
Par ailleurs, le texte que vous nous proposez stipule que « le coût des aménagements des postes de travail ne doit pas être disproportionné ». Je crains que cette appréciation soit pour le moins subjective.
Ne pourrions-nous pas envisager de laisser l'AGEFIPH collecter au nom des fonctions publiques, plutôt que d'y consacrer un fond spécifique ? Les sommes issues des pénalités appliquées à un employeur qui ne remplit pas sa mission d'accueil des travailleurs handicapés doivent pouvoir servir à financer n'importe quelle adaptation de poste, que la personne concernée soit salarié ou fonctionnaire.
Pour lever d'éventuels obstacles, nous pourrions suivre la recommandation émise par le rapporteur et moi-même, consistant à transformer l'AGEFIPH en un établissement public autonome. Ce système permettrait d'assurer un meilleur contrôle, notamment de vérifier que tout euro collecté est transféré au profit des personnes handicapées.
Enfin, les sanctions prononçables à l'encontre des contrevenants à l'accessibilité sont peu appliquées. Ne pourrions-nous pas envisager la création d'un système de contribution à un fonds en faveur de l'accessibilité, qui serait plus utile ?
Madame la ministre, nous savons pertinemment que vous n'avez pas beaucoup de temps, c'est pourquoi nous sommes en train d'examiner la possibilité d'organiser une audition vous permettant de nous répondre. Dans le cas contraire, nous vous inviterons à transmettre vos réponses par écrit.
M. Guy FISCHER - Au-delà des positions de principe, je ne répèterai pas ce qui a été dit, mais je crois nécessaire d'insister sur le fait que les conditions de l'examen de ce projet de loi sont détestables. A l'instar de nombreuses associations, je continue à penser qu'il subsiste un écart flagrant entre les intentions qui ont été affirmées au cours de l'exposé des motifs et l'implication réelle des personnes handicapées dans la détermination de leurs choix de vie, de travail et de lutte contre la discrimination dont elles sont trop souvent victimes.
Le fait de traiter du problème de la caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie de façon distincte ne nous permet pas d'apprécier si les avantages financiers supplémentaires seront significatifs ou marginaux. Vous contenterez-vous de redéployer des budgets existants ? Quel sera l'apport du jour férié travaillé ? Nous considérerions anormal que le financement de ce nouvel organisme ne concerne que les revenus du travail, et non les revenus financiers.
M. le PRÉSIDENT - Certes, ce texte important est examiné alors que les membres de la commission des Affaires sociales doivent gérer un programme très chargé. Cependant, nous avons pris l'habitude de cette situation, qui perdure depuis de nombreuses années. En outre, depuis deux ans, nous ne sommes plus soumis au principe de l'urgence pour examiner les grands textes, même si nous les abordons lorsque le gouvernement nous le demande. Nous devrions donc disposer du temps nécessaire pour examiner ce texte entre les deux lectures, d'autant plus que nous y avons d'ores et déjà considérablement travaillé. Il faut donc relativiser la difficulté que présente l'étude de ce projet de loi.
M . Guy FISCHER - Même si nous sommes partie prenante du travail qui a été effectué pendant près de deux ans, nous souhaitons réaffirmer que nous n'examinons pas ce texte dans les meilleures conditions.
M. le PRÉSIDENT - Néanmoins, nous ne devons pas examiner ce texte en urgence et de nombreuses interruptions seront organisées, pour permettre aux Sénateurs de se consacrer à d'autres tâches. Je ne doute pas qu'ils en profiteront pour se pencher plus attentivement sur cet important dossier.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je crains d'être contrainte de vous quitter avant d'avoir pu répondre à toutes ces questions.
M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, j'ai noté que vous acceptiez de venir le mardi 3 février, à 11 heures.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - A mes yeux, toutes les questions que vous m'avez soumises sont pertinentes. Je vous promets que nous y répondrons point par point. Si vous le souhaitez, je reviendrai devant vous le 3 février et consacrerai le temps nécessaire pour vous répondre oralement. Dans le cas contraire, je répondrai par écrit. M. le président s'est engagé à joindre ces réponses au procès-verbal.
Par ailleurs, je tiens à répondre aux interpellations de MM. Guy Fischer et Alain Vasselle. En ce qui concerne la forme, le texte ne vous est pas proposé dans l'urgence, dans la mesure où nous travaillons sur ce thème depuis dix-huit mois. Deux sons de clochent me parviennent, qui sont complètement contradictoires : les uns nous reprochent notre lenteur, les autres, notre précipitation.
M. Jean-François Mattei et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises devant la commission des Affaires sociales, notamment lors de la présentation du budget, et nous vous avons systématiquement informés de l'état d'avancement du projet de loi. Il n'est pas question de demander l'application du principe d'urgence sur ce texte. Ce projet est trop important et a fait l'objet d'un travail collectif colossal, notamment avec certains de vos collègues, qui ont également consulté les représentants de la société civile et des associations.
J'ai une volonté absolue de voir cette loi appliquée à compter du 1 er janvier prochain. Nous avons déclenché un compte à rebours. Si nous avions attendu le mois de mai, d'autres élections auraient pu m'être opposées. Cette année, le calendrier parlementaire sera interrompu à de nombreuses reprises, pour des raisons électorales. Si cette loi pouvait être soumise au Sénat le 24 et le 25 février prochain, nous aurions tout de même suffisamment de temps pour effectuer cette première lecture, dont j'attends énormément.
Si je souhaite que les deux assemblées prennent le temps d'avoir une discussion de fond, j'attire votre attention sur l'énorme travail que représente l'élaboration des décrets d'application. Tous ceux qui le souhaitent seront associés à cette tâche, que nous devons impérativement mener à bien dans les temps. Dans le cadre de l'élaboration de cette loi, nous tentons de résoudre un problème de société majeur.
M. le PRÉSIDENT - Madame la ministre, je vous remercie. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes conviés le mardi 3 février, à 10 heures, pour examiner les amendements concernant la formation professionnelle. Nous entendrons les réponses de madame la ministre vers 11 heures et nous nous réunirons ensuite en séance publique.
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M. Nicolas ABOUT, président - Madame la ministre, merci de venir compléter votre dernière audition. Nous n'avions alors eu, en raison du nombre de questions, que le temps de poser celles-ci et non celui d'entendre les réponses. Je pense qu'il est plus intéressant d'échanger verbalement que de lire simplement les réponses dans le compte rendu. Madame la ministre, je vous cède donc la parole.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Merci, monsieur le président. Je commencerai par les questions sur l'emploi que vous avez posées, monsieur le président, avec M. Chérioux, concernant la difficulté pour les personnes handicapées à sortir, le cas échéant, du CAT.
Aujourd'hui, un infime pourcentage va en effet vers le milieu ordinaire. C'est là un problème que j'ai souhaité traiter dans la loi, parce que j'y suis très sensibilisée.
Il s'agit d'abord de sécuriser la personne handicapée qui voudrait évoluer. Le projet de loi institue un dispositif passerelle sous forme d'une convention d'appui passée entre l'établissement et l'employeur, permettant de sécuriser ce dernier, ainsi que le travailleur de CAT, auquel un droit à réintégration est reconnu pendant cette période transitoire.
En second lieu, il s'agit de mieux rémunérer le travailleur handicapé, en introduisant dans la loi une rémunération directe, dont le niveau sera fixé par voie réglementaire, ce qui facilitera d'autant le passage de ceux qui le peuvent vers le milieu ordinaire. Pour faire en sorte que davantage de personnes handicapées travaillent demain, il faut évidemment des réponses extrêmement souples et évolutives dans les deux sens, qui sécurisent autant l'employeur que la personne handicapée.
Concernant le terme d' « aménagement raisonnable », vous me demandez si celui-ci n'est pas trop suggestif et quelle est la portée réelle de l'obligation pour les entreprises. Je rappelle que la directive du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, introduit, dans son article 5, la notion d'aménagement raisonnable à l'égard des personnes handicapées. La France est tenue de transposer dans son droit interne les dispositions de cette directive, et c'est bien l'objet de l'article 9 de notre projet de loi. Vous avez raison, monsieur le président, de souligner le caractère subjectif de cette notion très anglo-saxonne d'aménagement raisonnable, dont l'appréciation se fonde sur de multiples paramètres liés à une situation nécessairement particulière.
C'est la raison pour laquelle, à l'instar du choix fait par la plupart des États membres de l'Union européenne, cette transposition se borne à s'appuyer sur les deux éléments essentiels constitutifs de l'aménagement raisonnable, tels qu'ils ressortent de la directive : d'une part l'obligation de prendre des mesures appropriées, d'autre part le caractère non disproportionné de la charge qui en résulte pour l'entreprise, apprécié notamment au regard des aides dont elle peut bénéficier. Je ne doute pas que la jurisprudence de la Cour européenne sera amenée à préciser les contours de ce qui relève, dans ce domaine, de ce qui est raisonnable et de ce qui ne l'est pas.
Troisième question posée à propos de l'emploi : celle de l'AGEFIPH et le fait de savoir s'il existe un obstacle juridique à étendre les compétences de celle-ci au secteur public. Il serait juridiquement possible de regrouper tous les employeurs publics et privés sous l'égide d'une AGEFIPH transformée en établissement public. Cette solution, nous le savons bien, n'emporte pas l'adhésion des partenaires sociaux. Un tel regroupement aurait en outre conduit à poser la question délicate de la place des employeurs publics et des représentants des personnels des trois fonctions publiques au sein du conseil d'administration de cette structure. L'entrée des employeurs publics, et notamment de l'État au sein de cet organisme, aurait remis en cause les équilibres existants. De surcroît, la mise en place d'un dispositif unique est apparue moins favorable au développement d'une dynamique commune aux trois fonctions publiques, ce qui était aussi un autre combat. Pour cette raison, le Gouvernement a privilégié le choix d'un fonds unique spécifique aux fonctions publiques, d'ailleurs conforme aux préconisations du Conseil économique et social exprimées dans son avis du 27 mai dernier.
S'agissant du fonctionnement de la maison départementale des personnes handicapées, il m'a été demandé pourquoi la loi ne prévoit pas la participation des personnes handicapées aux instances qui la concerne. La loi prévoit expressément la participation des personnes handicapées. En effet, l'équipe pluridisciplinaire doit prioritairement entendre la personne handicapée ou ses représentants lors de l'évaluation des besoins et de l'élaboration du plan personnalisé de compensation du handicap. Deuxièmement, le texte prévoit que les personnes handicapées sont obligatoirement invitées aux séances de la commission des droits et de l'autonomie, et qu'elles peuvent être assistées. Les associations qui représentent les intéressés sont membres de droit de cette commission. Enfin, la commission doit prendre ses décisions sur la base de l'évaluation réalisée par l'équipe pluridisciplinaire et des souhaits exprimés par la personne handicapée.
D'une manière plus générale, la loi prévoit le droit à la formation, qui peut s'analyser comme un droit pour la personne à être éclairée sur les décisions qui la concernent. La loi pose le principe d'un accueil et d'un accompagnement adaptés des personnes handicapées qui ne peuvent exprimer leurs besoins et confie à la maison départementale des personnes handicapées une fonction d'écoute, d'accompagnement et de médias, qui place la personne handicapée au coeur des décisions la concernant, dès l'expression de la demande jusqu'à la mise en oeuvre des mesures constituant le plan personnalisé de compensation du handicap.
M. About a demandé quels sont les moyens prévus pour assurer l'indépendance de l'équipe pluridisciplinaire par rapport aux financeurs. La loi, en l'état, ne le prévoit pas expressément mais c'est l'autorité gestionnaire de la maison départementale des personnes handicapées qui est responsable de l'organisation et du fonctionnement de l'équipe pluridisciplinaire. Par ailleurs, cette équipe définit le plan personnalisé de compensation du handicap en s'assurant de l'avis de la personne handicapée concernée ou de son représentant. Enfin, l'équipe pluridisciplinaire est composée de différents professionnels compétents par rapport au handicap en cause, qui procèdent à une approche globale des besoins, en plaçant la personne dans son environnement. Ces professionnels agissent bien évidemment conformément aux règles de déontologie et aux pratiques qui garantissent l'indépendance nécessaire à leur prise de décisions. Ils s'appuieront, pour garantir l'égalité de traitement sur le territoire, sur des référentiels d'aide à l'évaluation des besoins et de la capacité élaborés par l'État. La commission des droits se prononce sur la base du plan personnalisé de compensation du handicap et ses décisions s'imposent aux financeurs. Enfin, pourquoi ne pas instaurer un mécanisme d'appel permettant à la personne handicapée de contester le plan qui lui est proposé ?
Les décisions concernant le plan personnalisé de compensation du handicap sont soumises au contentieux technique régi par le décret du 2 juillet 2003, que la loi ne réforme pas, sauf pour ce qui concerne le contentieux des décisions de la COTOREP, première section - c'est-à-dire reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé - qui est transféré aux tribunaux administratifs. Il existe trois niveaux de juridiction : en premier ressort, le tribunal du contentieux de l'incapacité, en appel, la commission nationale technique et, en dernier ressort, la Cour de cassation. Les instances existantes à ce jour - CDES, COTOREP, Site de la vie autonome - regroupées dans la maison départementale des personnes handicapés, ont toutes organisé la possibilité d'examen des situations au titre du recours amiable. Cette façon de fonctionner devrait être maintenue. Les personnes handicapées ou leurs représentants sont invités, tout au long de la procédure contentieuse, à exprimer leur point de vue.
Pour ce qui est du volet de la compensation des ressources des personnes handicapées, madame Demessine, messieurs Vasselle et Franchis, le sujet appelait de votre part un certain nombre d'interrogations. Mme Demessine a posé plus précisément la question de savoir comment la prestation de compensation peut être à la fois universelle et sous conditions de ressources. La prestation de compensation est universelle, car elle n'est pas accordée sous conditions de ressources. Aucun plafond, qui conduirait à exclure de son bénéfice du fait de ressources trop élevées les personnes dans les besoins justifient son attribution, n'est prévu. Par contre, le montant de la prestation de compensation pourra varier en fonction des ressources du bénéficiaire. Il est en effet justifié, dans la mesure où son fonctionnement s'appuie sur la solidarité nationale, de verser une prestation d'un montant supérieur à ceux qui, compte tenu du faible niveau de leurs ressources, ont le plus de difficultés à couvrir les charges liées à leur handicap. Donner plus à ceux qui ont moins me paraît totalement justifié en la matière.
Mme Demessine pose aussi la question de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Pourquoi la prestation de compensation serait-elle limitée aux seuls bénéficiaires de l'ACTP ? La loi ne dit aucunement cela. La prestation de compensation est ouverte à tous. L'élément de la prestation relevant de l'article L. 245-2 du projet de loi - compensation des charges liées aux aides humaine - est accordée aux personnes handicapées nécessitant l'aide effective d'une tierce personne ou requérant une surveillance régulière et ne disposant pas d'un droit ouvert de même nature au titre de la sécurité sociale. En effet, l'allocation d'invalidité de troisième catégorie - majoration pour tierce personne - constitue déjà, pour les pensionnés d'invalidité dans l'incapacité d'exercer une profession, le moyen d'avoir recours à une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie. L'élément de la prestation de compensation concernant les besoins d'aide humaine doit donc conserver un caractère subsidiaire par rapport au régime d'invalidité, que la prestation de compensation n'a pas pour effet de supprimer ou de réformer. En revanche, les autres éléments de la prestation de compensation sont ouverts aux bénéficiaires de l'ACTP s'ils réunissent les conditions d'attribution, puisque ces éléments prennent en compte des charges d'une autre nature. Je veux parler des aides techniques, des aménagements éventuels du logement ou d'autres dépenses spécifiques, voire exceptionnelles.
Messieurs Vasselle et Franchis, les aidants familiaux, nous le savons, ont une place irremplaçable dans le soutien aux personnes handicapées, et il est normal que leur reconnaissance vous préoccupe, mesdames et messieurs les sénateurs. Que prévoit la loi pour le dédommagement des aides familiaux dans le cadre de la prestation de compensation, notamment au regard des cotisations sociales ?
La législation actuelle reconnaît des avantages en nature pour les aidants familiaux. Par exemple, les compléments d'allocation d'éducation spéciale permettent la cessation d'activité d'un parent ou l'embauche d'une tierce personne. La loi sur la réforme des retraites prévoit la majoration de la durée d'assurance pour les personnes ayant élevé un enfant handicapé. Le quotient familial est augmenté d'une demi-part lorsque la personne handicapée est à la charge du foyer fiscal. Dans la nouvelle prestation de compensation, le rôle des aidants familiaux est reconnu. Il convient maintenant d'étudier selon quelle modalité cette participation pourra être prise en compte sous forme de financement direct - prestation en espèces - ou indirect - prise en charge de cotisations sociales, avantages fiscaux, par exemple. En revanche, je ne suivrai pas M. le sénateur Franchis sur la création d'un congé spécifique pour ces aidants familiaux, car il me semble que la réponse existe déjà au travers la prestation de compensation. Nous allons améliorer, notamment pour les personnes les plus lourdement handicapées, la prise en charge des besoins en aide humaine. Cette meilleure prise en charge permettra au conjoint d'une personne handicapée dont l'état de santé viendrait à se dégrader, d'être assuré qu'il bénéficie du soutien indispensable à son domicile, sans qu'il soit obligé de renoncer à ses obligations professionnelles.
Enfin, monsieur Fischer, concernant les moyens affectés à la mise en oeuvre de la compensation, je vous rappelle que ce Gouvernement a décidé de consacrer 850 millions d'euros supplémentaires aux personnes handicapées, dont je ne vous rappelle pas l'origine. Cette somme sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle sera disponible dès le 1 er janvier 2005 et sera pérenne. Nous verrons par la suite les modalités de dépenses de ces 850 millions d'euros, mais il n'est pas si courant d'avoir le financement d'une loi avant que la loi en question soit votée !
M. le PRÉSIDENT - Il était prévu une augmentation des aides pour les handicapés les plus lourds. Cela ne correspond-il pas aux trois forfaits-postes, qui représentent eux-mêmes 40 % d'un emploi à temps complet, soit 1,20 personne à temps complet ? C'est trop peu pour des handicapés nécessitant quelqu'un en permanence à leurs côtés !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je pense que cela fait plus de trois forfaits-postes, le principe étant de partir des besoins très précis de la personne et d'essayer d'y répondre au mieux.
Concernant les ressources, Mme Demessine ainsi que MM. Franchis et Vasselle ont posé des questions relatives à la reconnaissance du handicap social. La notion de handicap est apparue en France dans les années 80, pour désigner différentes catégories de personnes ayant à affronter des situations d'embauche difficiles, en raison de leur formation insuffisante, ou des difficultés d'insertion sociale antérieures liées à une marginalisation plus ou moins prolongée, ayant elle-même un certain nombre de causes. On peut légitimement qualifier de handicap un échec scolaire précoce et récurrent, de formation insuffisante un milieu culturel défavorisé, etc., mais je crois qu'en ce qui nous concerne, il ne faut pas abuser de l'expression de « handicap ». Certes, nous avons abandonné la vieille définition du handicap en tant que déficience ou incapacité. Dans la définition inscrite dans la loi, l'environnement est pris en compte en ce qu'il entrave la participation de la personne déjà handicapée à la vie de société. Nous tenons beaucoup à l'expression « personne handicapée », parce que nous pensons que c'est une situation première, mais l'environnement, dans un certain nombre de cas, peut aggraver encore ce handicap.
Il me semble que, de ce fait, nous arrivons à une définition équilibrée : d'un côté des déficiences et des incapacité ; de l'autre, un environnement dont l'aménagement peut permettre, dans certains cas, d'atténuer, de réduire, voire parfois, d'éliminer les conséquences de ces déficiences et de ces incapacités. Je crois qu'il faut vraiment maintenir cet équilibre et que si l'on extrapolait au handicap social, cela conduirait à privilégier, voire à retenir exclusivement l'environnement, au détriment de la personne, soit à prendre en considération des caractéristiques de la personne qui sont, à nos yeux, complètement étrangères au handicap.
C'est le handicap stricto sensu qui fait l'objet de la présente loi.
Concernant l'allocation adulte handicapé et son éventuelle revalorisation, ma réponse sera relativement simple : premièrement, cette revalorisation n'est pas d'ordre législatif, mais réglementaire. Comme vous le savez, l'AAH évolue avec le minimum vieillesse, sur lequel elle est indexée. Depuis le 1 er janvier 2004, cette revalorisation est, de par la loi, indexée sur les prix, ce qui garantit à la personne handicapée un maintien de son pouvoir d'achat. Au cours des dix dernières années, la revalorisation de l'AAH a été légèrement plus forte que l'inflation, et l'on peut considérer que son pouvoir d'achat a augmenté de l'ordre de 1,8 % sur cette période. A l'avenir, l'AAH va être améliorée, à mes yeux de façon conséquente, de deux manières : premièrement par la création de cette prestation de compensation, qui évitera désormais à l'AAH de faire face à la fois aux dépenses d'existence et également à certaines dépenses de handicap ; deuxièmement, l'AAH correspondra uniquement à des revenus d'existence, ce qui sera ipso facto beaucoup plus confortable pour la personne handicapée.
Deuxième amélioration : le projet de loi prévoit que l'AAH pourra désormais se cumuler dans des conditions beaucoup plus avantageuses que ce n'est le cas aujourd'hui avec le revenu d'activité. Il s'agit d'encourager beaucoup plus de personnes handicapées à travailler soit en milieu ordinaire, soit en milieu protégé, et de plus jamais entendre dire : « Je n'ai pas intérêt à travailler : je vais perdre mon AAH ! ». Il y aura un meilleur cumul à ce niveau, qui viendra augmenter d'autant les ressources de la personne handicapée.
J'en viens à des sujets plus techniques, qui n'en sont pas moins importants. Ne faut-il pas revaloriser le montant de l'AAH laissé à un bénéficiaire accueilli en établissement, afin de pouvoir, entre autres, prendre une mutuelle ?
Cette question, monsieur Vasselle, est d'ordre réglementaire et non législatif. Je considère pour ma part que c'est une vraie question. Nous allons y réfléchir avec vous, dans le cadre de la rédaction des textes réglementaires d'application de la loi. Les techniciens nous répondent que cela va coûter cher.
Concernant le projet de problème de l'accès à la couverture santé, qui ressort d'une autre de vos questions, monsieur Vasselle, il convient de rappeler que l'accès à la CMU complémentaire est soumis à condition de ressources et que ces conditions de ressources excluent en effet de peu les bénéficiaires de l'AAH. Je compte là aussi réexaminer cette question dans le cadre de l'élaboration des décrets qui accompagneront la loi.
Monsieur le sénateur Franchis, vous m'avez interrogée sur les avantages fiscaux relatifs aux contrats d'assurance-vie spécifiques aux personnes handicapées. Non seulement les avantages fiscaux sont maintenus dans le projet de loi, mais le plafond des réductions autorisées au regard des primes versées est augmenté de 1.070 à 1.525 euros.
Ces améliorations ont pour objectif d'encourager les solidarités familiales.
Vous avez ensuite évoqué le problème des délais de carence entre le moment où une personne handicapée cesse son activité et le moment où elle perçoit son allocation, délai qui tient au fait que l'appréciation des ressources pour le bénéficiaire de l'AAH est opérée sur les bases des revenus prélevés à l'année n - 1. Jusqu'à présent, le fait de prendre l'année n - 1 est favorable aux personnes handicapées. Je ne pense pas qu'il faille remettre ce principe en cause. Toutefois, vous le savez, une appréciation plus fine des revenus des personnes se fait pour d'autres minima sociaux. Ce point peut donc être abordé à nouveau. Il faudra bien en peser les avantages et les inconvénients, notamment au regard des améliorations du cumul du salaire et de l'AAH dans le présent projet de loi. Il faut faire attention que le mieux ne soit pas l'ennemi du bien, mais nous reverrons cette question-là.
S'agissant des problèmes d'intégration scolaire soulevés essentiellement par Mme Demessine, la principale préoccupation était la création de postes supplémentaires pour les auxiliaires d'intégration scolaire. Le dispositif précédent reposait sur des emplois jeunes recrutés par l'Éducation nationale - environ un millier - mais aussi par des associations - environ 2.500 - ou par quelques collectivités territoriales.
Les dispositifs associatifs sont fragiles, et les montages financiers souvent complexes. Ils nous ont amenés à considérer qu'il était dans les missions de l'éducation nationale d'assurer ce type d'accompagnement de manière pérenne et complémentaire. A la rentrée dernière, le nombre d'auxiliaires de vie scolaire recrutés par l'Éducation nationale, uniquement pour s'occuper des enfants handicapés, a été l'ordre de 6.000. Le contrat a été rempli.
Cela s'est fait de manière assez rapide. Il se trouve qu'aujourd'hui, ce contingent d'auxiliaires de vie scolaire est relativement fragile. Il aura besoin d'être conforté dans les mois à venir, notamment pour la rentrée prochaine mais, grâce à cette embauche rapide de 6.000 auxiliaires de vie, globalement et pour la première année, nous n'avons pas eu de problèmes majeurs pour l'intégration scolaire d'enfants handicapés en milieu ordinaire à la rentrée 2003.
Dans les années à venir, comme elle s'y était engagée, l'Éducation nationale accompagnera, en tant que de besoin, la fin des emplois jeunes du secteur associatif, qui doit se faire en douceur et dans l'intérêt à la fois des enfants handicapés et des jeunes embarqués dans ces aventures. Les parlementaires avaient souhaité, lors du débat sur le statut d'assistant d'éducation, que celui-ci prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales de financer certains de ces postes. La loi a retenu cette proposition. Les collectivités territoriales peuvent donc, si elles le souhaitent, contribuer au développement de ces dispositifs. Enfin, il s'avère nécessaire de veiller à ce que la présence auprès de l'enfant de ces auxiliaires de vie scolaire contribue bien à développer leur autonomie et, à terme, permette à l'enfant d'être scolarisé autant que faire se peut dans les mêmes conditions que les autres élèves.
M. le PRÉSIDENT - Je souhaite, sur ce sujet, l'assouplissement des règles de recrutement des auxiliaires. On a vu des familles se voir refuser la prise en charge parce que l'auxiliaire n'avait pas le bac, pas l'expérience, etc. !
On refuse l'aide à un enfant handicapé sous prétexte qu'il faut avoir le bac pour porter le cartable et permettre à l'enfant d'accéder à sa classe. Cela n'a pas de sens et ce sont souvent les familles - voire les communes - qui, du coup, paient l'auxiliaire ! Je pense que c'est très abusif ! Il est dit dans le texte qu'il faut avoir soit le bac, soit trois ans d'expérience ; quand on crée un texte, personne n'a d'expérience ! Il faut donc assouplir les choses. Tout le monde a trois ans d'expérience pour porter un sac : on l'a tous fait dans notre jeunesse !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Tout d'abord, il me semble qu'il n'y a pas eu de problèmes majeurs à la rentrée dernière.
M. le PRÉSIDENT - Il y en a eu !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Pas beaucoup. En second lieu, nous avions recommandé la plus grande souplesse pour les emplois jeunes qui voulaient intégrer l'Éducation nationale et qui n'avaient pas le bac ou les trois d'expérience, afin de leur permettre d'entrer dans ce statut d'auxiliaire de vie scolaire de l'Éducation nationale. Troisièmement, à terme, il faudra vraisemblablement prévoir une formation pour ces auxiliaires de vie scolaire afin de conforter leur démarche.
Je partage votre sentiment : quand il s'agit de personnes handicapées, il faut allers vers les solutions les plus souples et les plus pragmatiques possible, sans refuser pour cette seule raison l'assistance d'un auxiliaire de vie scolaire à un enfant qui ne pourrait en avoir par ailleurs.
M. le PRÉSIDENT - Cela dépend en outre du niveau de l'enfant. La compétence requise pour assister un enfant de maternelle ou de primaire et un enfant de secondaire ou de terminale est différente ! Il faut aussi veiller à ce que l'auxiliaire de vie scolaire n'ait pas un niveau supérieur, dans le cas où il est obligé de rédiger à la place de la personne handicapée. Il y a des exigences de compétences dans certains cas, mais il faut aussi faire attention que les auxiliaires n'aient pas trop de compétences dans d'autres cas. Je me méfie toujours des textes qui obligent à avoir un certain niveau. On refuse des aides financières à des familles au nom de ce critère. Dans mon département, ce sont les familles qui ont assumé !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je partage votre sentiment. C'est extrêmement complexe et chaque cas est un cas particulier, auquel il faut essayer de répondre avec le maximum d'intelligence, celle de l'esprit et, encore plus, celle du coeur. Chaque enfant, chaque personne handicapée - c'est l'occasion pour moi de le répéter - est un cas particulier et nécessite un diagnostic, un projet de vie et un parcours personnalisé.
Mme Demessine, MM. About et Lardeux ont posé un certain nombre de questions à propos des transports et du cadre bâti. S'agissant notamment du transport adapté en milieu rural pour les personnes handicapées ayant un emploi, les transports publics sont principalement constitués par les transports scolaires et les lignes régulières organisées par les départements quand il y en a. La distance des habitations au point d'arrêt peut être importante et la pertinence du transport public pour les personnes handicapées trouve bien sûr là sa limite. Néanmoins, conscients de la nécessité de ne pas laisser des personnes à mobilité réduite dans l'isolement, de nombreux départements organisent des transports à la demande. Ainsi, l'article 27 du décret du 16 août 1985 permet d'organiser certains services réguliers à la demande en faveur de catégories particulières d'usagers, comme les personnes présentant un handicap spécifique.
Le Gouvernement, souhaitant faciliter l'accès aux transports des plus démunis, a par ailleurs prévu, lors du CIAT du 3 septembre dernier consacré au monde rural, la création d'un chèque transport. Au cours du même CIAT, il a été décidé de développer les transports à la demande, qui concernent à l'heure actuelle la moitié des départements et qui desservent 4.000 communes. Une mission d'inventaire et d'information su les transports à la demande en milieu rural a été confiée à l'IGAS et au Conseil général des ponts et chaussées.
Venons-en au cadre bâti. Vous avez souhaité connaître les délais prévus pour sa mise en accessibilité, les sanctions envisagées, tout en vous interrogeant sur les moyens de ne pas pénalise les petits bailleurs privés. Je crois qu'il faut distinguer ce qui relève du logement et des établissements recevant du public. En ce qui concerne ces derniers, le projet de loi prévoit des délais - j'insiste sur ce point - pour leur mise en accessibilité. Ces délais seront fixés par des décrets en Conseil d'État et nécessitent des études d'impact qui sont en cours. Pour ce qui est du logement, il me paraît difficile de poser des délais, puisque c'est à l'occasion de travaux que la mise en accessibilité est rendue obligatoire. La question, par ailleurs, se pose pour les immeubles collectifs d'habitation. On a déjà fait un progrès , puisque la loi prévoit, lorsqu'un copropriétaire en fait la demande, que les travaux d'accessibilité soient votés à la majorité simple et non plus absolue, comme c'était le cas par le passé.
Reste la question essentielle du financement de ces travaux. Un certain nombre d'aides existent déjà. Elles proviennent notamment de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), ou prennent la forme de réductions d'impôts prévues par la loi de finances. A titre d'exemple, un crédit d'impôt de 15 % est accordé pour la mise en place de gros équipements tels que les ascenseurs. Par ailleurs, dans le parc social, les dépenses engagées par les organismes de HLM pour l'accessibilité et l'adaptation des logements sont devenues déductibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Toutes ces dispositions me semblent de nature à améliorer le financement des travaux d'adaptation des logements aux besoins des personnes handicapées. Enfin, concernant les sanctions envisagées, je pense qu'il faut, là aussi, différencier le traitement applicable aux établissements recevant du public (ERP) et aux logements privés. Pour ces derniers, je préfère la voie des incitations et des aides, plutôt que celle des sanctions.
Pour les établissements recevant du public, les règles fixées par le projet de loi me paraissent de nature à garantir une effectivité. Je vous rappelle que des délais sont fixés et que tous ces ERP devront être accessibles, sauf dérogations motivées. Elles seront exceptionnelles et porteront sur un champ limité. Des mesures de substitution devront être acceptées. Tous travaux nécessaires pour la mise en accessibilité faisant l'objet d'une subvention devront répondre aux conditions d'accessibilités fixées par les textes. Enfin, il y aura vérification par un contrôleur technique indépendant. Pour toutes ces raisons, la création d'un fonds spécifique ne m'a pas paru la solution la plus pertinente. Néanmoins, je demanderai à ce que cette proposition soit expertisée.
Dernière question de M. Lardeux : le Gouvernement envisage-t-il de renforcer les sanctions à l'encontre des automobilistes stationnant sans autorisation sur les emplacements réservés aux personnes handicapées ? C'est déjà chose faite puisque, depuis le 11 juillet 2003, les amendes pour stationnement sur les emplacements réservés aux véhicule utilisés par les personnes handicapées ont été majorées. Elles sont passées de 35 à 135 euros. De plus, les maires pourront, s'ils le souhaitent, demander le dépôt en fourrière des véhicules. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un renforcement très significatif des sanctions, dans le but d'obtenir un respect complet de la réglementation relative à ces emplacements. Il me semble vraiment que, depuis quelque temps, ces emplacements réservés sont beaucoup mieux respectés. Au-delà de la nécessaire sanction, les mentalités évoluent. Je vous renvoie à ce sujet à une publicité télévisée pour les assurances qui est remarquablement faite.
Ce sera le dernier mot de ces réponses que j'ai essayé de rendre les plus argumentées possible et les plus complètes. La loi n'est que la loi ; au-delà, il faudra que nous soyons persuadés que l'intégration des personnes handicapées dans notre société est vraiment un devoir absolu.
M. le PRÉSIDENT - Merci beaucoup. Monsieur le rapporteur, avez-vous des questions complémentaires à poser à Mme la ministre ?
M. Paul BLANC, rapporteur - Madame la ministre, dans les supermarchés, la police municipale a quelques difficultés à faire respecter les emplacements réservés aux personnes handicapées. Une association avait mis en place un système de carte réservée aux handicapés, qui leur permettait d'avoir des emplacements réservés dans les parkings, mais c'est peut-être quelque chose à ne pas développer.
Ma question porte sur un sujet que vous n'avez pas abordé, madame la ministre, celui du fonctionnement des équipes de préparation et de suites, qui bénéficient de conventionnements pour la partie Cap Emploi, en matière de placement dans les entreprises des travailleurs handicapés. Il semblerait qu'aujourd'hui, les AGEFIPH, dans la convention qu'ils proposent à ces équipes de préparation et de suites, veuillent uniquement prendre en compte les placements. Or, il me paraît essentiel et indispensable que l'on puisse également avoir un accompagnement de ces travailleurs handicapés, et je pense en particulier aux difficultés que rencontrent les handicapés psychiques. Qui va les prendre en charge ? Comment seront financées les équipes de préparation et de suites ?
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Je partage tout à fait votre analyse. Je crois avoir dit à maintes reprises combien j'attachais d'importance à ce que, demain, il y ait beaucoup plus de personnes handicapées qui travaillent. Il en va de leur dignité, de leur intégration dans notre société et aussi de l'intérêt de la société. Les réponses qui existent sont extrêmement souples, notamment avec du travail à temps partiel. Bien évidemment un accompagnement est particulièrement nécessaire pour les handicapés mentaux et les handicapés psychiques, que nous intégrons enfin dans la loi. Il me semble personnellement que c'est le rôle de l'AGEFIPH. Il est prévu dans la loi un contrat d'objectif entre l'État et l'AGEFIPH, révisable tous les trois ans, et je souhaite personnellement qu'y soit bien présent l'accompagnement des personnes handicapées.
M. Paul BLANC, rapporteur - Ce n'est pas l'intention de l'AGEFIPH de l'accepter. Il est donc probable que je déposerai quelques amendements à ce sujet.
M. le PRÉSIDENT - Il faut protéger le système Cap Emploi.
M. Alain VASSELLE - Je voudrais remercier Mme Boisseau des réponses très détaillées qu'elle a bien voulu m'apporter sur les questions posées la fois précédente.
Je me permettrai de revenir sur deux points. Le premier concerne le handicap social. Je voudrais donner un exemple concret pour que l'on comprenne bien ma préoccupation, qui résulte d'une interpellation récente d'un maire d'une commune rurale de mon canton qui avait fait l'effort de recruter, au titre des emplois jeunes, un garçon classé en COTOREP catégorie C, qui n'est vraiment pas capable de faire autre chose dans sa commune que du balayage. Or, ce jeune est arrivé à la fin de son contrat, qu'il avait pris parce qu'il bénéficiait des aides de l'État. A partir du moment où les emplois jeunes ne peuvent perdurer, il va se retrouver au chômage. Il s'agit d'un jeune adulte quelque peu déséquilibré, dont les parents étaient rassurés de le savoir occupé. Aujourd'hui, il est livré à lui-même et, si la commune ne peut bénéficier d'une aide sous une forme ou une autre, elle ne pourra reprendre ce garçon. Voilà donc un jeune adulte, entre le handicap mental et le handicap social, pratiquement inclassable ! Aucune entreprise ne l'embauchera, car qu'il ne peut apporter de valeur ajoutée à la production du travail qu'il effectuera. Il peut tout au plus trouver une place dans une commune, où on peut l'occuper, mais c'est tout. Que vont devenir ces jeunes qui ont ce profil particulier ?
En second lieu, vous avez évoqué les problèmes que rencontrent les établissements en ce qui concerne le financement des prix de journée.Certains jeunes adultes sont privés de vie de famille pour des questions purement financières. Les conseils généraux ont en effet une gestion comptable des choses, qui n'intègre pas l'aspect humain. C'est un vrai problème sur lequel je me permets d'appeler à nouveau votre attention.
Le dernier problème que je veux évoquer est lié à l'ACTP. Certains parents demandent que leur enfant quitte l'établissement au minimum huit jours afin de pouvoir bénéficier du reversement de l'ACTP à domicile. Il n'est pas normal que quelqu'un qui quitte l'établissement trois ou quatre jours ne puisse bénéficier du reversement de l'ACTP ! Il y a un manque de souplesse dans le dispositif qui concerne surtout les jeunes adultes, plus que les personnes plus âgées qui ne comptent plus de famille. Cela ne relève pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire - à moins que ce ne soit à la limite des deux !
M. le PRÉSIDENT - On pourrait imaginer que la loi considère que lorsque la personne handicapée quitte l'établissement, elle a, dès le premier jour, droit à une aide qui lui permette de vivre à l'extérieur de l'établissement. Elle a donc droit à l'ACTP.
C'est une règle établie par la voie réglementaire, mais qui pourrait être contrée par une décision législative. Il faut bien y réfléchir. Je ne vois pas comment une personne handicapée peut se débrouiller seule, sans soutien, à l'extérieur !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - S'agissant du cas particulier que vous évoquez - mais je souhaiterais que l'on en reparle en aparté pour essayer de trouver une réponse - il me semble qu'il ne s'agit pas là de handicap social. Ce garçon est en catégorie C ; il est passé devant la COTOREP : il s'agit donc d'une personne handicapée au sens de la loi. Il peut y avoir des problèmes d'adaptation et d'emploi qui se greffent ensuite là-dessus, surtout si le cas relève d'un handicap psychique mais, pour moi, la personne handicapée sociale est celle qui n'est pas passée devant la COTOREP.
M. le PRÉSIDENT - Une sorte de misère physiologique...
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Misère physiologique, affective, etc. On sait où cela commence, mais non où cela finit. C'est un autre problème - un réel problème - mais ce n'est pas le sujet abordé par la loi, alors que le cas que vous évoquez rentre pleinement dans la loi sur les personnes handicapées.
Pour le reste, il s'agit du problème de la dotation journalière et de la dotation globale. Un certain nombre de départements - dont un que je connais bien - pratiquent depuis longtemps la dotation globale et n'ont pas les problèmes que vous abordez. Il faut donc absolument que tous les départements aillent vers la dotation globale, pour éviter ce genre de raideur.
En ce qui concerne la CTP, on peut voir éventuellement si l'on peut préciser les dispositifs législatifs, mais j'en tirerai évidemment la même conclusion que vous, dans ce domaine comme dans tous les domaines concernant les personnes handicapées : souplesse !
M. Alain GOURNAC - Il n'est pas facile de faire tourner une maison pour personnes handicapées. Si l'on retire l'argent qui sert au fonctionnement global de l'établissement, on va le mettre en difficulté ! Attention !
M. le PRÉSIDENT - Le débat est effectivement important. La grande question est de savoir si l'on admet que la personne accueillie en institution a droit à un projet de vie ou si elle a pour seul avenir le maintien en institution. On pourrait admettre que, lorsqu'elle quitte l'institution dans le cadre de son projet de vie ou pour vivre simplement autre chose un certain nombre de jours par mois, il y ait une part réduite de moyens donnée à l'établissement, qui a des frais inférieurs, et qu'un surplus soit versé à la sortis. Cela constitue une surcharge, mais ceci fait partie du projet de vie ! Dans le projet de vie, il y a aussi la possibilité de prendre l'air et de quitter l'établissement. Il y a des charges incompressibles pour l'établissement, mais il n'a pas non plus toutes les charges, puisque la personne n'est pas là durant plusieurs jours. Il faudrait peut-être réfléchir à cela. Cela me paraît aller dans le sens de ce texte, qui veut être un texte plus humain.
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Il me semble que, quels que soient les impératifs et les obligations, l'établissement doit être au service du projet de vie de chaque pensionnaire.
M. le PRÉSIDENT - Vous comprenez, madame la ministre, à travers ce que vient de dire Alain Gournac, l'importance du point que nous avons soulevé avec le rapporteur : il est nécessaire que les personne handicapées soient défendues par des représentants qui ne fassent que cela, sans avoir en même temps l'obligation de gérer un établissement. On voit bien que les intérêts peuvent être opposés. Il faut faire très attention à ce point et j'insiste là-dessus car, bien entendu, ceux qui gèrent les établissements penseront aussi à l'équilibre des comptes.
M. Gilbert CHABROUX - J'ai suivi la plus grande partie de votre exposé avec beaucoup d'intérêt, madame la ministre. Je trouve qu'il y a des avancées, mais je voudrais avoir une idée plus précise de l'importance de l'effort financier. Vous avez parlé de 850 millions d'euros, mais M. Jean-Marie Spaeth nous a dit, mercredi dernier, que le budget des personnes handicapées, tout compris, était de 24 milliards d'euros en 2001. Est-ce vrai ? Il s'y ajouterait donc 850 millions d'euros, ce qui ferait une augmentation de 3,5 %, ce qui n'est pas beaucoup. Y a-t-il d'autres financements, ou cette basse de calcul est-elle la bonne, avec quelques ajustements possibles ? Quels sont les ordres de grandeur ?
M. Guy FISCHER - Pourquoi n'examine-t-on pas en même temps le projet de loi sur le jour férié ? On pourrait ainsi y voir plus clair !
M. Alain VASSELLE - Dommage que l'on n'examine pas non plus les décrets en même temps que le texte ! On n'exerce plus notre mission de contrôle depuis que la session unique a été mise en place : on n'en a plus le temps !
Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, secrétaire d'État aux personnes handicapées - Il me semblait m'être expliquée sur la nécessité d'examiner cette loi assez vite si nous voulons avoir le temps - je compte sur la participation des parlementaires - de rédiger tous les décrets de loi qui y sont attenants, l'objectif étant de faire en sorte que cette loi soit applicable à partir de 2005.
Monsieur Chabroux, il faut comparer ce qui est comparable. Je suis d'accord avec les chiffres donnés par M. Spaeth, mais ils comprennent à la fois les personnes handicapées - c'est l'objet de notre loi -, les invalides, les accidentés du travail, ainsi que les sommes consacrées au fonctionnement des établissements. Concernant les personnes handicapées, le budget actuel est de l'ordre de 15 milliards d'euros. 6 milliards relèvent de l'État, 6 milliards de la Sécurité sociale, et la participation des collectivités territoriales est d'environ 3 milliards. Il s'agit d'une augmentation de l'effort de l'État en faveur des personnes handicapées non de 3 %, mais de l'ordre de 15 % !
M. le PRÉSIDENT - Merci de toutes ces précisions, madame la ministre. Cette réunion complémentaire était nécessaire et a permis de nouveaux échanges.
II. COMPTE RENDU INTÉGRAL DES AUDITIONS DES MERCREDI 28 JANVIER, MERCREDI 4 ET JEUDI 5 FÉVRIER 2004
Audition de M. Jean-Marie
SPAETH,
président du conseil d'administration de la Caisse
nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés
(CNAMTS)
(mercredi 28 janvier 2004)
M. Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS. Monsieur le président, je vous invite à nous donner votre sentiment à propos du projet de loi sur l'égalité des droits pour les personnes handicapées. Nous recueillerons ensuite vos réactions par rapport aux questions qui vous seront posées par le rapporteur et par les commissaires.
M. Jean-Marie SPAETH - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité, d'autant plus que le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie a soulevé de nombreuses interrogations sur le thème de l'égalité des droits des personnes handicapées.
En préalable, je rappelle que, dans la droite ligne des orientations sur la prise en charge des personnes handicapées, qui ont été adoptées par le conseil d'administration en avril 2003, en présence de Mme Marie-Thérèse Boisseau, la CNAMTS partage les principaux objectifs qui sont affichés dans le projet de loi, visant à garantir l'accès à la pleine citoyenneté des personnes handicapées et surtout, le libre choix de leur projet de vie. Cela suppose effectivement de mettre en place un droit à la compensation des conséquences du handicap, dont le projet de loi a vocation à définir les contours, prenant ainsi en compte la diversité des besoins des personnes handicapées.
Le conseil d'administration de la CNAMTS tient aussi à exprimer son accord avec l'objectif de simplification administrative qui conduit à créer un guichet unique pour l'ensemble des droits et prestations destinées aux personnes handicapées autour de maisons départementales du handicap.
Par contre, le conseil d'administration regrette qu'en l'état actuel, ce projet de loi ne soit cependant pas à la hauteur des ambitions, des attentes et des besoins exprimés par les personnes handicapées, compte tenu des incertitudes qu'il comporte sur le niveau des prestations garanties et leur mode de financement. Il ne permet donc pas, au stade actuel, de garantir une amélioration effective des conditions d'existence des personnes handicapées.
Ces incertitudes sont de plusieurs ordres.
En premier lieu, elles portent sur les conditions et sur les critères d'attribution de la prestation de compensation, qui sont renvoyés à des dispositions réglementaires, mais dont les bénéficiaires sont définis de façon restrictive. En effet, les bénéficiaires de la prestation de compensation devraient être âgés d'au moins vingt ans et d'au plus soixante ans.
En deuxième lieu, des questions subsistent quant à l'articulation précise entre la prestation de compensation et les prestations dispensées aujourd'hui par l'assurance maladie, puisque cette prestation pourrait absorber le financement des structures médico-sociales relevant de l'assurance maladie, tout en excluant la partie des aides techniques qui ressort de la liste des produits et prestations (LPP), c'est-à-dire l'ancien tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS) , et de ses conditions de prise en charge. Comme l'ensemble des prestations relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la régulation future des secteurs d'activité correspondants est laissée dans l'ombre.
En dernier lieu, le conseil d'administration s'interroge sur l'absence d'explications quant au financement des maisons départementales du handicap et des équipes pluridisciplinaires qui les composent. De plus, leur articulation future avec l'expérience en cours des « sites pour la vie autonome » demeure indéterminée. Enfin, les conditions de fonctionnement de la future Commission des droits et de l'intégration des personnes handicapées, dont les décisions ont vocation à s'imposer à tous les financeurs, dont l'assurance maladie, ne sont pas précisées.
Pour ces raisons, le conseil d'administration de la CNAMTS n'a pas véritablement apprécié la portée d'un projet de loi, dont il a été reconnu qu'il risquait de ne pas être opérant. Néanmoins, nous considérons que les intentions que le projet de loi a affichées sont positives. En outre, des incertitudes subsistent sur la caisse d'autonomie, dont nous ne voyons que mal ce que pourraient être ses finalités et son articulation avec l'assurance maladie.
Pour conclure, je remarque que nous avons travaillé à partir des orientations qui ont fait l'objet d'un débat préalable. Par la suite, nous avons examiné ce projet de loi sur l'égalité des droits pour les personnes handicapées s'articulait avec notre projet.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie, monsieur le président, pour la densité de votre intervention.
M. Paul BLANC, rapporteur - Monsieur le président, vous vous êtes certainement déjà posé les questions que je suis sur le point de vous poser. Je souhaite néanmoins que vous nous exposiez la manière dont vous avez envisagé de répondre à ces questions.
D'abord, les appareillages et les aides techniques constituent un moyen important de compensation des conséquences du handicap. Leur prise en charge reste à ce jour défaillante, même si la CNAMTS intervient déjà, de façon obligatoire ou volontaire, pour prendre en charge une partie de ces frais. Le projet de loi vise à améliorer ce système, notamment en solvabilisant la demande d'aides techniques grâce à la prestation de compensation.
Comment concevez-vous l'articulation de la prise en charge, en matière d'aides techniques, entre l'État et l'assurance maladie, dans le cadre de cette nouvelle prestation ?
M. Jean-Marie SPAETH - Théoriquement, la prestation de compensation, telle que le projet de loi la définit, introduit une solution de continuité entre d'une part, le complément de prise en charge nécessaire pour la partie des aides techniques qui relèvent d'une prise en charge par l'assurance maladie au titre de la LPP, comme les fauteuils roulants, et d'autre part, les aides techniques qui ne relèvent pas de la LPP, car elles relèvent plus de l'accompagnement à la vie courante que d'une prise en charge médicale. La prestation de compensation doit, par ailleurs, assurer une solvabilisation des aménagements de logement et des aides humaines, comme les auxiliaires de vie, qui peuvent être indispensables au quotidien des personnes handicapées.
Néanmoins, le projet de loi laisse en suspens de nombreuses questions.
Premièrement, le projet de loi définit de façon restrictive les bénéficiaires de la prestation de compensation. En effet, il ne propose de prise en charge, que pour les personnes handicapées de plus de vingt ans et de moins de soixante ans, ainsi que pour les personnes ayant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, c'est-à-dire les bénéficiaires de l'AAH. Or notre vision des handicapés est plus large que celle de l'ensemble des personnes éligibles à l'AAH. Par conséquent, à travers la compensation, émerge un droit nouveau. Mais les personnes qui sont exclues de l'AAH demeurent dans une logique d'action sociale de la Caisse nationale. Telle est, finalement, notre première interrogation.
Deuxièmement, en ce qui concerne la prise en charge des aides techniques qui ne relèvent pas de la LPP, des incertitudes majeures ne sont pas levées. D'abord, comment certifier la liste des appareillages pris en charge ? Ensuite, comment certifier ou garantir la qualité des équipements pris en charge, outre le marquage CE ?
Troisièmement, crée-t-on les conditions d'une prise en charge sur la base de tarifs opposables, sachant que pour les articles de la LPP, des écarts importants entre les tarifs pratiqués et les bases de prise en charge se creusent ? En l'absence de tarifs opposables, la solvabilisation de la demande risque d'alimenter une inflation tarifaire, dont les personnes handicapées pâtiront tout particulièrement, non éligibles à la prestation de compensation. Dans ces conditions, est-il nécessaire de revoir le panier de soins et les frontières de la CMU complémentaire, qui exclut les bénéficiaires de l'AAH, pour assurer une prise en charge et des tarifs opposables pour la population handicapée la plus défavorisée ?
Quatrièmement, la question la grille d'évaluation n'a pas trouvé de réponse précise, comme celle de la constitution sur l'ensemble du territoire d'un réseau cohérent d'équipements techniques labellisés.
Ces questions, dont la liste n'est pas exhaustive, demeurent donc en suspens. Par ailleurs, je vous remettrai une fiche qui contient l'ensemble des questions et qui reprend quelques exemples, afin de trouver des réponses.
M. le PRÉSIDENT - Nous vous en remercions.
M. Paul BLANC, rapporteur - Le projet de loi prévoit également de mieux contrôler l'offre d'aide, à travers une réglementation des professions liées à l'appareillage et aux aides techniques.
Comment fonctionnent, à ce jour, les relations entre l'assurance maladie et les professionnels de l'appareillage et les prestataires d'aides techniques ? La réglementation de ces professions constitue-t-elle, selon vous, un progrès ? Correspond-t-elle à une demande des professionnels, des caisses ou des patients ?
M. Jean-Marie SPAETH - Avant la réforme du TIPS, les caisses régionales d'assurance maladie « agréaient », via des conventions obligatoires, les orthoprothésistes, les podo-orthésistes et les ocularistes. A défaut d'un agrément, aucune prise en charge par l'assurance maladie ne pouvait intervenir.
Depuis la réforme de la LPP, qui est intervenue au mois de mars 2001, les relations de l'assurance maladie avec les professionnels de l'appareillage et les prestataires d'aides techniques sont régies par des accords nationaux, qui ne nécessitent pas d'approbation ministérielle. Ils n'ont donc plus de caractère obligatoire depuis mars 2001. Ainsi, la non-adhésion du professionnel ne lui interdit pas la délivrance de prestations aux assurés sociaux qui seront remboursés. Cela limite la portée des accords conventionnels aux seuls professionnels qui souhaitent faire bénéficier les assurés de la dispense d'avance des frais. Finalement, et contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, seul le mécanisme l'avance de frais joue. Cela génère donc des disparités significatives sur l'ensemble du territoire.
A mon sens, il est nécessaire de progresser sur ce terrain et de combler un vide. En effet, si les rapports conventionnels conduisent à des relations tarifaires avec les autres professionnels de santé, tel n'est pas le cas des professionnels de l'appareillage et des prestataires d'aides techniques.
M. Paul BLANC, rapporteur - Le projet de loi met en place des « maisons départementales des personnes handicapées », regroupant les compétences qui sont aujourd'hui dévolues aux COTOREP, aux CDES et aux sites pour la vie autonome.
Comment concevez-vous le rôle de la CNAMTS au sein de cette nouvelle instance ?
M. Jean-Marie SPAETH - Tout d'abord, il faut rappeler que l'assurance maladie est favorable au concept de guichet unique. J'aurais l'occasion, par ailleurs, de le rappeler en évoquant de nombreux sujets, tant la notion de guichet unique est présente dans l'adaptation de notre système d'assurance maladie. Elle participe donc concrètement à leur expérimentation dans le cadre des « sites pour la vie autonome », qui sont leur préfiguration. Elle participe à leur financement partiel sur les ressources de l'action sanitaire et sociale des caisses d'assurance maladie : une enveloppe de 53 millions d'euros leur est actuellement dédiée pour le financement de la logistique et des prestations complémentaires aux prestations légales de l'assurance maladie, souvent en partenariat avec la mutualité et les conseils généraux.
Une des premières actions à envisager serait de donner un support légal plus solide à ces financements, et de conforter leur montant, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion État / CNAMTS, en discussion actuellement avec l'État.
Ensuite, il reste à concevoir la façon dont ces « maisons départementales » vont fonctionner : on touche là aux questions préalables à résoudre avant leur mise en place, sur l'évaluation des besoins des personnes handicapées et la constitution d'un réseau d'équipes d'évaluateurs. Est-il pertinent que le département ait tout à la fois la maîtrise de l'évaluation des besoins et de leur financement ? Vous connaissez sans doute mon point de vue sur la difficulté de gérer un dossier lorsque l'on est à la fois juge et partie. Ne faut-il pas garantir l'indépendance de l'équipe d'évaluation par rapport aux financeurs ? Il y a toute une répartition des rôles à concevoir, sur laquelle l'assurance maladie est prête à apporter son savoir-faire.
En outre, en tant qu'acteurs de l'assurance maladie, nous considérons dans ce domaine, comme dans bien d'autres, qu'il y a une nécessité à réinventer un partenariat entre les uns et les autres, même si les décisions politiques peuvent être diverses. Dès lors, le partenariat peut s'appuyer sur plusieurs fondements. D'abord, le partenariat peut reposer sur l'apport du service social de l'assurance maladie. Ensuite, il peut s'appuyer sur la capacité d'expertise de la CNAMTS, par le biais des praticiens « conseils du service ». Enfin, le partenariat peut se concevoir en termes d'accueil : les points d'accueil de l'assurance maladie sur l'ensemble du territoire peuvent être une des portes d'entrée dans le dispositif du futur droit à la compensation, notamment pour orienter les personnes qui sollicitent une évaluation par une équipe technique d'évaluation de la « maison départementale ».
Finalement, cette offre de services pourrait s'inscrire dans un cadre conventionnel ou contractuel qui reste à définir, ou bien à travers la constitution d'un groupement d'intérêt public (GIP), qui réunit l'ensemble des partenaires du dispositif. L'idée du GIP est une proposition parmi d'autres ; nous sommes, en effet, ouverts à toute forme de partenariat, car nous pensons que seul un partenariat clair, négocié et contractualisé est de nature à mettre en synergie l'ensemble des compétences et des richesses qui existent en France dans ce domaine.
M. Paul BLANC, rapporteur - En ce qui concerne les services sociaux, je remarque que la part représentée par les caisses est mineure, par rapport à la part des départements. Cela étant, je suis favorable, à titre personnel, à la mise en place d'un partenariat.
M. Jean-Marie SPAETH - Je ne puis vous préciser ce qu'est le nombre exact d'assistantes sociales. En revanche, je suis certain du fait qu'elles sont nombreuses dans les caisses régionales et dans les caisses départementales.
M. Paul BLANC, rapporteur - Les départements comptent également de nombreuses assistantes sociales, mais je suis d'accord sur le principe d'un travail en collaboration de l'ensemble des assistantes sociales.
M. le PRÉSIDENT - Nous avons bien compris ce que sera l'offre de services que M. Jean-Marie SPAETH a présentée. Nous attendrons d'obtenir le point de vue des élus des départements sur la question.
M. Alain VASSELLE - Je poserai deux questions à M. Jean-Marie Spaeth.
La première question porte sur les périmètres de prise en charge entre la CNAMTS et l'allocation de compensation. Vous avez partiellement répondu au rapporteur sur l'articulation de la prise en charge, en matière d'aides techniques, entre l'État et l'assurance maladie. Mais je souhaiterais, si cela vous est possible, que vous précisiez ce que sont les limites au-delà desquelles les partenaires sociaux estimeraient que ce nous faisons supporter à la CNAMTS ne relèverait plus de l'assurance, mais de la solidarité nationale.
En effet, la rédaction du texte fait apparaître, dans l'exposé des motifs sur la compensation des handicaps, que la compensation doit prendre en charge les aides techniques, les aides à l'aménagement et les aides spécifiques. Nous avons le sentiment que la compensation couvre l'essentiel des dépenses, alors que l'assurance maladie ne devrait intervenir qu'à la marge. Pourriez-vous nous apporter quelques éclairages supplémentaires en la matière ?
Avant de poser la deuxième question, je rappelle que le texte nous a été remis très récemment. Il est donc difficile de poser des questions pertinentes sur ce projet de loi, malgré les débats que nous menons depuis un an avec le président de la commission des Affaires sociales et M. le rapporteur. Quoi qu'il en soit, je souhaite vous interroger sur les personnes handicapées qui ne sont pas couvertes par la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Il me semble que la CNAMTS intervient, sur demande, par une prise en charge des frais d'assurance. Or cette prise en charge n'est que forfaitaire. Le projet de loi ne constituerait-il pas une opportunité de progresser dans ce domaine ?
On pourrait envisager d'une part, une révision à la hausse du seuil qui permettrait à tous les bénéficiaires de l'AAH de bénéficier de la CMUC et d'autre part, une prise en charge par la CNAMTS de la quasi-totalité de la dépense de l'assurance que les personnes handicapées doivent régler. En effet, l'AAH représente souvent la seule ressource de ces personnes, mais elle ne permet pas de couvrir l'ensemble de leurs besoins, ce dont je peux apporter la preuve.
M. Jean-Marie SPAETH - En France, l'AAH ne fonctionne qu'en tant que revenu de remplacement.
M. le PRÉSIDENT - Avez-vous réellement le sentiment que l'AAH ne joue que le rôle de revenu de remplacement ? L'AAH n'a-t-elle pas un rôle à jouer dans la compensation ?
M. Jean-Marie SPAETH - Oui, en effet, il n'y aura jamais de frontière véritablement étanche entre les deux fonctions. Cela étant, les bénéficiaires de l'AAH perçoivent cette allocation davantage dans une optique de revenu de remplacement.
M. Paul BLANC, rapporteur - Ne faudrait-il pas séparer clairement la compensation et le revenu d'existence ?
M. Jean-Marie SPAETH - Oui, une telle séparation est envisageable, mais la compensation permet de clarifier la situation.
S'agissant des aspects financiers, je suis en mesure, actuellement, de vous communiquer uniquement les masses financières globales ; je vous transmettrai les chiffres détaillés ultérieurement. Le budget social des handicapés en France, pour l'année 2001, s'est élevé à 24 milliards d'euros, dont 11 milliards d'euros sont pris en charge par l'assurance maladie, soit près de la moitié. Cette intervention financière est effectuée au titre des différents fonds que l'assurance maladie gère, parmi lesquels le fonds national d'assurance maladie, le fonds national des accidents du travail, le fonds national d'action sanitaire et sociale et le fonds national de prévention et d'éducation sanitaires.
Par ailleurs, la part de la LPP qui est consacrée aux personnes handicapées représentait 214 millions d'euros en 2001. Pour mémoire, la LPP, c'est-à-dire la liste des produits et des prestations, correspond à l'ancien TIPS et elle représente l'ensemble des besoins matériels des personnes handicapées, ce qui ne concerne pas nécessairement que les aides techniques.
Au sujet de la CMU complémentaire, le nombre des bénéficiaires varie en fonction des seuils et de l'augmentation des minima sociaux, soit l'AAH, soit le minimum vieillesse. En la matière, l'assurance maladie a toujours considéré qu'il convenait d'éviter les effets de seuil et elle s'efforce de lisser ces effets par le biais des actions sociales, notamment par une aide à la mutualisation.
Bien évidemment, ces actions doivent être financées : elles relèvent alors du budget de l'action sociale. Or le budget de l'action sociale de l'assurance maladie doit pouvoir financer des situations qui concernent d'autres personnes que les publics bénéficiaires des minima sociaux. L'assurance maladie doit, en effet, être en mesure de soutenir les individus ou les ménages qui perçoivent des revenus moyens, afin de leur éviter de basculer dans la précarité ou dans la pauvreté. Finalement, l'action sociale ne doit pas se limiter à des seuils.
Nous avons obtenu de la part du ministère un renouvellement en 2004 des processus et des moyens financiers pour effectuer les lissages que j'ai évoqués. Néanmoins, nous souhaitons une évolution de la CMU, afin d'éviter les effets de seuils.
Quoi qu'il en soit, cette question fait partie des débats sur les rapports entre l'assurance maladie de base et les assurances complémentaires, dans le cadre de l'évolution et de l'adaptation du système d'assurance maladie, qui interviendront avant la fin de l'année.
M. André LARDEUX - Monsieur le président, vous avez évoqué le souhait de la simplification, que je partage. Vous avez également donné votre aval sur les « maisons départementales du handicap », ce qui suscite, ici encore, mon approbation, en tant que président d'un conseil général. Estimez-vous que, dans le cadre de la prise en charge actuelle, cette « maison départementale » pourrait fonctionner sans modifier les fondements institutionnels ?
En outre, le projet de loi soumet les employeurs publics aux mêmes obligations que les employeurs privés, en matière d'effectifs de salariés handicapés. Quel est le pourcentage des salariés handicapés dans les organismes de sécurité sociale français ?
M. Jean-Marie SPAETH - Je ne suis pas en possession des chiffres sur les effectifs de salariés handicapés des caisses d'assurance maladie. Je ne manquerai pas, toutefois, de vous les communiquer. Suite aux débats internes au conseil d'administration sur les conditions des personnes handicapées, nous nous sommes également interrogés sur l'évolution à envisager. Je suis d'autant plus sensible à ce dossier, que j'ai été un des créateurs de l'AGEFIPH, laquelle a travaillé en partenariat avec les ministères.
Pour ma part, je considère qu'aucune raison ne justifie l'application de règles différentes au sein de l'administration ou des entreprises publiques, par rapport à celles qui régissent les entreprises privées en la matière. La différence, dans ce domaine, entre le secteur privé et le secteur public est une situation que je qualifie de choquante. Malgré tout, une prise de conscience a eu lieu dernièrement et des progrès sensibles sont à signaler. L'AGEFIPH est un outil qui peut être parfaitement utilisé par les acteurs du secteur public.
M. Paul BLANC, rapporteur - Le secteur public devrait-il cotiser à l'AGEFIPH ?
M. Jean-Marie SPAETH - Il s'agit d'une autre question. L'AGEFIPH repose sur le principe du fonds libératoire, ce qui n'est pas le meilleur système. Ce principe a pour conséquence le fait que les entreprises doivent embaucher au moins 6 % de salariés handicapés, pour se défaire de la contrainte du paiement d'une cotisation. En outre, les fonds de l'AGEFIPH ne concernent que l'intégration des personnes handicapées en milieu de travail ordinaire, ce qui exclut les CAT.
Cependant, un système fondé sur l'auto-assurance est concevable. Pour illustrer ce propos, certaines entreprises, notamment dans le secteur semi-public, dans lesquelles les salariés ont droit aux indemnités de chômage, s'auto-assurent. Certaines collectivités locales ont passé des conventions avec l'Unedic, alors que d'autres préfèrent adopter un système d'auto-assurance. J'estime, pour ma part, que la règle d'auto-assurance n'est pas une règle scandaleuse et que son mode d'expression et de réalisation peut être adapté.
Cela étant, je ne vois pas d'objection particulière à ce que le législateur prévoie un fonds libératoire pour son administration. Personnellement, cette solution me paraîtrait quelque peu ambiguë.
En ce qui concerne la « maison départementale », j'ai suggéré l'idée, précédemment, que nous pouvions partager les compétences que nous détenons. En revanche, le cloisonnement n'est pas une bonne solution, contrairement au partenariat ou à la négociation contractuelle.
Autrement dit, si le législateur doit fixer les règles dans ses grandes lignes, il revient au milieu local d'adapter celles-ci. L'intervention du législateur ne serait justifiée que si le contrat ou le partenariat ne jouaient pas leur rôle. In fine , l'État doit être le garant de l'intérêt général.
Mme Michelle DEMESSINE - En dépit des réponses que M. Jean-Marie Spaeth a apportées, le projet de loi sur l'égalité des droits pour les personnes handicapées laisse planer certains doutes. D'abord, en ce qui concerne les aides techniques, quelles sont celles qui relèveront des caisses d'assurance maladie et celles qui relèveront de la compensation ?
Ensuite, quel est l'investissement de la caisse en termes de remboursement des aides techniques ?
De plus, les aides techniques seront-elles remboursées intégralement ? Sur ce point, j'observe qu'il subsiste un problème conséquent, dont la résolution ne sera pas aisée.
Enfin, au sujet de l'AAH et de la frontière entre le revenu de l'existence et la compensation, considérez-vous qu'une allocation dont le montant s'élève à 50 % du SMIC permet aux personnes handicapées de subvenir à l'ensemble de leurs besoins ? Il me semble que l'AAH ne constitue qu'un revenu d'existence et qu'elle ne peut, en tout état de cause, être considérée comme une allocation de compensation que de manière partielle et insuffisante.
M. Jean-Marie SPAETH - Je suis d'accord avec vous. En ce qui concerne le volume et le niveau de remboursement, je ne suis pas en mesure de vous répondre. En effet, le ticket modérateur s'applique de manière différenciée et le système actuel ne repose pas sur une opposabilité des prix. En outre, la gamme des produits est très variable, comme les fauteuils roulants. Cependant, je vous transmettrai les premiers éléments de réponse, dès que nous serons en possession des statistiques.
Mme Michelle DEMESSINE - En outre, nous ne détenons aucune information sur la répartition entre ce qui relèvera de l'assurance maladie et ce qui relèvera de la compensation.
M. Jean-Marie SPAETH - La problématique est aujourd'hui identique à celle que nous aurons à résoudre demain. Par exemple, nous avons une idée préconçue sur la nécessité d'acheter un fauteuil roulant. Toutefois, la notion de nécessité se discute aussi avec les usagers.
Ensuite, je note qu'une partie des besoins des personnes handicapées relèvera de leur propre décision, en fonction de la vision que ceux-ci auront de leur bien-être. Dès lors, les débats au sein de la CNAMTS porteront sur l'utilité scientifique, l'utilité collective et l'utilité individuelle. Ces débats seront infinis et ils donneront lieu à des arbitrages et à des décisions collectives. En effet, le rapport entre le collectif et l'individuel sera toujours un sujet complexe, qui n'a pas de réponse définitive.
M. le PRÉSIDENT - Néanmoins, il est certainement nécessaire, monsieur le président, de se doter d'une structure d'appel, qui permette à la personne handicapée de formuler des recours contre les décisions qui la concernent. De plus, dans le cadre de cette structure, cette personne ne doit pas, en outre, se trouver de nouveau face aux mêmes individus qui ont pris la décision initiale d'attribution du matériel ou de non-remboursement. Or après expertise, il est possible de déterminer ce que sont les matériels qui répondent aux besoins des personnes handicapées.
Dans l'exemple du fauteuil roulant, la compensation du handicap nécessite la prise en charge effective des frais supplémentaires liés à l'acquisition de ce fauteuil.
M. Jean-Marie SPAETH - Je partage votre point de vue. Cependant, il subsiste des difficultés d'arbitrages économiques et médicaux. Ces arbitrages ont une part sociétale, au sens noble du terme, mais ils ne seront jamais totalement régis. Nous partageons totalement les orientations de cette loi. Pour autant, il semble que le projet de loi est insuffisamment opérationnel et qu'il manque de transparence, tant du point de vue des personnes handicapées que d'un point de vue social.
M. le PRÉSIDENT - Monsieur le président, je vous remercie.
Audition de M. Laurent COCQUEBERT
directeur
général de l'Union nationale des associations de parents
et
amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI)
(mercredi 4
février 2004)
M. Nicolas ABOUT, président - Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis afin de poursuivre le cycle des auditions relatives au projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je rappelle que ces auditions sont ouvertes au public, à la presse et à l'ensemble de nos collègues sénateurs. Nos débats font en outre l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue d'une diffusion ultérieure. J'ai le plaisir d'accueillir M. Laurent Cocquebert, directeur général de l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales. Je vous cède la parole afin que vous puissiez nous faire part de vos réflexions sur ce projet de loi, ainsi que des amendements que vous souhaiteriez voir apporter à ce texte. Vous pourrez ensuite répondre aux questions des commissaires.
M. Laurent COCQUEBERT - Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, ce texte comporte des avancées positives. Pour autant, nous regrettons qu'un certain nombre d'éléments soient en retrait par rapport à nos demandes et que certains pans du dispositif ne soient pas traités.
Je ne pourrai pas être exhaustif quant aux avancées positives permises par le texte. Je vous prie de m'en excuser. Il s'agit de la première tentative de définition du handicap dans notre législation. Cette définition manquait dans le texte actuellement en vigueur. Son objet était ainsi, pour ainsi dire, « tautologique » : étaient retenues comme handicapées les personnes reconnues comme telles par les commissions compétentes pour en décider. Ce traitement n'était pas rigoureux. La définition proposée est intéressante. Elle croise une approche centrée sur la déficience de la personne et une approche centrée sur la prise en compte de son environnement. L'interaction entre ces deux données n'est certes pas assez marquée dans le texte, qui reste perfectible sur ce point. Il s'agit toutefois d'une avancée conceptuelle notable.
La définition large qui est donnée de la compensation est également une bonne chose, même si elle pourrait être encore élargie. Elle comprend des aides humaines, techniques et animalières, des prestations financières et l'accueil et l'accompagnement en institution, ce qui est fondamental s'agissant des personnes handicapées mentales. En revanche, le volet important de la protection juridique n'est pas compris dans cette définition.
Nous sommes également satisfaits de la clarification qui est faite des compétences et des responsabilités de l'Education nationale qui est confortée dans son rôle de dispensatrice de la pédagogie quel que soit l'endroit où elle est déployée, aussi bien dans l'école ordinaire, à travers l'intégration scolaire, que dans les établissement médico-sociaux. De fait, pour ces derniers, dans le cadre actuel de la législation, nous avons de grandes difficultés à obtenir un nombre suffisant de postes d'instituteurs détachés et adéquatement formés. Or la vocation des établissements médico-sociaux est de permettre aux enfants handicapés d'accéder à une pédagogie certes adaptée mais surtout s'inscrivant pleinement dans le champ de responsabilité de l'Education nationale. De plus, en contrepartie de cette responsabilisation accrue, le texte prévoit des incitations propres à encourager les établissements spécialisés à mettre davantage leur plateau technique à la disposition de l'école.
Le projet de loi marque de plus une avancée sur le problème de l'accessibilité. Ce chantier, concernant les personnes handicapées mentales, est toutefois très peu défriché. Il ne s'agit pas seulement de permettre l'accessibilité, absolument légitime, des bâtiments publics aux personnes à mobilité réduite mais aussi de satisfaire les enjeux tout à fait concrets posés aux personnes handicapées mentales, comme la mise en place d'une signalétique adaptée aux personnes qui ne savent ni lire ni écrire ou la mise à disposition de personnel formé à cet effet. Nous souhaitons que cette loi soit l'occasion pour les pouvoirs publics - l'État mais aussi les collectivités locales et les établissements publics - de se saisir de ce volet central.
Enfin, ce texte témoigne d'une volonté notable de simplification administrative à travers la création des maisons départementales des personnes handicapées. Il reste toutefois insuffisamment explicite. Nous ne disposons en effet que de peu d'éléments sur le statut de ces instances futures et sur leur administration de rattachement. Faut-il comprendre du silence du texte qu'elles seront gérées, comme c'est le cas aujourd'hui pour les commissions départementales d'éducation spéciale (CDES) et les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), par des commissions émanant de l'État ? De même, il n'est pas précisé si ces maisons seront rattachées au département ou à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Nous ne disposons donc pas d'une vision suffisamment claire de l'intégralité du dispositif.
Ce problème rejoint les motifs d'insatisfaction que nous inspire le texte. L'aspect pourtant fondamental de l'organisation institutionnelle future en est absent. Quelles que soient ses intentions, il nous semble difficile d'avoir un avis très éclairé sans disposer du pan complémentaire de la création de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. La présentation rapide du texte à votre haute assemblée permet certes de préserver la dynamique qui a été engagée. Toutefois, pour la compréhension globale du dispositif, il aurait été souhaitable que cette question soit couplée avec l'examen du projet de loi qui permettra la création de cette future caisse. De fait, nous ne savons pas actuellement quel sera le statut des maisons départementales des personnes handicapées, comment sera financée la prestation de compensation et quels seront demain nos interlocuteurs et ceux des personnes handicapées que nous représentons.
Nous considérons également que la question de la compensation doit être complétée. Une composante fondamentale pour les personnes handicapées mentales, celle de la protection juridique, est absente. Les associations qui les représentent partagent cette préoccupation. Une mesure de tutelle est le moyen social qui permet de rendre une personne handicapée mentale plus autonome. Cette forme de « filet de sécurité » la prémunit contre les tentations ou des personnes indélicates. Il s'agit donc d'un élément fondamental de la compensation du handicap. Nous regrettons que la version présente du texte ne l'intègre pas. Doivent être également absolument corrigés par le débat les conditions d'accès à la compensation qui, en l'état, serait soumise à des critères d'âge, de taux d'incapacité et de revenu. Nous voyons ici le souci des pouvoirs publics d'édicter des normes à travers la définition de critères d'appréciation des besoins et d'octroi des prestations. Il nous semble cependant que nous sommes en présence d'un dispositif quelque peu rigide et susceptible de ne pas répondre à une partie de la demande exprimée.
Tel est brièvement notre jugement sur l'économie générale de ce projet. Je tiens néanmoins à tempérer ce regard positif mais critique en soulignant l'engagement financier important consenti par les pouvoirs publics. Lors de la présentation du texte à l'occasion du dernier conseil des ministres, la poursuite et l'amplification des plans pluriannuels de création de places ont été également décidées, ce que nous accueillons avec beaucoup de satisfaction. Cette décision atteste la volonté des pouvoirs publics d'améliorer de manière très concrète les situations difficiles de milliers de personnes handicapées qui restent actuellement sans solution. Une politique plus générale en faveur des personnes handicapées dépasse donc le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. Je tenais à le souligner.
M. Paul BLANC, rapporteur - Monsieur le directeur général, quelle appréciation portez-vous sur la définition du droit à compensation proposée par le projet de loi ? La nouvelle prestation de compensation vous paraît-elle constituer une traduction satisfaisante de ce droit ? Quelles améliorations de ce dispositif jugeriez-vous souhaitable ?
M. Laurent COCQUEBERT - Concernant la protection juridique, il me semble nécessaire de ne pas se tromper de débat. On a nous objecté qu'il est difficile de considérer la protection juridique comme un élément de la compensation dans la mesure où, sur le plan technique du droit civil, une telle mesure est privative d'un certain nombre de droits individuels. Il me semble nécessaire de ne pas adopter une vision aussi réductrice de la question. Dans le cas des personnes handicapées mentales, - les plus concernées par ce dispositif -, cette mesure n'est pas du tout perçue comme une privation de liberté mais comme le moyen d'une plus grande autonomie et d'une exposition à un certain nombre de risques personnels, ce qui, sans cette protection, reste impossible. L'accompagnement des personnes handicapées mentales fait dilemme entre la nécessité de les rendre plus autonomes, répondant ainsi à une de leur aspiration et à l'évolution des comportements, et le souci de ne pas les exposer à des risques qui pourraient leur être dommageables. La protection juridique est précisément le moyen de concilier ces contraintes a priori contradictoires. Pour reprendre une formule relativement provocatrice que nous avons eu l'occasion d'opposer à des contradicteurs de la Chancellerie, la protection juridique n'est pas, socialement, une privation de liberté, mais au contraire une mesure émancipatrice. Les civilistes « orthodoxes » considèrent cette idée comme une hérésie profonde. Il est toutefois nécessaire de dépasser cette approche purement technique et de replacer ce type de mesure dans sa finalité sociale réelle. Telle est la responsabilité des parlementaires. Il vous revient de trancher sur ces questions de fond. Les décisions prises ne seront pas neutres quant au sens de la politique conduite en faveur des personnes handicapées.
Je ne reviendrai pas, par ailleurs, sur les conditions d'accès à la prestation. En revanche, j'insisterai sur la situation complexe à laquelle nous sommes confrontés par le fait que les questions d'organisation institutionnelle et de répartition des compétences n'ont pas été tranchées. La prestation de compensation nous est ainsi présentée comme une prestation unique mais en réalité acquittée par trois financeurs distincts, l'État, les conseils généraux et l'assurance maladie. Traiter avec le recul nécessaire un projet de loi de ce type sans avoir plus de précisions sur les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est un exercice impossible. Cette prestation unique, porteuse de simplification pour la vie quotidienne des personnes handicapées mais payée par trois financeurs différents, témoigne d'une forme de contradiction entre les ambitions affichées et les contraintes d'une législation à répartition des compétences constante. Le dispositif est ainsi très peu lisible. Telles sont brièvement les améliorations qui nous semblent devoir être apportées à ce texte concernant la compensation.
M. Paul BLANC, rapporteur - Les personnes handicapées mentales constituent le public le plus important parmi les travailleurs de centres d'aide par le travail (CAT). Les garanties nouvelles apportées par le projet de loi pour ces derniers vous paraissent-elles aller dans le bon sens ? Comment jugez-vous notamment le nouveau système de la garantie de ressources en CAT ?
M. Laurent COCQUEBERT - La question des garanties offertes aux travailleurs handicapés de CAT constitue un débat délicat. Un statu quo est impossible. La situation de « non-droit », pour le dire rapidement, qui caractérise leur statut n'est ni satisfaisante ni viable à moyen terme. Cependant, les faire basculer dans le salariat serait une dangereuse utopie. Le salariat est certes créateur de droit. Néanmoins, il est aussi créateur d'aléas économiques. Il est solidaire d'un pouvoir de direction et d'une exigence de productivité. Faire relever le statut des travailleurs de CAT du statut de droit du salariat commun aurait été un remède de nature à tuer le malade. Par conséquent, les clarifications apportées nous paraissent aller dans le bon sens. Nous sommes bien en présence d'une institution médico-sociale dont les travailleurs handicapés ne sont pas des salariés mais des usagers. Pour autant, il nous semble indispensable de rendre obligatoire une modalité particulière de contrat de séjour en CAT. Les dispositions de la loi de 2002 qui a créé le contrat de séjour étaient d'une redoutable ambiguïté sur cette question. L'expression « contrat de séjour » est inadaptée : il n'y a pas de « séjour » au sens propre, avec logement et pension, en CAT. En outre, cela aurait été un non-sens de faire signer de tels contrats à des personnes qui ont des capacités d'expression extrêmement limitées et à la fois, au détour d'une interprétation restrictive du texte, d'en refuser la signature à des travailleurs de CAT capables d'entretenir un certain dialogue avec l'institution qui les accueille. De ce point de vue, considérer que les CAT doivent proposer des contrats de séjour à des travailleurs handicapés nous semble une clarification tout à fait salutaire. Nous l'avions d'ailleurs demandée à l'occasion des débats relatifs à la loi de 2002, mais sans succès. Notre doctrine sur ce point n'a pas changé. La clarification de certaines dispositions en matière de droit aux congés ou de formation professionnelle est également très importante. Il n'est pas possible de demander aux CAT d'être plus performants en matière d'insertion professionnelle s'ils ne disposent pas de tous les outils nécessaires. Au-delà des soutiens médico-sociaux, il y a en effet la place pour le développement du soutien professionnel, au sens traditionnel, dans les CAT. Ces dispositions vont donc dans le bon sens. Elles constituent l'antidote à un certain nombre de propos malveillants tenus il y a quelques mois dans un ouvrage dont l'auteur a été condamné hier, je vous l'apprends, pour diffamation à l'égard de l'UNAPEI.
Par ailleurs, la position de l'UNAPEI concernant la garantie de ressources répond à sa conception plus générale du CAT. Pour nous, si le CAT est un lieu de travail adapté aux capacités de production des personnes, il est cependant un lieu de travail à part entière. Nous considérons comme politiquement intenable que des lieux de travail soient jugés plus valorisants que d'autres. Il n'y a pas de hiérarchie possible entre le milieu ordinaire, l'atelier protégé ou, demain, l'entreprise de travail adapté, et le CAT. Par conséquent, sur le plan de la rémunération, il nous semblerait politiquement aberrant que la réforme des ressources des travailleurs handicapés en CAT se traduise par leur réduction. Actuellement, les ressources d'un travailleur de CAT titulaire d'une carte d'invalidité s'élèvent au minimum à 90 % du SMIC. Établir une ségrégation ou hiérarchiser les lieux de production revient à opérer implicitement une sélection entre les personnes qui sont employées.
Par ailleurs, il serait contradictoire de promouvoir l'autonomie des personnes handicapées tout en les privant des moyens de leur autonomie, à savoir des ressources qui leur permettent, le cas échéant, de se loger de manière autonome ou d'avoir un certain nombre de loisirs. Les possibilités en sont déjà réduites avec 90 % du SMIC. Si ce pourcentage était réduit à 70 ou 75 %, il s'agirait d'un profond non-sens. Cette question constitue à notre sens le préalable nécessaire à tout travail de réflexion sur l'évolution du système de rémunération des travailleurs de CAT. Il ne faut toutefois pas cacher que le système actuel est à la fois peu incitatif et très opaque. Il présente sur ces points de larges marges d'amélioration. Un travailleur handicapé de CAT titulaire d'une carte d'invalidité est assuré d'avoir 90 % du SMIC avec un salaire direct de 5 %. Les simulations montrent qu'un travailleur handicapé ayant un salaire direct de 20 % du SMIC et une carte d'invalidité bénéficie de 95 % du SMIC. Le mécanisme de l'allocation adulte handicapé (AAH) différentielle que nous connaissons actuellement est certes un amortisseur d'une extraordinaire efficacité. Il ne donne toutefois pas de prime extrêmement lisible au développement d'un salaire direct plus important. Un travail de clarification est donc à mener afin qu'un euro de salaire direct supplémentaire se traduise in fine par un euro supplémentaire de pouvoir d'achat global. Je répète, posément mais clairement, qu'il nous semble inconcevable qu'une réforme de ce type puisse conduire à un recul quelconque du niveau de ressource global des travailleurs de CAT. Le problème est d'une complexité encore accrue si nous considérons la situation des travailleurs à temps partiel. Compte tenu du système actuel, un travailleur à temps partiel qui touche 5 % du SMIC atteint 70 % du SMIC avec l'allocation adulte handicapé (AAH) différentielle. Nous ne sommes pas contre un mécanisme d'aide aux postes plus forfaitaire et ainsi simplifié. Toutefois, concernant les travailleurs à temps partiel, il ne faut pas que nous aboutissions à un système dont la décote serait strictement proportionnelle au temps non travaillé. Ne concevons pas, de grâce, un système qui, sur l'autel de la simplicité, verrait un travailleur à temps partiel touchant aujourd'hui, de par son âge différentiel, 70 % du SMIC, ne plus toucher que 35 % du SMIC. Les mécanismes distributifs du système actuel devront être conservés, d'une manière ou d'une autre, dans le futur système, sans quoi la réforme tant annoncée se caractérisera par un recul social retentissant pour plus de 100.000 personnes handicapées, dont 65.000 dépendent de l'UNAPEI. C'est pourquoi nous sommes extrêmement sensibles à cet aspect du dossier. Reste que le système actuel mérite d'être clarifié de manière à ce qu'il soit plus lisible pour les personnes auxquelles il bénéficie.
M. Paul BLANC, rapporteur - Vous avez fait allusion aux maisons départementales pour personnes handicapées et avez quelque peu regretté que le projet de loi ne développe pas assez la partie touchant leur organisation institutionnelle. A quelles conditions cette nouvelle structure représentera-t-elle un progrès pour les personnes handicapées ? Comment concevez-vous la participation des associations représentatives des personnes handicapées à leur fonctionnement ? Quelles améliorations ou précisions jugeriez-vous souhaitables à ce sujet ?
M. Laurent COCQUEBERT - L'enjeu de ces nouvelles maisons est très clairement de permettre aux personnes handicapées de bénéficier d'un interlocuteur unique à même d'évaluer l'intégralité de leurs besoins et de leur apporter une réponse satisfaisante parce que coordonnée. Sur le plan méthodologique, il reste à développer toute une culture de l'évaluation des besoins individuels des personnes. Celle-ci n'est pas en effet le fait des actuels CDES et COTOREP, auxquels cela n'a pas été, il est vrai, demandé, et qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour le faire. Il ne faut pas accabler de maux les structures existantes qui fonctionnent souvent avec des moyens dérisoires. Ce constat sévère ne peut néanmoins être passé sous silence. Il s'agit donc que ces nouvelles instances bénéficient des outils techniques et des compétences humaines requises pour pouvoir procéder à l'évaluation de l'ensemble des besoins des personnes handicapées. Elles ne devront pas répondre simplement de manière ponctuelle à des problèmes eux aussi ponctuels. Il devra être possible de répondre au besoin de telle ou telle allocation, aide technique ou orientation dans un établissement.
Il nous semble également fondamental que l'évaluation des besoins témoigne d'une exigence d'indépendance particulière, notamment sur la question de l'autorité qui sera amenée à financer les différentes prestations. Nous souhaiterions qu'il soit garanti que les évaluations et les propositions de plans de compensation individuelle ne soient jamais conditionnées par de quelconques questions relatives aux contingences financières du moment. Ce point nous semble extrêmement important. Sans cela, il serait illusoire de parler d'un droit à la compensation du handicap. J'ai conscience que ce discours peut paraître iconoclaste auprès de certaines collectivités locales. Néanmoins, il s'agit là d'un préalable absolument indispensable. Il impose notamment que la constitution de la commission qui sera chargée d'ouvrir les droits obéisse à une composition véritablement pluridisciplinaire à travers des acteurs émanant, bien évidemment, des organismes payeurs et des collectivités locales mais aussi des associations et, éventuellement, des organismes représentant les professionnels. Ainsi serons-nous assurés que le plan de compensation individuelle sera proposé exclusivement dans le souci de répondre aux besoins des personnes. Parmi les propositions qui sont portées, outre par l'UNAPEI, par plusieurs associations, une a trait particulièrement au souhait que ces maisons départementales des personnes handicapées soient constituées en groupements d'intérêt public (GIP). Nous avons eu d'autant moins de mérite à y penser que M. Piveteau l'avait fait avant nous. Cette idée intéressante reste cependant à approfondir. Le GIP constitue une personne morale indépendante ayant vocation naturelle à associer autour d'une même table des acteurs différents, de statut public comme privé. Il peut sans doute exister d'autres solutions institutionnelles. Toutefois, l'exigence de pluridisciplinarité des équipes qui composeront ces maisons départementales des personnes handicapées nous semble absolument fondamentale afin que nous soyons assurés qu'aucun besoin des personnes n'ait été négligé. Le rattachement ou l'autonomie de ces maisons doivent être eux aussi clarifiés, notamment dans leurs relations à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Si elles sont rattachées à un quelconque organisme, il s'agit de préciser qui les financera. Une chose est d'afficher des objectifs ambitieux pour ces maisons, une autre est de leur en donner les moyens. Les CDES, les COTOREP et les sites pour la vie autonome fonctionnent aujourd'hui avec des moyens insuffisants. Il est évident que si nous nous contentons de regrouper cette « pauvreté », le service rendu complémentaire risque d'être en deçà des espérances et des ambitions affichées. Telles sont, très rapidement, les précisions qui nous semblent devoir être apportées au dispositif des maisons départementales des personnes handicapées.
Mme Michelle DEMESSINE - Votre demande principale relativement à la compensation est celle d'une protection juridique. Celle-ci n'est pas du tout présente dans le texte. Je partage votre point de vue quant à son importance. J'aimerais connaître votre avis sur la proposition de M. Perben actuellement en discussion sur la protection des victimes. Quelle est votre appréciation de ce débat aujourd'hui récurrent relativement aux personnes handicapées ? J'aimerais connaître, en outre, vos attentes particulières vis-à-vis de la prestation de compensation pour le public des handicapés mentaux. Quels sont ses besoins spécifiques ? Quels types de handicaps mentaux posent aujourd'hui plus particulièrement problème ?
Par ailleurs, il est vrai que ces propositions marquent un tournant pour les CAT. Je partage votre sentiment : le statu quo n'est pas du tout satisfaisant et doit être examiné plus précisément. Les critiques sont certes importantes. Ainsi de l'attaque perpétrée à travers le livre que vous avez cité. La Cour des comptes a également émis une série de critiques. Ces critiques croissantes ne me paraissent pas justifiées. Elles sont dues vraisemblablement à l'insuffisance de transparence du dispositif. Je partage également votre inquiétude quant à une possible régression de la situation à travers le texte. La demande de représentativité des usagers doit être prise en considération de manière plus approfondie. Il s'agit de ne pas oublier qu'il s'agit d'établissements médico-sociaux. Le changement de leur statut pourrait constituer lui aussi une régression. Vous avez fait référence aux contrats de séjour, qui, dans leur forme actuelle, ne sont pas du tout adaptés à leur public. Ce constat doit constituer le fondement de notre démarche. Il me semble opportun de réfléchir à la mise en place d'un dispositif spécifique pour les personnes handicapées travaillant dans les CAT. Un statut spécifique doit être défini, ne relevant ni du salariat dont elles n'ont pas les moyens ni d'un simple statu quo.
Vous proposez également un nouveau plan de financement. Pour moi, le mécanisme différentiel, s'il présentait des défauts, avait tout de même de nombreuses qualités. Je crains qu'un système d'aides forfaitaires ne montre rapidement ses limites, à travers notamment des freins et des handicaps supplémentaires. Le mécanisme différentiel permettait, de manière spécifique, de faire preuve de souplesse et de prendre en compte toutes les différences en termes d'activités exercées, et de nature et de niveau de handicap. Des améliorations doivent certes lui être apportées. Néanmoins, des aides forfaitaires risqueraient peu à peu de décider elles-mêmes des publics et des activités mises en place. Plus le handicap sera lourd et difficile, moins il sera compris dans l'aide forfaitaire. Je vois là un grand danger, notamment en termes de diminution des ressources. Il existe certes aujourd'hui un véritable problème de transparence du système. Celui-ci pourrait toutefois être pallié par la mise en place de structures beaucoup plus démocratiques. Il serait possible d'imaginer une participation beaucoup plus importante d'un certain nombre d'acteurs locaux. Les hôpitaux ne bénéficient-ils pas de conseils d'administration ? Sans aller jusque là, pourquoi n'instaurerions-nous pas un système de concertation et d'accompagnement de la société civile pour le traitement de ces problématiques ?
M. Laurent COCQUEBERT - La prestation de compensation ne suffit pas à répondre à elle seule à toutes les aides dont ont besoin les personnes handicapées mentales. Je ne parle pas là de la compensation envisagée de manière plus globale mais de la prestation. L'article 2 du projet de loi, soit le futur article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles, montre que la logique qui sous-tend la prestation de compensation est celle de la recherche de solutions individuelles. Elle permettrait à chaque personne de pouvoir bénéficier à titre individuel d'une aide à domicile, d'aides techniques ou d'aménagements de leur domicile. Ces éléments présentent un intérêt indiscutable pour des personnes déjà suffisamment autonomes pour pouvoir vivre et s'organiser seules. Ils ne répondent cependant pas, à l'évidence, aux besoins de personnes trop lourdement handicapées. La création de ce type de prestations ne permettra pas à des personnes actuellement accueillies en foyer de vie, en foyer d'accueil médicalisé, en maison d'accueil spécialisé ou même, dans le cas des travailleurs handicapés de CAT, en foyer d'hébergement, de vivre dans la cité comme tout un chacun. La prestation, telle qu'elle a été définie et sous les réserves que j'ai énoncées, est tout à fait opportune pour des personnes handicapées dont le degré ou le type de handicap leur permet de conserver la possibilité d'organiser elles-mêmes leur propre prise en charge. Elle ne répond en revanche nullement aux besoins des personnes que nous accueillons. C'est pourquoi nous avons demandé que les questions de l'accueil et de l'accompagnement institutionnel soient considérées comme un élément de la compensation, même si cela ne semble pas actuellement ressortir du périmètre de la prestation de compensation.
La question du CAT est révélatrice de la nécessité plus générale du développement des moyens et des outils de la participation, de l'accueil et de l'accompagnement des personnes handicapées. Il s'agit qu'elles soient moins « objets » que sujets de l'accompagnement. C'est là tout le danger du formalisme de la loi du 2 janvier 2002. Elle a consacré en théorie des avancées juridiques et conceptuelles très importantes, comme le contrat de séjour, le livret d'accueil, le conseil de la vie sociale et la charte des droits et libertés. Toutefois, ces avancées se heurtent pratiquement aux difficultés de compréhension et de communication des personnes handicapées mentales. Proposer un contrat de séjour rédigé par un agrégé des facultés de droit à une personne handicapée mentale respecte formellement les exigences de la loi mais la vide de sa portée pratique et de son contenu. Le but de tous ces outils est, de fait, d'engager un dialogue avec la personne et de prendre davantage en compte ses aspirations. Ils ne doivent pas conduire à une multiplication des démarches administratives afin de satisfaire les exigences des contrôles de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) ou de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF). Il est vrai qu'il est possible de valoriser davantage le rôle du conseil de la vie sociale en CAT. Nous travaillons à l'UNAPEI depuis plusieurs années sur ce que nous appelons la « communication aidée » à travers un dispositif de pictogrammes et de photos permettant aux personnes handicapées d'avoir accès à un langage écrit simplifié et permettant de donner sens pour elle à ce qu'est un contrat de séjour ou un règlement de fonctionnement. Ainsi des dispositions relativement « technocratiques », si vous me permettez un jugement aussi sévère, peuvent-elles prendre sens aux yeux de personnes ne sachant ni lire ni écrire. Il ne faut donc pas se satisfaire d'un respect formel de la loi mais, de manière plus ambitieuse, se donner les moyens d'associer réellement les personnes handicapées à leur accueil et à leur accompagnement. Nous partageons donc pleinement, madame Demessine, votre souhait. C'est là l'un des chantiers prioritaires sur lesquels nous travaillons actuellement.
M. Guy FISCHER - Vous avez insisté sur le fait que la recherche de solutions personnelles pourrait prévaloir. La définition des besoins à satisfaire, en particulier dans le contexte de la renégociation des schémas départementaux des personnes handicapées, fait peser d'autant plus d'interrogations qu'il est souvent dit que le nombre global de places à créer serait suffisant. Vous avez insisté sur les plans pluriannuels. Où est la vérité ? Doit-on aujourd'hui encore investir dans des établissements, ou les solutions personnelles et les aides individuelles doivent-elles prévaloir ? Quel doit être l'équilibre entre ces deux aspects ?
M. Laurent COCQUEBERT - Pour nous, il faut être d'une extrême prudence sur cette question. De manière très concrète, des personnes disposant de toute leur agilité intellectuelle et d'un certain degré d'autonomie ne souhaitent pas aller en institution et préfèrent bénéficier d'une auxiliaire de vie et d'appareillages adaptés. Ce souhait nous semble particulièrement compréhensible et légitime. Toutefois, ces solutions ne sont pas transposables à toutes les personnes handicapées, en particulier celles que nous accueillons. Nous pouvons également nous interroger sur le degré de qualité et de professionnalisme permis par le développement de ce type de solutions. S'agit-il d'un réel progrès d'employer soi-même des personnes non qualifiées et, parfois, en situation irrégulière ? L'institution médico-sociale doit évoluer. La loi de 2002 incite fortement à ce que les pratiques changent. C'est là le devoir absolu des associations. Toutefois, il nous semblerait extrêmement illusoire que le développement de ce type de solutions personnelles vienne constituer une panacée susceptible de se substituer au développement de solutions plus collectives. La réponse à cette question est, quoi qu'il en soit, inscrite dans la loi : la logique de compensation est une logique de réponse aux besoins individuels, ce qui signifie pour certaines personnes une autonomie totale, à travers la logique de solvabilisation individuelle, et pour d'autres, à l'évidence, des démarches plus collectives globalement satisfaites dans les institutions actuelles, certes perfectibles, mais présentant depuis la loi de 2002 les conditions d'une nouvelle dynamique.
M. le PRÉSIDENT - Monsieur le directeur général , je vous remercie.
Audition de MM. Jean-Marie
SCHLERET, président,
et Jean-Pierre GANTET,
vice-président,
du Conseil national consultatif des personnes
handicapées (CNCPH)
(mercredi 4 février 2004)
M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant MM. Jean-Marie Schleret et Jean-Pierre Gantet, respectivement président et vice-président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), afin de connaître la position du CNCPH sur le texte qui nous est soumis. Messieurs, vous avez la parole.
M. Jean-Marie SCHLERET - Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, je rappellerai d'emblée dans quelles conditions notre conseil a été amené à travailler à l'élaboration des premières orientations du projet et à la constitution du projet de loi. Il a rendu, le 13 janvier dernier, un avis qui est, par la force des choses, ce qui ne surprendra personne, contrasté. Le Conseil national consultatif n'est pas uniquement constitué des associations représentatives des personnes handicapées. Il compte également des représentants des collectivités, dont M. le sénateur Paul Blanc, qui a suivi avec une grande assiduité nos travaux. Les caisses, les organisations syndicales, les organismes de recherche ainsi que différents ministères sont également représentés. Cette composition témoigne de la complexité du travail dont a la charge un conseil consultatif comme le nôtre. Je souligne, à cet égard, que cette composition représentative aurait dû bénéficier de quelques moyens suffisants pour travailler. Nous avons ainsi été dans l'obligation de recourir à un volontariat effréné de la part des associations. Je fais là allusion au rapport « Vivre avec le handicap » publié par la Cour des comptes au mois de juin dernier. Celui-ci soulignait que les CNCPH précédents n'avaient pas remis de rapports annuels comme les textes l'imposent. Nous connaissons actuellement les mêmes difficultés alors que depuis treize mois, à travers sept commissions et huit commissions plénières, nous avons fait travailler les associations sans qu'elles aient eu jusqu'à présent le moindre remboursement de leurs frais, ce que doit entendre la représentation nationale. Nous ne disposons que de moyens de fonctionnement tout à fait réduits, puisque nous ne mettons à la disposition du président du CNCPH qu'un secrétariat de séance.
Néanmoins, à travers ces sept commissions, la consultation a progressé, conformément à la vocation même du CNCPH. Il a été de plus associé de manière tout à fait exemplaire et, sans doute sans précédent, par le cabinet de Marie-Thérèse Boisseau, à l'ensemble des travaux de préparation de ce projet de loi et à l'examen des différents thèmes en jeu. Nous ne pouvons donc être que satisfaits que les associations aient pu prendre part aux travaux, en accord avec la mission du CNCPH qui est de garantir la participation des personnes handicapées, de leurs familles et de leurs représentants à la définition des politiques publiques et peut-être, par la suite, à leur évaluation. Cette participation génère toutefois d'autant plus d'attentes. Vous ne vous étonnerez pas qu'un certain nombre d'associations membres du CNCPH soient aujourd'hui un peu déçues, si bien qu'elles expriment d'abord leurs regrets plutôt que leurs satisfactions. C'est du moins ainsi que j'interprète leur attitude. Pour sa part, le CNCPH a choisi d'adopter une position non seulement responsable, comme toutes les associations, mais aussi mesurée.
Dès le mois de juin, alors que nous n'en étions qu'à la définition des orientations, nous avions noté d'importantes évolutions par rapport à la loi de 1975 en matière d'accessibilité, de compensation, de non-discrimination et d'égalité des droits et des chances. Un débat sur le titre de la loi avait eu alors lieu. Il a été revu. Il n'indiquait dans un premier des temps que « l'égalité des droits ». Or certains nous ont fait valoir que la Constitution suffisait à garantir l'égalité des droits. Il a été alors choisi l'expression « égalité des chances ». D'autres nous ont fait remarquer qu'il était utopique d'imaginer que des personnes polyhandicapées puissent bénéficier d'une telle égalité des chances. Le CNCPH a alors souhaité que soient associés les deux aspects. Ils se renforcent en effet mutuellement. La question de l'égalité des droits est en fait celle de l'égalité de l'accès au droit. Nous sommes également satisfaits que nos remarques aient été reprises sur ce point. Les termes « participation » et « citoyenneté » sont essentiels : cette loi s'attache à la pleine citoyenneté des personnes handicapées.
La concertation progressant pendant l'automne, nous avons pris plus particulièrement conscience d'une difficulté qui n'est pas sans rapport avec l'avis contrasté du CNCPH. La satisfaction de tous à l'égard des attendus de la loi, au niveau de ses orientations, a été en effet déçue dès lors que nous sommes rentrés dans la rédaction du texte législatif lui-même. Cette situation n'est plus du tout celle de 1975, à l'époque de Roger Lenoir alors que l'affirmation des droits des personnes handicapées était neuve. Aujourd'hui, au contraire, nous sommes confrontés à un nombre important de codes à modifier et nous avons des articles complexes à introduire. Ainsi mesurons-nous déjà une forme de hiatus entre le caractère satisfaisant des orientations et le caractère décevant de leur traduction dans le texte qui n'est pas à la hauteur des espérances soulevées. De plus, nous n'avons obtenu ce texte que très tardivement, le 10 décembre. Son examen par les commissions, qui ont dû être organisées rapidement afin de pouvoir rendre leur avis avant le 13 janvier, a donc été rendu difficile. Avant de rentrer plus avant dans nos explications, je voudrais passer la parole à M. Gantet afin qu'il nous fasse part de son approche globale des questions de la compensation et de l'accessibilité. Nous regrettons, à cet égard, que dans l'architecture de la loi, la compensation vienne en premier lieu. Celle-ci n'est en effet jamais que ce qui doit suivre l'affirmation d'une accessibilité pleine et entière, et non pas seulement physique, aux structures des pouvoirs publics et également à l'ensemble des services, au premier plan desquels ceux de la scolarité et de l'emploi. C'est alors seulement qu'il serait possible de décliner logiquement l'ensemble des mesures à mettre en oeuvre pour garantir cet accès au droit et, à défaut de véritable égalisation, cette plus grande égalité des chances.
M. le PRÉSIDENT - Je comprends votre regret de n'avoir reçu le texte que le 10 décembre. Nous l'avons nous-mêmes reçu il y a peu de temps, ce qui ne va pas sans difficulté quand bien même nous travaillons, comme vous, sur ce sujet depuis longtemps.
M. Jean-Pierre GANTET - L'accessibilité ne concerne pas les seuls déplacements quotidiens. Elle concerne l'accès plus général à des possibilités telles que, pour les déficients sensoriels, le droit à l'information. Sa revendication en tant que droit ne suffit pas. Son accès doit être assuré. Or, dès lors que les orientations sont déclinées en dispositions législatives, elles deviennent de fait beaucoup plus complexes. Sans annonce visuelle, une personne malentendante n'a pas accès à l'information comme une personne malvoyante sans annonce sonore.
La compensation telle qu'elle est présentée ne répond pour nous qu'à ses exigences minimales. Elle ne comprend pas les situations de handicap. Elle ne s'adresse qu'à des personnes reconnues comme handicapées, de surcroît âgées de moins de vingt ans ou de plus de soixante ans, les premières relevant notamment de l'allocation d'éducation spéciale (AES). Or nous savons tous que cette prestation couvre les besoins de scolarité mais aucunement tous les besoins d'un jeune de cet âge. De même, après soixante ans, les personnes handicapées dépendent de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui ne constitue pas, à proprement parler, une compensation du handicap. Des progrès ont certes été enregistrés sur ce point. La Commission technique de la sécurité sociale s'est penchée sur ce problème pour tenter d'intégrer le handicap dans les groupes iso-ressources (GIR). Toutefois, nous ne sommes là qu'au début du travail à engager. Nous aurions souhaité qu'une loi-cadre, générale et intervenant trente ans après la première loi, couvre l'ensemble des besoins de compensation de la personne handicapée, de la prévention et du dépistage du handicap jusqu'à la fin de l'existence. La compensation est également limitée par le taux d'invalidité. Il était justifié de décliner le panel des prestations auxquelles chaque degré de handicap ouvrait droit. Or , en l'état, l'état médical de la personne est le premier critère de sélection du droit à la compensation, ses besoins réels n'étant considérés que dans un second temps. Cette barrière est anormale et anachronique. De même, la sélection par le revenu est tout à fait contraire à l'esprit de la loi qui voudrait que le maximum de personnes handicapées travaillent. Cette intention est certes tout à fait louable mais nous sommes cependant moins optimistes que le législateur. Nous sommes toutefois convaincus qu'un nombre beaucoup plus important de personnes handicapées doivent pouvoir travailler. Un certain nombre de mesures intéressantes ont été prises dans ce domaine, comme celle de la possibilité de cumuler l'AAH et le droit de retour. Néanmoins, malgré ces avancées significatives, conserver le revenu de la personne comme critère d'accès à la compensation est contradictoire. Si, par sa volonté, son intelligence et son acharnement, une personne handicapée parvient à gagner correctement sa vie, elle se verra alors dans l'obligation de payer elle-même sa compensation. C'est là une profonde anomalie.
M. le PRÉSIDENT - Vous pourrez nous adresser toutes vos remarques et propositions d'amendements. Elles seront discutées au sein de la commission.
M. Paul BLANC, rapporteur - Le problème posé par la scolarité n'a pas été évoqué. Les familles font souvent part des difficultés qu'elles rencontrent pour scolariser leurs enfants handicapés. Le projet de loi vous paraît-il suffisamment ambitieux sur ce point ? Quels pourraient être, selon vous, les axes d'amélioration ?
M. Jean-Marie SCHLERET - Une commission spécifique travaille sur ce sujet depuis de nombreux mois. Nous avions affiché sur ce point des ambitions que nous n'avons pas retrouvées, dans un premier temps, dans l'avant-projet de loi, à travers notamment quelques termes qui peuvent passer pour anodins pour un lecteur lambda, mais qui vous feront certainement réagir. L'article 6 prévoyait en effet que les élèves handicapés sont « inscrits et reçoivent une formation prioritairement dans l'école ou l'établissement d'enseignement public ou privé sous contrat le plus près possible du domicile, le cas échéant dans le cadre de dispositifs adaptés ». Les termes « prioritairement » et « adaptés » remettaient profondément en cause l'approche forte marquée par la volonté de Mme la secrétaire d'État Marie-Thérèse Boisseau. Le texte tel qu'il apparaît aujourd'hui a évolué sur ces deux points. Le terme « prioritairement » a été supprimé. S'agissant des besoins d'enfants présentant des handicaps lourds, comme les enfants autistes, qui requièrent des soins et des dispositifs particuliers - le rapport Chaussy nous a particulièrement éclairés sur ce point -, le texte précise que l'enseignement pourra être dispensé « au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés ». L'expression « le cas échéant » signifiait au contraire une forme d'impossibilité constitutive à l'accès à l'enseignement. Il convient également de ne pas oublier les étudiants présentant un handicap. Un long débat a eu lieu autour de l'établissement d'un possible statut d'étudiant handicapé. Nous avons combattu au sein du CNCPH cette possibilité. Un tel statut conduirait à une forme de discrimination. Dans sa première version, l'article 10 du texte préconisait que « les établissements d'enseignement supérieur encouragent et facilitent » l'accès des étudiants handicapés. Cela n'est pas acceptable. Le texte revu précise, maintenant à l'article 7, que les « établissements d'enseignement supérieur assurent » l'accueil des étudiants handicapés. L'argument qui nous a été opposé mérite certes d'être examiné. Il s'appuyait sur l'autonomie des universités et le rôle décisionnel des présidents d'université.
Plus généralement, les situations particulières doivent être prises en compte. Les familles d'enfants autistes souhaitent notamment une inscription dans l'établissement scolaire le plus proche du domicile. Les difficultés ainsi engendrées ne doivent pas être minimisées. En l'état, le mieux est l'ennemi du bien. Elles ne se posent pas seulement au niveau de l'école élémentaire mais dès l'école maternelle et même dès le premier accueil en dispositif de garde, en crèche ou en halte-garderie. Le fait d'une bonne intégration se joue dès ce niveau. Il faut évoquer dans ce domaine le rôle des CDES. A de très nombreuses reprises, les familles d'enfants autistes ont insisté sur le fait que les formulaires et les fiches en usage sont absolument inadaptés à leur cas. Ce système doit lui aussi être revu si nous voulons assurer une formation scolaire digne de ce nom, aussi bien dans le dispositif de droit commun que dans les structures d'accueil spécialisé, qu'elles viennent en complément du dispositif commun ou qu'elles constituent l'unique alternative pour l'enfant. Le monde enseignant doit également être associé à cet effort. Le rapport remis au ministre de l'éducation nationale a souligné l'insuffisance de formation des enseignants en général. Ce point est fondamental. Il existe certes les auxiliaires de vie scolaire. Ce dispositif est toutefois insuffisant. Le monde de l'Education nationale doit dorénavant être prêt à accueillir des élèves handicapés, quelle que soit la nature de leur handicap. Ce point renvoie également à la question de l'accessibilité. J'ai par ailleurs la responsabilité de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur. Je connais à cette occasion les difficultés posées par l'accueil et la sécurité des élèves handicapés. La responsabilité des collectivités locales est sur ce point en question. Des investissements adéquats devront être consentis. De même, le rapport de l'Education nationale préconisait l'établissement de douze ou quinze heures de formation obligatoire pour les enseignants. Cette proposition reste largement insuffisante.
M. le PRÉSIDENT - Ce nombre d'heures reste en effet très modeste pour permettre l'accueil et l'aide aux enfants quels que soient leurs handicaps.
Mme Michelle DEMESSINE - Je suis particulièrement contente que cette question de l'intégration en milieu scolaire soit posée. Le texte me paraît en effet faire preuve d'angélisme sur ce point. Il est certes honorable et nécessaire d'être volontariste. Néanmoins, j'observe une certaine tendance, sous couvert de bonnes intentions, à nier le handicap lui-même. Il s'agit de rester vigilant. Cette volonté d'intégration ne doit pas conduire à un systématisme forcené, ce qui aurait des effets plus dommageables encore que la situation que nous connaissons aujourd'hui. Je suis pourtant une grande partisane de l'intégration en milieu ordinaire. Toutefois, il ne faut faire preuve d'aucune radicalité, ni dans un sens ni dans l'autre. J'ai observé les plus belles réussites en matière d'intégration scolaire à l'occasion de passages répétés d'un système à l'autre tout au long du parcours scolaire. Cette logique doit être davantage travaillée et affinée. Il est de même généreux de souhaiter une scolarisation dans l'établissement le plus proche du domicile. Toutefois, cette intention est dangereuse. Elle pourrait laisser croire aux parents qu'il s'agit toujours de la meilleure solution. C'est en effet ce que souhaitent toujours les parents dans un premier temps sans concevoir encore toute la dimension et le poids du handicap de leur enfant, en particulier lorsqu'il est petit. Pour moi, il faut affirmer haut et fort à l'adresse de l'Education nationale et du monde enseignant que l'intégration des enfants handicapés relève de leur mission. Les moyens doivent cependant leur en être donnés sans quoi cette politique échouera nécessairement. Je crains que les enfants ne restent alors au fond de la classe. Je suis en cela partisane d'examens et de dispositions prises au cas par cas. En regard de la normalité, aller à l'école la proche de son domicile est préférable mais ce n'est pas toujours la meilleure solution. Les conditions d'accueil doivent être réunies. Les classes ne doivent pas être trop surchargées afin que les enseignants puissent disposer du temps nécessaire pour s'occuper des enfants handicapés. L'établissement doit également permettre le meilleur accès de l'enfant en étant assez spacieux et assez commode pour leur circulation. Je ne m'oppose donc pas à cette volonté d'intégration mais j'insiste sur le piège qu'elle pourrait constituer.
M. le PRÉSIDENT - Je partage cet avis. D'un point de vue social, le but de la compensation est de proposer la réponse la plus appropriée aux besoins de l'enfant et la plus favorable, sur le plan pratique, à la famille. Face à cet enjeu, il n'importe pas de savoir si l'enseignant ou les parents d'élèves sont importunés par l'accueil d'un enfant handicapé. La société doit se plier et s'adapter aux contraintes. Si l'accueil dans l'établissement le plus proche du domicile n'est pas le plus adapté, il faudra bien sûr admettre d'autres solutions. Quel est votre sentiment sur cette question ?
M. Jean-Marie SCHLERET - Les modèles mis en place à travers l'Europe ne sont pas nécessairement des modèles importables en France, en particulier le modèle italien qui a été mis en place à la fin des années 70 et qui fait problème, notamment pour l'accueil spécialisé. L'Italie était certes beaucoup moins avancée que la France dans ce domaine. En revanche, je retiendrais l'expérience, non de la Suède, mais de la Norvège et du Danemark qui, avertis que le mieux peut être l'ennemi du bien, ont conçu que le plus important n'était pas de faire rentrer de force un enfant dans une structure qui n'est pas la plus appropriée à son handicap mais que l'école ne se désintéresse pas de son parcours. L'école ne doit pas se dédouaner de cette responsabilité en faisant valoir son incapacité sur ce point. Elle doit apporter, dans une réponse circonstanciée, les éléments justifiant l'impossibilité de l'accueil d'un enfant handicapé, sans préjuger notamment d'un accueil futur éventuel de l'enfant. Vous avez fait mention des aidants familiaux. Je signale à cet égard que le CNCPH a souhaité qu'ils soient intégrés dans la compensation, ce qui n'apparaissait pas dans le premier texte. Le fait qu'une mère de famille ou qu'une parente prenne de son temps pour apporter son soutien à une personne handicapée, mineure ou majeure, doit être couvert par la prestation.
M. Guy FISCHER - Vous avez évoqué la compensation minimum qui a été retenue. Mme la ministre, dans les réponses qu'elle nous a faites hier, a insisté sur l'universalité de la prestation de compensation. Au vu des critères retenus, nous pouvons en douter. Avez-vous examiné plus précisément l'apport de ce projet de loi en matière de financement ? Mme la ministre affirme que les 850 millions d'euros dégagés constituent une somme inédite par rapport aux financements antérieurs. Jugez-vous qu'il s'agit là d'une véritable avancée par rapport aux besoins à satisfaire ou faut-il relativiser cet effort, dans l'attente notamment que le rapport que remettront les commissaires au mois de mai, comme M. Jamet me l'a annoncé hier soir, ne viennent lever les incertitudes qui pèsent sur ce point ?
M. Jean-Marie SCHLERET - Il est difficile de procéder à l'évaluation financière du dispositif. Dans un premier temps, un effort d'environ un milliard d'euros a été annoncé par Mme la secrétaire d'État qui souhaitait ainsi obtenir son financement. Je souligne à cet égard qu'il n'est pas courant qu'une loi votée par la représentation nationale trouve son financement dans les meilleurs délais. Selon les critères qui seront définis pour la fixation de la compensation, cette somme est susceptible de doubler, voire de tripler. Pour notre part, nous évaluons les besoins à un milliard d'euros. En revanche, cette question renvoie à l'insatisfaction, dont le CNCPH s'est fait l'écho, générée par le manque de lisibilité du dispositif. Outre les questions de l'accessibilité et de la compensation, les maisons départementales des personnes handicapées et la commission des droits et de l'autonomie, si elles voient le jour, s'inscriront dans un dispositif national qui n'est pour l'instant pas arrêté. Nous avions beaucoup travaillé avec Denis Piveteau sur l'Agence nationale du handicap. MM. Briet et Jamet, que nous avons auditionnés il y a une dizaine de jours au CNCPH, ont témoigné des incertitudes qui subsistent sur ces questions, notamment sur le point du pilotage départemental. Or la fixation de critères pour la détermination de la compensation implique la constitution de commissions d'évaluation dont l'indépendance devra, en outre, être assurée. Ce dispositif n'est pas encore suffisamment précisé pour que nous puissions juger de l'ensemble du projet législatif.
M. Jean-Pierre GANTET - Il faut reconnaître que le texte constitue une avancée sur le plan budgétaire. Le budget consacré au handicap a été plutôt favorisé l'an dernier et cette année, et pourra bénéficier de ces 850 millions d'euros supplémentaires. Ceci étant, la Cour des comptes estime que le handicap représente en 2002, toutes sommes confondues, un budget de 26,2 millions d'euros. Si nous leur ajoutons 850 millions d'euros, nous parvenons au total de 27 milliards d'euros. Cet effort, certes appréciable, ne correspond en aucun cas aux avancées promises. Les incertitudes qui pèsent sur l'organisation définitive du dispositif rendent extrêmement difficile le chiffrage de leur coût. Le gouvernement vient d'adjoindre à la loi un certain nombre de plans d'action. Nous lui en sommes tout à fait reconnaissant. Cependant, pour qu'un plan d'action soit efficace, ses objectifs doivent être clairement définis - ils le sont en général -, qu'un calendrier soit établi - il est généralement bien fait -, que des critères de suivis et d'évaluation soient fixés - les textes sont beaucoup plus discrets sur ce point - et que le financement en soit assuré - aucun de ces plans d'action n'en porte la trace -. Les incertitudes sont très nombreuses. Je suis donc dans l'incapacité de répondre à votre question.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie, messieurs, pour votre témoignage. Nous restons à votre disposition pour recevoir vos propositions d'amendements, les étudier et éventuellement les traduire dans le futur texte si la commission en est d'accord.
M. Jean-Pierre GANTET - J'ajoute que le comité d'entente travaille actuellement à l'élaboration d'un certain nombre d'amendements qui seraient communs aux différents acteurs concernés. Nous les soumettrons au CNCPH qui, s'il en est d'accord, vous les transmettra. Ces amendements, dont le nombre est de huit ou dix, nous paraissent très importants afin de pallier les imprécisions de la loi ; en l'état actuel elle est en effet susceptible de prêter à des interprétations diverses dans les décrets d'application. C'est pourquoi nous souhaiterions que huit ou dix phrases clés expriment clairement la volonté du législateur.
M. le PRÉSIDENT - Je vous invite à nous les transmettre dans les délais les plus brefs. La commission arrêtera en effet son choix sur les amendements la semaine prochaine. Merci messieurs.
Audition de Mme Laurence
TIENNOT-HERMENT, présidente,
et M. Jean-Claude CUNIN, responsable du
pôle revendications
de l'Association française contre les
myopathies (AFM)
(mercredi 4 février 2004)
M. le PRÉSIDENT - Mes chers collègues, nous accueillons maintenant Mme Laurence Tiennot-Herment, présidente, et M. Jean-Claude Cunin, responsable du pôle « revendications », de l'Association française contre les myopathies.
Nous sommes heureux de recevoir les responsables de l'Association française contre les myopathies. Pouvez-nous nous donner votre sentiment sur ce texte ?
Mme Laurence TIENNOT-HERMENT - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, l'association française contre les myopathies défend une éthique associative qui s'incarne dans des valeurs et des fondamentaux dont le principal est le suivant : à l'AFM, nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons. Je souhaitais aussi insister sur le fait que nous dépendons chaque année de la générosité publique. Lorsque le compteur s'allume au début du Téléthon, nous ne disposons que de trente heures pour montrer exactement ce que nous avons fait dans l'année et ce que nous allons faire l'année suivante. Nous sommes jugés à partir de ces informations. Nous sommes donc dans l'obligation de faire ce que nous disons et de dire ce que nous faisons.
Le 14 juillet 2002, le Président de la République a annoncé qu'il ferait de la question du handicap un des grands chantiers de son quinquennat. Le 3 décembre 2002, lors de l'installation du CNCPH, le Président a également annoncé qu'il fallait maintenant personnaliser le soutien apporté à chaque personne handicapée, en tenant compte de ses caractéristiques et de son projet de vie dans le cadre d'un nouveau droit à compensation des conséquences et surtout des surcoûts entraînés par le handicap. Depuis quelques semaines, à travers leurs interventions, M. Mattei et Mme Boisseau insistent sur le fait que ce grand projet de loi est fondé sur deux grands principes, la non-discrimination et le droit à compensation universelle. Je me réjouis, en tant que présidente de l'AFM, de ces annonces et de ces grands principes qui tendraient à restaurer la personne en situation de handicap dans sa citoyenneté.
Cependant, la traduction de ces annonces et principes dans le projet de loi est très en deçà de leurs ambitions. Le droit à compensation universelle, qui devait en être la clé de voûte, est en réalité réduit à une simple prestation de compensation forfaitaire et discriminante. De fait, elle exclut les enfants de moins de vingt ans, sous prétexte qu'existe l'allocation d'éducation spéciale (AES). Or cette allocation ne couvre pas les besoins en aide technique, de manière insuffisante les besoins en aide humaine et exige dans certains cas, en particulier les plus lourds, la cessation d'activité d'un des deux parents. Cette prestation est également discriminante en ce qu'elle est modulée en fonction des revenus, ce qui est proprement incongru : les dépenses de santé sont-elles, en effet, remboursées en fonction des niveaux de revenu ? Enfin, cette prestation est discriminante en ce qu'elle ne s'applique qu'aux personnes dont le taux d'invalidité excède 80 %. Qu'est-il proposé pour les personnes dont le taux est inférieur mais qui n'ont pas moins de besoins spécifiques du fait de leur incapacité ?
Nous demandons donc la mise en place d'un véritable droit à compensation universelle, tel qu'il a été voté par vous-mêmes dans le cadre de la loi de modernisation sociale dans son article 53 : « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ». Ce droit à compensation est également décrit dans le rapport de M. Paul Blanc, page 57, sous ces termes : « l'allocation compensatrice individualisée devra donc obéir à une règle simple mais essentielle : garantir à chaque personne handicapée la prise en charge intégrale des frais liés à la compensation de son handicap ».
Je comprends de cette définition qu'à partir de l'évaluation individualisée des besoins des personnes prenant en compte leurs potentialités, leurs projets et leur environnement, le droit à compensation doit assurer la couverture intégrale de leurs besoins en aides humaine, technique et animalière et en adaptation du cadre de vie, qu'elles vivent en domicile ou en institution. Il me paraît également inconcevable que ce projet de loi soit absolument dissocié de la réforme en cours de l'assurance maladie et de la loi concernant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Quelles seront les prérogatives de ces différentes instances, notamment en matière de financement ? Ces questions ne peuvent être considérées séparément. Par ailleurs, je ne peux que constater que cette loi manque d'ambitions. La question de l'intégration des personnes en situation de handicap dans la société reste marginale. Nous étions au contraire en droit d'attendre de la loi qu'elle leur permette d'exercer pleinement leur vie citoyenne et de participer pleinement à la vie économique et sociale de notre pays. En réponse à cette remarque, il m'est dit que le ministère est dans l'obligation de faire des lois en fonction des budgets dont il dispose. Cette loi vaudra pour les deux décennies à venir. Quelle est l'utilité, alors, des lois de programmation, des règlements ou des décrets d'application ?
Enfin, en tant que mère, je rappellerai la situation quotidienne de nos familles. Faute de la non-prise en compte des besoins en aide humaine, ce que connaissent aujourd'hui nombre de nos malades, il y a de la part de l'État non-assistance à personne en danger et euthanasie passive. Nos enfants ne peuvent en effet s'alimenter et faire un mouvement seuls. La prise en compte de ces besoins vitaux est indispensable aujourd'hui pour un grand nombre de nos adhérents. Je vous remercie de m'avoir entendue.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie. Votre propos comporte un nombre de vérités que je partage pleinement.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je partage moi aussi un certain nombre de vos points de vue. Vous avez fait allusion à une phrase de mon propre rapport. Je ne reviendrai donc pas sur mes propos, n'ayant pas l'habitude de renier mes écrits et mes paroles. Toutefois, vous avez insisté sur les aspects négatifs du projet de loi. N'en jugez-vous cependant pas quelques aspects positifs ?
Mme Laurence TIENNOT-HERMENT - Cette loi manque d'ambition. Le droit à compensation devait en être la véritable clé de voûte. Le projet marque certes des avancées significatives pour certaines catégories de personnes en situation de handicap. Mais était-ce la seule ambition de ce projet ? Pour moi, cette question doit être traitée à un niveau culturel et philosophique supérieur. La loi de 1975 s'attachait à l'intégration des personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, cette loi devrait s'attacher à leur participation pleine et entière. Si le droit à compensation avait été appliqué tel que vous l'avez décrit dans votre rapport, il aurait permis une véritable égalisation des droits et des chances.
M. Guy FISCHER - Mme Demessine et moi-même partageons un certain nombre de vos propositions critiques. Dans le dialogue que nous avons eu avec Mme la ministre, nous avons principalement débattu du caractère universel de la compensation. Trente ans après la première loi, sommes-nous dans la bonne voie ou notre chemin est-il entravé par des questions de financement ? Nous pouvons nous interroger. Les incertitudes concernant la répartition des rôles entre l'État, l'assurance maladie et les collectivités territoriales ainsi que celles concernant l'architecture de la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont nombreuses. Pensez-vous que les délibérations du Sénat sont a priori entravées par l'insuffisance de moyens capitaux pour la mise en oeuvre d'une véritable politique ?
M. Jean-Claude CUNIN - Mes prédécesseurs à cette tribune ont abordé à plusieurs reprises ce problème. Nous partageons ces préoccupations. Il est de fait difficile de définir une politique d'ensemble sans connaître encore comment seront déclinés les organisations concernées et les moyens nécessaires. Ainsi pouvons-nous paraître négatifs quant au projet d'ensemble. De fait, les points positifs que nous pourrions souligner sont des points de détail alors que la problématique générale, concernant notamment la mise en oeuvre de la compensation, pose encore de nombreuses questions. Pourquoi cette loi est-elle complétée, avant même d'exister, par un certain nombre de programmes ? Le programme pour les personnes très lourdement handicapées nous concerne particulièrement. Il y a urgence pour ces personnes. Or ce programme prévoit que l'année 2004 sera consacrée à la définition de son action, l'année 2005 à son expérimentation dans deux départements, sa généralisation effective n'intervenant qu'en 2006 et 2007. Même si l'expression de non-assistance en danger a pu vous choquer, imaginez-vous ce que vont devenir les personnes qui sont en situation de grande dépendance ou d'urgence d'ici à 2007 ? Or la loi permettait une alternative très simple : si le droit à la compensation était mis en oeuvre tel qu'il a été imaginé, appuyé sur l'évaluation des besoins individuels et permettant leur prise en charge intégrale, aucun programme complémentaire ne serait nécessaire. Dès l'application de la loi au 1 er janvier 2005, nous aurions été en mesure de prendre aussi bien en compte la situation d'une personne capable d'aller à l'école ou de travailler que celle d'une personne lourdement dépendante actuellement en situation d'urgence à domicile. La loi aurait dû permettre d'apporter cette double réponse. Si des programmes complémentaires sont nécessaires, c'est bien qu'elle est lacunaire.
Par ailleurs, nous partageons le jugement de nos prédécesseurs sur la prestation de compensation. Il est contradictoire qu'une loi dont l'objectif est de lutter contre la discrimination fixe des critères d'âge, de degré de handicap et de revenu. Sur ce dernier point, au nom de quoi la société pourrait-elle dire à l'une des deux personnes ayant fait les mêmes études, ayant le même diplôme et exerçant le même travail pour un même salaire qu'elle ne peut jouir, comme sa femme et ses enfants, du fruit de son travail comme son collègue, parce qu'elle doit prélever sur son revenu les sommes nécessaires au paiement d'une partie de son aide technique et humaine et à l'aménagement de son véhicule et de son logement ? Ces problèmes très concrets doivent être pris en considération pour qu'une véritable égalisation des chances et qu'un véritable droit à compensation voient le jour. S'il n'est pas possible dès aujourd'hui d'assurer la viabilité financière d'un droit à compensation universelle, une solution à moyen terme doit être trouvée et des paliers définis pour sa réalisation. Un de ces paliers pourrait être une forme de panachage des dispositions actuelles du projet de loi et des propositions de M. Blanc dans son rapport. Cette discrimination vis-à-vis des enfants pourrait ainsi être supprimée dans un premier temps. Dans votre rapport, vous émettiez en effet l'idée d'une allocation compensatrice personnalisée des frais linéaires, permanents et récurrents des personnes handicapées. Un droit de tirage sur les fonds départementaux a également été évoqué. Nous proposons à cet égard, dans le document qui vous a été remis, une prestation ponctuelle de compensation traitant des problèmes d'investissement lourd, comme les aides techniques, les aménagements du logement et les aides animalières qui sont ponctuellement d'un coût élevé. Ce complément pourrait être sans condition d'âge si l'on considère que l'allocation d'éducation spéciale (AES) constitue la prestation linéaire et continue pour les enfants, sous réserve qu'elle réponde effectivement aux besoins des plus lourdement handicapés et dépendants, notamment en permanence d'aide humaine. Comme le rappelait M. Paul Blanc dans son rapport, l'AES vient d'être réformée. Le temps nous permettra d'en ajuster les effets. Aujourd'hui, un enfant de moins de dix-huit ans, tétraplégique et trachéotomisé à domicile, bénéficie d'une allocation de 1.059 euros, à la condition qu'il jouisse d'un complément. Or ce complément n'est délivré qu'à la condition qu'un des deux parents abandonne son activité professionnelle, ce qui rend les conditions d'existence des familles monoparentales particulièrement difficiles.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie pour ces remarques. Elles correspondent à l'esprit de la proposition de loi que nous avons déposée avec M. Blanc. Il est effectivement intéressant de mettre en perspective ces dispositions. C'est là, certainement, un manque de la loi. Nous avons conscience qu'un certain nombre de charges ne pourront être assumées immédiatement. La loi doit toutefois s'inscrire dans un projet global. Nous allons y travailler. L'un d'entre nous a réagi à votre propos sur la non-assistance à personne en danger. Pour ma part, j'admets que certaines situations auxquelles sont confrontées des personnes isolées et dépourvues de moyens relèvent pratiquement de la non-assistance à personne à danger. A cet égard, nous sommes confrontés à un grand défi. Il appartient aux hommes politiques d'y répondre, même s'ils ne peuvent donner que ce qu'ils collectent. Nous devons là assumer nos responsabilités, compte tenu que nous parlons là des personnes les plus faibles.
Mme Michelle DEMESSINE - Madame la présidente, j'aimerais savoir si vous partagez la réflexion suivante. Le débat que nous venons d'avoir révèle, comme j'en ai fait part à Mme la ministre lors de son audition, l'imbroglio profond du système des aides techniques. Celles-ci constituent une part très importante de la compensation. Je crains qu'elles ne prennent la part majoritaire. Nous avons cependant encore le temps d'en discuter. Or, à l'origine, les aides techniques étaient à la charge de l'assurance maladie. Celle-ci ne répondant que partiellement ou mal aux besoins des personnes handicapées, dont elle n'a pas, en outre, pris en compte les évolutions, d'autres institutions, comme les conseils généraux ou vous-mêmes, à travers le Téléthon, ont été mises à parti pour compenser ses déficiences. Les sites autonomes ont même été mis en place à cet effet afin de regrouper tous les financeurs. Ils sont aujourd'hui si surchargés qu'ils ne peuvent répondre à toutes les demandes. Une troisième source de financement est aujourd'hui envisagée à travers la compensation. Cette situation démontre une profonde rupture d'égalité entre les citoyens. Une personne qui a besoin d'une prothèse est remboursée intégralement. Elle n'a pas besoin, pour ce faire, au contraire des personnes handicapées, de solliciter une autre institution. Je suis profondément convaincue que la prise en charge de la totalité des aides techniques doit revenir à l'assurance maladie. Cette prise en charge clarifierait particulièrement les dispositions de la compensation. Nous aurions alors plus de liberté pour définir ses véritables prérogatives afin de permettre le passage de l'intégration à la participation effective à la citoyenneté.
Par ailleurs, je remarque, en particulier à l'adresse de mes collègues, la très grande attente soulevée par ce projet qui porte sur l'avenir d'une génération entière. Cette attente a été de plus décuplée par les déclarations du Président de la République. Nous devons en être conscients. Les personnes handicapées ne sont pas seules dans l'attente, leurs familles le sont également. Celles-ci assurent en effet aujourd'hui en grande partie la compensation. Ainsi vivent-elles dans l'angoisse de ne plus pouvoir, un jour, faire face à cette situation, d'autant qu'elles permettent, aidées en cela par les progrès techniques, aux personnes handicapées d'avoir une vie plus épanouie. Nous devons prendre en compte cette responsabilité de la société vis-à-vis de ces personnes et de leurs familles.
Mme Laurence TIENNOT-HERMENT - Face aux incertitudes de ce projet de loi et aux réformes en cours de l'AES et de l'assurance maladie, il m'est difficile de me prononcer sur l'opportunité d'une prise en charge intégrale des aides techniques par l'assurance maladie. En tant que Présidente d'association, je peux toutefois revendiquer la prise en charge effective, par quelque entité que ce soit, de l'intégralité des charges techniques et humaines, qui ne doivent plus revenir aux familles. Je connais particulièrement cette situation. Je sortirai, si vous me le permettez, du cadre de ma responsabilité au sein de l'AFM. Mon fils est décédé il y a trois mois, à l'âge de dix-neuf ans et demi, alors qu'il passait de la période CDES à la période COTOREP. Seule pour l'élever, je ne disposais pour subvenir à ses besoins, alors qu'il vivait à mon domicile, ayant mené un long combat afin qu'il puisse aller au lycée - il venait de passer son bac au mois de juin dernier - que de la somme dérisoire de 1.085 euros par mois. J'ai été dans l'obligation d'arrêter toute activité professionnelle afin de pouvoir lui dispenser les soins très techniques dont il avait besoin. Une grande partie de nos familles connaissent cette situation invivable. Or les établissements dans lesquels ces enfants sont placés reçoivent 300 euros par jour pour s'en occuper. Cette somme n'est un problème pour personne, mis à part la question du nombre de places qui vont, fort heureusement, croître grâce à cette loi. Cette disproportion est inacceptable. Bien que nous devions assurer seuls la charge des aides techniques et humaines nécessaires et subvenir aux besoins quotidiens de nos enfants, nous nous battons de plus pour les intégrer et leur permettre d'avoir la vie la plus normale possible, puisque ce sont des enfants qui n'ont aucun problème et qui n'ont qu'une envie, celle de participer à la vie citoyenne.
M. le PRÉSIDENT - Madame la présidente, je vous remercie, pour vos propos et pour ce témoignage sans conteste très utile pour notre réflexion.
Audition de M. Philippe VAN DEN
HERREWEGHE,
Mme Cécile KERBEL et M. Dominique LEDOUCE
du Collectif
des démocrates handicapés (CDH)
(mercredi 4 février
2004)
M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant les représentants du CDH. Mes chers collègues, j'accueille M. Philippe Van den Herreweghe, Mme Cécile Kerbel et M. Dominique Ledouce du Collectif des démocrates handicapés (CDH).
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Le Collectif des démocrates handicapés, créé en décembre 2000, est un mouvement politique. Considérant que le monde associatif n'avait pas assez pesé pour l'intégration des personnes handicapées et qu'il était nécessaire d'attaquer les élus sur leur propre terrain, nous avons en effet décidé la création d'un mouvement politique. Nous comptons ainsi témoigner auprès des hommes politiques des situations qu'ils ne rencontrent jamais, parce qu'ils ne vivent pas avec le handicap et parce que celui-ci est invisible dans notre société comme dans notre monde politique. Pour le vivre quotidiennement, nous avons une bonne connaissance du handicap. Nous avons donc la tâche d'apprendre comment il est vécu et comment nous pouvons le vivre ensemble.
Après une rédaction menée à huis clos, le projet de loi ne traduit pas le volet démocratique de la citoyenneté des personnes handicapées et la prise en main de leur propre destin. Or il revient à la société tout entière de s'adapter afin de permettre aux personnes handicapées d'exercer leur citoyenneté. L'égalité des droits et des chances des personnes handicapées implique une révolution culturelle. Elle passe inévitablement par la rédaction d'un texte de loi suivi de décrets d'application, eux-mêmes suivis de contrôles et de sanctions graduelles. La loi du 3 juin 1975 a reconnu les droits sociaux des personnes handicapées. La nouvelle étape consiste à favoriser la participation des citoyens handicapés à la vie démocratique et sociale. Jusqu'à présent, les personnes handicapées ne prenaient la parole que parce qu'on la leur donnait. Le plus souvent, on parlait pour elles. Aujourd'hui, elles ont envie de parler d'elles et de leurs besoins. Par leur vécu, elles sont les plus compétentes pour déterminer la manière dont elles doivent être traitées dans notre société. Les parents des personnes handicapées sont également compris dans cet enjeu.
L'enjeu de cette loi est de construire une politique du handicap en France pour les décennies à venir en faisant des personnes handicapées des citoyens à part entière et non des assistés incapables. Eu égard au chantier prioritaire du Président de la République, le projet de loi concrétise peu, dans les faits, la citoyenneté des personnes handicapées. Les 850 millions d'euros supplémentaires financés par les jours chômés ou les RTT abandonnés ne peuvent permettre une politique ambitieuse susceptible de rehausser la mauvaise situation de la France par rapport aux pays européens les plus avancés. Le CDH propose donc des amendements permettant d'inscrire un certain nombre de principes et de mesures significatives nécessaires à de véritables avancées. Le CDH a développé différentes propositions pour lutter contre la maltraitance des personnes handicapées. Il regrette que cet aspect essentiel, comme certaines propositions innovantes des sénateurs, n'aient pas été traités dans le projet de loi. La prise en compte de ces amendements et propositions apportera à ce projet de loi la dimension que nous exigeons de la représentation nationale et des convictions républicaines de tous les élus. Cinq dispositions principales permettront de faire de la personne handicapée un acteur :
Il faut créer un statut d'association représentative de personnes handicapées : cette disposition paraît essentielle pour la mise en oeuvre d'une loi qui doit distinguer les associations gestionnaires d'établissements et les associations représentant les personnes handicapées ou leurs parents.
Il faut créer un Conseil national de l'égalité des personnes handicapées. Sur le modèle scandinave, il assurera la participation des personnes handicapées à l'élaboration et à la mise en oeuvre des lois, devra être consulté et donner un avis sur tout texte présenté.
Les maisons départementales des personnes handicapées devront constituer un service de proximité cogéré par les usagers handicapés. Il faut prévoir au sein de la commission des droits et de l'intégration des personnes handicapées la participation des associations représentatives des personnes handicapées.
Il faut permettre l'accès aux urnes et aux émissions électorales à tous les handicaps (bulletins de vote en braille, émissions sous-titrées, isoloirs accessibles). La possibilité du vote électronique doit pouvoir être envisagée pour les personnes handicapées.
Les personnes handicapées ne pouvant manifester comme tout citoyen, pour des raisons physiques, de déplacement ou financières, l'État doit favoriser le droit de pétition afin d'ouvrir un débat national au sein du Parlement et afin qu'elles puissent ainsi dialoguer avec la représentation nationale.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je vous remercie. Quelle appréciation portez-vous sur la définition du droit à compensation proposée par le projet de loi ? La nouvelle prestation de compensation vous paraît-elle constituer une traduction satisfaisante de ce droit ? Quelles améliorations de ce dispositif jugeriez-vous souhaitables ?
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Vous parlez de droit et de droit pour tous. Nous pouvons considérer que ce droit à compensation ne doit pas être limité par des contraintes physiques, d'âge ou de revenu. C'est pourquoi nous sommes extrêmement choqués du fait que ce droit soit interdit aux personnes de moins de vingt ans, qui bénéficieront de l'allocation d'éducation spéciale (AES) plafonnée à la hauteur de 7.000 francs, ce qui est proprement insuffisant pour un enfant de seize ans gravement handicapé et ayant besoin de soins à toute heure du jour et de la nuit. C'est là encore le père ou la mère qui vont devenir prisonniers du handicap toute leur vie. Ce point est extrêmement important. Il est inconcevable d'exclure de la compensation des citoyens qui grandissent aujourd'hui avec beaucoup d'espoir. S'ils ne reçoivent pas cette possibilité d'être aidés, leur enfance et leur adolescence seront gâchées. Il faut donc leur donner, de manière essentielle, toutes leurs chances.
De même, le CDH est extrêmement choqué et refuse que le droit à compensation soit limité par le taux d'invalidité. Il est fait mention d'une ouverture des droits à partir d'un taux de 80 %. Cela est inacceptable. Aujourd'hui, les taux d'invalidité sont curieusement fixés à 78 ou 79 %. Le projet de loi était-il connu avant que nous n'en ayons nous-mêmes connaissance ? Il importe également de ne pas tenir compte du revenu ou du patrimoine. Nous ne pouvons pas imaginer qu'une personne de 27 ans devenant paraplégique suite à un accident de la route et conservant son travail soit dans l'obligation de payer elle-même son fauteuil et son aide à domicile, voyant ainsi son revenu amputé de moitié. Le droit à la compensation doit être égal pour tous et sans critères de sélection.
La question de l'aide humaine est elle aussi essentielle. Celle-ci dépendait jusqu'à aujourd'hui d'une association. Nous demandons que cette aide humaine soit versée directement à la personne handicapée afin qu'elle puisse elle-même embaucher son aide à domicile. Elle a de fait des critères d'appréciation plus appropriés qu'une institution. Un contrôle a posteriori pourrait être assuré. Il importe de faire confiance aux personnes handicapées. En outre, le recours à une tierce personne est parfois nécessaire pour assurer des actes essentiels. Nous souhaiterions que soit également intégrée la notion d'acte courant ou quotidien, que ce soit dans un lieu privé ou pour sortir ou se divertir. Enfin, si la prestation de compensation doit être plafonnée selon des conditions de revenu, il faut faire de même pour la Sécurité sociale. Conformément à un traitement égalitaire de tous, aucune raison ne s'oppose à ce que les personnes handicapées puissent bénéficier de cette aide. De surcroît, celle-ci ne doit être ni suspendue ni réduite en cas d'hospitalisation. Un locataire doit en effet payer son loyer tous les mois et a à sa charge les coûts réguliers imposés par la vie courante. Ainsi la suspension de l'AAH en cas d'hospitalisation de plusieurs semaines met-elle aujourd'hui les personnes handicapées dans des situations très difficiles sur le plan financier. Il nous faut prendre en considération que la personne doit bénéficier d'un revenu minimum et pouvoir vivre décemment et dignement.
M. Paul BLANC, rapporteur - Quelle appréciation portez-vous sur les dispositions du projet de loi relatives à l'accessibilité ? Quelles sont, selon vous, les améliorations nécessaires pour donner un contenu au principe de « l'accès de tous à tout » ?
M. Dominique LEDOUCE - Avant de considérer l'accessibilité à la scolarité, à l'emploi, au logement ou au transport, j'aborderai cinq thèmes concernant l'accès de « tous à tout ».
Nous avons travaillé sur la notion de « bien-traitance ». Les sénateurs ont fait des propositions sur la maltraitance des personnes handicapées en institution. Nous souhaiterions que le projet de loi comprenne un article concernant la « bien-traitance » des personnes handicapées. Le CDH demande la nomination d'un défenseur des personnes handicapées sous la forme d'une haute autorité indépendante appuyée sur un réseau de correspondants locaux. Nous demandons également l'instauration d'un numéro vert afin de permettre aux personnes handicapées, vivant en institution ou à domicile, de faire part des actes de maltraitance dont elles sont les victimes.
Nous avons également souhaité une « solution adaptée sur le territoire national ». Ce projet de loi concerne en effet les personnes handicapées résidant en France or beaucoup de personnes handicapées françaises sont, comme nous le disons de manière singulière, « déportées » ou « exilées » en Belgique. Nous souhaiterions qu'une convention soit passée à l'occasion de l'adoption de cette loi entre la Belgique et la France concernant les conditions d'accueil des personnes handicapées. Il y a de bons établissements en Belgique mais aussi de mauvais. Nous souhaiterions que les personnes handicapées françaises « déportées » ou « exilées » en Belgique bénéficient des mêmes conditions d'accueil qu'en France. Un article dans le projet de loi doit satisfaire ce point.
Nous souhaitons également qu'un titre de la loi traite de la question de la sexualité des personnes handicapées. Un nombre important de nos adhérents ont émis ce souhait. Cette question pourrait être abordée sous l'angle de la prévention ou de l'éducation sexuelle.
Afin de permettre une vie culturelle, sportive et touristique aux personnes handicapées, nous souhaitons voir la mise en accessibilité des lieux culturels, en particulier des bibliothèques avec mise à disposition de supports adéquats, notamment à disposition des personnes aveugles. Nous souhaiterions également que soit assurée l'accessibilité des sites Web et que soit dispensé un soutien artistique aux personnes handicapées.
Enfin, concernant les soins infirmiers, nous souhaitons qu'un article de loi précise le statut des auxiliaires de vie et qu'elles aient l'obligation d'une formation qualifiante.
Concernant l'accessibilité à la scolarité, nous souhaitons que l'école du quartier constitue l'école de référence pour les enfants handicapés. L'ensemble des bâtiments doivent être rendus accessibles. Nous exigeons par ailleurs que l'ensemble, et non quelques-uns, des enseignants soient formés à la scolarisation et à l'éducation des enfants handicapés. Pour l'enseignement supérieur, nous souhaitons une adaptation du code national des examens permettant la pleine égalité des candidatures des personnes handicapées. Nous souhaitons notamment que la pratique de la langue des signes soit prise en compte. Le mot d'ordre général de la scolarisation doit être celui de tout faire pour que les enfants et les adolescents handicapés puissent aller en milieu ordinaire avec et comme les autres enfants. Il ne faut pas nous dédouaner de nos responsabilités à travers des articles de loi concernant la scolarisation en milieu spécialisé qui permettraient à l'Education nationale de se substituer en refusant d'accueillir un enfant et en l'orientant vers un établissement spécialisé.
Concernant l'emploi, le travail adapté et le travail protégé, nous nous interrogeons sur plusieurs points. Un emploi sous-entend un revenu. Nous souhaitons à cet égard que les personnes handicapées puissent bénéficier d'un revenu d'existence et, par conséquent, que l'allocation adulte handicapé (AAH) soit égale au SMIC et qu'elle soit indexée sur son évolution. Les personnes handicapées se trouvent confrontées à des situations d'urgence pour la rémunération de leur auxiliaire de vie du fait de la diminution de leur allocation. Elles doivent alors réduire leur prestation en aide humaine.
Sur le plan de la formation professionnelle, nous en avons assez que les personnes handicapées soient dans l'obligation de partir loin de chez elles afin de pouvoir suivre une formation dans un établissement spécialisé. Il existe dans toutes les villes des centres du Groupement des établissements publics locaux d'enseignement (GRETA) et de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Nous souhaitons qu'ils s'ouvrent aux personnes handicapées, 80 % d'entre elles étant très peu qualifiées.
Concernant l'emploi, nous sommes satisfaits, par rapport au premier projet de loi, de l'article qui touche à l'aménagement d'horaires individualisés. Il est en effet important que les personnes handicapées, en fonction de la nature de leur handicap, puissent bénéficier d'horaires aménagés. Nous sommes également satisfaits de la suppression de la liste des aptitudes particulières. En revanche, la suppression de l'article L. 323-12 du code du travail constituerait pour nous une aberration en permettant de ne plus tenir compte des catégories de reconnaissance du travailleur handicapé. Ainsi serait légitimée l'équivalence entre un handicap et une unité bénéficiaire. Nous nous sommes interrogés sur les moyens de faciliter l'emploi d'une personne handicapée par rapport à une personne présentant un handicap léger. Nous attirons votre attention sur le risque de favoriser l'entrée sur le marché du travail des personnes dont le handicap est léger au mépris des personnes dont le handicap est plus lourd. Un employeur privilégiera toujours une personne disposant d'une carte de station debout pénible plutôt qu'une personne possédant un fauteuil roulant. Nous vous interpellons sur ce point.
En outre, le nouveau projet de loi fait passer la contribution AGEFIPH (Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) de 500 à 600 fois le SMIC horaire. La sanction proposée par le texte des sénateurs était toutefois beaucoup plus importante. Elle s'élevait à 1.500 fois le SMIC horaire. Nous devons être clairs sur cette question. S'il s'agit de favoriser l'emploi des personnes handicapées, il faut alors nous en donner les moyens. Il est vrai qu'il faut favoriser les entreprises qui assument leur responsabilité en embauchant des personnes handicapées. Toutefois, 40 % des entreprises françaises refusent d'employer des personnes handicapées ou de travailler avec des structures protégées. Une action doit être menée. Vous avez proposé de porter la contribution AGEFIPH à 1 500 fois le SMIC horaire. Faites-le. Par ailleurs, les dispositions concernant la convention de branche et les accords professionnels sont satisfaisants, à condition du moins que le rythme de leur mise en oeuvre soit favorable. Il est proposé de procéder à des négociations entre le patronat et les représentants syndicaux sur la question de l'emploi des personnes handicapées tous les trois ans. Si nous voulons véritablement favoriser l'emploi des personnes handicapées, il faut, selon nous, impulser une dynamique sur les premières années en demandant une négociation tous les ans. Sur le plan de la fonction publique, un important effort doit également être mené. Il est notamment du devoir de l'État de montrer l'exemple aux entreprises privées. La création d'une AGEFIPH publique nous paraît une bonne chose. Toutefois, des moyens adéquats devront être dégagés afin de satisfaire véritablement les dispositions de la loi. Nous avons donc quelques réserves quant à leur viabilité future.
Nous souhaitons, par ailleurs, l'établissement d'une retraite à la carte pour les travailleurs lourdement handicapés. Nous demandons un droit à la retraite à taux plein au terme de vingt années de cotisation avec prise en compte des dix meilleures années pour les personnes présentant un taux d'invalidité supérieur à 80 %. Nous invitons à cet égard les sénateurs à présenter des amendements tenant compte du vieillissement des personnes handicapées, dont l'avenir est toujours sombre. Le projet ne prévoit également aucune disposition susceptible de pallier le vieillissement des parents. Des propositions ont certes été faites concernant l'accueil temporaire. Il nous paraît toutefois important de donner les moyens d'une véritable politique pour les personnes handicapées âgées.
Par ailleurs, nous sommes certes intéressés mais surtout réticents à l'égard du concept d'entreprise adaptée. Il est nécessaire de moderniser le nom des « ateliers protégés » afin qu'ils deviennent de véritables « entreprises adaptées ». Nous craignons cependant que cette disposition ne traite pas du fond du problème. Il ne suffira pas que ces entreprises adaptées soient intégrées dans le circuit économique ordinaire pour que les personnes handicapées qui y sont employées soient réellement intégrées dans le monde du travail. Les adhérents au CDH qui nous interpellent sur ce sujet souhaitent surtout s'intégrer dans le milieu ordinaire et plus encore bénéficier d'un nouveau statut, ce que ne permet pas le concept d'entreprise adaptée. Nous souhaitons que ce point soit précisé. Je rappelle que les sénateurs étaient déjà allés dans ce sens en proposant, en filigrane, de permettre aux personnes handicapées d'aller vers le milieu ordinaire. Nous restons sceptiques, à l'instar de nos adhérents salariés, quant à la possibilité pour les entreprises adaptées de constituer un marchepied vers les entreprises ordinaires. Nous sommes toutefois satisfaits du choix des expressions « contrats de soutien » et « aide par le travail ». La réalité à laquelle sont confrontés les travailleurs de centres d'aide par le travail (CAT) est cependant tout autre. Ils n'y bénéficient pas, en particulier, de soutien. Les salariés travaillent 39 heures. En région parisienne, certains centres d'aide par le travail que nous avons pu visiter ressemblent à de véritables ateliers clandestins. Les soutiens prévus doivent être davantage précisés. Ils sont nécessaires pour les personnes handicapées. Le droit au congé constitue également à nos yeux une disposition tout à fait légitime. Plus généralement, nous souhaitons que les centres d'aide par le travail soient des centres « hors les murs ». Ils ne doivent pas seulement être des zones concentrées réservées uniquement à des personnes handicapées. Ainsi le centre d'aide, ouvert à toute personne, pourra aider une personne handicapée à évoluer vers le milieu ordinaire. Tel est le dispositif que souhaitent aujourd'hui les personnes handicapées, qui veulent être avec et comme les autres en milieu ordinaire.
Nous souhaitons également que la proposition de CAT publics soit suivie d'effets conformes à son importance. Une proposition de CAT des collectivités locales et territoriales avait déjà été formulée en 1957 dans le cadre du texte concernant les personnes handicapées. Si un nouvel article reste sans effet pendant cinquante ans encore, nous serons nécessairement insatisfaits. Nous proposons donc que dans chaque département, les administrations publiques comme les DRAS, la direction départementale du travail, la direction de l'équipement se concertent afin de créer des CAT publics. Un délégué pourrait permettre, à l'image du délégué interministériel, de mobiliser l'ensemble des administrations et services à cette fin. J'ajoute qu'il nous paraît important de prévoir des budgets en recherche et développement pour les entreprises adaptées et les centres d'aide par le travail.
Concernant le chapitre du cadre bâti, du transport et des nouvelles technologies, la création d'un Observatoire national du logement nous paraîtrait importante. Il permettrait de recenser les offres et les demandes. Il ne me semble pas que cette proposition apparaisse dans le projet de loi. Nous demandons aux bailleurs sociaux une proportion minimale de 15 % de logements aménagés, adaptables et réservés. Pour les personnes handicapées en fauteuil, nous souhaitons que les logements qui leur sont proposés ne soient pas excentrés mais au coeur même de la ville afin qu'elle puissent vivre parmi l'ensemble de leurs concitoyens. Nous souhaitons de plus que toutes les communes, y compris les plus petites à travers les structures intercommunales, puissent mettre en oeuvre des schémas d'accessibilité cohérents. Il est en effet bienvenu de parler de « chaînes de déplacement ». Le problème de la mise en oeuvre de l'accessibilité reste cependant entier. Les sénateurs ont proposé la création d'un fonds d'accessibilisation, décliné notamment au niveau des communes. Nous souhaitons en effet la création de ce fonds afin de nous donner les moyens d'une véritable politique en matière d'accessibilité. Le CDH parle à cet égard de « Plan Marshall ». Je vous remercie.
Mme Sylvie DESMARESCAUX - Si je puis abonder dans votre sens, je ne peux cependant vous laisser parler, en tant qu'élue transfrontalière, comme ma collègue Michelle Demessine, de « déportation » des personnes handicapées en Belgique. J'ai moi-même beaucoup travaillé avec des établissements belges. Vos propos ont peut-être dépassé vos pensées ou vous n'avez jamais visité d'établissements belges. J'ai été profondément choquée. Des établissements belges sont de très bonne qualité, comme en France et comme ailleurs. Vous demandez l'établissement de conventions or certaines sont déjà établies. Lorsque je travaillais au conseil général du Nord, j'en ai établi de nombreuses. Une convention était en effet nécessairement passée entre le conseil général et l'établissement d'accueil. Ces demandes émanaient d'ailleurs des enfants et des parents eux-mêmes qui, satisfaits de l'établissement, ne souhaitaient pas en changer. De telles conventions existent pour les établissements pour les personnes âgées, lesquels offrent eux aussi un niveau de prestation de qualité.
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Nous ne disons pas que les établissements belges sont de mauvaise qualité. Nous voulons dénoncer au contraire la non-prise en charge par notre pays des personnes handicapées qui ont besoin d'aller en centre spécialisé ou en maison d'accueil. Ces structures n'existent pas et ne sont pas programmées. La seule solution pour les parents est de trouver en Belgique, bien organisée pour accueillir ce type de handicap, un tel établissement, qu'ils habitent Marseille ou Bordeaux. Nous demandons donc une réflexion départementale sur les besoins. Mme Marie-Thérèse Boisseau m'avait d'ailleurs confié à l'occasion d'une émission à laquelle nous avons participé ensemble que le problème aujourd'hui est celui de l'identification des besoins. Dans le cadre de la décentralisation, un travail extrêmement important doit être mené à cette fin. Il faut notamment demander aux préfets d'identifier les besoins des départements en termes de dépendance et de handicap. Nos connaissances sur ce sujet sont aujourd'hui incertaines. Je regrette à cet égard que le budget de 850 millions d'euros ait été fixé avant la définition même de la loi. Il aurait été intéressant que la représentation nationale vote d'abord la loi et en donne, dans un deuxième temps, le coût. La fixation d'une somme préalable, définissant a priori le cadre des possibilités permises, me paraît une procédure limitée. Par ailleurs, j'ai noté 53 occurrences du mot « décret » dans le projet de loi : il reste donc un travail très important à mener.
M. Jean-Pierre GODEFROY - Vous vous êtes présentés comme un mouvement politique. Je vous poserai donc une question politique. Vous vous êtes réjouis, comme moi, de l'extension, sous une nouvelle forme, de la contribution à l'AGEFIPH pour les établissements publics. Cette question me préoccupe beaucoup, non sur le fait d'une imposition de cette nature mais sur la forme qu'elle prend. Nous allons, en effet, créer un fonds libératoire financé par le contribuable ou sur des budgets communaux, qui sera cependant utilisé par ailleurs. Le bénéfice de cette taxe ne s'imposera donc pas sur l'ensemble du territoire mais sur des zones ciblées. Je m'interroge sur l'efficacité de cette forme de libération. Ne serait-il pas plutôt préférable, dans le cas des collectivités territoriales, que la sanction ne soit pas libératoire mais imposée ? Les collectivités locales qui ne répondraient pas aux exigences d'emploi des personnes en situation de handicap pourraient être pénalisées sur leur dotation d'équipement, leur dotation de fonctionnement, leur dotation de solidarité urbaine quand elles en bénéficient et leur fonds de compensation de la taxe professionnelle. Portant ainsi sur le budget municipal, la sanction exercerait une plus efficace pression sur les communes. A l'inverse, les collectivités territoriales pourront ne pas être aussi contraintes si elles sont astreintes à un fonds libératoire.
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - La sanction est une mauvaise solution. Nous sommes aujourd'hui dans l'obligation d'y recourir du fait de notre méconnaissance des enjeux réels de cette question. Je regrette que, dans le cadre de l'emploi, nous n'ayons pas exigé des entreprises que leurs Directions des Ressources Humaines soient pourvues d'une compétence handicap. La personne en charge du recrutement dans l'entreprise devrait être dans l'obligation de mener régulièrement des stages dans des CAT ou des entreprises adaptées afin de comprendre le handicap et les conditions particulières du travail d'une personne handicapée. Revenant sur la question de l'amende ou de la contribution, je remarquerai que toute amende payée par l'État est payée par les citoyens. Ceux-ci paieront de même la réduction des budgets communaux. Pour moi, la meilleure formule est celle qui permettra de faire en sorte que les personnes disposant des meilleures compétences pour juger, sans préjugés, du travail d'une personne handicapée, soient en charge du recrutement dans les entreprises. Un employeur a aujourd'hui les moyens de se séparer d'un salarié. Moi-même, travaillant aujourd'hui en entreprise, je ne suis pas spécialement protégé : je peux être licencié du jour au lendemain, comme cela est légitime. Il faut cependant que des personnes compétentes soient en charge de ces décisions.
M. le PRÉSIDENT - Ne pensez-vous pas nécessaire, d'une part, que l'AGEFIPH fasse l'objet d'un contrôle extrêmement rigoureux et régulier, par exemple de la part de la Cour des comptes, et, d'autre part, que soit publiée annuellement la liste des communes et des entreprises qui ne respectent pas les impositions supplémentaires qui leur ont été infligées ? Ainsi celles-ci auraient-elles le souhait de ne plus apparaître sur cette liste.
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Je partage pleinement votre avis. Il est anormal que l'AGEFIPH soit une association. De plus, des rapports recensant les entreprises et leurs quotas d'embauche des personnes handicapées devraient effectivement être établis. Ces rapports devraient être rendus publics par l'AGEFIPH. Nous sommes conscients que l'entrepreneur recherche davantage, ce qui est légitime, une compétence plutôt qu'un handicap. Je sais toutefois pertinemment qu'entre une personne handicapée allergique et une personne atteinte de myopathie, à compétences égales, la première sera recrutée.
M. Gilbert BARBIER - Vous avez souhaité que l'aide humaine soit versée directement à la personne. Cela signifie-t-il qu'il serait éventuellement possible de salarier une personne de sa propre famille ?
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Nous rencontrons souvent des personnes handicapées qui bénéficient d'une aide à domicile trente ou quarante heures par semaine ou même deux heures et demie par jour et qui se plaignent de l'absence de pouvoir qu'elles ont sur elle, jugeant par exemple qu'elle choisit ses horaires comme elle l'entend ou qu'elle n'est pas obligée vis-à-vis d'elles du fait du manque d'aides à domicile sur le marché du travail. C'est pourquoi nous estimons très important que l'aide humaine soit directement versée à la personne handicapée et non à une association, qui prélève d'ailleurs un bénéfice sur la somme, afin que la personne handicapée puisse faire elle-même le choix de son aide, pourquoi pas parmi les membres de sa famille ou en la personne du gardien de son immeuble.
M. le PRÉSIDENT - Il faudra donc sans doute aider la personne handicapée dans la gestion des aides. Etes-vous favorables au développement d'associations mandataires ou à la généralisation des centres communaux d'action sociale (CCAS) en tant que mandataires ? La charge administrative de ce dispositif pourrait en effet être lourde pour certaines personnes handicapées.
Mme Cécile KERBEL - J'aborderai à ce propos la question des maisons départementales des personnes handicapées. L'avant-projet de loi avait défini que la Commission des droits et de l'intégration des personnes handicapées prendrait ses décisions sur la base d'une équipe pluridisciplinaire. Nous avons noté une petite modification de ce point dans le projet de loi qui stipule que les décisions pourront être également prises sur la base des souhaits exprimés par la personne. Nous aurions souhaité que les maisons départementales des personnes handicapées assurent, outre une mission d'accueil et d'information, un accompagnement des personnes handicapées. Celles-ci sont aujourd'hui plongées dans un dédale de procédures administratives trop complexes. Les maisons départementales devront également accompagner la famille, l'entourage ou même les aidants de la personne handicapée. Nous souhaitons également que des réseaux locaux soient mis en place dans chaque commune en liaison avec ces maisons départementales afin de prendre en charge l'accueil, l'information, l'orientation et l'accompagnement des personnes handicapées. J'insiste sur cette notion d'accompagnement qui est essentielle. Nous voudrions de plus que dans chaque maison départementale soit nommé un défenseur des personnes handicapées en lien avec le défenseur national attaché plus précisément à la question de la maltraitance. En outre, le projet de loi ne précise pas la composition et les conditions d'indépendance des équipes pluridisciplinaires. Il s'agit de pallier ce manque. Cette équipe devra être compétente dans les domaines médicaux, techniques, sociaux et citoyens. Elle devra également pouvoir s'adjoindre des experts en fonction de l'âge et de la spécificité du handicap.
Plus généralement, nous regrettons le fait que ce projet de loi ne fasse pas apparaître la question de la liberté des personnes handicapées et de leur famille, notamment sur le point de la scolarité. Les parents devraient notamment avoir la décision finale en ce qui concerne le choix de la scolarité dans un établissement ordinaire. Nous souhaitons donc que le titre de la loi soit, conformément aux fondements de notre République : « La loi pour la liberté, l'égalité et la fraternité des citoyens handicapés ».
M. Philippe VAN DEN HERREWEGHE - Les personnes handicapées et leurs parents subissent effectivement aujourd'hui davantage qu'ils ne choisissent. Le projet de loi doit comprendre qu'ils doivent pouvoir vivre et circuler librement, sans refuser de manière récurrente les propositions qui leur sont faites ou sans demander sans cesse de l'aide. Si le regard porté sur les personnes handicapées est aujourd'hui difficile, c'est précisément parce qu'il ne leur est pas permis de circuler et de rencontrer l'autre. Je vous demande de considérer avec toute l'importance qui lui est due cette question de la rencontre des personnes handicapées avec les autres citoyens.
M. le PRÉSIDENT - Madame, Messieurs, je vous remercie. Mes chers collègues, nous pouvons clore cette séance.
Audition de Mme Marie-Sophie
DESAULLE, présidente,
et de M. Patrice TRIPOTEAU, directeur
général administratif,
de l'Association des paralysés
de France (APF)
(jeudi 5 février 2004)
M. Nicolas ABOUT, président - Nous poursuivons nos auditions dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Nous accueillons Mme Marie-Sophie Desaulle, présidente de l'Association des paralysés de France (APF), accompagnée par M. Patrice Tripoteau, directeur général administratif.
Madame la présidente, je vais céder la parole afin que vous nous donniez votre sentiment sur ce projet de loi. Ensuite le rapporteur et les commissaires vous interrogeront.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous accueillir cet après-midi. En guise d'introduction, je vous dirai que les personnes en situation de handicap moteur et les familles de ces personnes attendent avec une grande impatience une loi qui a été annoncée depuis quelques années. Nous espérons que celle-ci va finir par aboutir. Notre présence aujourd'hui nous invite à penser qu'il va en être ainsi. Aujourd'hui la déception ressentie par les personnes est sans doute à la hauteur des attentes et des besoins exprimés au quotidien par les personnes concernées par le handicap.
Nous considérons aujourd'hui que de nombreux amendements doivent être apportés à ce projet de loi, pour que celui-ci corresponde réellement à une refondation nécessaire de la politique du handicap. Ce projet de loi ayant d'ores et déjà été annoncé par M. Mattei, je peux m'appuyer sur ses propos selon lesquels ce texte relève d'une « approche personnaliste », et non environnementale. Or nous souhaitions que l'approche environnementale soit retenue pour que notre société puisse évoluer et que chacun s'y sente bien. Ainsi la logique d'aide à la personne, et donc de solidarité, aurait été reléguée au second plan. De notre point de vue, il s'agit là du défaut principal de ce projet de loi. Celui-ci contient toutefois des dispositions très positives que j'entends vous exposer rapidement. Avant cela, je souhaiterais vous faire part des principaux reproches que nous souhaitons adresser à ce projet de loi.
Tout d'abord, la définition du handicap telle que proposée dans ce projet est celle que l'organisation mondiale de la santé (OMS) retenait dans les années 80, et non celle actuellement retenue par l'OMS et portée au sein de l'Union européenne. Il s'agit donc là d'un retard par rapport aux conceptions actuelles de ce qu'est une personne handicapée. L'intérêt d'opérer une telle distinction est de rappeler que cette situation de handicap tient à la fois à des facteurs personnels et environnementaux. Or cette conception de la personne en situation de handicap ne figure pas dans l'article premier du projet de loi.
Plus généralement, la construction même de la loi montre des insuffisances puisqu'elle aborde la compensation et les ressources, avant de traiter de la problématique de l'accès de tous à tout. En toute logique, il aurait été préférable d'envisager l'évolution de la société, avant d'examiner les modalités d'actions sur les facteurs personnels. Ainsi nous proposons que la construction de la loi soit revue afin que le message puisse être clairement transmis à la société. Il est en effet important de ne pas oublier la dimension symbolique de cette loi, qui vise à décrire comment notre société s'organise pour accueillir les personnes handicapées et leur permettre de vivre avec tout le monde.
Le document que nous vous avons remis expose l'ensemble des amendements que nous proposons, ainsi que leur justification. L'amendement n° 4, correspondant à l'article L. 114-1, rappelle que notre demande porte sur l'accès aux droits fondamentaux des personnes handicapées. Cette demande n'est pas très différente de ce qui a été voté il y a un an par le Parlement dans le cadre de la loi sur la modernisation sociale. Cet amendement rappelle par ailleurs que l'exercice des droits fondamentaux est prioritairement assuré par la mise en oeuvre d'une politique de non-discrimination. Ensuite, il envisage les aides éventuellement nécessaires pour les personnes handicapées (fauteuil roulant, auxiliaire de vie...). La politique que nous souhaitons voir définie par la représentation nationale ne constitue pas une politique de solidarité, mais plutôt une politique de non-discrimination, c'est-à-dire d'évolution de la société.
Nous sommes satisfaits de la reconnaissance du droit à compensation. Toutefois, nous ne sommes pas totalement d'accord sur la définition de la prestation de compensation puisque celle-ci contient une barrière d'âge (moins de vingt ans/plus de vingt ans) qui, de notre point de vue, n'est pas acceptable. Une prestation de compensation ne devrait pas dépendre de l'âge de la personne concernée, et ce quelle que soit la nature du handicap. La loi devrait donc afficher ce principe, et prévoir éventuellement, de façon transitoire, un temps pour arriver à l'harmonisation des dispositifs, qui peut ne pas être immédiate. Nous estimons que la loi doit afficher un tel principe, et non pas se limiter à des aménagements a minima d'un certain nombre de dispositions.
Nous sommes également en désaccord avec le maintien de l'allocation adulte handicapé (AAH). Nous considérons en effet que les personnes ne pouvant pas travailler doivent avoir un revenu d'existence. Si l'on parle de la participation des personnes, il faut sortir de la logique d'allocation pour passer à une logique de revenu d'existence, qui répond à une logique de citoyenneté. Un tel revenu doit être attaché à la personne. Il ne faut pas en effet continuer à enfermer les personnes dans une logique d'assistance économique par rapport à leur entourage. Une telle disposition est importante car il faut bien comprendre que certaines personnes ne se marient pas car leur union aurait des conséquences financières importantes. Il faut donc accepter l'idée selon laquelle une personne ne pouvant pas travailler puisse bénéficier d'un revenu d'existence imposable et attaché à cette personne.
Concernant l'accès de tous à tout, nous estimons que le projet de loi contient un certain nombre de dispositions intéressantes relatives à l'école, à l'université et à l'emploi. Sur ce dernier point, nous considérons que la transposition de la directive européenne n'est pas totale. Dans ce domaine, notre demande porte sur les dispositions visant à favoriser l'emploi des personnes les plus lourdement handicapées. Ainsi il me semble que la contribution AGEFIPH devrait être modulée pour les entreprises qui emploient des personnes très lourdement handicapées. Nous ne sommes pas hostiles à l'idée de compter une personne pour un travailleur handicapé.
M. le PRÉSIDENT - Vous n'êtes pas hostile au principe du « un pour un ».
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Non, si en contrepartie une entreprise employant une personne très lourdement handicapée voit sa contribution AGEFIPH diminuer.
Nous estimons par ailleurs que les dispositions du projet de loi concernant le transport sont plutôt positives, puisqu'elles sont précises et font l'objet d'engagements dans le temps. En revanche le constat n'est pas aussi positif s'agissant du cadre bâti, notamment du cadre bâti existant, puisque globalement le nombre de dérogations demeure très important. Cet état de fait nous amène à nous interroger sur la réalité de l'évolution de l'existant. De plus aucun calendrier n'a été défini. Je vous rappelle que le grand défaut de la loi de 1975 portait précisément sur l'absence de date butoir dans la mise en oeuvre des principes définis.
En outre, nous tenons à vous indiquer que nous n'aimons pas l'appellation « maison départementale des personnes handicapées », dans la mesure où nous ne souhaitons pas qu'il s'agisse d'un lieu, ni d'une structure, mais plutôt d'un dispositif d'information et d'accueil situé au plus proche des personnes. Au-delà de cet aspect sémantique, force est de reconnaître qu'il est assez difficile de comprendre aujourd'hui comment les choses vont fonctionner puisque le rapport de MM. Briet et Jamet n'est pas encore disponible. Nous insistons sur le fait que la commission, selon la forme envisagée, nous semble être un simple habillage des actuels CDES et COTOREP, qui ont montré leur faillite. Nous ne voyons pas comment s'organisera réellement l'évaluation des équipes techniques. Nous aurions souhaité que la loi soit plus précise sur les objectifs et les organisations de cette commission.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie de votre exposé synthétique et clair. Il permet au rapporteur de poser ses questions complémentaires.
M. Paul BLANC, rapporteur - Madame la présidente, je comprends que vous auriez souhaité que l'accessibilité soit en première partie du projet de loi et que la compensation figure dans une seconde partie. De mon point de vue, il aurait été préférable que tout soit sur un même pied d'égalité, dans la mesure où l'accès de tous à tout suppose des moyens, qui sont conditionnés par la compensation du handicap et les ressources. Ce classement était inévitable, mais je suis tout à fait d'accord sur le fait que l'accessibilité et la compensation pouvaient être mises à égalité.
Concernant le problème de la garantie des ressources, vous semblez être favorable à la distinction entre la compensation du handicap et la garantie des ressources. Cela signifierait que l'on remplacerait l'allocation adulte handicapé (AAH) par la compensation et la garantie des ressources. Aujourd'hui, l'AAH sert à la fois de garantie de ressources et de compensation du handicap.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce point, qui est effectivement soutenu par le gouvernement.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je vous pose simplement la question. Il ne s'agit pas d'un point de vue.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - De notre point de vue, l'AAH a toujours été versée dans une logique de revenu d'existence. Il se trouve que par défaut, certaines personnes ont dû payer une partie de leur fauteuil roulant, qui n'est à ce jour pas intégralement pris en charge par la solidarité nationale. Notre demande est de dire que les personnes ont besoin, pour vivre et pour participer à la société, d'un revenu d'existence, notamment celles qui ne peuvent pas travailler du fait de leur handicap. Ce revenu doit être attaché à la personne et intégrer les revenus du foyer fiscal. Son versement ne s'inscrit donc pas dans une logique d'allocation de type subsidiaire. Un tel revenu permettrait aux personnes handicapées d'être citoyennes. Nous considérons que ce revenu d'existence devrait être de l'ordre du SMIC puisque ce dernier constitue le salaire minimum d'une personne qui travaille.
M. Paul BLANC, rapporteur - Cela signifie que l'AAH ne pourrait pas être cumulée avec les revenus du travail.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - En théorie, oui. Mais la prestation de compensation doit être correctement calculée puisque les handicapés qui travaillent doivent faire face à des surcoûts professionnels qui ne sont pas pris en compte. La compensation devrait tenir compte de tels surcoûts.
M. Paul BLANC, rapporteur - Considérez-vous que le cadre bâti puisse être isolé de l'ensemble de l'accessibilité de la cité ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Pour l'APF, l'ensemble de la cité doit être accessible aux handicapés. De mon point de vue, le terme « cité » fait également référence au milieu rural, car je suis particulièrement sensible aux transports entre les villes, notamment en milieu rural. Il faut que la chaîne des déplacements soit cohérente. Il ne faudrait pas avoir la tentation de penser que le premier élément de la chaîne ne doit pas être touché, sous prétexte que les deuxième et troisième éléments ne seront pas accessibles. Il faut plutôt commencer, fixer les échéances et définir les moyens.
A vingt mètres de l'APF, un café est en train de faire des travaux majeurs qui n'ont pas nécessité l'établissement d'un permis de construire puisqu'il s'agit d'un aménagement interne. Or les deux marches d'entrée dudit café ont été maintenues. Cette situation traduit un défaut de la loi, qu'il convient de corriger. Il est inacceptable que ce café continue d'être inaccessible. Dans le domaine des transports, nous sommes relativement satisfaits puisqu'un plan à six ans a été défini. En revanche, un tel plan fait défaut au cadre bâti. Si cette absence perdure, les gens auront accès à des transports accessibles, mais ils ne pourront ni sortir de leur logement, ni avoir accès aux lieux recevant du public.
M. Paul BLANC, rapporteur - Dans la cité, il faut que l'ensemble des acteurs soient coordonnés. Quel lieu serait le plus approprié pour assurer cette coordination ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Le projet de loi prévoit une commission d'accessibilité pour les communes de plus de 10.000 habitants. Un tel seuil nous semble quelque peu élevé si l'on souhaite que cette question soit traitée dans le milieu rural. Il convient de préciser que les difficultés de mobilité ne sont pas liées à l'âge, ni au milieu d'habitation. Cette loi ne doit pas être simplement ciblée sur la personne handicapée en fauteuil roulant de vingt ans, mais elle doit répondre aux besoins d'une société qui évolue et vieillie. Les commissions peuvent être des lieux d'échange adéquats.
Les autorisations de travaux ne concernent aujourd'hui que les établissements recevant du public, mais ne concernent pas les locaux de travail, ni les logements collectifs. La loi devrait étendre cette disposition afin que l'accessibilité devienne une réalité plus présente.
M. Paul BLANC, rapporteur - La maison départementale des personnes handicapées ne pourrait-elle pas être ce lieu où chacun pourrait se retrouver ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Non. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie traite la compensation des capacités personnelles. Le sujet de l'accès de tous à tout doit concerner tout le monde et ne doit donc pas seulement être traité dans le cadre de la maison départementale des personnes handicapées. Il devrait plutôt être traité dans les commissions départementales consultatives des personnes handicapées, avec l'Education nationale, les directions du travail, les ingénieurs des Ponts et Chaussées, et éventuellement les architectes des monuments historiques. Il ne faudrait pas que pour un lieu donné, la politique du handicap se limite à la maison départementale des personnes handicapées, qui ne devrait traiter que des éléments personnels des personnes handicapées. La politique du handicap s'inscrit dans une logique globale puisqu'elle concerne divers domaines de la société. Ce serait une erreur majeure que de vouloir traiter cette question dans la maison départementale des personnes handicapées.
M. Paul BLANC, rapporteur - La maison départementale ne s'occuperait donc que de la compensation individuelle. Or les aménagements relèvent d'une compensation collective.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Je ne connais pas le concept de « compensation collective ». Un service, comme un centre d'aide par le travail (CAT) ou un foyer d'accueil médicalisé, constitue une réponse aux besoins de compensation individuelle de la personne. Ce point est très important car le foyer ou le CAT doit s'adapter au projet de vie de la personne, et non l'inverse.
L'APF ne connaît donc que la compensation individuelle. A côté, il y a la question de l'accessibilité de la société. Les dispositions relevant de ce domaine ne constituent pas, de notre point de vue, des compensations. La question est donc de savoir comment une société peut être accueillante vis-à-vis de tous, notamment vis-à-vis de ceux qui sont différents. Il ne s'agit donc plus là de compensation, mais plutôt de l'évolution d'une société dans le cadre du cadre bâti. Ce point concerne donc également la formation, l'information et la sensibilisation de tous les professionnels spécialisés dans l'accueil du public. L'APF est donc également sensible à la manière dont vont être formés les enseignants pour être en capacité d'accueillir un enfant handicapé. De telles dispositions sont clairement de nature à faire évoluer la manière avec laquelle une société accueille des personnes handicapées, et devraient ainsi permettre à celles-ci de vivre avec et comme tout le monde.
M. le PRÉSIDENT - Nous allons maintenant passer aux questions des commissaires.
M. Guy FISCHER - Vous n'avez pas parlé du financement. La mise en application du dispositif proposé à travers la prestation de compensation pourrait-elle se traduire par un recul du niveau global des ressources des travailleurs handicapés ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Du travailleur handicapé : non. Mais de la personne qui ne travaille pas : oui. Le projet de loi favorise clairement l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés en milieu ordinaire. Les travailleurs handicapés en CAT devraient voir leur situation actuelle maintenue. En revanche, je suis très inquiète pour les personnes qui ne peuvent pas travailler et qui vivent à domicile. A cet égard, je vous rappelle que dans le dispositif actuel, les personnes vivant à domicile de manière autonome bénéficient de l'AAH et d'un complément d'AAH. Dans le projet de loi, je ne sais pas ce que devient ce complément. J'espère que les personnes handicapées ne vont pas voir diminuer leurs ressources. L'APF s'intéresse aux orientations et actions proposées. Globalement, les programmes d'actions nous semblent intéressants puisqu'ils contiennent un certain nombre de réponses tant pour les personnes vivant à domicile qu'en termes de création de structures pour les adultes et les enfants.
M. Guy FISCHER - Ces annonces ne visaient-elles pas à masquer le manque d'engagement financier du projet de loi par lui-même ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Je ne saurais répondre à cette question, dans la mesure où je ne connais pas la volonté du Gouvernement. De notre point de vue, la loi revêt une portée symbolique. A ce titre, elle doit définir les grands principes qui vont conduire l'action. Ainsi nous ne considérons pas que ce projet de loi doive envisager les financements. Nous voulons qu'une telle loi puisse fonctionner pendant trente ans, les décrets et les programmes d'action ultérieurs permettant ensuite de concrétiser les grands principes de cette loi tout en tenant compte des évolutions des besoins et des attentes des personnes.
M. Paul BLANC, rapporteur - Concernant les ressources des travailleurs handicapés en CAT, quelle est votre préférence : l'aide au poste ou le complément de ressources ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - La logique de l'aide au poste me convient très bien. L'APF estime que l'on parle de « travailleur handicapé » de façon non justifiée. Il convient en effet de rappeler que les CAT constituent des structures médico-sociales. Le travail n'y est donc pas une fin, mais un moyen permettant une participation des personnes à la vie de la société. Dans les CAT, le travail constitue par conséquent un outil d'accompagnement de personnes lourdement handicapées. La logique de l'aide au poste ne nous pose pas de difficultés, puisqu'elle donne la possibilité à ces personnes d'avoir les moyens de vivre. Nous proposons par ailleurs que des lieux soient créés au sein des CAT afin d'encourager l'expression spécifique de ces personnes qui vivent dans un milieu de travail. Dans ces lieux, pourraient notamment être traitées les questions d'hygiène et de sécurité. Dans les CAT de l'APF, nous avons mis en place ce type de commission qui fonctionne de manière satisfaisante. Nous considérons ainsi qu'il serait opportun d'envisager la création de ces structures au niveau des CAT.
M. Paul BLANC, rapporteur - Cette initiative relèverait plutôt de la loi relative aux institutions médico-sociales. L'aide au poste ne risque-t-elle pas de bloquer l'évolution de la personne handicapée, si celle-ci souhaite passer dans le milieu ordinaire de travail ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - De mon point de vue, il s'agit là d'un leurre. Il faut en effet avoir vu les personnes qui sont en CAT pour savoir que seul 1 % de ces personnes a une possibilité d'évolution vers le milieu ordinaire de travail. Le Gouvernement n'a pas compris les spécificités des populations accueillies dans les CAT. Il me paraît choquant que l'on fasse miroiter de telles possibilités à ces personnes et à leur famille. Les personnes en CAT ont besoin d'un niveau d'accompagnement médico-social qui ne permet pas de sortir de cette structure. Il ne faudrait pas que la loi donne l'impression que ce 1 % puisse constituer une règle générale. Si tel n'était pas le cas, on donnerait l'illusion de possibilités d'insertion dans le milieu ordinaire de travail. Dans les CAT, les personnes handicapées ne peuvent pas être insérées dans une logique de contrat de travail classique, car ceci poserait un problème de salaire et de relation hiérarchique. Dans les CAT, la logique hiérarchique ne peut pas être substituée à la logique d'accompagnement. Mon discours serait sans doute différent si nous parlions de l'entreprise de travail adapté et des ateliers protégés.
M. Paul BLANC, rapporteur - Depuis octobre, un budget global a été instauré au niveau des CAT. Comment concilier le budget global des CAT avec l'aide à la personne et à la compensation ? Pourrait-on concevoir que la compensation se fasse au cas par cas, et serait ensuite intégrée dans le budget global d'un CAT ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Pour toutes les structures médico-sociales, nous considérons qu'il faut partir des besoins et des attentes de la personne pour ensuite reconstruire la logique globale du financement desdites structures. D'une manière générale, nous estimons que cette question relève de la loi relative à l'action sociale et médico-sociale. Ainsi je m'étonne que la question des CAT soit si présente dans le projet de loi, puisque celle-ci porte sur la participation et la citoyenneté des personnes, et non sur les principes organisant la réponse médico-sociale, notamment à travers les CAT. J'insiste sur ce point car ceci montre la conception que l'on a de ces structures, qui sont généralement considérées comme étant une passerelle d'emplois en milieu ordinaire. Or il ne s'agit que d'une réponse de l'action sociale et médico-sociale.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je suis d'accord avec vous, mais je vous pose cette question, car en son temps, j'ai regretté que la loi des institutions médico-sociales vienne avant celle que nous examinons aujourd'hui. Selon ce que vous venez de me dire, le budget global des CAT est en contradiction avec ce que nous risquons de voter si l'aide à la personne est mise en oeuvre. Je suis parfaitement conscient des imbrications - et contradictions - entre la loi qui existe déjà et le présent projet de loi.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Je suis également d'accord avec vous. Je dresserai un même constat concernant les foyers d'accueil médicalisés, et plus généralement l'ensemble des structures. Je ne voudrais pas que le raisonnement porte uniquement sur les CAT, alors que toute la logique de l'action sociale et médico-sociale est aujourd'hui conçue sur des dotations globales et des enveloppes fermées. Ceci entre en contradiction avec le projet de la personne et l'individualisation de la réponse. Je suis d'accord avec vous sur le fait que la loi sur les principes aurait dû être promulguée avant celle relative aux réponses sociales et médico-sociales.
M. André LARDEUX - La répartition actuelle des rôles entre les départements, l'État et l'assurance-maladie vous convient-elle, ou devrait-elle évoluer ? Par ailleurs, vous nous avez précédemment parlé du milieu rural et des transports. Vous avez suggéré que le seuil de 10.000 habitants soit abaissé. Dans quelle proportion souhaitez-vous qu'il soit réduit ? Il est en effet évident que de nombreuses petites communes seront incapables de faire face aux obligations que la loi établira. En matière de transport, quel type d'organisation souhaiteriez-vous voir mis en place par les autorités compétentes, c'est-à-dire les départements ?
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Nous proposons un seuil de 5.000 habitants, conformément à d'autres réglementations. J'entends la difficulté pour les petites communes de se mettre en conformité, mais l'expérience a prouvé qu'une personne handicapée quelque peu active dans une commune peut inciter à cette mise en accessibilité, et ce y compris pour les petites communes. Certaines d'entre elles ont réalisé un travail remarquable dans ce domaine, sans que d'importants frais financiers aient été engagés. Il convient par conséquent de se méfier de l'idée selon laquelle de tels travaux sont coûteux et difficiles.
Par ailleurs, l'APF considère que les transports publics doivent en priorité bénéficier de l'accessibilité. Dans ce domaine, nous sommes particulièrement choqués par le fait qu'on continue d'acheter des bus ne disposant pas de planchers abaissés. Je ne comprends même pas pourquoi de tels véhicules continuent d'être fabriqués. Ainsi nous considérons que le matériel roulant renouvelé doit être accessible. Ce principe d'achat est clairement de nature à réduire les coûts unitaires de production. Le programme à six ans nous semble correct, puisqu'il s'inscrit dans une stratégie de renouvellement des matériels roulants.
Enfin, la question de la répartition des compétences et des financements n'est bien évidemment pas traitée dans le présent projet de loi. L'APF est très favorable à la création d'une branche de la sécurité sociale, qui deviendrait une branche de la protection sociale, avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Nous considérons que cette caisse devrait jouer un rôle majeur en assurant la gestion de tous les fonds relevant de la compensation, qui sont aujourd'hui financés par l'État, par l'assurance-maladie et par les collectivités territoriales. Cette gestion centralisée permettrait d'assurer à la fois visibilité et transparence, car la question de la compensation des incapacités constitue l'un des enjeux du XXI e siècle. Les personnes présentant des pathologies chroniques et les personnes âgées sont en effet de plus en plus nombreuses. Outre la question de la transparence, il y a un problème de répartition des moyens de façon équitable sur le territoire français. Si la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie peut assurer la répartition des fonds en fonction du nombre de personnes handicapées et des structures d'ores et déjà existantes, un traitement équivalent des personnes pourrait être assuré sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, nous considérons que la gestion des offres de service doit être assurée par le département, dans une logique de délégation de gestion. Il est clair que la réponse à cette question mériterait d'être détaillée.
Mme Michelle DEMESSINE - Je suis d'accord sur le fait que le réseau de transport public doit être rendu accessible aux handicapées. Je ne comprends pas pourquoi ce point est encore aujourd'hui discuté, puisqu'il pourrait faire l'objet d'obligations. Toutefois, j'estime que cette priorité ne répond pas de manière exhaustive à la demande, qui porte notamment sur les transports adaptés. J'ai aujourd'hui l'impression que seules les grandes zones urbaines commencent à porter une certaine attention sur ce domaine. Cette réflexion devrait s'étendre aux communautés d'agglomérations et aux communautés de communes, qui prennent en charge les transports et qui mènent une réflexion dans le domaine des transports. Dans les zones rurales et semi-rurales, les transports adaptés constituent un vrai sujet, qui mériterait d'être davantage traité dans le projet de loi.
Mme Marie-Sophie DESAULLE - Notre position consiste à dire que les transports publics devraient se mettre en accessibilité et éventuellement organiser les transports nécessaires pour les personnes qui ne peuvent pas utiliser les transports publics. Ainsi nous considérons qu'il appartient à l'autorité chargée du transport public - et non aux associations, comme cela est le cas aujourd'hui - de mettre en place les transports adaptés lorsqu'ils sont nécessaires.
M. le PRÉSIDENT - Madame la présidente, je remercie une nouvelle fois l'APF d'avoir répondu à notre invitation.
Audition de M. Patrick
GOHET,
délégué interministériel aux personnes
handicapées
(jeudi 5 février 2004)
M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant M. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées. Nous aimerions connaître votre sentiment sur le projet de loi dans sa forme actuelle, et savoir comment vous souhaiteriez peut-être le voir évoluer. Après votre intervention, les commissaires et le rapporteur vous interrogeront.
M. Patrick GOHET - Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir bien voulu m'entendre sur ce projet de loi. D'emblée, je salue la part importante que la Haute Assemblée prend, en particulier depuis quelques années, dans la politique du handicap. L'ancien directeur général de l'UNAPEI que je suis n'a pas oublié le rôle qui a été le vôtre dans l'issue de l'affaire Perruche. A cet égard, vous avez été cohérents avec vous-même puisque ce que vous aviez entamé dans le cadre de cet amendement a été poursuivi dans le rapport du sénateur Paul Blanc, qui constitue un document exhaustif reprenant l'ensemble des questions relatives à la politique du handicap. Vous avez également mené une enquête sur la maltraitance dont les personnes handicapées peuvent être les victimes. Vous avez même élaboré une proposition de loi destinée à réformer la législation de 1975. Considérant que tout cela est important, je tenais à le souligner.
La politique du handicap constitue une politique globale, encadrée dans notre état de droit par une législation, qui ne se limite pas à une loi. Ce projet de loi ne saurait en effet répondre à toutes les questions. D'autant plus qu'il serait stigmatisant s'il avait la prétention de le faire. Il en est beaucoup d'autres qui doivent être sollicités pour intégrer le handicap dans leurs préoccupations.
On ne saurait douter de l'effectivité du programme d'action qui a été rendu public la semaine dernière. Il en allait de même pour les programmes d'action des précédents gouvernements. Vous avez observé qu'en 2003, les mesures envisagées ont été doublées par rapport à celles adoptées par le précédent gouvernement. Il en sera de même en 2004. Ainsi il n'y a pas lieu de douter de la détermination des pouvoirs publics à mener à terme ce programme de création de moyens, car ceux-ci sont tout simplement nécessaires. Il est important que les assurés sociaux et les contribuables soient engagés dans cet effort, qui doit être mené jusqu'à son terme. Vous me permettrez d'ajouter à ce projet de loi et à ces programmes d'actions une liste de quatre-vingt-dix-sept mesures que l'on m'a chargée de piloter. Dix-huit ministères ont été réunis autour d'une même table - et ce jusqu'en 2008 - sur des sujets extrêmement divers. Cette initiative vise à montrer que les pouvoirs publics n'ont pas uniquement l'intention de proclamer des principes et de proposer des textes de portée très générale, mais souhaitent également mettre en oeuvre des mesures engageant l'ensemble de la collectivité publique.
A mes yeux, ce projet de loi constitue un compromis. Il s'agit même d'un bon compromis. Dans le troisième temps de mon intervention, je m'attacherai à préciser dans quelle mesure il s'agit d'un compromis perfectible.
Le projet de loi : le fruit d'un compromis
Pendant six mois de travail intense, dix-huit ministères se sont mis autour d'une table pour travailler sur ce projet. Compte tenu des cultures et objectifs de chacun de ces ministères, ce texte résulte d'un véritable compromis. Il s'agit également d'un compromis entre les pouvoirs publics et la société civile. A cet égard, il convient de rendre hommage à l'implication exceptionnelle des organisations représentatives - qu'elles soient associatives ou professionnelles - dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Animées d'une doctrine et soucieuses de leurs objectifs, elles ont mené une intense réflexion pendant neuf mois. Il s'agit également d'un compromis entre un héritage et des apports nouveaux. Il est absolument insupportable d'entendre publiquement que rien ne se fait dans le domaine du handicap. Il n'en est rien puisqu'il existe des commissions, des institutions et des allocations, qui pourraient certes faire davantage. Nier tout cela serait nier l'action de la quasi-totalité des gouvernements qui depuis une trentaine d'années se sont succédés et ont travaillé, de manière différente selon leur sensibilité. Cela reviendrait également à nier l'effort qui a été demandé depuis une trentaine d'années à nos concitoyens, en leur qualité de contribuables et d'assurés sociaux.
Nous partons d'un héritage marqué par une dominante, qui consiste à prendre en compte l'état de la personne, plutôt que sa situation. La loi de 1975 constitue notre héritage. Il convient de le concilier avec des apports nouveaux qui nous viennent de l'Union européenne (non-discrimination, égalité des chances, participation, etc.) et de l'OMS. Cette dernière insiste sur l'adaptation ou la non-adaptation de l'environnement de la personne à son état. Il s'agit là d'un apport extrêmement important.
Il nous faut également construire un compromis entre une ambition et une volonté. De mon point de vue, il n'y a pas à douter de l'ambition et de la volonté politiques qui animent l'ensemble de la collectivité publique. Il faut également tenir compte du contexte et des circonstances. Pour autant, ce projet de loi, qui se veut refondateur, ne doit pas être un texte de circonstance. Il doit donc inclure une perspective fondatrice, tout en tenant compte du contexte actuel.
Ce texte constitue surtout un compromis entre des handicaps divers. Les auditions que vous réalisez doivent vous révéler à la fois un socle commun de positions et des spécificités fortes auxquelles il faut répondre. Il s'agit là peut-être du compromis le plus important à construire.
Un bon compromis
Dans une autre instance et au milieu de femmes et d'hommes pour lesquels j'ai la plus profonde amitié, j'ai entendu qualifier ce texte de mauvais et de honteux. Je récuse ces deux adjectifs. Ce texte est un bon compromis car il constitue une avancée par rapport à ce qui existe aujourd'hui. Je souhaiterais vous dire en quoi il constitue une avancée.
Le titre de la loi est appelé à être changé, à l'initiative du gouvernement. Le titre nouveau, demandé par le Comité d'entente des associations, est le suivant : Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la pleine citoyenneté des personnes handicapées. Ce titre résume bien l'objectif du texte. Cette modification correspond à une évolution de la considération de la personne handicapée. Après avoir été stigmatisés comme constituant une population particulière, ces femmes et ces hommes veulent tout simplement être en premier lieu tenus pour des personnes et des citoyens. Cette aspiration se retrouve dans le titre nouveau que Mme Boisseau se propose de soumettre à votre analyse.
Ce compromis me semble bon car le handicap fait désormais l'objet d'une définition, qui ne correspond certes pas tout à fait à celle de l'OMS. Dans ce projet, je n'ai souhaité participer à aucune querelle doctrinale. Pendant quinze ans, j'ai été directeur général de l'UNAPEI. Durant cette période, les débats sur la protection/intégration et le milieu ordinaire/milieu protégé ont été vifs. Je n'ai jamais participé à ces débats, car ceux-ci ne tenaient pas compte des réalités. La personne handicapée a en effet besoin d'une protection plus ou moins importante, selon la nature et le degré de son handicap. Pour certaines personnes, une forte protection leur permet d'être intégrées à la cité. Je comprends ce débat, mais je reste pragmatique et observe que ce texte reconnaît le handicap psychique. Il reconnaît également le multi-handicap. Il faudra tirer toutes les conclusions de cette reconnaissance, notamment en se posant les questions suivantes : comment évaluer ces handicaps ? Comment adapter les structures ? Que penser des solutions qui ont déjà été imaginées pour répondre aux situations des personnes concernées ? 150.000 personnes attendent des réponses concrètes à ces questions.
Par ailleurs, ce texte retient les deux leviers qui doivent être ceux de la politique du handicap aujourd'hui. Le premier levier concerne ce qui relève de la personne - considérée avec ses incapacités - et de la compensation. Une personne handicapée connaît, sur le plan de ses capacités, un « moins », qu'il convient de compenser par un « plus » pour arriver à un signe égal. Celui-ci n'existe pas si l'environnement n'est pas adapté aux besoins de cette personne. Il est normal que les personnes handicapées soient fatiguées d'entendre que leurs difficultés leur sont strictement imputables, en raison de leur incapacité. Si l'environnement dans lequel évoluent ces personnes n'est pas, par exemple, adapté à l'utilisation du fauteuil roulant, il est clair qu'elles ne seront pas en mesure de vivre dignement. Le deuxième levier a trait à l'accessibilité.
Un autre point positif du projet de loi concerne les dispositions relatives à la scolarisation. Aujourd'hui, l'Education nationale admet qu'elle ne doit ignorer aucun élève handicapé. Nous sommes loin de mesurer les conséquences de ces dispositions, notamment au niveau des textes d'application. Concernant l'emploi, cela faisait des années qu'aucune avancée n'avait été observée. Le précédent gouvernement avait été à l'initiative de protocoles dans les ministères, dont la mise en oeuvre se fait encore attendre. Il faut mettre en place un dispositif contraignant, qui figure aujourd'hui dans le projet de loi. Ce dispositif doit concerner les trois fonctions publiques. De même, le texte contient un dispositif sur les aménagements raisonnables, qu'il vous appartiendra de conforter. La suppression de toute forme de récupération doit par ailleurs être soulignée. Sur ce point, j'ai toutefois vu passer des amendements de l'UNAPEI prévoyant des mesures transitoires. Le texte contient également des mesures sur la rente survie, des dispositions sur l'atelier protégé - qui est considéré comme une entreprise ordinaire - et le CAT, dont la vocation médico-sociale a été confirmée. Sur ce point, il convient de veiller à ne pas exposer le CAT à un risque de requalification, en particulier au titre de la législation européenne. Il faut améliorer au maximum le statut des personnes handicapées en CAT, mais il ne faut pas donner prise à ceux qui ont en fait leur « tête de turc » parce qu'ils considèrent que le CAT procède de la concurrence déloyale. N'oublions pas l'offensive considérable dont le CAT a fait l'objet il y a plus d'an. Le CAT est un établissement médico-social, comme le confirme la loi. On veut aménager autant que possible le statut de la personne usagée - et non pas salariée -, mais il faut savoir s'arrêter à la limite juridique au-delà de laquelle le CAT risquerait d'être requalifié en entreprise quasi-ordinaire, et verrait donc son existence menacée. Or le CAT permet à des femmes et des hommes assez lourdement handicapés d'exercer une activité de type professionnel, qu'ils ne pourraient pas exercer hors de cette structure.
Enfin, l'idée sous-jacente et importante de la « maison départementale des personnes handicapées » - dont l'appellation ne convient pas à Mme Desaulle - est celle du guichet unique, qui doit être déclinée. Il est clair que la place des associations dans cette structure devra être clairement définie.
Un compromis perfectible
Nous sommes au tiers de la démarche. Le dépôt du projet de loi ne fige pas tout, puisqu'il sera suivi d'un débat parlementaire, qui pourra être l'occasion de faire progresser les choses, de navettes et de la rédaction des textes d'application. Nous avons donc devant nous de nombreuses échéances qui permettront de faire progresser ce compromis. La secrétaire d'État a elle-même estimé qu'il s'agissait d'un compromis perfectible. Le fonctionnaire que je suis ne peut pas anticiper sur ce qu'arbitrera le gouvernement. En revanche, je peux tout à fait indiquer les points du projet de loi pouvant être améliorés. Il faut en particulier être attentif aux critiques et aux propositions qui font l'objet d'une démarche unanime de la part de nos interlocuteurs. A la lecture des amendements venant des associations et du comité d'entente, je suis frappé par les points de quasi-unanimité ressortant de leurs travaux.
Tout d'abord, il convient de mentionner la question du handicap de grande dépendance. Il s'agit là du point noir de la politique du handicap dans notre pays. La notion de handicap de grande dépendance doit être clairement définie, en tenant compte en particulier du fait que, pour certains, la déficience majeure est intellectuelle, alors que pour d'autres elle est motrice. Par conséquent, les réponses, institutionnelles et individuelles, apportées à ces deux situations diffèrent. Le ministère a mis en place un groupe de travail sur ce sujet. Par ailleurs se pose la question des moins de vingt ans et du statut de l'allocation d'éducation spéciale (AES) - s'agit-il d'une compensation ou d'une prestation familiale ? J'observe que le précédent gouvernement, en mettant en place une AES déclinée au moyen de six compléments, a fait un pas dans le processus de la compensation.
La troisième question porte sur la fonction de la protection juridique. D'une manière générale, on considère que celle-ci est privative de droit. Mon expérience m'invite à penser que pour certains, la protection juridique constitue un élément de leur compensation, car sans protection, ils ne seraient pas à l'abri de l'exploitation des autres, voire des torts qu'ils peuvent eux-mêmes se causer - je pense ici aux personnes handicapées psychiques et mentales. Il est très difficile d'opérer cette révolution dans l'approche de la protection juridique. Les questions posées par la Chancellerie ne sont pas infondées, mais la réalité concrète vécue au quotidien fait que la protection juridique constitue un élément de la compensation.
La quatrième question concerne les ressources. Nous sommes aujourd'hui dans l'attente de savoir, d'une part, ce que sera le domaine d'intervention de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et, d'autre part, de voir quel sera le périmètre de la compensation. Il est difficile au gouvernement d'anticiper sur ce point puisque que les réflexions sont en cours, avec en particulier les départements. En outre, n'ignorons rien de ce que peut penser la Sécurité sociale, qui par ailleurs fait elle-même l'objet d'une réflexion autour de la réforme de sa gouvernance. Il est clair que le dispositif que nous avons sous les yeux ne porte que sur ce que le gouvernement peut proposer. Et puis il y a le reste. Certains disent qu'il aurait été préférable d'être en présence d'un dispositif global. Sur ce point, il y a du pour et du contre. Je pense que le souci de la secrétaire d'État était de faire avancer un certain nombre de points, sachant que cela faisait des mois qu'elle avait sollicité le travail des organisations professionnelles et associatives. En tant que fonctionnaire, j'assume ce choix en toute loyauté. Nous allons retrouver la problématique du revenu d'existence adapté. N'oublions pas que pour l'AAH elle-même, nous n'avions jamais obtenu une telle reconnaissance. Aujourd'hui, certains ont eu le courage de mettre la question sur la table, avec en complément la compensation des besoins et la prise en compte des aidants familiaux et associatifs lorsque l'association a dû imaginer une solution, à défaut d'en obtenir une de la puissance publique. Sur ce point, je pense en particulier au handicap psychique. Il convient de tirer toutes les conséquences de cette intégration dans le dispositif législatif, notamment au niveau de la spécificité de l'accueil qui doit être accordé aux handicapés psychiques dans les structures. Cette prise en compte se retrouve à la fois dans les groupes d'entraide mutuelle, et dans l'accueil et l'accompagnement adaptés, ce handicap se traduisant par des situations oscillantes - entre stabilité et crise.
La question des ressources en CAT doit également être posée. Une personne handicapée, active en CAT dans la limite de ses possibilités, concourt à la vie de la cité. Le total de ses ressources doit être avoisinant des ressources que l'on attribue aux autres travailleurs. Il faut rendre cela compatible avec un dispositif incitatif à l'emploi. Il s'agit donc là d'une équation pour le moins délicate.
Se pose par ailleurs la question de la prestation de compensation. Je suis frappé par le fait qu'aucune organisation ne récuse la notion de prise en compte des ressources. Il s'agit là d'un vrai sujet de débat, qu'il conviendra de trancher, d'autant plus que les prises de position sont unanimes. Je n'en dirai pas davantage puisque les arbitrages gouvernementaux figurent dans la loi. Pour ma part, je dirai qu'il faut encore réfléchir à cette question au cours des échanges à venir.
Concernant l'accessibilité, il me semble que les dérogations devraient être qualifiées juridiquement, pour que celles-ci ne se transforment pas en refuge pour ne rien faire. Les débats avec les associations devraient permettre de trouver ce qualificatif. La question de la globalisation de l'accessibilité doit également être posée. Celle-ci peut être physique ou intellectuelle. Je reconnais qu'il ne sera pas aisé de traduire l'accessibilité vis-à-vis de ceux qui ont des difficultés de repérage dans l'espace et dans le temps. Si la France réussit sur ce point, son travail législatif et réglementaire constituera un modèle pour le reste de l'Europe. Il faut que dans les lieux où l'on délivre des services, des hommes et des femmes soient capables d'identifier l'existence de personnes ayant des difficultés de repérage dans l'espace et dans le temps, et sachent comment les accueillir et les orienter. Il faut donc une réelle mobilisation de tous les prestataires de services, au sens large du terme.
Enfin, j'ai entendu beaucoup de choses concernant le milieu rural, auquel je suis très attentif. J'estime à cet égard que les politiques globales doivent l'emporter sur les politiques sectorielles. Je n'ai aucune suggestion à faire au chef de l'État ou au chef de gouvernement. Toutefois j'ai toujours été étonné que la politique de la ville n'ait pas eu de pendant pour les autres espaces géographiques. Mme Desaulle a demandé que le seuil de 10.000 habitants soit rabaissé à 5.000. Cette proposition sera sans doute mise en discussion devant vous.
Concernant la politique de compensation, j'ai pointé un certain nombre de questions qui font que l'on ne saurait considérer la définition et le contenu comme étant achevés.
S'agissant du dispositif d'évaluation, d'attribution et d'accompagnement, je suis très attaché à l'idée de « maison départementale des personnes handicapées », qui permettrait de regrouper un ensemble de services - en partant de l'existant - et de constituer une chaîne de réponse aux besoins. Il faut tout d'abord savoir accueillir, écouter et informer. Lorsque j'étais directeur général de l'UNAPEI, j'avais calculé qu'une mère, à qui l'on venait de faire savoir que son enfant était handicapé, mettait environ dix-huit mois pour savoir tout ce à quoi elle avait droit. Il faut donc qu'une adresse, un numéro de téléphone et un site Internet universellement connus soient mis à disposition. L'intérêt du site Internet est réel pour les personnes qui ne seront pas en mesure d'aller voir un professionnel et de lui parler en face à face des difficultés de son enfant.
La deuxième vocation de la maison départementale des personnes handicapées est d'aider à l'élaboration du projet de vie, par une évaluation fine des difficultés et des capacités. Un certain savoir-faire a d'ores et déjà été acquis, notamment au niveau des sites pour la vie autonome. Ensuite, le projet devra être validé, à travers les commissions qui seront regroupées pour que cette validation s'inscrive dans une logique globale. Enfin, il conviendra d'aider à la réalisation du projet de vie, car force est de reconnaître la difficulté de trouver le bon fournisseur ou le bon guichet. De plus, il faut que les associations soient présentes, car non seulement la politique du handicap revêt un incontournable caractère transversal, mais ces associations disposent également de réels savoir-faire. Un débat porte sur le fait de savoir si seules les associations représentatives doivent participer à cette démarche, ou si celle-ci peut également concerner les associations gestionnaires. Sur ce point, il convient de ne pas bousculer l'histoire : ce n'est pas un hasard si ceux qui sont concernés ont dû à la fois imaginer des solutions, les faire comprendre et contribuer à leur mise en oeuvre. En outre, les associations font preuve d'un réel appétit de participation. Cet état de fait doit être pris en ligne de compte.
En conclusion, je souligne le fait que l'ensemble du dispositif n'est pas encore connu. Il est important de déceler l'existence du risque relatif à la perte ou au manque d'autonomie. Face à ce risque, notre société doit se solidariser, selon des modalités de financement qui devront être discutées. Bien que je comprenne les choix qui ont été faits par le gouvernement dans ce domaine, il ne m'appartient pas ici d'en discuter. Cette prise de conscience du risque et de la nécessité de se solidariser constitue un progrès considérable. Concernant la mise en oeuvre, on ne saurait nier au début des années 80 le fait que l'on ait confié au département le soin de s'investir pour partie dans le dispositif. Ce point ne sera pas remis en cause. De mon point de vue, Mme Desaulle n'a pas exprimé la demande de façon exhaustive. Tout le monde nous dit que la solidarité nationale doit jouer et que celle-ci doit être garantie par l'État. On nous dit également qu'il faut des solutions de proximité et une unité de pilotage, qui reviennent naturellement au département, dès lors qu'une relation contractuelle forte et précise est définie entre l'État et la collectivité. Un dispositif efficace peut être construit - en tenant compte de l'histoire de ce dont on hérite - autour de la délégation de compétences - selon l'expression de Mme Desaulle - et de ce que j'appelle une « départementalisation contractualisée garantie par l'État ».
M. le PRÉSIDENT - Le rapporteur souhaite vous poser des questions.
M. Paul BLANC, rapporteur - Votre exposé constitue-t-il une feuille de route ? Par ailleurs, la maison départementale des personnes handicapées, avec la participation des associations et le pilotage du département, pourrait-elle prendre la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) ?
M. Patrick GOHET - Je n'ai pas la prétention d'avoir donné une feuille de route. Il s'agit plutôt d'une contribution.
Par ailleurs, le rapport de M. Piveteau prévoyait des GIP dans un contexte différent, puisqu'il les avait prévus avant l'épisode sanitaire de l'été et avant le processus de reconnaissance du risque dépendance. A cette époque, il avait préconisé la création d'une agence. Je pense qu'il y a là une vraie question pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : celle-ci ne sera-t-elle que collectrice et redistributrice ? Ou va-t-elle de surcroît travailler à la définition de référentiels et garantir ces derniers ? Pour sa part, la demande sociale craint que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie soit à la fois juge et partie. Je pense qu'il est difficile d'admettre pour une collectivité la dissociation de la décision en opportunité et de la décision en faisabilité. En revanche, il est important que les représentants des personnes handicapées soient présents pour rappeler la demande sociale. L'élu dispose d'une pleine légitimité globale, mais le représentant de la personne handicapée a une pleine légitimité pour exprimer ce qui concerne l'usager. Je pense par conséquent qu'il faut concilier les deux.
Enfin, certains expriment des réticences à l'idée qu'il n'y ait pas de GIP. Les associations sont plutôt favorables à la création d'un tel GIP. Cette question fait l'objet d'une réflexion dans le cadre de la mission de MM. Briet et Jamet.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie de votre exposé très complet. Il s'agit maintenant que nous travaillions ensemble à relever ce défi.
Audition de M. Jean
CANNEVA,
président de l'Union nationale des amis et familles
de
malades mentaux (UNAFAM)
(jeudi 5 février 2004)
M. le PRÉSIDENT - Nous accueillons maintenant M. Jean Canneva, président de l'Union nationale des amis et des familles de malades mentaux (UNAFAM). Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette audition. Vous avez le choix d'aborder globalement le sujet ou de nous présenter en dix minutes votre sentiment sur le projet de loi, avant de répondre aux questions des commissaires et du rapporteur.
M. Jean CANNEVA - Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs , je vous remercie de nous entendre. Je représente un handicap jusqu'à présent totalement inconnu, y compris dans certains rapports du Sénat. Depuis la loi de 1975, le handicap psychique existe au niveau de l'allocation adulte handicapé (AAH), mais il n'existe absolument pas en matière d'accompagnement social. Or la population en cause représente environ 600.000 personnes (300.000 schizophrènes et 300.000 cas de psychoses manioco-dépressives), selon les rapports actuels de santé de M. Mattei. Le handicap psychique provient de la maladie mentale. Il provoque des incapacités lourdes, qui ont dû être définies, car les médecins ne voulaient pas de ce handicap, considérant que les malades devaient rester avec des perspectives ouvertes, et que le handicap les enfermait dans une stigmatisation qu'ils ne souhaitaient pas. Pourtant la population concernée est à 95 % dans la cité, et non dans les grands hôpitaux, et est visible de tous. Il est clair qu'il y a une superposition entre la population exclue et la population malade. M. Emmanuelli considère que 30 % des SDF sont malades. Dans le cadre d'un colloque organisé vendredi dernier au Sénat, une juge d'application des peines expliquait que les prisons comptaient nombre de personnes malades.
Cette population totalement inconnue jusqu'à présent finit par être considérée, à travers cette loi, au même titre que les autres handicaps. Cette évolution appréciable concrétise les efforts menés par certains pendant de nombreuses années. Il existe désormais quatre grands types de handicap :
- le handicap moteur ;
- le handicap sensoriel ;
- le handicap mental ou intellectuel ;
- le handicap psychique.
Il existe également des poly-handicaps et des handicaps de grande dépendance. Le fait que la loi distingue ces quatre catégories montre qu'à l'intérieur des grandes options de cette loi, il existe une grande diversité de handicaps. A cet égard, nous avons eu beaucoup de difficultés à entrer dans les critères de la loi. Par ailleurs, il est clair que la situation des handicapés psychiques dans la cité est dramatique, puisque leur situation se situe à la frontière entre le sanitaire et le social : ils sont souvent abandonnés et oubliés, notamment lorsqu'ils n'ont pas de famille.
Les grands principes de la loi portent tout d'abord sur la non-discrimination. Dans ce domaine, le travail à faire est considérable, car la discrimination par rapport à la maladie mentale est particulièrement importante, comme en témoignent les émissions télévisées sur les malades mentaux. Lors d'une récente émission, quatre expériences violentes ont été présentées. La première concernait une EMD, la deuxième portait sur les urgences du CPEA de Paris, la troisième se déroulait dans les prisons de Strasbourg et la dernière relatait le meurtre d'une mère par son fils. En outre, l'organisatrice de ces reportages m'a demandé de faire venir témoigner une mère en fin d'émission. Je lui ai répondu que cela n'était pas possible, dans la mesure où le dernier reportage traitait crûment du meurtre d'une personne. La stigmatisation des malades mentaux en France est considérable. Un important effort de non-discrimination doit par conséquent être fait. Il faut que des actions de non-discrimination soient menées, comme des campagnes visant à expliquer que la maladie mentale n'est plus ce qu'elle était et qu'elle peut faire l'objet d'un traitement médical.
Les grands principes de la loi portent également sur l'égalité des chances. Un psychotique est malade et rencontre de grands problèmes avec sa propre vie. L'égalité des chances constitue un objectif, et non une réalité. La compensation pose également problème. Le travail que nous avons réalisé avec le CNCPH ou dans le cadre des rapports nous a beaucoup appris. Nous avons proposé au gouvernement d'interpréter le terme « compensation » de la manière suivante : accueillir des gens et les accompagner. Ces deux notions sont fondamentales et sont très différentes. La notion d'accompagnement fait référence au service à domicile. Compte tenu des risques inhérents à ce type de service, les personnels concernés doivent être formés et les services proposés doivent être acceptés par les bénéficiaires. Or il est dans la nature du handicap psychique de ne pas être reconnu par la personne elle-même, ni par le public. Ainsi vous ne pouvez pas dire à quelqu'un que ses facultés mentales sont totalement absentes. Ceci est humainement insupportable. A l'UNAFAM, nous ne disons jamais que quelqu'un est totalement malade. La personne ne peut pas admettre qu'elle est malade et handicapée. Lorsqu'une loi prévoit des dispositions liées un projet personnel, elle s'avère inapplicable si la personne ne dispose d'aucun projet personnel.
Il nous a été demandé de prendre un train - celui de la loi de 1975 - à une gare où le train ne s'arrêtait pas. Ainsi depuis 28 ans, les personnes handicapées psychiques n'ont pas d'accompagnement social. La situation est donc particulièrement grave, mais elle s'explique. Il reste maintenant à trouver une solution. Notre vie familiale n'est pas absente, mais nous n'avons pas le choix. Nous avons une expérience de « cope with » (faire face). L'UNAFAM représente 10.000 familles, soit plus de 50.000 personnes qui font quotidiennement face à la présence d'une personne handicapée psychique. Par ailleurs, nous sommes allés voir dans les départements et les hôpitaux pour savoir ce qui se faisait de mieux. La solution date de quarante ans : il s'agit de la thérapie institutionnelle. Les soignants s'étaient aperçus que l'hôpital devait être soigné au même titre que les malades. Pour cela, des clubs d'activités culturelles ont été créés afin que les personnes malades participent à une partie de l'activité de la structure. Il s'agit là d'une idée géniale. Dans des hôpitaux, j'ai vu des patients chargés d'accueillir les nouveaux. Certains ont amené des services entiers à Bamako au Mali pour entrer dans un cycle de réinsertion dans la cité. Nous ne savons pas pourquoi cette initiative n'a pas été généralisée.
A Bordeaux, trois clubs ont été créés depuis quinze ans avec l'équipe de Jacques Chaban-Delmas. Ces clubs accueillent les personnes au sortir de l'hôpital. Le club gère le non-abandon, les personnes handicapées ayant pour seule obligation de donner leurs nouvelles - y compris par téléphone - tous les huit, quinze ou trente jours. Ce club permet de ne pas abandonner ces gens, tout en reconnaissant qu'ils sont adultes, et donc libres. Le club offre une main tendue aux gens, en veillant à ce qu'ils donnent régulièrement de leurs nouvelles. Extraordinairement efficace, une telle organisation n'est pas coûteuse. Le club de Bordeaux compte cent adhérents - et non pas malades ou handicapés -, mais seuls vingt viennent réellement : le volume d'accompagnement correspond par conséquent à ces vingt personnes. Avec des associations de patients et d'anciens patients (la FNAPSI), nous avons proposé cette solution à des élus. Ce dispositif réunit les familles, les soignants, les élus et les travailleurs sociaux. Le Gouvernement a accepté d'inscrire dans la loi, au titre de la compensation, l'offre d'accueil et l'accompagnement. Sur ce sujet, nous avons défini un plan en six points :
- la continuité des soins
Ce principe relève du social et non du médical. L'exemple de Nanterre a montré les résultats de l'abandon de personne. Pour notre part, nous veillons à ce que le service social sache ce qu'est le handicap psychique. Le club veille au maintien des soins, mais ne les prodigue pas.
- les ressources
L'AAH est préférable au revenu minimum d'insertion (RMI), ou plus précisément au revenu minimum d'activité (RMA). Il faut que cette allocation soit donnée aux personnes qui ne peuvent pas travailler.
- l'hébergement
100.000 places d'hôpitaux ont été supprimées, mais aucun plan d'hébergement n'a été défini. Il s'agit là d'un véritable scandale puisque ces personnes ne répondent pas aux critères normaux des HLM. De plus elles font peur. En l'absence de plan spécial, il est clair qu'elles n'auront jamais accès à un logement.
- l'accueil et l'accompagnement
- la protection juridique
Il s'agit là d'un outil d'autonomie, et non pas d'une simple suppression de droits.
- la participation à des activités sportives et culturelles
Force est en effet de constater qu'une personne handicapée psychique est susceptible de participer à de telles activités, bien qu'elle ne puisse pas travailler.
Les quatre premiers points concernent toutes les personnes handicapées psychiques, y compris celles qui ne se sont pas encore déclarées auprès de la COTOREP. Nous pensons que les clubs devraient être ouverts à ceux qu'ils ne veulent pas encore accepter, mais qui le devraient. Les deux derniers points du plan sont facultatifs.
En matière d'emploi, le régime des CAT devrait être adapté, car le régime tourné vers la production est trop fatigant pour les personnes handicapées psychiques.
Par ailleurs, il faudrait que le caractère médico-social des CAT soit affirmé, car un CAT a été accusé de faute inexcusable dans le cadre d'une tentative de suicide. En appel, j'avais plaidé en disant que les tentatives de suicide étaient totalement imprévisibles. La Cour d'appel avait alors retenu qu'il ne s'agissait pas d'une faute inexcusable. Mais la Cour de cassation est revenu sur cette décision. Il faut veiller à ce que le caractère médico-social des CAT soit suffisant. A défaut, nombre de CAT pour personnes handicapées psychiques risquent de devoir fermer leurs portes.
Il existe des centres d'évaluation pour les traumatisés crâniens. Je pense que ces spécialistes devraient intervenir auprès des COTOREP pour leur indiquer s'il est pertinent ou non de mettre telle ou telle personne au travail. Par ailleurs il convient de souligner le fait qu'aujourd'hui les familles portent 100 % de la charge. Une telle situation est purement et simplement scandaleuse : ces familles sont vraiment épuisées. Dans une permanence d'une commune proche de Paris, un couple de 80 ans s'est présenté mardi dernier. Ils ont un fils malade et quatre petits-enfants. Les parents de ces enfants n'étant pas présents, ils sont pris en charge par le couple âgé. Personne ne s'occupe d'eux. Le service social ne se rend pas compte de la situation. La situation est véritablement dramatique.
Nous avons demandé un plan d'actions psychique, qui figure dans les annexes du dossier de la conférence de presse. Il faut que ce plan soit mis en place car le retard de 28 ans doit être rattrapé en toute urgence. Nous savons ce qu'il faut faire, mais il faut avoir le courage de le faire.
Je vous remercie.
M. le PRÉSIDENT - Vous ne manquerez pas de nous soumettre vos amendements et nous les travaillerons.
M. Paul BLANC, rapporteur - Estimez-vous que la protection juridique constitue un « filet de protection » pour les personnes handicapées psychiques ?
M. Jean CANNEVA - De fait, toutes les personnes handicapées psychiques sont sous protection juridique. On agit en effet à leur égard comme si elles bénéficiaient d'une protection juridique, qu'elles soient passées ou non devant le juge. Ainsi aucun bien ne leur ait donné en disposition. L'objectif est l'autonomie, et non la guérison. Le fait de dire à un malade qu'il est courageux et doit gérer son autonomie constitue une avancée considérable. En cas de problème, nous sommes obligés de passer à la curatelle, qui est plus fréquente que la tutelle. Nous souhaiterions que les entrées et sorties de ce régime soient facilitées. Très honnêtement, cela ne se passe pas bien avec les tutelles. De plus elles ont peur des personnes handicapées psychiques. Il faut donc davantage de temps pour négocier. Nous demandons que l'accompagnement d'une tutelle puisse être assurée sans se substituer à l'accompagnement d'une curatelle.
Mme Michelle DEMESSINE - Peut-on dire que ce que vous constatez est la conséquence d'une sectorisation inachevée ? Je suis originaire d'une ville où il y a un important hôpital psychiatrique. J'ai vu toute la période de sectorisation, qui était souhaitable, mais qui n'a, semble-t-il, pas été pensée jusqu'au bout. Les 600.000 personnes handicapées psychiques bénéficient à ce jour d'une prise en charge sanitaire, mais ne bénéficient d'aucune prise en charge sociale ou médico-sociale. Il est important d'être entré par la porte de la compensation. Mais les dispositions de la loi sont totalement insuffisantes, compte tenu de l'ampleur des problèmes posés et de leurs conséquences. Ces personnes n'étant pas prises en charge des points de vue social et médico-social, elles se retrouvent en pleine dérive dans la société. Il est important de dire combien de personnes sont concernées. Les personnes handicapées psychiques bénéficient-elles de la carte d'invalidité ?
M. Jean CANNEVA - Les problèmes des handicapés psychiques sont quasiment tous impossibles, puisque leur maladie est lourde et incurable. Il faut donc traiter des problèmes terriblement compliqués. Depuis vingt-huit ans, nous n'avons rien eu. Le début de commencement de reconnaissance que contient ce projet de loi doit donc être salué. Vous avez raison de dire que tout cela est insignifiant, mais il s'agit d'un début. La sectorisation a commencé il y a quarante ans, mais elle n'a eu aucun effet pratique dans la cité. Il y a trois ans, j'ai réalisé un Livre blanc avec les patients, les soignants et les familles. Nous avons présenté ce document aux élus. J'ai alors pu constater que lorsqu'un élu monte aux créneaux, les solutions apparaissent : il convoque les services sociaux et médicaux, leur « passe un savon » et leur demande pourquoi ils ne discutent pas davantage ensemble. Une situation récente m'a encore montré cette absence de dialogue. La division du médical et du social conduit notre pays à marcher sur la tête. Le club de Bordeaux est un club médico-social, composé de deux animateurs venant de l'hôpital et de deux animateurs venant du service social. Ils apportent un service totalement intégré médico-social. C'est la seule solution efficace.
La sectorisation ne sera jamais pensée jusqu'au bout. En revanche, nous estimons que les responsables politiques peuvent gérer des choses impossibles, lorsqu'ils le désirent et qu'ils ont pris la mesure des problèmes. Lorsqu'un élu monte aux créneaux, les solutions apparaissent.
M. le PRÉSIDENT - Il s'agit là d'un encouragement.
M. Paul BLANC, rapporteur - Tout à fait. Je me souviens être parfois monté aux créneaux, mais d'avoir fait chou blanc. Je retiens toutefois votre enthousiasme et essaierai de m'en inspirer à l'avenir. Ce matin, nous avons auditionné les représentants des offices HLM. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit concernant l'absence de logements. De ce point de vue, la situation est vraiment catastrophique. Ne pensez-vous pas qu'il existe une contradiction entre le fait de vouloir intégrer les handicapés dans la cité et le fait de vouloir construire des logements qui leur sont destinés ? Les représentants des offices HLM ont expliqué qu'ils ne savaient pas gérer les situations dans lesquelles les handicapés étaient en crise alors qu'ils habitaient en HLM.
M. Jean CANNEVA - Les élus d'Armentières président, avec le docteur Rouland, les commissions spéciales d'affectations qui réunissent les accompagnements médicaux, les accompagnements sociaux, les familles et la personne handicapée. L'office ne donne un logement que s'il y a un engagement d'accompagnement. La responsabilité est donc partagée. En ce sens, l'initiative prise à Armentières constitue un modèle. Sans accompagnement, le dispositif ne peut pas marcher. J'ai fait visiter Armentières à des élus de Paris. Ils ont décidé de créer vingt clubs et entendent travailler avec les offices HLM. Si chacun travaille de son côté, nous n'arriverons à rien.
Mme Michelle DEMESSINE - L'expérience d'Armentières est exceptionnelle et tient beaucoup à la personnalité du docteur Rouland. Cette expérience a été construite à partir de l'idée visant à sortir les malades de l'hôpital et à construire un projet de vie avec eux et les partenaires locaux. Il y avait donc un pilote.
M. Jean CANNEVA - A Paris, cette expérience est reprise par le député Charzal dans le 20 ème arrondissement. Il a décidé de mener une initiative comparable à celle d'Armentières. Ce type de projet ne peut pas fonctionner si les quatre partenaires que je vous ai cités ne sont pas présents.
M. Jean-Louis LORRAIN - Nous connaissons les services d'accompagnement à la vie sociale, que nous avons développés avec les conseils généraux. Dans le cadre de ces initiatives, les personnes concernées vivent dans leur appartement et sont régulièrement suivies par un travailleur social ou par un éducateur spécialisé, en évitant de trop intervenir dans la conduite de leur vie personnelle. En cas de dérapage ou de problèmes administratifs, ces gens sont accompagnés. Cette pratique date de dix ans.
M. Jean CANNEVA - Mais elle ne concerne que les gens qui acceptent d'être accompagnés. Là est le problème, car la personne à l'origine de l'affaire de Nanterre aurait dû être accompagné.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je ne vois pas comment tout cela peut être mis dans un texte de loi.
M. Jean CANNEVA - J'ai demandé un plan en six points. Je ne vous cache pas que s'il n'est pas rapidement mis en oeuvre, je ne serai pas content. Le plan est totalement chiffré. J'ai demandé 200 clubs, 10.000 hébergements accompagnés, ainsi que l'équivalent d'un accompagnement à domicile pour 100.000 personnes.
M. Paul BLANC, rapporteur - Je suis d'accord avec vous. Mais je me permets de vous rappeler que nous sommes dans le cadre d'un projet de loi sur le problème du handicap dans sa globalité. La spécificité du handicap psychique est reconnue : il s'agit là d'une excellente avancée.
M. Jean CANNEVA - Dans l'article premier, il est indiqué que l'accueil et l'accompagnement sont spécialement faits pour ceux qui ne peuvent pas exprimés leurs besoins. Il s'agit donc là d'une porte d'entrée.
M. Paul BLANC, rapporteur - Nous sommes d'accord. Mais il faut ensuite le décliner.
M. Jean CANNEVA - Ne vous inquiétez pas : nous serons sur le terrain avec les élus.
M. Paul BLANC, rapporteur - Vous êtes donc bien d'accord avec moi que ce plan ne peut pas être décliné dans un texte de loi, mais il fera partie des décrets d'application.
M. Jean CANNEVA - Non. Il faut un plan, comparable à celui défini pour l'autisme et les traumatisés crâniens. Il faut avoir la volonté politique de ne pas abandonner ces gens-là. Il faut donc un plan.
M. le PRÉSIDENT - Je vous remercie d'avoir accepté de présenter vos propositions sur ce délicat volet de la maladie mentale et des malades mentaux. J'espère que vous serez satisfait de notre travail.
Mes chers collègues, je vous remercie. Voilà qui clôt notre cycle d'auditions publiques.
ANNEXE
I
-
LISTE DES AUDITIONS DE LA COMMISSION
Mercredi 28 janvier et mardi 3 février 2004
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées
Mercredi 28 janvier 2004
M. Jean-Marie Spaeth , président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)
Mercredi 4 février 2004
M. Laurent Cocquebert, directeur général de l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI)
MM. Jean-Marie Schleret, président, et Jean-Pierre Gantet, vice-président, du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
Mme Laurence Tiennot-Herment, présidente, et M. Jean-Claude Cunin, responsable du pôle revendications de l'Association française contre les myopathies (AFM)
MM. Philippe Van den Herreweghe, Mme Cécile Kerbel et M. Dominique Ledouce du Collectif des démocrates handicapés (CDH)
Jeudi 5 février 2004
Mme Marie-Sophie Desaulle, présidente de l'Association des paralysés de France (APF)
M. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées
M. Jean Canneva, président de l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux (UNAFAM)
ANNEXE
II
-
LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR
Mercredi 28 janvier 2004
M. Jean-Pierre Gantet, secrétaire général du comité national pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CNPSAA)
Mme Monique Rongières, présidente du groupe « polyhandicap France »
Dr Roland Cecchi-Tenerini, inspecteur, et M. Gauthier Maigne, inspecteur adjoint, de l'IGAS
M. Michel Mercier, président de la commission du développement social de l'Assemblée des départements de France
M. Marcel Royez, secrétaire général de la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)
Mercredi 4 février 2004
M. Gérard Zribi, président de l'association nationale des directeurs et cadres de centres d'aide par le travail (ANDICAT)
Mme Catherine Bachelier, déléguée interministérielle à l'accessibilité, ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer
M. Fernand Tournan, président de l'association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH)
M. Rémi Jouan, président, et Mme Claudie Buisson, directeur général de l'association nationale de gestion de fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH)
M. Désiré Mahé, président, M. Denis Simiand, vice-président, et M. Sylvain Auriau, secrétaire général du groupement des ateliers protégés-union nationale des entreprises de travail adapté (GAP-UNETA)
Mme Nicole Gargam, présidente de l'union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif (UNISDA)
Jeudi 5 février 2004
M. Denis Piveteau, maître des requêtes au Conseil d'État
MM. Pierre Matt, président, M. Philippe Calmette, directeur général, Frédéric Lefret, responsable des relations institutionnelles et Mme Sophie Mane , chargée des relations institutionnelles, du syndicat national des associations gestionnaires d'établissements et services pour personnes handicapées mentales (SNAPEI)
M. Maxim Peter, directeur général, M. Eric Lecoux, responsable du département immobilier, de la Fédération des sociétés d'économie mixte (Sem), Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat, Mme Juliette Furet, direction du développement professionnel et M. Raphaël Besozzi, conseiller technique, de l'Union nationale pour l'habitat
M. Dominique Tellier , directeur des relations sociales, Mme Catherine Martin , directeur-adjoint, M. Guillaume Ressot , chargé des relations avec le Parlement, du mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Mme Suzanne Buffet , déléguée générale de l'Association pour le logement des grands infirmes (ALGI )
ÉTUDE D'IMPACT
concernant certaines dispositions du projet de
loi
pour l'égalité des droits des personnes
handicapées
I. Les domaines sur lesquels porte l'étude d'impact :
Le Gouvernement a choisi de réaliser une étude d'impact portant sur quatre des principaux volets du projet de loi pour l'égalité des droits et des personnes handicapées : la compensation et les ressources ; la scolarité ; l'emploi et le travail protégé ; les compétences professionnelles dans le champ du handicap.
Les nouvelles dispositions prévues auront en effet des conséquences importantes, tant sur le plan juridique que sur le plan financier et social, pour les personnes handicapées, les professionnels qui interviennent auprès d'eux ou les entreprises ou établissements susceptibles de les accueillir.
La présente étude comporte les fiches suivantes analysant, d'une part, l'impact juridique et administratif, d'autre part, l'impact social, économique et financier des dispositions décrites :
- Fiche n° 1 sur la compensation des conséquences du handicap (art. 2) ;
- Fiche n° 2 sur l'allocation aux adultes handicapés (art. 3) ;
- Fiches n° 3 et 3 bis sur le statut des travailleurs de CAT (art. 4 et 20) ;
- Fiche n° 4 sur la scolarisation des jeunes handicapés (art. 6 à 8) ;
- Fiche n° 5 sur les métiers de santé liés à l'appareillage (art. 33 à 35) ;
- Fiche n° 6 sur la garantie de ressources en milieu ordinaire (art. 18 et 19) ;
- Fiche n° 7 sur la transcription de la directive européenne (art. 9) ;
- Fiche n° 8 sur la négociation collective (art. 10) ;
- Fiche n° 9 sur la convention d'objectifs État/AGEFIPH (art. 11) ;
- Fiche n° 10 sur le conventionnement des organismes de placement spécialisés (art. 11) ;
- Fiche n° 11sur l'extension de la liste des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (art.12-I) ;
- Fiche n° 12 sur le mode de décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (art.12-II) ;
- Fiche n° 13 sur la modulation du montant et le plafond de la contribution des employeurs (art.12-III) ;
- Fiche n° 14 sur la suppression du classement des travailleurs handicapés (art. 12-IV) ;
- Fiche n° 15 sur les entreprises adaptées (art. 19) ;
- Fiche n° 16 sur la suppression des CDTH (art. 41)
II. Les dispositions de la loi dont l'impact devra être mesuré en fonction également d'autres textes législatifs en préparation ou des décrets d'application à venir :
a) Les conséquences de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
Dans l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi pour l'égalité des droits des personnes handicapées, le Gouvernement indique que le financement des droits nouveaux inscrits dans ce projet de loi sera assuré par une partie des ressources mobilisées par la création d'un jour férié et qui seront affectées à la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ce nouveau dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées sera par conséquent mis en place dans le cadre d'un projet de loi distinct et complémentaire.
De même, afin de ne pas préempter les décisions qui seront prises à l'issue de la mission en cours préparatoire à la mise en oeuvre de la Caisse nationale, le projet de loi pour l'égalité des droits des personnes handicapées ne contient pas, au plan institutionnel, de dispositions tendant à modifier l'actuelle répartition de compétences entre l'État, les organismes de protection sociale et les collectivités.
C'est pourquoi, s'agissant de l'impact financier des dispositions relatives à la prestation de compensation, dont le montant, pour ses différents éléments, sera fixé réglementairement, l'étude se borne à donner, à titre indicatif, une estimation de la part des ressources de la future Caisse nationale de solidarité qui pourrait être consacrée à chacun de ces éléments.
Les dispositions relatives aux maisons départementales des personnes handicapées et à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (art. 27 à 33) n'appellent pas d'étude d'impact à ce stade puisque les modalités d'animation, d'organisation et de financement de ces instances dépendront largement des missions, du périmètre d'intervention et de l'articulation de la future caisse avec les autorités et organismes exerçant aujourd'hui des responsabilités en matière d'accueil, d'évaluation et d'orientation des personnes handicapées au sein des CDES, COTOREP ou sites pour la vie autonome.
b) Impact des mesures prévues dans les domaines de l'accessibilité du cadre bâti, des transports et des nouvelles technologies :
Les dispositions du projet de loi relatives à l'accessibilité du cadre bâti, des transports et des nouvelles technologies prévoient des exigences architecturales, des calendriers, des contrôles et, parfois, des possibilités de dérogation qui appellent, à cause de leur caractère éminemment technique et de la nécessité d'élaborer des normes et des cahiers des charges précis, des dispositions réglementaires nombreuses et à concerter avec les milieux associatifs et professionnels concernés.
Le Gouvernement estime, par conséquent, plus opportun d'attendre la mise au point des projets de décrets pour faire réaliser les études permettant de parfaitement en mesurer l'impact.
FICHE D'IMPACT N° 1
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I - Impact juridique et administratif :
I.1 -Textes applicables aujourd'hui en la matière
- Les articles L.245-1 à L.245-11 du code de l'action sociale et des familles définissent l'allocation compensatrice pour tierce personne et pour frais professionnels. Le régime de ces allocations est précisé dans le décret n° 77-1547 du 31 décembre 1977.
- L'article L.134-3 du code de l'action sociale et des familles précise les modalités de recours contre les décisions prises par les conseils généraux en matière d'allocation compensatrice.
- Les articles L.167-1 à L.167-5 du code de la sécurité sociale relatifs à la tutelle sont applicables en matière d'allocation compensatrice.
- Les articles L.821-1 à L.821-6 du code de la sécurité sociale sont applicables s'agissant du calcul des ressources.
- Le décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977 est applicable s'agissant des modalités de versement de l'allocation compensatrice en établissement.
- Le décret n° 2001-256 du 26 mars 2001 relatif à la prise en charge des produits et prestations mentionnés à l'article L.165-1 du code de la sécurité sociale doit être mentionné s'agissant des aides techniques.
I.2 - Objectifs de la loi à partir de l'analyse de la situation actuelle
L'objet du titre i et du chapitre I du titre II du projet de loi est de concrétiser la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 qui a introduit un droit à la compensation des conséquences du handicap (actuel article l. 114-1 du CASF), sans donner à ce concept un véritable contenu.
L'article 1 er du projet de loi donne une définition précise de ce droit. L'article 2 le concrétise notamment par la création d'une prestation de compensation qui, non seulement se substitue à l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne ou pour frais professionnels (article L 245-1 à L.245-11 du CASF), mais a vocation également à compenser d'autres surcoûts liés à des besoins d'aides techniques, d'aménagement du logement ou à des dépenses spécifiques ou exceptionnelles (aides aux aidants, acquisition ou entretien de produits liés au handicap, aides animalières) auxquelles est exposée la personne handicapée adulte (les familles des enfants et jeunes adultes handicapés bénéficient déjà d'une compensation par le biais de l'allocation d'éducation spéciale -AES-, dont les compléments ont été modifiés par le décret du 29 mars 2002.)
FICHE D'IMPACT N° 1 (suite)
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I.3 - Autorités concernées par la mesure et associées à l'élaboration des textes d'application.
Ministère de la santé et secrétariat d'État aux personnes handicapées (direction générale de l'action sociale, direction de la sécurité sociale), ministère de l'intérieur (direction générale des collectivités locales), ministère du budget (direction du budget, direction de la prévision), ministère de l'équipement, ministère de la recherche départements (association des départements de France) ;
Consultation de la caisse nationale d'assurance maladie, de la caisse nationale d'allocations familiales, de la caisse nationale d'assurance vieillesse et du conseil national consultatif des personnes handicapées.
I.4 - Principaux points qui devront être abordés par les décrets :
Les points suivants devront être abordés :
- conditions d'évaluation des besoins de la personne par l'équipe pluridisciplinaire ;
- conditions d'âge pour l'accès à la prestation et exercice du droit d'option entre la prestation de compensation et l'allocation personnalisée d'autonomie ;
- fixation des critères donnant accès à la prestation ;
- conditions d'affectation de la prestation en fonction de la nature des charges auxquelles est exposée la personne handicapée ;
- modalités et durée d'attribution de la prestation ;
- fixation des taux de prise en charge et des montants des différents éléments de la prestation ;
- modalités de suspension ou d'interruption de la prestation liée à un besoin d'aides humaines ;
- conditions d'ouverture du droit à la prestation de compensation aux personnes hébergées en établissement social ou médico-social ou hospitalisées.
I.5 - Expliciter les avantages attendus pour le public de ces mesures
La nouvelle prestation vise à apporter à toute personne handicapée adulte une réponse adaptée à ses besoins spécifiques de compensation, faisant suite à une évaluation pluridisciplinaire et personnalisée.
Elle doit ainsi améliorer l'autonomie des personnes handicapées par une meilleure prise en charge légale d'aides jusqu'alors insuffisamment couvertes (aides humaines, aides techniques, aménagement du logement). Par ailleurs, des aides, jusqu'alors non prises en compte dans un cadre légal, le seront désormais (ex : aides animalières).
FICHE D'IMPACT N° 1
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II - Impact économique, social et budgétaire :
II.1. Cadre budgétaire à mobiliser
Le financement de cette prestation sera assuré :
- d'une part, par les départements qui ont actuellement la charge de l'allocation compensatrice pour tierce personnes (688 M€ en 2001, dont 516 M€ concernant des bénéficiaires de moins de 60 ans, la différence concernant les personnes de plus de 60 ans ayant choisi, dans le cadre de leur droit d'option ACTP/APA, le maintien de l'ACTP) et qui financeront la prestation de compensation lorsqu'elle prendra la forme d'une aide humaine ;
- d'autre part, par la création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées qui fera l'objet de deux lois spécifiques.
II.2 - Évaluation du nombre de personnes potentiellement concernées et coûts
II.2.1. : Prestation de compensation/aides humaines
II.2.1.1 Situation actuelle :
Nombre d'adultes handicapés bénéficiaires :
- 13 856 personnes bénéficient en 2002 d'une aide ménagère ou d'une auxiliaire de vie ;
- 81 263 personnes (moins de 60 ans) bénéficient de l'ACTP à domicile, 17 767 en établissements, soit au total : 99 030 personnes (source : études et résultats DRESS aide sociale). Leur nombre a progressé d'environ 3 %, entre 2001 et 2002, moins rapidement que les années antérieures (de l'ordre de 5 %)
Coût de l'ACTP :
Ce coût était en 2001, de 688 M€. Toutefois, cette somme comprend l'ACTP versée aux plus de soixante ans qui représentait un quart des effectifs. Dès lors, on estime que la somme réellement affectée à des personnes handicapées de moins de soixante ans était d'environ 516 M€.
II.2.1.2 Hypothèses à venir :
La prestation de compensation sera réservée, comme c'est le cas actuellement pour l'ACTP, aux personnes présentant un taux d'incapacité d'au moins 80%. Elle touchera donc un public comparable, mais de manière plus individualisée. Le coût de la réforme sera fonction de la part du financement apporté par la future caisse nationale pour l'autonomie (850 M€) qui sera consacrée à la prestation de compensation.
L'objectif poursuivi est d'améliorer la situation des personnes les plus lourdement handicapées, qui ont un besoin de tierce personne supérieur à 12 heures par jour pour effectuer les actes essentiels de la vie courante : elles pourront, dans le cadre de la prestation de compensation, être solvabilisées dans une limite qui ne saurait excéder 80% du coût moyen annuel d'une maison d'accueil spécialisée. Le nombre de personnes susceptibles de bénéficier de cette amélioration est estimé à près de 3 000.
Pour les autres, il est prévu d'accroître le nombre d'heures financées, dans la limite des sommes qui seront affectées à la prestation.
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II.2.2. Prestation de compensation/aides techniques
D'après le rapport de Madame le Professeur LECOMTE, (mars 2003), le marché des aides techniques, hors optique, était de 1,432 milliard d'euros, en 2001 dont 717 millions d'euros pris en charge par la LPP. Ce marché recouvre l'ensemble des aides disponibles. La liste sur la base de laquelle ces évaluations ont été faites comporte notamment les aides à l'hygiène corporelle directe ou produits pour incontinence, les matériels sanitaires les aides à l'habillement, les aides à la mobilité et au transfert, les aides au repos (lits, coussins anti-escarres, matelas), les aides aux fonctions sensorielles (ex : réveils, montres parlantes, en braille, téléagrandisseurs, prothèses vocales), les aides à la communication (machines à écrire, parler, synthétiseurs vocaux, système CASATES), etc. Le rapport chiffre à 715 millions d'euros le reste à charge pour les utilisateurs. Ce dernier montant ne tient toutefois pas compte des participations diverses pouvant être obtenues auprès des mutuelles, de l'AGEFIPH, des sites pour la vie autonome, des caisses de sécurité sociale au titre de leur action sociale, etc. Il englobe les éléments de la prestation « aides spécifiques qui compose le 4° de la prestation de compensation (notamment les aménagements de véhicule) à l'exception des aides animalières qui ne figurent pas dans ce rapport.
II.2.3. Prestation de compensation/aménagement du logement
Ainsi que l'a rappelé le 9 ème rapport du Haut conseil pour le logement des personnes défavorisées, les aides au logement des personnes handicapées relèvent du droit commun avec quelques adaptations et font apparaître un domaine dans lequel les modalités de financement sont diverses, complexes et administrativement lourdes à mettre en oeuvre et peuvent laisser des zones d'inégalité.
Les financements complémentaires qui seraient accordés au titre de la prestation de compensation viendraient combler les lacunes existantes. Les estimations tirées de l'analyse du fonctionnement des sites pour la vie autonome montre que le coût moyen d'un aménagement du logement est de 9 560 euros. La mobilisation des financeurs permet de limiter la participation de la personne à 17,4 % avec les prêts. Les besoins exprimés le sont par un quart des personnes, leur demande en aide technique étant la plus courante. Un montant de 30 millions d'euros permettrait de traiter la demande de plus de 3 000 personnes par an.
En outre, il est proposé de dispenser les prestations de compensation de tout recours sur succession sur les éléments de la prestation de compensation à la charge du conseil général. Actuellement, les successions au bénéfice des conjoints et descendants ainsi que pour les personnes qui ont assumé la charge effective de la personne handicapée décédée, font déjà l'objet d'une exemption de recours exercé par les départements.
FICHE D'IMPACT N° 1 (suite)
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On sait que la part des produits de recours sur successions, certes variable d'un département à l'autre, reste très marginale dans les recettes des Conseils généraux ; par conséquent, l'exemption de quelques recours sur des successions dont le niveau reste toujours modeste, ne représente qu'une somme infime. L'ensemble des pertes de recettes des départements concernant l'ensemble des exemptions de recours avait été estimé, à l'occasion de réponses apportées au cours de débats parlementaires sur la loi de modernisation sociale, à moins de 15 M€ 1 ( * ) .
II.2.4. Mécanisme sommaire de suivi et d'évaluation
Les maisons départementales du handicap, qui centraliseront les demandes et seront chargées de l'évaluation des besoins de la personne, ont vocation à faire une évaluation qualitative de la mise en place des mesures. Elles transmettront à l'échelon central ces données qui auront été recensées et analysées en fonction d'indicateurs de qualité et de performance définis par les ministères intéressés (santé, éducation nationale, affaires sociales...).
FICHE D'IMPACT N° 2
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I - Impact juridique et administratif :
I.1. Objectifs de la loi
L'allocation aux adultes handicapés, créée en 1975, est un revenu minimum garanti par l'État accordé aux personnes dont le taux d'incapacité est au moins égal à 80 % (article L.821-1 CSS) et à celles dont le taux d'incapacité est compris entre 50 et 80% et qui sont, compte tenu de leur handicap, dans l'impossibilité de se procurer un emploi (article L.821-2 CSS). L'AAH, prestation non contributive soumise à condition de ressources, est subsidiaire par rapport aux avantages de vieillesse, d'invalidité ou de rente d'accident du travail.
L'allocation aux adultes handicapées est complétée, sous certaines conditions, par un complément, aide financière destinée à couvrir une partie des frais supplémentaires supportés par les personnes qui ont fait le choix de vivre dans un logement indépendant.
Le dispositif mis en place par la loi de 1975 a révélé un certain nombre de faiblesses, notamment une prestation insuffisamment incitative au regard de l'insertion professionnelle, et une articulation complexe entre l'AAH et les autres avantages invalidité.
La réforme répond donc à trois objectifs majeurs :
Favoriser un meilleur cumul entre l'allocation et le revenu tiré d'une activité professionnelle
La réforme consiste à ne prendre en considération, pour le calcul de l'AAH, qu'une partie des revenus d'activité de la personne handicapée bénéficiaire de l'AAH. Les possibilités de cumul entre l'allocation et les revenus d'activité professionnelle sont ainsi largement améliorées.
Le système actuel prévoit que les ressources prises en compte sont constituées des revenus après abattements des 10 et 20 % appliqués aux revenus salariés et après abattement spécifique aux personnes invalides.
Les nouvelles dispositions visent à pratiquer un abattement supplémentaire sur les revenus d'activité professionnelle de l'allocataire, de façon à permettre un cumul plus favorable avec l'AAH.
Les allocataires de l'AAH sont ainsi davantage incités à la reprise d'une activité professionnelle.
Améliorer les conditions d'autonomie pour les personnes les plus lourdement handicapées
Les personnes dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 % bénéficient du complément d'AAH lorsqu'elles disposent d'un logement indépendant pour lequel elles reçoivent une aide personnelle au logement et qu'elles perçoivent l'AAH à taux plein ou en complément d'un avantage de vieillesse, d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail.
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La réforme consiste à élargir le champ des bénéficiaires du complément d'AAH aux personnes qui perçoivent une AAH à taux réduit en raison de la perception de revenus liés à une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. Ce complément sera modulé en fonction des revenus d'activité professionnelle de l'intéressé.
Cette mesure est complémentaire à celle visant à favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées : elle permet en effet d'éviter qu'une personne bénéficiant du complément d'AAH ne perde le bénéfice de ce complément du fait d'une reprise d'activité professionnelle, ce qui aurait pour effet d'annihiler en tout ou partie l'effet incitatif attendu de la réforme de l'intéressement, tout en garantissant le maintien des avantages visant à favoriser leur autonomie.
Pour les personnes exerçant une activité professionnelle, ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % et titulaires de l'AAH et du complément d'AAH, la réforme se traduira ainsi par un double mécanisme d'intéressement : au travers d'une augmentation du montant de l'allocation versée et au travers du maintien du bénéfice du complément d'AAH.
II - Impact économique, social et budgétaire :
II. 1 Impact sur le public
Le nombre de personnes disposant actuellement d'une AAH et d'un revenu d'activité et susceptibles de bénéficier des mesures d'intéressement est estimé à 56 400. L'effet incitatif de la mesure d'intéressement peut conduire à une augmentation de ce nombre.
Le nombre de personnes bénéficiant d'un complément d'AAH est de 152 000 au 31 décembre 2002. Le nombre de personnes susceptibles de bénéficier de l'extension du champ du complément est estimé à 21 000 personnes.
II.2. Incidences financières
Le coût de la mesure consistant à pratiquer un abattement sur les revenus d'activité peut être estimé à 43,5 millions €.
L'élargissement du champ des bénéficiaires du complément d'AAH devrait générer un coût supplémentaire estimé à 24 millions €.
FICHE N° 3
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I. Impact juridique et administratif :
I.1. La situation actuelle :
La garantie de ressources des travailleurs handicapés admis en CAT est fondée sur les articles L.243-4 à L.243-6 du code de l'action sociale et des familles.
Le montant de cette garantie de ressources est fixé par le décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977 modifié par le décret n° 90-448 du 31 mai 1990. Il est égal à 70 % du SMIC et se compose d'une rémunération directement versée par l'établissement, compris entre 5 et 20% du SMIC, et d'un complément de rémunération versé par l'État, dont le montant est de 50 % du SMIC. Le complément de rémunération est versé en même temps que la rémunération directement versée par le CAT, avec une distinction sur le bulletin de paie.
Un système de bonification est prévu si le travailleur de CAT perçoit plus de 15 % du SMIC en rémunération directe : la garantie de ressources peut alors atteindre 110 % du SMIC. Les bonifications peuvent en outre varier en fonction de la « productivité » du travailleur de CAT.
Enfin, sous réserve de remplir les conditions d'admission, les revenus provenant du travail en CAT peuvent être complétés par l'allocation aux adultes handicapés.
Ce dispositif apparaît peu lisible pour les travailleurs de CAT dont les revenus se composent pour 78% d'entre eux des trois composantes que sont la rémunération directement versée par l'établissement, le complément de rémunération et l'AAH. Par ailleurs, le mécanisme de la garantie de ressources, qui est un droit individualisé, pose des difficultés de gestion (interventions parallèles et parfois insuffisamment coordonnées des DDTEFP pour le versement de la garantie de ressources des travailleurs de CAT et des DDASS pour la subvention de fonctionnement des CAT, interprétations différentes quant à l'éventuelle application de la RTT à des non salariés, mesure du niveau d'efficience des travailleurs, etc.).
I.2. La solution proposée :
Il est proposé de créer une « rémunération garantie », ne constituant pas un salaire au sens du code du travail, déterminée par référence au SMIC. Elle sera versée par le CAT et se composera d'une rémunération directe financée par le CAT et d'un complément de rémunération financé par l'État sous la forme d'une aide au poste variant en fonction de la rémunération directe et du caractère à temps plein ou à temps partiel de l'activité exercée. L'État assurera également la compensation des charges et cotisations afférentes à l'aide au poste, les cotisations devant être calculées sur la base d'une assiette forfaitaire.
FICHE N° 3 (suite)
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I.3. Les avantages attendus :
Le nouveau dispositif sera plus lisible pour les personnes handicapées qui percevront une rémunération unique calculée de telle sorte qu'elle ne nécessitera généralement pas que le travailleur handicapé ait à solliciter en outre une AAH différentielle comme c'est actuellement le cas le plus souvent.
Il permettra en outre d'impliquer davantage les établissements dans la rémunération des personnes handicapées qu'ils accueillent, ceux-ci devant désormais justifier le niveau de l'aide demandée à l'État.
I.4. L'impact sur les formalités administratives et l'ordonnancement juridique :
En premier lieu, la mesure proposée s'inscrit dans le cadre d'une simplification des procédures, tant pour les usagers des établissements concernés que pour les services chargés du contrôle de ces établissements.
En effet, alors que dans le dispositif actuel les travailleurs handicapés admis en CAT sont tenus, pour voir leur ressources provenant de leur travail complétées par l'AAH, d'effectuer les démarches administratives en se sens, l'admission en CAT ouvrira désormais droit à un niveau de ressources provenant de la seule « rémunération garantie ».
En second lieu, le nouveau dispositif introduira une stabilité dans le niveau de ressources des travailleurs handicapés admis en CAT alors que les ressources provenant d'une allocation de subsistance, telle que l'AAH, sont recalculées annuellement au vu de la situation familiale et du niveau de ressources de chaque allocataire
II. Impact social, économique et financier :
II.1. L'impact social :
Le nouveau mode de rémunération des travailleurs handicapés admis en CAT leur permettra de bénéficier d'une « rémunération garantie » supérieure à l'actuelle GRTH, puisqu'elle intégrera également l'équivalent de l'actuelle AAH différentielle.
II.2. L'impact économique :
101 811 places de CAT sont inscrites en loi de finances pour 2003, réparties entre 1419 structures. La réforme projetée a ainsi vocation à concerner l'ensemble de ce dispositif. Elle sera d'application immédiate sur l'ensemble du territoire métropolitain et dans les DOM.
FICHE N° 3 (suite)
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Le financement de l'aide au poste sera assuré à la fois par le recyclage des crédits actuellement destinés au complément de rémunération des travailleurs de CAT (projet LF 2004 : 911 M€, la dépense effective 2002 ayant dépassé chaque la LFI d'une vingtaine de millions) 2 ( * ) et d'une partie des crédits correspondant au versement de l'AAH aux travailleurs handicapés de CAT (370 M €) 3 ( * ) .
II.3. L'impact budgétaire :
La réforme n'a vocation, ni à augmenter ni à diminuer la participation directe de l'État dans la détermination du niveau de ressources des travailleurs handicapés admis en CAT.
En effet, le projet de loi a pour vocation de rénover le dispositif mis en place en 1975 sans pour autant remettre en cause le principe d'une aide apportée aux CAT pour la rémunération des personnes handicapées concernées.
Afin de neutraliser les effets d'une augmentation de la rémunération garantie sur le niveau des cotisations, le projet de loi (art L 243-5) prévoit que les cotisations seront calculées sur la base d'une assiette forfaitaire, l'État assurant aux CAT la compensation des charges et des cotisations afférentes à l'aide au poste.
FICHE N° 3 BIS
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I. Impact juridique et administratif :
I.1. La situation actuelle :
Aux termes de l'article L.344-2 du code de l'action sociale et des familles, les centres d'aide par le travail (CAT) sont des établissements médico-sociaux offrant des activités productives et un soutien médico-social à des adultes handicapés dont la capacité de travail est inférieure à un tiers de celle d'un travailleur valide.
Ces structures ont une double vocation, la mise au travail et le soutien médico-social des personnels salariés d'encadrement et des travailleurs handicapés, ainsi que deux budgets (un budget principal d'activité sociale et un budget annexe de production et de commercialisation). Ainsi, les CAT ne sont pas des entreprises mais des établissements médico-sociaux relevant des dispositions du code de l'action sociale et des familles.
Le statut des personnes handicapées qui travaillent en CAT est fondé pour partie sur des règles spécifiques et, pour partie, mais seulement lorsque la réglementation propre à ces centres le prévoit expressément, sur des dispositions du code du travail (hygiène, sécurité et médecine du travail). Les personnes handicapées qui travaillent en CAT n'ont donc pas le statut de salarié.
I.2. Objectifs de la loi et description des mesures :
L'article 20 introduit des dispositions destinées à favoriser une plus grande autonomie et l'évolution professionnelle des travailleurs handicapés dans les CAT et, chaque fois que possible, avec les accompagnements adaptés, vers le milieu de travail ordinaire.
- Le contrat de séjour, qui doit être signé à l'entrée en établissement social et médico-social, aura une dénomination spécifique (contrat de soutien et d'aide par le travail) lorsqu'il concernera une personne admise en CAT (complément à l'article L 211-4 du CASF).
- Il prend en compte les évolutions introduites par la loi du 2 janvier 2002, qui reconnaît la notion de service d'aide par le travail et fonde l'existence de prises en charge à temps partiel (article L.344-2 modifié).
- Il permet aux travailleurs handicapés des CAT de bénéficier d'un certain nombre de droits inspirés de ceux réservés aux salariés en créant des dispositions relatives à la formation professionnelle, aux congés et à certaines prestations parentales (articles L.344-2-1 à 2-3 du CASF).
Il permet au travailleur handicapé de bénéficier, de la part d'un CAT, d'une convention d'appui pour exercer une activité professionnelle chez un employeur, dans le cadre d'un contrat de travail relevant du code du travail.
Il instaure un mécanisme de reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé à toute personne handicapée orientée en CAT.
FICHE N° 3 BIS (suite)
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I.3. Les avantages attendus :
Il s'agit de mettre fin aux très grandes inégalités rencontrées dans les CAT en matière de formation professionnelle et de congés. Ces dispositions seront ainsi de nature à sécuriser et à clarifier la situation de l'ensemble des usagers.
La réécriture des dispositions relatives à la « mise à disposition » de travailleurs de CAT, qui exercent une activité à l'extérieur de l'établissement auquel ils demeurent rattachés, doit permettre de mettre un terme aux nombreuses divergences d'interprétation rencontrées à travers le territoire. Mais cette clarification des termes permettra surtout de justifier auprès des services d'inspection du travail, la présence au sein d'entreprises, de travailleurs handicapés demeurant soumis à un statut d'usager d'un établissement médico-social sans pour autant que cette situation soit requalifié de prêt illicite de main d'oeuvre. Cette solution doit se développer et constituer l'une des réponses à l'insertion dans le milieu ordinaire de travail, en offrant un accompagnement dans le cadre d'une situation intermédiaire entre une prise en charge en établissement et un emploi en entreprise.
La création d'une convention d'appui aux travailleurs issus de CAT et embauchés sur un contrat de travail en milieu ordinaire est destinée à parfaire la palette des dispositifs susceptible de favoriser une insertion dans le milieu ordinaire de travail.
Afin de permettre tant à la personne handicapée concernée qu'à l'entreprise de mesurer la faisabilité, à titre définitif de cette insertion professionnelle dans les meilleurs conditions, un « droit de retour » en CAT est instauré au profit du travailleur handicapé n'ayant pas la possibilité ou l'opportunité d'intégrer définitivement le milieu ordinaire. Cette disposition est destinée, en favorisant les rencontres et le travail en commun, à lever les réticences tant des entreprises que des personnes handicapées et à inciter celles-ci à tenter l'expérience.
A terme, cette procédure semble de nature à accroître les sorties « vers le haut » des CAT de tous ceux qui en ont les capacités et par suite de libérer des places au profit de personnes plus lourdement handicapées et en attente d'admission.
Enfin, le développement des services d'aide par le travail, qui donnent une assise juridique aux « CAT hors les murs », doit de même favoriser cette insertion professionnelle, en constituant la première étape d'une sortie d'un établissement médico-social vers le milieu ordinaire. Ces services permettront une rencontre entre les travailleurs handicapés, accompagnés des personnels médico-éducatifs du CAT et du milieu ordinaire.
I.4. L'impact sur les formalités administratives et l'ordonnancement juridique :
Les nouvelles dispositions introduites à l'article L.323-10 du code du travail (article 32 du projet de loi) simplifient les procédures administratives, l'orientation en CAT entraînant automatiquement la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, ce qui n'est pas le cas actuellement.
FICHE N° 3 BIS (suite)
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II. Impact social, économique et financier :
II.1. L'impact social :
La confirmation de l'existence d'une procédure de mise à disposition, la création d'une convention d'appui et la reconnaissance des services d'aide par le travail sont autant de mesures destinées à éliminer les barrières entre le milieu ordinaire et le milieu protégé de travail en favorisant la mobilité entre eux.
De même, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à tous les travailleurs admis en CAT et la possibilité d'exercer des activités à temps partiel en CAT et en milieu ordinaire permettra le cas échéant, une adaptation progressive au milieu ordinaire de travail, dans le cadre de dispositifs sécurisés, de nature à lever les barrières psychologiques à l'insertion en milieu ordinaire.
Le développement de l'insertion professionnelle des personnes handicapées sera un facteur de nature à diminuer les discriminations à l'embauche ou dans les relations de travail, dont elles sont encore trop souvent victimes aujourd'hui.
II.2. L'impact économique :
L'ensemble des 100.000 travailleurs de CAT est concerné par les nouvelles dispositions de l'article 20.
Le développement des mesures permettant partiellement, temporairement ou définitivement, de sortir du milieu protégé est à terme de nature à avoir un impact sur le nombre de personnes en liste d'attente, l'admission, à temps plein dans un établissement d'aide par le travail n'étant plus la seule solution offerte aux jeunes adultes handicapés sortant notamment d'IMPRO.
Un impact direct sur l'emploi des personnes handicapées dans le milieu ordinaire est attendu des nouvelles modalités de passage du milieu protégé au milieu ordinaire, et tout particulièrement de la possibilité de travailler à temps partiel en CAT et à temps partiel en milieu ordinaire.
II.3. L'impact budgétaire :
L'impact financier des mesures législatives prévues ne pourra être mesurée qu'en fonction des dispositions réglementaires qui seront prises pour l'application de la loi.
En effet, concernant le droit à la formation professionnelle une transposition in extenso, du dispositif en vigueur dans les entreprises au cas particulier des travailleurs handicapés admis en CAT n'a pas été retenue car elle n'aurait pas permis de prendre en considération les caractéristiques de ces établissements médico-sociaux et des personnes qu'ils accueillent.
FICHE N° 4
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I. Impact juridique et administratif :
I.1. Les objectifs
La loi vise à ce que le respect du principe de l'obligation éducative, inscrit dans la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, s'appuie désormais sur une unicité de la mission pédagogique, assurée, en premier lieu dans les établissements situés à proximité du domicile des enfants, par du personnel relevant du ministère chargé de l'éducation nationale et complétée par les prestations rendues nécessaires du fait du handicap.
Le parcours de formation devra intégrer l'ensemble de la scolarité, de l'école élémentaire à l'enseignement supérieur, où l'accueil des étudiants handicapés est encouragé. La volonté de parvenir à une complémentarité des dispositifs existants, centrés autour de l'enfant et du projet individualisé, arrêté en liaison avec les parents, guide cette rédaction. En conséquence, la distinction exercée entre éducation ordinaire et éducation spéciale disparaît.
I.2. Les modalités et le calendrier prévisionnel :
avant fin 2004 :
Les textes réglementaires relatifs à l'éducation spéciale (notamment les annexes au décret n°89-798 du 27 octobre 1989 remplaçant les annexes XXIV, XXIV bis et XXIV ter au décret du 9 mars 1956) et l'allocation d'éducation spéciale (notamment les décrets n°2002-421 et 422 relatifs à la création de six catégories de complément d'allocation d'éducation spéciale) seront révisés pour tenir compte de la suppression du terme « éducation spéciale ».
Un décret doit être pris par le ministère chargé de l'éducation nationale pour application de l'aménagement des examens et concours (actuellement prévu par circulaire MEN n°2003-100 du 26.06.2003).
Courant 2005 :
Il convient de prévoir, en concertation avec les représentants des structures et des personnels concernés, les modalités du passage progressif des personnels enseignants des établissements médico-sociaux (régis par le décret n°89-798 du 27 octobre 1989 et relevant des conventions collectives) vers la situation de maître de l'enseignement privé, ainsi que de celui des personnels enseignants des établissements médico-sociaux mentionnés dans le décret n°88-423 du 22 avril 1988 et celui des établissements publics nationaux régis par le décret n°74-355 du 26 avril 1974 relatif à l'organisation et au régime administratif et financier des instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles.
FICHE N° 4 (suite)
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Dans ce cadre, les nouveaux textes doivent préciser les conditions de la reconnaissance des diplômes des enseignants pour jeunes sourds et jeunes aveugles délivrés par le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées (décret n°86-1151 du 27 octobre 1986 et arrêtés du 15 décembre 1976). Un groupe de travail rassemblant la direction générale de l'action sociale, la direction de l'administration générale, des personnels et des budgets (santé), la direction des enseignements scolaires et la direction des personnels enseignants (éducation nationale) examine déjà la situation des personnels enseignants pour déficients sensoriels.
Les conséquences budgétaires d'un transfert du financement de ces postes entre le budget de l'assurance maladie et celui de l'État doivent être appréciées en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale.
II. Impact social, économique et financier :
II.1. Les populations concernées :
113.000 enfants bénéficient de l'allocation d'éducation spéciale au 31 décembre 2002. Selon les enquêtes menées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, les commissions départementales de l'éducation spéciale ont prononcé 94.800 décisions d'orientation en 1999/2000 pour une capacité d'environ 130.000 places existantes en établissements ou services médico-sociaux. Les enfants accueillis en établissements ou services médico-sociaux sont majoritairement concernés par des handicaps mentaux ou psychiques. A la rentrée scolaire 1999, environ 52.000 enfants ou adolescents sont scolarisés individuellement en milieu ordinaire, à temps complet ou partiel, et 51.000 sont scolarisés en intégration collective dans des dispositifs adaptés (Le handicap en chiffres 2003 - CNTERHI - DREES). De nombreux chiffres circulent quant au nombre d'enfants qui ne sont accueillis ni dans le secteur médico-social, ni en milieu ordinaire sans qu'il soit possible de les valider dans l'attente du déploiement d'un nouveau système d'information.
Selon la direction de l'enseignement supérieur (éducation nationale), la France compte 7.200 étudiants handicapés en 2001 (enquête annuelle DESUP - 2002/2003).
Outre les personnels enseignants de l'éducation nationale, plusieurs catégories de personnels interviennent dans le champ de l'enseignement des enfants et adolescents handicapés. En l'état actuel, le nombre de personnels enseignants intervenant dans les établissements médico-sociaux et ne relevant ni d'un statut public ni d'un contrat mentionné au titre IV du livre IV du code de l'éducation nationale, est estimé à 2364 postes en équivalent temps plein. Environ 1700 interviennent dans le champ des déficients sensoriels. En outre, 230 emplois budgétaires de personnels enseignants figurent dans le corps des établissements régis par le décret n°74-355 du 26 avril 1974.
FICHE N° 4 (suite)
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II.2. Impact financier :
Il n'est pas possible de mesurer l'impact global des mesures relatives à la réaffirmation de l'unicité du parcours de formation des élèves handicapés. En revanche, peut être estimée la charge globale que représentent les dépenses d'enseignement actuellement imputées sur le budget de l'assurance maladie ou au titre des dépenses du ministère chargé de la santé.
Sur la base d'un salaire médian évalué à 2400 € par mois, la masse salariale financée au titre de l'assurance maladie pour les dépenses d'enseignements des établissements médico-sociaux atteindrait environ 100.000.000 € par an, charges sociales incluses. Le coût de ces salaires est intégré dans le prix de journée des établissements et financé par la sécurité sociale. En outre, 230 emplois budgétaires de personnels enseignants figurent dans le corps des établissements régis par le décret n°74-355 du 26 avril 1974. La masse salariale correspondant à ces emplois est estimée à 11.000.000 € par an, financés sur crédits d'État.
II.3. Impact en gestion :
A terme, l'identification d'un gestionnaire unique pour la prise en charge des dépenses liées à la formation des enseignants comme pour celle de la mise en oeuvre des actions pédagogiques à destination des élèves handicapés constitue un vecteur de simplification pour les usagers ainsi que les professionnels. Elle contribue à la réalisation de l'objectif d'unicité du parcours de formation.
La mise en place d'un financement unique pour les dépenses pédagogiques tire les conséquences de la suppression du terme éducation spéciale en neutralisant le critère financier dans le choix d'une proposition d'orientation en milieu ordinaire ou dans le secteur médico-social.
Pour les usagers, elle répond à une volonté de simplification et s'inscrit dans une logique d'accès au droit commun dans la mesure où le ministère chargé de l'éducation constitue un interlocuteur identifié et compétent quel que soit les modalités de prise en charge effectives.
Pour les enseignants, elle éteint progressivement les distinctions actuelles entre, principalement, les enseignants pour déficients sensoriels du secteur privé, les enseignants des établissements publics relevant du ministère chargé de la santé et les enseignants relevant du ministère chargé de l'éducation nationale. Il en résulte une simplification de la gestion des corps, actuellement partagée entre les deux ministères.
FICHE N° 4 (suite)
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II.4. Moyens de suivi et d'évaluation :
Mise en place d'un groupe interministériel de travail sur les modalités de rapprochement des parcours, des formations et les conditions de prise en charge des personnels enseignants ne relevant pas d'un financement du ministère chargé de l'éducation nationale. Ce groupe devra comprendre, outre les ministères chargés de la santé et de l'éducation nationale, les ministères chargés de la fonction publique et du budget.
Création, dans le cadre des groupes handiscol' et en cohérence avec les missions dévolues aux maisons départementales des personnes handicapées, d'un dispositif déconcentré d'études et de réflexion sur la nature de la prise en charge de la pédagogie à destination des élèves handicapés. Celui-ci pourra s'appuyer sur les informations quantitatives et qualitatives fournies par le système d'informations rénové des CDES, OPALES, qui sera progressivement déployé au cours de l'année 2004.
FICHE N° 5
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I. Impact juridique et administratif :
I.1. La situation actuelle
Jusqu'en juillet 2003, les professions de l'appareillage étaient encadrées par le biais des agréments délivrés par les Caisses de Sécurité Sociale fixant les modalités de remboursement et de tiers payant dans le cadre du TIPS (puis depuis 2001 de la LPP). Seuls les audioprothésistes et les opticiens lunetiers disposaient d'une réglementation de leur profession par le biais du code de la santé publique comme auxiliaires médicaux. Ces agréments étaient basés sur des conditions de formation et d'exercice.
Le 5 mars 1993, le Conseil d'État a annulé un de ces agréments en estimant qu'il était dépourvu de base légale. Néanmoins, faute d'une autre réglementation et pour éviter des problèmes pour les patients et des coûts inutiles pour l'assurance maladie, les caisses de Sécurité Sociale ont maintenu les procédures d'agrément.
Le décret du 26 mars 2001 réformant le T.I.P.S. et instaurant la L.P.P. (Liste des Produits et Prestations) a supprimé la notion d'agréments de professionnels adaptant des appareillages. La C.N.A.MTS a, par circulaire du 11 juillet 2003, tiré toutes les conséquences de la réforme ainsi introduite et a décidé de ne plus procéder à aucun agrément, laissant ainsi les professionnels de l'appareillage privés de tout encadrement.
I.2. Les objectifs
L'objet de la mesure consiste, pour des raisons de santé publique et pour éviter des coûts inutiles pour l'assurance maladie, à encadrer les professionnels de l'appareillage, fixer les règles de formation, d'exercice, de déontologie et des règles de bonne pratique. Dans ce but :
- quatre professions d'auxiliaires médicaux (orthoprothésistes, podo-orthésistes, ocularistes-épithésistes et orthopédistes-orthésistes) sont créées pour compléter celles des audioprothésistes et opticiens-lunetiers déjà inscrites dans le code de la santé publique,
- une profession regroupant les métiers délivrant des aides techniques est créée pour les professionnels qui conseillent, font essayer et délivrent des aides techniques.
I.3. Caractéristiques des métiers concernés
Les orthoprothésistes :
Ces professionnels fabriquent et adaptent l'appareillage après prises de mesure, moulage en plâtre ou par modélisation par ordinateur (CFAO).
La fabrication de l'appareillage est faite soit par moulage de matières thermoformables haute température soit avec d'autres matériaux (cuir, acier...) et montage de pièces détachées de série (articulations).
Elle est suivie par des essayages, la délivrance de l'appareil et un suivi dans le temps (adaptation et réparation).
FICHE N° 5 (suite)
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Certains produits relèvent de la compétence exclusive des orthoprothésistes : Grand appareillage orthopédique (GAO), prothèses et orthèses externes sur mesure, des membres ou du tronc (corsets de correction de la colonne vertébrale).
D'autres produits ne relèvent pas de leur compétence exclusive, il s'agit :
- de tout le petit appareillage orthopédique (PAO) : chaussures thérapeutiques de série, bandages herniaires, ceintures médico-chirurgicales et corsets orthopédiques en tissus armés, orthèses plantaires, vêtements compressifs pour grands brûlés, orthèses de correction de série, colliers cervicaux, bas à varices ;
- des aides techniques : fauteuils roulants, couteaux fourchettes adaptés, ...
Ces matériels sont destinés à des amputés des membres (prothèses) ou à des patients ayant des déficiences osseuses, neurologiques, musculaires, isolées ou associées.
Une mauvaise adaptation de l'appareillage entraîne pour les orthèses et prothèses des membres des risques d'impotence fonctionnelle, des risques d'érosion du moignon nécessitant des soins des pansements, voire des hospitalisations et des réinterventions.
Pour les corsets de correction (traitement des scolioses), la mauvaise adaptation du corset entraîne un risque d'inefficacité avec risques de recours à la chirurgie entraînant des coûts supplémentaires pour l'assurance maladie.
En terme de formation, actuellement, les professionnels doivent avoir obtenu le BTS d'orthoprothésiste (le CAP et le DTS ne donne pas la qualification d'orthoprothésiste mais d'ouvrier travaillant chez un orthoprothésiste).
Il existe toutefois des cas particuliers entraînant, pour certains professionnels, ayant une expérience professionnelle avant 1991 et avant le 1er janvier 1998 (cf. arrêtés du TIPS) une validation des acquis.
Pour ce qui concerne les conditions matérielles d'exercice, les locaux doivent être adaptés pour permettre l'accueil du patient avec une zone d'essayage individuel séparé de l'atelier.
Le matériel nécessaire est au minimum : un four haute température soit dans l'atelier soit chez un sous traitant, des outils d'atelier pour couper, raboter, tordre, emboutir des matériaux comme le cuir, des matières plastiques rigides, des plaques d'acier...
Les orthopédistes orthésistes
Les orthopédistes orthésistes fabriquent et adaptent des produits très différents après prises de mesures, essayages, et assurent un suivi dans le temps (adaptation et réparation).
FICHE N° 5 (suite)
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Aucun produit ne relève de leur compétence exclusive, il s'agit :
- de tout le petit appareillage orthopédique (PAO) : chaussures thérapeutiques de série, coques talonnières, bandages herniaires, ceintures médico-chirurgicales et corsets orthopédiques en tissus armés, orthèses plantaires, vêtements compressifs pour grands brûlés, orthèses de correction de série, colliers cervicaux, bas à varices ;
- des prothèses mammaires.
Ces produits très variés sont destinés à la prévention de certaines affections (bas à varices pour la prévention des phlébites, vêtements compressifs pour grands brûlés pour la prévention des cicatrices chéloïdes) ou à la correction de lésions (bandages herniaires, prothèses mammaires, ceintures médico chirurgicales...)
Une mauvaise adaptation de ces produits conduit à une inefficacité du traitement entraînant des risques parfois graves (phlébites), voire des hospitalisations et des interventions chirurgicales responsables de surcoût pour l'assurance maladie.
Pour ce qui concerne la formation, actuellement plusieurs écoles dispensent une formation en 1700 heures : ECOTEV de Lyon, Lycée d'Alembert à Paris, école de Marseille, école de Poissy.
En matière d'exercice, les locaux doivent être adaptés pour permettre l'accueil du patient avec une zone d'essayage individuel séparée de l'atelier comprenant un espace suffisant de déambulation pour l'essai des orthèses plantaires.
Le matériel nécessaire pour exercer ce métier est essentiellement constitué d'outils d'atelier pour coudre, couper des matériaux divers...
Les podo-orthésistes
Les podo-orthésistes fabriquent et adaptent les chaussures après prises de mesure et moulage en plâtre. Les actes qui interviennent après la fabrication de la chaussure sont: l'essayage, la délivrance et le suivi (adaptation et réparation).
Certains produits relèvent de leur compétence exclusive, il s'agit des chaussures orthopédiques et des appareils podo-jambiers, sur mesure.
Ce n'est pas le cas des chaussures thérapeutiques de série, montage de semelle pour tourillon ou étrier sur chaussure de série, coques talonnières, orthèses plantaires, orthèses de correction de série au niveau du pied.
Ces chaussures sont destinées à des amputés d'une partie du pied, aux personnes victimes de malformations (pied bot) ou de patients atteints de déficiences osseuses, neurologiques, musculaires, isolées ou associées de la jambe et de la cheville (entraînant un steppage et des troubles de la marche).
FICHE N° 5 (suite)
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Une mauvaise adaptation des chaussures entraîne des risques d'impotence fonctionnelle, des risques d'érosion du moignon nécessitant des soins des pansements, voire des hospitalisations et des réinterventions source de surcoûts pour l'assurance maladie.
En terme de formation il n'existe que le BTS de podo-orthésiste.
(Le CAP et le DTS donnent seulement la qualification d'ouvrier travaillant chez un podo-orthésiste).
Il est mis en place toutefois pour certains cas particuliers un processus de validation des acquis pour les personnes ayant une expérience professionnelle avant 1991 et avant le 1er janvier 1998 (cf. arrêtés du TIPS).
Pour ce qui concerne les conditions matérielles d'exercice :
- les locaux doivent être adaptés pour permettre l'accueil du patient avec une zone d'essayage individuel séparé de l'atelier prévoyant un espace suffisant de déambulation pour l'essai ;
- le matériel nécessaire pour exercer ce métier est essentiellement constitué d'outils d'atelier pour couper, raboter, emboutir des matériaux comme le cuir et des matières plastiques rigides, des oeillets... ;
Les ocularistes et les épithésistes
Les ocularistes et les épithésites fabriquent et adaptent l'appareillage après prises de mesure et moulage.
La fabrication des prothèses oculaires est faite à partir de matières acryliques (presque jamais plus en verre) et celle des prothèses faciales à partir de matières plastiques.
Elle est suivie par des essayages, la délivrance de l'appareil et un suivi dans le temps (adaptation, repolissage...).
Certains produits relèvent de la compétence exclusive des ocularistes et épithésistes : prothèses oculaires et prothèses externes faciales sur mesure.
D'autres produits ne relèvent pas de leur compétence exclusive, il s'agit des produits d'entretien des prothèses.
Ces matériels sont destinés à des personnes énuclées ou victime d'une perte de substance de la face et/ou de l'oreille.
Une mauvaise adaptation de ces prothèses peut entraîner des allergies, des érosions nécessitant des soins, des pansements, voire des hospitalisations et des réinterventions.
En terme de formation il n'existe actuellement aucun diplôme pour cette profession.
FICHE N° 5 (suite)
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Dans le cadre des conventions passées avec la Sécurité Sociale, il était demandé un stage de 6 semaines dans un service d'ophtalmologie et d'ORL.
Il existe toutefois des cas particuliers permettant la validation des actes après vérification de la qualité de quelques prothèses par une commission comprenant des représentants du ministère chargé des anciens combattants et des médecins conseil (cf. arrêtés du TIPS).
Pour ce qui concerne les conditions d'exercice, celui-ci peut être réalisé soit dans le magasin du professionnel soit être itinérant, le professionnel se rendant alors auprès du patient pour prendre les mesures, la fabrication avec moulage étant faite dans l'atelier, les essayages, pour leur part, étant réalisés sur place.
En cas de nécessité de repolissage de la prothèse, celle-ci peut être renvoyée par voie postale.
I.4. L'impact juridique
La création de ces métiers est réalisée par intégration dans le code de la santé publique des métiers qui adaptent les matériels au corps de la personne (orthoprothésistes, podo-orthésistes, ocularistes-épithésites, orthopédistes-orthésistes, dans le titre VI du livre III de la 4 ème partie du code de la santé publique qui inclut déjà les audioprothésistes et les opticiens-lunetiers.
Ces professions sont gérées par le ministère chargé de la santé avec extension du fichier des professions de santé tenu par les DDASS, à ces nouvelles professions.
II. Impact social, économique et financier :
Ce texte permet de garantir aux personnes handicapées qui ont besoin pour vivre d'un appareillage et de recourir à un professionnel compétent et disposant d'une formation et de conditions d'exercice compatibles avec leur santé, leur confort et leur dignité.
Il permet d'encadrer l'ensemble des métiers constituant la chaîne de rééducation et de réadaptation fonctionnelle des personnes dépendantes, atteintes d'une ou plusieurs déficiences.
Cette réforme est très attendue et demandée par l'ensemble des professionnels concernés. Elle a été négociée avec leurs syndicats représentatifs et également avec ceux des professions frontières. Elle est aussi approuvée par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie qui est dépourvue actuellement de moyens de contrôle de la qualité des professionnels qui adaptent et réalisent ces appareillages.
Elle constitue une mesure de santé publique et de sécurité sanitaire.
FICHE N° 5 (suite)
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Le nombre d'entreprises concernées et les montants afférents sont précisés dans le tableau ci-dessous :
Métiers concernés |
Caractéristiques du marché |
CA TTC (2001) |
Orthoprothésistes |
193 entreprises 200 points de vente 650 à 700 professionnels |
121M€ |
Podo-orthésistes |
160 entreprises 230 points de vente 250 à 280 professionnels |
56M€ |
Ocularistes |
34 entreprises |
6,3M€ |
Epithésistes et ocularistes |
8 entreprises dont 2 d'ocularistes |
2M€ |
Orthopédistes orthésistes |
800 entreprises 820 à 850 points de vente 1200 à1300 professionnels |
500M€ |
Sur le plan économique, cette mesure devrait être neutre voire source d'économies pour l'assurance maladie en limitant le risque de fourniture aux personnes handicapées d'appareillages inadaptés. Les caisses pourront contrôler comme elles le souhaitent, la qualification du professionnel qui a délivré l'appareil.
Sur le plan budgétaire, cette mesure n'a pas d'impact.
FICHE N° 6
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I - Objectifs de la loi
La loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 assure actuellement à toute personne handicapée exerçant une activité professionnelle, en milieu ordinaire, une garantie de ressources provenant de son travail.
Différentes raisons conduisent à s'interroger sur la pertinence de ce dispositif.
La GRTH en milieu ordinaire est peu utilisée. En 2002, elle concerne 11 250 personnes handicapées sur environ 340 000 en entreprises (toutes tailles confondues).
Le niveau de salaire versé par l'employeur aux personnes handicapées ne peut plus être fondé sur l'appréciation d'un taux d'efficience dont chacun reconnaît aujourd'hui l'impossibilité de le fonder objectivement.
Cette aide est peu lisible, notamment par les travailleurs handicapés A titre d'illustration, l'article R. 323-59 prévoit une liste des emplois de travail protégé en milieu ordinaire (TPMO), tenue à jour par les services de la DDTEFP. De telles listes n'existent pas.
Enfin, il ne convient pas de maintenir ce dispositif alors qu'il est par ailleurs proposé de supprimer la GRTH en milieu protégé.
Des dispositions transitoires seront prévues afin d'éviter toutes situations économiquement et socialement préjudiciables aux personnes handicapées (maintien provisoire de la GRTH pour les personnes bénéficiaires).
Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le remplacement, à brève échéance, de ce dispositif par des aides spécifiques d'un niveau équivalent en vue de garantir aux personnes et aux entreprises concernées l'aide nécessaire, d'incitation tant à l'embauche qu'au maintien dans l'emploi dans certaines activités, agricoles ou artisanales notamment, et de viser les personnes handicapées en grande difficulté d'accès ou de maintien dans l'emploi, réunissant à cet égard certaines caractéristiques.
Le principe de cette réflexion et de l'aide nouvelle figureront dans le cadre de la convention d'objectifs État-AGEFIPH en cours de négociation.
II - Moyens juridiques et calendrier
L'aide nouvelle prévue à l'article 18 suppose un décret en Conseil d'État en définissant les conditions.
La définition des dispositions transitoires applicables aux bénéficiaires actuels de la mesure, prévues à l'article 46, suppose un décret en Conseil d'État.
La mesure s'applique dès l'entrée en vigueur de la loi et les textes réglementaires seront à prendre sans délai.
FICHE N° 6 (suite)
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III - Population cible
En 2002, elle concerne 11 250 personnes handicapées sur environ 340 000 en entreprises (toutes tailles confondues).
IV - Impact financier
La suppression proposée de cette mesure et son remplacement n'ont pas d'impact sur le budget de l'État car le financement de la GRTH en milieu ordinaire et sa gestion ont été transférés à l'AGEFIPH par amendement parlementaire depuis le 1 er janvier 1997.
V - Impact en gestion
L'AGEFIPH gérera le nouveau dispositif à l'instar de ce qui existe aujourd'hui pour la GRTH en milieu ordinaire.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
L'adaptation des moyens actuels de suivi et d'évaluation au nouveau dispositif interviendra dans le cadre du suivi et des bilans réguliers prévus par la convention triennale d'objectifs à conclure entre l'État et l'AGEFIPH.
FICHE N° 7
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Références codifiées :
- Les références actuelles dans le code du travail :
- La directive est déjà partiellement transposée par les dispositions suivantes :
*Article L.122-45 alinéa 1(motifs de discrimination) et alinéa 4 (charge de la preuve)
*Article L.122-49 (définition du harcèlement)
*Article L.122-50 (harcèlement)
*Article L.122-51 (harcèlement)
- Les modifications contenues dans le projet de loi :
*Article L.323-9 (aménagements raisonnables dont formation)
*Article L.136-2 au 8° (suivi de la négociation collective et bilan annuel par la commission nationale de la négociation collective)
*Article L 133-5 (extension des conventions collectives de branche)
- Article nouveau : Après l'article L.212-4-1 est inséré un nouvel article L.212-4-1-1 (aménagements d'horaires individualisés)
I - Objectifs de la loi
Le principe de non-discrimination à l'égard des personnes handicapées figure d'ores et déjà dans la législation française.
Le projet de loi a pour objectif d'aller plus loin en inscrivant les mesures positives et appropriées dont est porteuse la directive communautaire du 27 novembre 2000 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi. Il convient notamment que les employeurs publics et privés prennent des initiatives positives vis à vis de la personne handicapée au travail pour la mettre en situation d'égalité avec les autres salariés. Ainsi, la notion « d'aménagements raisonnables » est introduite à l'article 9 du projet de loi. Ces aménagements concernent, d'une part, l'accès ou le maintien dans l'emploi ou encore l'accès à une formation, d'autre part, l'aménagement d'horaires individualisés.
II - Moyens juridiques et calendrier
Les dispositions sont applicables dès l'entrée en vigueur de la loi. Il n'est donc pas prévu de textes d'application.
III - Population cible
Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi.
FICHE N° 7 (suite)
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IV - Impact financier :
Les employeurs peuvent bénéficier, par principe, des aides existantes de droit commun et des aides spécifiques de l'AGEFIPH.
V - Impact en gestion
Pas d'incidence pour le ministère chargé de l'emploi.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
La directive prévoit un rapport de la Commission au Parlement européen au plus tard le 2 décembre 2005 et ensuite tous les cinq ans.
FICHE N° 8
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Références codifiées :
*Modification de l'article L.132-12 (convention collective de branche)
*Modification de l'article L.132-27 (convention collective d'entreprise)
I - Objectifs de la loi
Le projet de loi propose une obligation de négociation collective sur les conditions d'emploi et de travail des personnes handicapées, tant au niveau de la branche qu'à celui de l'entreprise.
Cette mesure a pour objectif de sensibiliser les partenaires sociaux à la thématique du handicap et permettre éventuellement dans un deuxième temps d'aboutir à la négociation d'un accord sur l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés conclu dans le cadre des dispositions législatives propres aux travailleurs handicapés et notamment l'article L.323-8-1 du code du travail.
II - Moyens juridiques et calendrier
Aucun texte réglementaire à prendre.
III - Population cible
- Les entreprises assujetties
- Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi.
IV - Impact financier
Aucun impact financier sur le budget de l'État.
V - Impact en gestion
Pas d'impact en gestion.
6 - Moyens de suivi et d'évaluation
L'examen annuel des résultats de la négociation collective par la commission nationale de la négociation collective
FICHE N° 9
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Références codifiées :
Article L 323-8-3 du code du travail, nouvel alinéa
I - Objectifs de la loi
Donner une base législative à la convention d'objectifs conclue entre l'État et l'AGEFIPH
II - Moyens juridiques et calendrier
Perspective de signature d'une convention fin février
III - Population cible
Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi et les entreprises du milieu ordinaire de travail
V - Impact financier
Pas d'impact
VI - Impact en gestion
- Création d'un comité de pilotage, pour le bilan et l'évaluation de la convention, remplaçant l'actuel comité de suivi
- déclinaison de la convention nationale au plan régional avec la création de comités régionaux de pilotage, intégrant les comités de pilotage régionaux existants dont la compétence était limitée aux organismes de placement spécialisés.
- contribution à l'élaboration de la convention nationale, notamment pour ce qui relève des engagements de l'État.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Les objectifs fixés dans la convention seront assortis d'indicateurs chiffrés dont l'atteinte sera suivie et évaluée par un comité de pilotage national composé de représentants de l'AGEFIPH et du ministère de l'emploi, associant en tant que de besoin les partenaires (ANPE, AFPA, services de la CNAM).
Ces éléments s'intègreront dans le rapport au parlement sur l'évaluation de la loi tous les cinq ans.
FICHE N° 10
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Références codifiées :
Article L 323-11 du code du travail
I - Objectifs de la loi
Principe du conventionnement d'organismes de placement spécialisés et de leur financement par l'AGEFIPH
II - Moyens juridiques et calendrier
Perspective de signature des conventions locales par organisme au cours du premier trimestre 2004 sur la base de la convention nationale, dans le cadre de la réglementation actuelle. Il est prévu d'intégrer les modifications induites par l'application de la présente loi.
III - Population cible
Les organismes de placement spécialisés (EPSR privées et OIP).
Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi, qui sont dans une démarche active d'accès ou de retour à l'emploi en milieu ordinaire de travail et qui ont besoin d'une expertise spécialisée relative à leur handicap.
Les employeurs de travailleurs handicapés.
IV - Impact financier
Pas d'impact pour l'État, le financement a déjà été confié à l'AGEFIPH depuis le 1 er juillet 1999.
V - Impact en gestion
Contribution à l'élaboration de la convention nationale et des conventions locales par organisme.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Le pilotage du réseau Cap emploi regroupant les organismes de placement spécialisés est assuré par l'État, l'ANPE et l'AGEFIPH dans le cadre d'un comité de pilotage national.
Les services déconcentrés participent au suivi et à l'évaluation au travers des comités de pilotage régionaux.
FICHE N° 11
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Références codifiées :
Article L 323-3 du code du travail complété par un alinéa.
I - Objectifs de la loi
Ajouter à la liste des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés définies à l'article L 323-3 du code du travail les titulaires d'une carte d'invalidité.
Actuellement, les titulaires d'une carte d'invalidité, qui ont une incapacité permanente d'au moins 80 % ne sont pas systématiquement décomptés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Ils ne le sont que dans la mesure où ils remplissent l'une des conditions prévues par l'article L.323-3 du code du travail (être reconnu travailleur handicapé par la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), être titulaire d'une pension d'invalidité, ou victime d'un accident du travail). Il est donc proposé de remédier à cette situation illogique.
II - Moyens juridiques et calendrier
Aucun texte réglementaire à prendre.
Entrée en vigueur de la mesure le 1 er janvier de l'année suivant la date de publication de la loi (art. 46-I du projet de loi).
III - Population cible
Les titulaires d'une carte d'invalidité,
Les employeurs assujettis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
IV - Impact financier aucun
V - Impact en gestion
Modification de l'application informatique de gestion des déclarations annuelles obligatoires d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH), implantée dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour effectuer le contrôle de l'obligation d'emploi.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Le suivi se fera par l'intermédiaire du contrôle par les DDTEFP des DOETH et l'évaluation par les statistiques établies chaque année par la DARES sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
FICHE N° 12
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Références codifiées :
Article L 323-4 du code du travail remplacé.
I - Objectifs de la loi
Simplification du mode de décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi et harmonisation avec la pratique en vigueur dans le secteur public.
Aujourd'hui, le décompte est fondé sur un système d'unités bénéficiaires qui valorise un certain nombre de paramètres attachés à la situation du salarié handicapé, notamment son âge, la lourdeur de son handicap, la nature de son contrat de travail ou son parcours professionnel. Ainsi, une personne handicapée peut correspondre jusqu'à 5,5 unités bénéficiaires.
La loi intègre une nouvelle rédaction de l'article L.323-4 du code du travail qui substitue à ce dispositif un décompte conduisant simplement à comptabiliser chaque salarié handicapé, pour une unité, dès lors qu'il a été présent au moins six mois au cours des douze derniers mois écoulés, quelles que soient la nature de son contrat de travail ou sa durée de travail. Cette disposition répond clairement à l'une des préconisations du Conseil économique et social, elle permet d'obtenir une vision claire et comparable entre le secteur privé et le secteur public du taux effectif d'emploi, de simplifier et d'unifier autant que possible les modalités de décompte des personnes handicapées au travail, quels que soient le lieu d'exercice de leur activité et les conditions juridiques d'exercice de celle-ci.
Par ailleurs ce nouveau mode de comptage permettra le calcul d'un taux synthétique d'emploi donnant une photographie plus exacte de l'emploi des travailleurs handicapés de l'ensemble et de chaque secteur d'activité et par tailles d'entreprises.
En outre, ce nouvel article L.323-4 modifie le calcul de l'effectif global des entreprises en supprimant les catégories d'emplois qui exigent des conditions d'aptitude particulières et qui ne sont pas comptabilisés dans cet effectif. Deux raisons motivent cette mesure. D'une part, le maintien de l'exclusion de ces emplois n'est pas compatible avec le principe de non-discrimination par ailleurs réaffirmé par la loi. D'autre part, on observe, en pratique, que sur les 220 000 travailleurs handicapés en milieu ordinaire, plus de 13 000 occupent déjà des fonctions entrant dans le champ de ces catégories d'emplois.
II - Moyens juridiques et calendrier
Entrée en vigueur de la mesure le 1 er janvier de l'année suivant la date de publication de la loi (art. 46-I du projet de loi), sauf pour les emplois exclus mesure effective après un délai de 5 ans (art. 47 du projet de loi).
Abrogation des articles D 323-2, comptage actuel de l'effectif des bénéficiaires, au cours de l'année 2004 et D 323-3 du code du travail, liste des emplois exclus, (après un délai de 5 ans art. 47 du projet de loi).
FICHE N° 12 (suite)
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III - Population cible
Les employeurs assujettis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
IV - Impact financier
L'ensemble des mesures prises tant en matière de comptage de l'effectif qu'en matière de calcul de la contribution ne devrait pas modifier l'impact financier au niveau global et par entreprise.
V - Impacts en gestion
Modification de l'application informatique de gestion des déclarations annuelles obligatoires d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH), implantée dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour effectuer le contrôle de l'obligation d'emploi.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Le suivi se fera par l'intermédiaire du contrôle par les DDTEFP des DOETH et l'évaluation par les statistiques établies chaque année par la DARES sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
FICHE N° 13
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Références codifiées :
Modification de l'article L 323-8-2 du code du travail.
I - Objectifs de la loi
I - Est posé le principe d'une modulation du montant de la contribution en fonction de l'effort que les entreprises consentent en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement de personnes handicapées. A cet égard, la loi mentionne différentes catégories de salariés que les entreprises seront incitées à recruter au regard de la diminution de la contribution que ces recrutements pourront générer.
II - Le plafond de la contribution est relevé de 500 fois à 600 fois le salaire horaire minimum de croissance. Cette modification permettra de mettre plus sévèrement à contribution les entreprises qui n'emploient aucune personne handicapée.
III - Enfin, afin d'alléger les procédures, la loi ouvre aux entreprises la possibilité de déduire directement du montant de leur contribution les dépenses qu'elles ont supportées pour favoriser l'accueil ou l'insertion professionnelle de salariés handicapés en leur sein ou, plus généralement, l'accès à la vie professionnelle de personnes handicapées.
II - Moyens juridiques et calendrier
Entrée en vigueur de la mesure le 1 er janvier de l'année suivant la date de publication de la loi (art. 46-I du projet de loi).
Pour les points I et II : élaboration au cours de l'année 2004, d'un décret pour fixer, les modalités de calcul de la contribution soit déterminer d'une part, la nature et le montant des majorations dues en fonction de l'effort de l'entreprise en matière d'embauche et de maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés et d'autre part la contribution en fonction de la taille de l'entreprise ;
Pour le point III : élaboration au cours de l'année 2004, d'un décret pour fixer la nature des dépenses déductibles de la contribution ainsi que les conditions de cette déduction, notamment les limites.
III - Population cible
Les employeurs assujettis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
FICHE N° 13 (suite)
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IV - Impact financier
Les mesures combinées des points I et II ne doivent avoir pas avoir d'impact sur le montant de la contribution au niveau de chaque entreprise et même au niveau global sur les ressources de l'AGEFIPH.
L'évaluation de l'impact éventuel des mesures du point III sur la contribution que ce soit pour l'entreprise ou pour l'AGEFIPH, est difficilement mesurable, mais fera l'objet d'une étude.
V - Impact en gestion
Modification de l'application informatique de gestion des déclarations annuelles obligatoires d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH), implantée dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour effectuer le contrôle de l'obligation d'emploi.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Le suivi se fera par l'intermédiaire du contrôle par les DDTEFP des DOETH et l'évaluation par les statistiques établies chaque année par la DARES sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
FICHE N° 14
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Références codifiées :
L'article L 323-12 du code du travail est abrogé.
I - Objectifs de la loi
La logique du nouveau comptage des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (art. 12-III du projet de loi), conduit de fait à vouloir supprimer cette classification. En tout état de cause, Il est à constater que ce classement s'effectue actuellement sans tenir véritablement compte de la capacité de la personne à travailler à un poste déterminé dans l'entreprise alors que l'article L 323-12 du code du travail le prévoit expressément en précisant que le classement doit s'apprécier notamment en fonction de l'emploi qui est proposé au travailleur handicapé.
Par ailleurs, le classement des travailleurs handicapés dans des catégories suivant la gravité du handicap peut présenter pour certains un caractère stigmatisant et injustifié au regard de l'emploi. En outre, ce classement n'étant réservé qu'aux personnes reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP, cette mesure est discriminatoire par rapport aux victimes d'accident du travail ou de maladies professionnelles, aux titulaires d'une pension d'invalidité ou aux anciens militaires titulaires d'une pension d'invalidité dont le handicap peut également présenter différent degré de gravité.
Enfin, l'argument quelques fois avancé, selon lequel cette classification favoriserait l'embauche des personnes ayant un handicap lourd, n'est pas établi, le choix d'embauche des entreprises étant déterminé avant tout par la recherche des compétences adaptées. Les objectifs de non-discrimination, de recherche d'unité des règles applicables dans tous les secteurs d'activité, et la simplification conduisent à prévoir la suppression de la classification A, B, et C.
II - Moyens juridiques et calendrier
Suppression des articles R 323-32 et D323-12 du code du travail.
Entrée en vigueur de la mesure le 1 er janvier de l'année suivant la date de publication de la loi (art. 46-I du projet de loi).
III - Population cible
Les personnes reconnues travailleurs handicapés.
Les employeurs assujettis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
FICHE N° 14 (suite)
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IV - Impact financier
Une hausse de la contribution pourrait être enregistrée ; aussi, pour la neutraliser, est-il proposé de valoriser à l'article 12-III du projet de loi l'effort consenti par l'entreprise en matière de recrutement ou de maintien dans l'emploi.
V - impacts en gestion
Modification de l'application informatique de gestion des déclarations annuelles obligatoires d'emploi des travailleurs handicapés (DOETH), implantée dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour effectuer le contrôle de l'obligation d'emploi.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
L'évaluation pourra éventuellement se faire dans le cadre général de l'évaluation de la loi.
FICHE N° 15
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Références codifiées :
1 - Dénomination « Entreprise adaptée » :
- Références actuelles : Articles L.131-2, L.323-4, L.323-8, L.323-31, L.323-4, L.412- 5, L.421- 2 et L.431-2 du Code du travail.
- Modifications : Aux articles L.131-2, L.323-4, L.323-8, L.323-31, L.323-32, L.323-34, L.412-5, L.421-2 et L.431-2 du code du travail, les mots : « atelier protégé » sont remplacés par les mots : « entreprise adaptée ».
2 - Suppression des emplois protégés en milieu ordinaire :
- Références actuelles : Article L.323 -29 du code du Travail.
- Modification : l'article L.323-29 du code du travail est abrogé.
3 - Création, conventionnement et financement des entreprises adaptées
- Références actuelles : Article L.323 -31 du code du Travail
- Modifications : l'article L.323-31 du code du travail est remplacé par des dispositions nouvelles.
4- Rémunération minimale égale au SMIC en EA :
- Références actuelles : Article L.323 -32 du Code du Travail
- Modifications : Au deuxième alinéa de l'article L.323-32 du code du travail, les mots : « et de son rendement » sont supprimés.
Les deuxième et troisième phrases de cet alinéa sont supprimées.
Le troisième alinéa de l'article L.323-32 est modifié:
I - Objectifs de la loi
Les ateliers protégés ont été conçus dès l'origine comme devant être de réelles unités de production procédant de la logique de l'entreprise et non des institutions médico-sociales. Ils inscrivent à ce titre pleinement leur activité dans l'économie de marché, à la différence des centres d'aide par le travail (CAT) qui sont des institutions médico-sociales.
Aidés par les pouvoirs publics, les ateliers protégés ont entrepris ces dernières années un réel effort de modernisation qui les rapproche davantage de l'entreprise en termes de qualification de leurs salariés et de processus de production. Cette évolution est souhaitable. Elle renforce la diversité nécessaire du parcours vers l'emploi ordinaire des personnes handicapées.
Cette modernisation des ateliers protégés doit pouvoir trouver sa confirmation et son approfondissement dans le cadre du présent projet :
FICHE N° 15 (suite)
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Les ateliers protégés doivent, comme ils le demandent, constituer un secteur nouveau, le travail adapté, proche de l'entreprise et distinct du secteur protégé (CAT) ; les ateliers protégés prendraient l'appellation d'entreprises adaptées . Corrélativement, l'orientation vers le travail des personnes handicapées par la commission en charge doit être simplifiée et comprendre seulement une orientation marché du travail (milieu ordinaire et E.A.), ne préjugeant pas d'une orientation ultérieure plus fine vers l'entreprise adaptée ou l'entreprise ordinaire. Cette orientation plus fine (que la loi n'aborde pas) devrait revenir aux opérateurs de l'insertion professionnelle (ANPE, Cap emploi) ; l'orientation vers une entreprise adaptée pourrait ainsi se rapprocher de l'orientation actuelle par l'ANPE vers les entreprises d'insertion.
Cette évolution doit s'accompagner, pour ce qui concerne les salariés handicapés concernés, d'une reconnaissance de salarié de droit commun, notamment en matière de salaire minimum -SMIC minimum, L.323.32- .
Le financement public des entreprises adaptées doit être rénové par la suppression de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) et l'instauration d'une aide au poste forfaitaire , la mise en place d'un contrat d'objectifs triennal prévoyant, par avenant financier annuel, un contingent d'aides au poste et l'engagement de l'entreprise adaptée sur un projet d'entreprise.
II - Moyens juridiques et calendrier
Un décret en Conseil d'État sera à prendre en application du quatrième alinéa du III de l'article 19 afin de fixer le « montant et les modalités d'attribution » de l'aide au poste remplaçant la GRTH pour le financement des entreprises adaptées.
III - Population cible
En 2003, environ 19 500 travailleurs handicapés (pour environ 18 600 EQTP) sont employés dans 559 ateliers protégés, futures entreprises adaptées. Ces personnes ont été reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP et orientées vers ces structures.
IV - Impact financier
L'essentiel en la matière est la transformation de la GRTH en une aide au poste forfaitaire à préciser par décret (cf. ci-dessus)
Corrélativement à l'instauration d'une aide au poste, il est proposé de mettre en place un contrat d'objectifs triennal prévoyant, par avenant financier annuel, un contingent d'aides au poste et l'engagement de l'EA sur un projet d'entreprise (notamment en matière d'effort de formation, de sortie vers le milieu ordinaire...). Ce contrat inclurait d'autres aides comme la subvention d'accompagnement et de développement actuellement en vigueur (LFI 2004 -42,95M d'euros).
FICHE N° 15 (suite)
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Le passage de la GRTH à l'aide au poste forfaitaire peut être chiffré, sur la base de référence :
- d'un salaire direct moyen de 40 % du SMIC et d'une prise en charge par l'État de 60 % du SMIC pour un salaire total de 100 % du SMIC ;
- cette base de référence devant être complétée par le montant des accessoires de salaires dus au TH sur l'ensemble de son salaire, accessoires de salaire dont la prise en compte dans le cadre de la législation actuelle (application de l'article 132-IV de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale) fait l'objet d'un décret en Conseil d'État (plafond) en cours d'élaboration en liaison avec le ministère du budget ;
- et l'effectif pris en compte devant être l'effectif réel (environ 18600 EQTP à fin 2002) et non l'effectif théorique sous estimant systématiquement chaque année les dépenses actuelles de GRTH (15 600 en LFI 2002, 16 600 pour la LFI 2004).
V - Impact en gestion
Les Directions régionales du travail de l'emploi et de la formation professionnelle devraient, en coordination avec les directions départementales du travail, continuer à gérer l'attribution de la subvention d'accompagnement et de développement et assurer la gestion et le suivi des aides au poste.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Le suivi des ateliers protégés est actuellement effectué par les DRTEFP, spécialement par les économistes régionaux. Les entreprises adaptées pourraient continuer d'être suivies et évaluées par ces mêmes services, notamment par le biais de l'enquête annuelle préalable à l'attribution de la subvention qui pourrait intégrer un suivi de l'aide au poste.
FICHE N° 16
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Références codifiées :
Modification de l'article L 323-8-1 du code du travail
Abrogation de la section 3 du chapitre II du livre III du code du travail
I - Objectifs de la loi
Dans le cadre des attributions contentieuses exercées par les commissions Départementales des Travailleurs Handicapés, Mutilés de Guerre et Assimilés (CDTH) instituées par l'article L 323-35 du code du travail et qui consistent principalement à statuer sur les contestations nées des décisions prises par les Commissions Techniques d'Orientation et de Reclassement Professionnel (COTOREP) en matière d'emploi, le Conseil d'État est régulièrement amené à annuler les décisions des CDTH d'une part, pour absence ou insuffisance de motivation et d'autre part pour non-respect du principe d'impartialité posé par l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Par ailleurs, la présidence de cette juridiction administrative par un magistrat de l'ordre judiciaire, peu familier du droit, de la jurisprudence et de la procédure en matière administrative, ne s'avère pas adaptée.
Un fonctionnement peu satisfaisant de cette commission est également noté s'agissant de son rôle consultatif en matière d'accord sur l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés conclu dans le cadre de l'article L 323-8-1 du code du travail.
Enfin, la recherche de simplification administrative rend en tout état de cause très souhaitable la suppression des CDTH, les recours contre les décisions COTOREP relevant alors du droit commun (juridictions administratives). Dans son dernier rapport annuel, l'IGAS insiste au demeurant sur la nécessaire simplification du contentieux en matière sociale, au bénéfice des usagers du service public.
S'agissant du rôle consultatif de la CDTH en matière d'accord d'entreprise ou d'établissement, cette fonction peut opportunément être confiée au comité départemental de l'emploi institué par l'article L 910-1 du code du travail qui est un lieu de concertation en matière de développement économique local et d'insertion locale.
Pour ces différentes raisons, il est proposé de supprimer l'article L 323-35 du code du travail (section 3 du chapitre II du livre III du code du travail) instituant la CDTH et de modifier l'article L 323-8-1 du code du travail pour préciser que les accords d'entreprise ou d'établissement sont soumis pour avis au Comité départemental de l'emploi.
II - Moyens juridiques et calendrier
Suppression des articles R 323-74 à R 323-78 du code du travail fixant les règles de fonctionnement de la CDTH.
Modification de l'article R 323-5 pour remplacer la référence à la CDTH par celle au comité départemental de l'emploi.
FICHE N° 16 (suite)
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III - Population cible
Public concerné :
Les personnes contestant une décision prise à leur encontre concernant :
- les abattements de salaires sur la rémunération des travailleurs handicapés (mesure abrogée par le projet de loi) ;
- la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (mesure transférée par le projet de loi dans le code de l'action sociale et des familles) ;
- le classement en catégorie A, B, C, du travailleur handicapé (mesure abrogée par le projet de loi) ;
- le bénéfice d'avantages spéciaux attribué à un travailleur handicapé à nouveau atteint d'une maladie à l'origine ou non de son handicap ;
- les demandes pour occuper un emploi public par voie de concours ou un emploi réservé (mesure abrogée par le projet de loi) ;
- l'orientation et les mesures propres à assurer le reclassement des travailleurs handicapés (mesure transférée par le projet de loi dans le code de l'action sociale et des familles).
Les employeurs soumis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés instituée par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, qui ont choisi de remplir leur obligation en appliquant un accord d'entreprise ou d'établissement conclu dans le cadre des dispositions de l'article L 323-8-1 du code du travail.
IV - Impact financier Aucun
V - Impact en gestion
Allégement de l'activité de la DGEFP compétente actuellement pour traiter ce type de contentieux.
Transfert du contentieux aux Tribunaux Administratifs.
Les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle devront désormais suivre ce contentieux.
VI - Moyens de suivi et d'évaluation
Néant
TABLEAU COMPARATIF
* 1 Cette estimation s'appuyait sur les chiffres fournis par le SESI sur le montant des recours exercés en 1995 à l'encontre des tiers dans le cadre de l'aide sociale aux personnes handicapées, soit au total 14 millions d'euros.
* 2 LFI 2002 : 789 M€ pour une dépense effective de 812 M€
LFI 2003 : 825 M€ ; LFI 2004 : 911 M€ (source : DGEFP, mission affaires financières)
* 3 Source : DSS