B. LA PRESTATION DE COMPENSATION : UN PROGRÈS RÉEL QUI MÉRITE TOUTEFOIS D'ÊTRE APPROFONDI
1. Les mécanismes existants de compensation des handicaps : des insuffisances notoires
a) Le dispositif actuel est composé d'allocations et d'aides partielles souvent incompatibles
Il serait inexact de dire que la panoplie actuelle d'aides et d'allocations en faveur des personnes handicapées ignore totalement la problématique de la compensation des conséquences du handicap.
Plusieurs allocations répondent à cet objectif, mais elles n'ont qu'un caractère partiel, soit parce qu'elles n'ont vocation à compenser qu'un type particulier de désavantage (le recours à une aide humaine, des frais professionnels supplémentaires ou encore les contraintes liées à un logement autonome), soit parce qu'elles ne s'adressent qu'à une catégorie de personnes handicapées (celles qui relèvent d'un régime d'invalidité de la sécurité sociale).
1) Les aides humaines auxquelles recourent les personnes handicapées peuvent ouvrir droit à plusieurs prestations : - la majoration pour aide d'une tierce personne d'une rente d'accidents du travail, d'une pension d'invalidité (de troisième catégorie), ou d'une pension de vieillesse pour inaptitude médicale. Cette majoration, servie par la sécurité sociale, est accordée aux personnes ayant travaillé et affiliées, de ce fait, à un régime de sécurité sociale ; - l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) servie, par le département, aux personnes atteintes d'une incapacité d'au moins 80 % et qui ne bénéficient pas d'un avantage analogue au titre d'un régime de sécurité sociale. 2) Par ailleurs, l'allocation compensatrice pour frais professionnels (ACFP) peut être servie, également par le département, sur avis de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), au travailleur handicapé atteint d'une incapacité d'au moins 80 % et dont l'activité professionnelle est source de frais supplémentaires liés au handicap. 3) S'agissant du maintien à domicile , l'adulte handicapé percevant l'AAH à taux plein (ou en complément d'un avantage vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente d'accidents du travail), ayant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, touchant une aide personnelle au logement (allocation de logement familiale ou sociale, aide personnalisée au logement) et disposant d'un logement indépendant, peut bénéficier du « complément autonomie » de l'allocation aux adultes handicapés , servi par les caisses d'allocations familiales pour le compte de l'État . Pour l'adaptation de leur logement , les personnes handicapées ont, en outre, droit à une subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, si elles sont locataires, ou, si elles sont propriétaires, à une prime pour l'amélioration de l'habitat attribuée par le préfet et, dans tous les cas, à des avantages fiscaux. 4) Enfin, les appareillages et aides techniques inscrits au « Tarif interministériel des prestations sanitaires » (TIPS) sont pris en charge par l'assurance maladie, dans la limite de son tarif d'autorité et du taux de remboursement applicable.
Source : « Compensation du handicap : le
temps de la solidarité »,
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Ces allocations, de montants variables et qui obéissent à des critères d'attribution différents, ne sont - en outre - pas systématiquement cumulables, ou le sont seulement dans la limite de plafonds.
Montants et règles de cumul des différentes allocations concourant à la compensation du handicap
Allocation |
Montant |
Règles de cumul |
Majoration pour tierce personne (MTP) |
946 euros par mois |
- possible avec l'AAH et son complément, dans la
limite du plafond de ressources de celle-ci ;
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Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) |
Entre 40 % (soit 378 euros ) et 80 % (soit 757 euros ) de la majoration pour tierce personne. |
- possible avec l'AAH et son
complément ;
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Allocation compensatrice pour frais professionnels (ACFP) |
Entre 40 % (soit 378 euros ) et 80 % (soit 757 euros ) de la majoration pour tierce personne. |
- possible avec l'AAH et son
complément ;
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Complément d'AAH |
16 % de l'AAH, soit 94 euros par mois. |
- obligatoire avec l'AAH ;
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Par ailleurs, leur fondement juridique est variable :
- certaines relèvent des organismes de sécurité sociale et sont ouvertes à tous les assurés sociaux , sous réserve que leurs droits aient été préalablement constitués : tel est le cas de la majoration pour tierce personne de la sécurité sociale qui est servie aux assurés sociaux dès lors qu'ils justifient d'un nombre minimal d'heures travaillées - correspondant à un montant minimal de cotisations - dans les douze derniers mois ou encore celui de la prise en charge des aides techniques et des appareillages par l'assurance maladie ;
- d'autres, comme l'ACTP, l'ACFP ou le complément d'AAH, constituent des prestations d'aide sociale légale : elles sont donc attribuées sous conditions de ressources et les sommes versées sont, sous réserve de dispositions législatives particulières plus favorables, récupérables sur la succession de leur bénéficiaire ;
- la dernière catégorie d'aides relève de l' action sociale facultative : il en est ainsi des aides à l'aménagement du logement attribuées par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), du financement complémentaire de la part du coût des aides techniques restant à la charge de l'assuré par les fonds de secours des caisses de sécurité sociale ou encore des aménagements de véhicules financés par l'AGEFIPH.
b) Une prise en charge insuffisante des surcoûts liés au handicap
Les aides humaines
S'agissant du financement des aides humaines, le montant des allocations - qu'il s'agisse de la majoration pour tierce personne servie par les régimes de sécurité sociale ou de l'ACTP - reste très en deçà du coût réel de rémunération des auxiliaires de vie.
Ainsi, alors qu'une ACTP à taux plein permettait de rémunérer la présence d'une aide à domicile à hauteur de quatre heures et demie par jour en 1982, ce montant est aujourd'hui à peine suffisant pour en financer deux heures .
Cette dégradation du « pouvoir d'achat » de l'allocation est essentiellement due à son mode d'indexation sur l'inflation, qui n'a pas suivi l'évolution des salaires des auxiliaires de vie, ceux-ci ayant été revalorisés en fonction de l'évolution du SMIC et des mesures générales et catégorielles prévues par les conventions collectives applicables dans ce secteur.
Plus fondamentalement, il convient de souligner que ces aides ont, en pratique, un caractère largement forfaitaire : dans le cas des handicaps les plus lourds, exigeant la présence continue d'une aide à domicile, leurs montants sont donc largement déconnectés des besoins réels.
Les aides techniques
La prise en charge des aides techniques par l'assurance maladie dépend de deux facteurs :
- les matériels et appareillages concernés doivent d'abord être inscrits sur la « liste des produits et prestations » (LPP) qui remplace depuis 2001 le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS) ;
- le taux de remboursement de ces produits et prestations varie en fonction de la nature de l'aide, sans d'ailleurs que ce taux soit corrélé au caractère indispensable ou non de celle-ci.
Les matériels non inscrits sur la LPP sont donc actuellement exclus de tout remboursement par l'assurance maladie. Or, dans la mesure où l'inscription d'une aide technique sur cette liste s'effectue non pas par catégorie de matériel, mais par produit, des appareillages ayant le même objet, mais mis sur le marché par des fabricants différents, peuvent ne pas être soumis au même régime de remboursement. Les matériels remboursables ne représentent de ce fait qu'une fraction de l'offre disponible sur le marché.
Par ailleurs, la mise à jour des aides remboursables est extrêmement lente, avec pour conséquence - malgré des moyens techniques qui permettent le développement d'appareillages innovants - une prise en charge défaillante.
Enfin, compte tenu de la finalité même de cette liste - à savoir ouvrir droit à un remboursement par l'assurance maladie -, les aides susceptibles d'être prises en charge sont limitées aux dispositifs médicaux, à l'exclusion notamment des aides de type domotiques.
Ainsi que le souligne le rapport du professeur Lecomte sur la prise en charge des aides techniques 2 ( * ) , « la procédure de la LPP manque de cohérence et l'exercice demandé à l'administration pour décider de l'inscription ou non d'une aide technique, in extenso et en dehors du contexte personnel ne peut être qu'aléatoire et entaché de subjectivité, ce qui n'est pas non plus satisfaisant pour les usagers » .
Les aménagements du cadre de vie
Il n'existe à l'heure actuelle aucune prise en charge légale des aménagements du logement et du cadre de vie pour les personnes handicapées. Si des financements peuvent néanmoins être obtenus, ils relèvent de l'action sociale facultative et supposent la réalisation par la personne handicapée ou sa famille, d'un dossier de financement complexe dont les exigences peuvent varier en fonction du financeur.
Principaux organismes financeurs des adaptations
- pour les propriétaires occupants : prime à l'amélioration de l'habitat (PAH), dossier instruit auprès de la DDE par le PACT, le CDHR ou le particulier, les ressources doivent être inférieures à 100 % du plafond prêt PAP, 50 % du montant des travaux peuvent être financés dans la limite d'un plafond ; - pour les propriétaires bailleurs ou occupants du secteur privé : subvention possible de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), dossier instruit auprès de la DDE par le PACT, le CDHR ou le particulier, financement possible de 70 % du montant des travaux dans la limite de 8.000 euros ; si logement locatif pas de conditions de ressources, si logement de propriétaire occupant, conditions de ressources.
- pour les locataires ou propriétaires du parc privé, pour les personnes handicapées ou retraitées de plus de soixante ans : prime du Conseil régional, dossier instruit par le PACT ou le CDHR, conditions de ressources, financement possible dans certaines limites ; - pour les locataires du secteur public, les personnes handicapées titulaires d'une carte d'invalidité ou personnes retraitées de plus de soixante ans, financement possible dans certaines limites.
- pour les bénéficiaires d'une pension de retraite, dossier instruit par le PACT ou par le service social de la CRAM, conditions de ressources et prime avec plafond.
Source : Mission de réflexion sur la
réforme de la loi du 30 juin 1975. Rapport d'étape du
groupe
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Ce n'est qu'à l'occasion de la loi de finances pour 2004 qu'un premier dispositif légal a été mis en place, à travers la création d'un crédit d'impôt applicable aux dépenses engagées par les contribuables pour installer ou remplacer des équipements spécialement conçus pour les personnes âgées ou handicapées 3 ( * ) .
2. La contribution de la commission des Affaires sociales du Sénat à l'approfondissement du droit à compensation
Votre commission avait pris l'engagement, lors du vote de la loi du 4 mars 2002, de donner un véritable contenu au droit à compensation qu'elle avait souhaité faire inscrire dans la loi. Après plusieurs mois de travaux et d'auditions, elle avait publié un rapport d'information qui se concluait sur soixante-quinze propositions pour réformer la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.
Ces orientations ont été traduites dans une proposition de loi, déposée le 13 mai 2003, à l'initiative de M. Nicolas About, président de la commission et de votre rapporteur. La principale innovation de cette proposition de loi consistait en la création d'une « allocation compensatrice individualisée », prestation en nature servie sans conditions de ressources , qui aurait eu pour vocation de remplacer les diverses allocations partielles (allocation compensatrice pour tierce personne, complément d'AAH, majoration pour tierce personne) assurant à ce jour la compensation du handicap, en améliorant la prise en compte des besoins réels de la personne.
Cette allocation, financée par un fonds départemental de compensation, alimenté par l'État, le département et les communes, aurait été attribuée par une commission unique, la commission d'intégration, au vu d'un plan de compensation élaboré, en fonction des besoins et des aspirations exprimés par la personne handicapée dans son projet de vie , par une équipe pluridisciplinaire.
L'allocation proposée aurait comporté deux parties : une allocation mensuelle, notamment destinée à la rémunération d'une ou plusieurs aides à domicile, et un capital destiné à l'acquisition d'aides techniques et au financement d'éventuels aménagements du cadre de vie. Son mode de calcul aurait tenu compte d'une participation de la personne handicapée, déterminée en fonction de ses ressources et plafonnée en proportion de ses revenus mensuels.
Alors qu'elle examine le présent projet de loi, votre commission ne peut donc que se féliciter du fait que sa principale proposition - la création d'une prestation de compensation personnalisée et universelle - ait été retenue par le Gouvernement , pour refonder la politique d'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
3. La nouvelle prestation de compensation : des avancées importantes à confirmer
a) Une prestation universelle qui couvre enfin l'ensemble des besoins de compensation de la personne handicapée
Rompant avec le caractère partiel et largement marqué par une logique d'aide sociale des allocations et aides actuelles, la prestation de compensation représente un progrès incontestable, du fait de son caractère universel .
Ce caractère universel est tout d'abord lié à l' absence de toute condition de ressources pour l'accès à la prestation . Seuls sont pris en compte le taux d'incapacité de la personne et son âge, et ce afin d'écarter les personnes qui relèvent d'un autre mode de compensation, comme l'allocation d'éducation spéciale - désormais dénommée « allocation d'éducation de l'enfant handicapé » - pour les enfants et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées de plus de soixante ans.
En outre, contrairement aux allocations d'aide sociale, les sommes versées au titre de la prestation ne feront plus l'objet de récupération sur la succession du bénéficiaire. Seuls subsistent, en l'état actuel du projet de loi, les cas de récupération sur les legs et donations que votre commission proposera d'ailleurs de supprimer.
Il s'agit ensuite d'une prestation universelle car elle vise l'ensemble des surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne : aides humaines, aides techniques, aménagement du logement mais aussi charges spécifiques ou exceptionnelles comme les aides animalières qui pourront être prises en charge dans le cadre de la prestation.
L'évaluation des besoins d'aide de la personne handicapée fera l'objet d'un plan personnalisé de compensation , établi par une équipe pluridisciplinaire, en fonction des souhaits exprimés par la personne elle-même : à une approche parcellisée de ses besoins, en fonction du type d'aide et des financeurs potentiels est substituée une évaluation globale de son projet de vie. Celle-ci permettra d'assurer une meilleure cohérence de l'ensemble des aides, de quelque nature qu'elles soient, autour de ce projet.
b) Une nécessité : lever les doutes légitimes des personnes handicapées quant aux conditions d'accès à la prestation
Si la prestation de compensation constitue à l'évidence un progrès réel, le monde associatif lui oppose cependant trois objections qui ont paru fondées à votre commission :
- l'application d'un taux d'invalidité minimum - que l'exposé des motifs du projet de loi situe, comme pour l'actuelle ACTP, autour de 80 % - est rejetée par la majorité des personnes handicapées qui estiment que ce critère, essentiellement médical, ne permet pas de prendre en compte les besoins d'aide concrets liés à un environnement particulier ;
- la deuxième critique porte sur l' existence d'un critère d'âge pour l'accès à la prestation : le texte propose un droit d'option entre l'APA et la nouvelle prestation pour les personnes handicapées qui atteignent l'âge de soixante ans, mais il ne règle pas la question des enfants, pour lesquels l'actuelle AES, l'allocation d'éducation spéciale, ne compense pas les surcoûts réels liés au handicap pour la famille ;
- la dernière contestation porte sur la prise en compte des ressources des bénéficiaires pour le calcul du montant de la prestation de compensation , une telle prise en compte étant considérée comme contraire au principe de compensation du handicap par la solidarité nationale posé par l'article premier de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Votre commission considère que ces interrogations sont légitimes et elle s'est attachée à lever ces incertitudes. Elle propose d'abord de substituer au taux d'invalidité un critère de « besoin de compensation » , inspiré de la grille AGGIR qui s'applique aux personnes âgées mais nécessairement plus affiné pour tenir compte de la diversité des handicaps et de leurs conséquences sur la vie quotidienne. Cette grille n'empêchera pas qu'une analyse personnalisée des besoins de compensation de la personne soit ensuite établie, sur la base de son projet de vie.
Toutefois, à titre transitoire, et pour permettre l'application de la prestation de compensation sans attendre la définition de cette grille qui nécessitera plusieurs mois de concertations et d'expertises, le critère du taux d'invalidité pourrait être conservé.
Elle s'est également interrogée sur l'opportunité d'étendre aux enfants le bénéfice de la prestation de compensation. Elle est en effet bien consciente du fait qu'une telle extension poserait un problème de principe : l'AES constitue aujourd'hui une aide à la famille, au titre d'un enfant mineur. Ouvrir à un jeune enfant un droit personnel à une prestation remettrait en cause le principe même des allocations familiales.
Pour autant, elle a considéré qu'on ne pouvait pas laisser, en toute indifférence, les familles devant une telle absence de réponse. C'est pourquoi elle vous proposera de poser le principe d'une extension, d'ici dix ans, du bénéfice de la prestation de compensation aux enfants . Deux solutions seront alors possibles dans ce délai : étendre effectivement cette prestation aux enfants ou conduire une réforme en profondeur de l'AES.
S'agissant enfin de la participation de la personne handicapée à sa compensation, votre rapporteur concède qu'une telle démarche est insatisfaisante, même si, par pragmatisme, il avait proposé un mécanisme similaire dans sa proposition de loi du 13 mai 2003 4 ( * ) .
Cette prise en compte des ressources de la personne handicapée ne saurait toutefois ni pénaliser les personnes qui, parfois au prix d'efforts importants, se sont engagées dans la voie de l'insertion professionnelle, ni laisser à la charge de la personne des frais tellement importants qu'ils remettraient en cause le principe même de compensation du handicap par la solidarité nationale. C'est la raison pour laquelle votre commission vous proposera d' encadrer strictement la prise en compte des ressources des bénéficiaires de la nouvelle prestation de compensation .
c) L'ambition de votre commission : améliorer le fonctionnement concret de la prestation
Au-delà de ces questions de principe, votre commission vous proposera essentiellement d'améliorer le fonctionnement concret de la prestation de compensation :
- il faudrait mieux organiser son articulation avec le plan de compensation d'une part, qui peut inclure une orientation vers un établissement, l'engagement de démarches en vue d'une protection juridique ou encore un accompagnement vers l'emploi et, plus fondamentalement, avec le projet de vie de la personne handicapée elle-même, d'autre part ;
- il conviendrait aussi d'offrir aux personnes handicapées différentes modalités de recours aux aides humaines : la prestation de compensation pourrait ainsi servir à rémunérer directement un ou plusieurs salariés ou à rétribuer un service d'aide à domicile. Votre commission vous proposera également une troisième formule, celle du mandatement, qui permettra aux personnes handicapées, tout en restant l'employeur légal de leur aidant, d'être déchargées des formalités administratives liées à cette qualité ;
- il paraît nécessaire de laisser à la personne handicapée qui recourt à un aidant familial la possibilité de choisir son mode de relation avec ce dernier : elle pourra donc soit le dédommager, s'il réduit ou cesse une activité professionnelle pour l'assister dans la vie quotidienne, soit le rémunérer. Votre commission a d'ailleurs souhaité étendre cette possibilité au conjoint , estimant que les charges liées à la compensation du handicap allaient au-delà de ce qui peut être exigé d'un époux au titre du devoir d'assistance mutuelle ;
- il serait également utile de simplifier les modalités de prise en charge des aides techniques lorsqu'une personne handicapée souhaite acquérir un matériel ou faire des travaux d'aménagement de son logement, notamment en prévoyant la possibilité de verser une partie de la prestation sous la forme d'un capital ;
- il semble enfin indispensable de préciser les conditions dans lesquelles les personnes accueillies en établissement pourront se voir reconnaître le droit à la prestation . Votre commission vous proposera notamment la création d'un « crédit d'heures », utilisable à la carte par la personne handicapée, pour lui permettre de quitter ponctuellement l'établissement tout en disposant des aides dont elle aura besoin pendant cette période.
4. Des modalités de financement qui restent à clarifier
a) Un effort financier global important mais un gain individuel qui n'apparaît pas clairement
Les crédits que le Gouvernement prévoit de consacrer au financement de la prestation de compensation témoignent d'un effort important : aux sommes déjà consacrées par les départements à l'actuelle ACTP, soit 516 millions d'euros, et par l'État au fonctionnement des sites pour la vie autonome (30 millions d'euros) et aux forfaits d'auxiliaires de vie (50 millions d'euros), s'ajoutera une part du produit de la journée de solidarité, dont le principe a été arrêté par le Premier ministre et dont les modalités de création sont en cours d'examen devant le Parlement, à hauteur de 850 millions d'euros.
Au total, ce sont 1,4 milliard d'euros qui seront consacrés à la compensation du handicap, soit une augmentation de 164 % par rapport à la situation actuelle .
Ce qui apparaît moins clairement, pour les personnes handicapées et leurs familles, c'est le gain personnel concret, en termes d'heures de présence d'une auxiliaire de vie ou de financement des aides techniques, qu'elles peuvent escompter.
L'exposé des motifs du projet de loi précise que l'objectif du Gouvernement est de concentrer l'amélioration de la compensation sur les personnes les plus lourdement handicapées. La situation des autres personnes éligibles à la prestation ne sera améliorée, par rapport à l'existant, qu'en fonction des ressources disponibles après la réalisation de cet objectif.
A ce stade, il semble que les crédits prévus pour financer la prestation de compensation permettraient d'améliorer la prise en charge des besoins de compensation dans les proportions suivantes :
- la prise en charge des besoins d'aides humaines des personnes les plus lourdement handicapées sera accrue, dans une limite qui, d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, ne pourra toutefois pas excéder 80 % du coût moyen annuel d'une prise en charge en maison d'accueil spécialisée (MAS) 5 ( * ) , soit environ 51.200 euros. Le nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier étant estimé à près de 3.000, la dépense maximale correspondante s'élèverait à 186 millions d'euros . Concrètement, l'amélioration prévue permettra de passer de deux heures et demie à près de dix-huit heures de présence d'une auxiliaire de vie par jour.
- la prise en charge des 715 millions d'euros correspondant, d'après le rapport précité 6 ( * ) , aux frais laissés à la charge des personnes handicapées en matière d'aides techniques , après participation de l'assurance maladie, sera assurée ;
- le financement annuel de 3.000 aménagements de logements, pour une dépense équivalent à 30 millions d'euros sera envisageable : le coût moyen de travaux s'élèverait en effet, d'après les statistiques des sites pour la vie autonome, à 9.560 euros.
Le maintien de financements extralégaux reste toutefois indispensable si l'on veut apporter un mieux substantiel à la situation de l'ensemble des personnes handicapées. En effet, la marge de manoeuvre disponible pour la prise en charge des aides humaines aux personnes handicapées, autres que lourdement, ne s'élèverait qu'à 515 millions d'euros, soit une somme équivalente à l'effort actuel des départements en matière d'ACTP .
Montant
|
|
Ressources |
|
- Produit de la contribution de solidarité affecté aux personnes handicapées au sein de la CNSA |
850 |
- Apport des départements (correspondant aux dépenses actuelles d'ACTP) |
516 |
- Crédits budgétaires aujourd'hui affectés aux sites pour la vie autonome |
30 |
- Crédits budgétaires aujourd'hui affectés au financement des forfaits d'auxiliaires de vie |
50 |
Total (I) |
1.446 |
Dépenses |
|
- aides humaines aux personnes lourdement handicapées |
186 |
- prise en charge des aides techniques |
715 |
- aménagements du logement |
30 |
Total intermédiaire (II) |
931 |
« Reste à répartir » (I - II) |
515 |
Pour ces bénéficiaires, l'amélioration dépendra donc des « curseurs » réglementaires qui seront fixés, en termes de taux de prise en charge et de montants plafonds : si le taux de prise en charge des aides techniques par la prestation de compensation était allégé, grâce au maintien des apports financiers des fonds d'action sociale, des mutuelles ou autres, les sommes ainsi dégagées permettraient d'augmenter la prise en charge des aides humaines. Elle dépendra également des critères de ressources qui seront retenus pour la fixation de ces taux de prise en charge.
b) Des projections aléatoires, compte tenu de l'augmentation probable du nombre de bénéficiaires éligibles à la prestation
A nombre de bénéficiaires constant par rapport à l'actuelle ACTP, les prévisions de ressources affectées à la prestation de compensation ne paraissent pas manifestement disproportionnées au regard des besoins de compensation aujourd'hui insatisfaits.
Mais, compte tenu de la suppression de la condition de ressources à l'entrée dans le dispositif, le nombre de bénéficiaires pourrait en réalité augmenter de façon sensible : le gain pour chaque personne handicapée serait alors, en moyenne, moindre .
Par conséquent, si votre commission juge parfaitement légitime la priorité du Gouvernement accordée aux personnes les plus lourdement handicapées, dans la mesure où leur situation est, compte tenu du niveau actuel de l'ACTP, la plus difficile, il lui paraît plus contestable de déterminer le montant maximum de l'aide accordée aux autres bénéficiaires uniquement en fonction du reliquat de ressources de la future caisse de solidarité pour l'autonomie.
Cette méthode lui apparaît en effet risquée à plusieurs titres : un dérapage financier est d'abord à craindre car on n'aura pas évalué précisément le nombre de bénéficiaires potentiels. Ensuite, le Gouvernement encourra le reproche de rationner, de façon arbitraire, les sommes attribuées au titre de la compensation aux autres bénéficiaires.
En effet, le montant de la prestation de compensation devrait normalement être fixé en fonction des besoins de la personne handicapée, tels qu'évalués dans un plan de compensation réalisé par une équipe pluridisciplinaire. Il est donc utopique de penser que la somme de ces besoins aboutira exactement aux crédits disponibles auprès de la caisse.
Dans la mesure où la prestation de compensation est un droit, on ne pourra pas non plus refuser aux personnes handicapées l'attribution du montant correspondant à leurs besoins, sous prétexte que les sommes ne sont plus disponibles.
En définitive, le risque serait de fixer le plafond maximum de la prestation de compensation à un niveau si bas que la plupart des bénéficiaires l'atteindraient : d'une prestation personnalisée, la prestation de compensation se transformerait alors en allocation forfaitaire , exactement comme l'est devenue l'ACTP.
Votre commission restera donc vigilante, lors de l'élaboration des décrets d'application, à ce que les montants plafond fixés pour la prestation ne conduisent pas à dénaturer son caractère personnalisé.
Elle reconnaît toutefois que cette appréciation est liée à une estimation des ressources affectées à la prestation qui peut encore évoluer. Elle ne doute pas que le Gouvernement, ayant pris la mesure des attentes des personnes handicapées et de l'ampleur des besoins aujourd'hui non satisfaits, saura y consacrer les moyens nécessaires.
c) L'objectif de votre commission : conforter les conditions de financement de la nouvelle prestation
Tout en étant consciente de l'effort important réalisé par le Gouvernement pour le financement de la prestation de compensation, votre commission estime nécessaire de consolider cette architecture financière .
Le projet de loi prévoit en effet une répartition de la charge financière de cette prestation entre le département qui financerait l'ensemble des aides humaines et l'État qui serait compétent pour les volets relatifs aux aides techniques, aux aménagements du logement et aux aides exceptionnelles ou spécifiques.
Votre commission considère qu' une telle répartition du financement est contestable car, sauf à imaginer qu'aucune amélioration ne serait apportée à la prise en charge des aides humaines, elle conduit à un alourdissement considérable des charges du département, sans pour autant que des perspectives claires de compensation lui soient apportées.
Ce mode de financement conduit en outre, de fait, à exclure la possibilité de recourir aux financements extralégaux complémentaires - et substantiels - apportés aujourd'hui par les différents partenaires présents au sein des actuels sites pour la vie autonome : fonds de secours des caisses, des mutuelles, des organismes comme l'ANAH ou encore le « 1 % logement ». Compte tenu de l'ampleur des besoins de financement liés à la prestation de compensation, votre commission estime qu'il serait gravement déraisonnable de se passer de ces financements.
C'est la raison pour laquelle elle vous propose la création d'un fonds départemental de compensation , alimenté de façon obligatoire par le département, à hauteur des sommes qu'il consacre aujourd'hui à l'ACTP, et par l'État, et qui pourrait, en outre, être alimenté de façon volontaire par les différents partenaires présents au sein des maisons départementales des personnes handicapées.
L'organisation proposée n'est pas contradictoire avec la création de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, puisque les financements qu'elle attribuera ne feront que remplacer, à terme, la dotation d'équilibre versée par l'État.
* 2 « Aides techniques aux personnes handicapées : situation actuelle, données économiques, propositions de classification et de prise en charge » Rapport du professeur D. Lecomte, directeur de l'Institut médico-légal de Paris, mars 2003.
* 3 Ce crédit est égal à 25 % du coût total des travaux engagés, dans la limite d'un plafond égal à 4.000 euros pour une personne seule et 8.000 euros pour un couple.
* 4 Proposition de loi n° 287 (2002-2003) de MM. Nicolas About et Paul Blanc, sénateurs, rénovant la politique de compensation du handicap.
* 5 Le coût moyen annuel en maison d'accueil spécialisé était de 64.000 euros en 2002 (source : DGAS).
* 6 « Aides techniques aux personnes handicapées : situation actuelle, données économiques, propositions de classification et de prise en charge », Professeur D. Lecomte, mars 2003.