Rapport n° 113 (2003-2004) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 décembre 2003
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RAPPORT
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AVANT-PROPOS
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I. LA SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET
SOCIALE EN ARGENTINE
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II. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA
FRANCE ET L'ARGENTINE
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III. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ARGENTINE DU
4 AVRIL 1979
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IV. L'AVENANT SIGNÉ LE 15 AOÛT
2001
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V. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA
PROCÉDURE DE RATIFICATION DE L'AVENANT PAR L'ARGENTINE
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I. LA SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET
SOCIALE EN ARGENTINE
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 113
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 décembre 2003
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion fiscale en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune ,
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.
Voir le numéro :
Sénat : 201 (2002-2003)
Traités et conventions. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-argentine signée le 4 avril 1979 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Argentine, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, qui a été signé à Buenos Aires le 15 août 2001.
I. LA SITUATION POLITIQUE, ÉCONOMIQUE ET SOCIALE EN ARGENTINE
A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE
Pays émergent, l'Argentine conserve une économie peu ouverte (9 % du produit intérieur brut) et ses exportations sont, pour 60 % environ, d'origine agricole (c'est l'un des principaux exportateurs de blé au monde, ainsi qu'un exportateur important de soja et de ses produits dérivés). La libéralisation de l'économie engagée dans les années 1990 a permis de stabiliser l'économie, après l'hyperinflation des années 1980, et d'attirer des investisseurs étrangers 1 ( * ) .
Basé sur une politique monétaire stricte (parité peso / dollars) et sur d'importantes réformes structurelles (ouverture commerciale, déréglementations, réduction drastique du secteur étatique par le biais de privatisations), le plan Cavallo 2 ( * ) , mis en place en mars 1991, a produit des résultats positifs en terme de croissance économique et de stabilité monétaire, qui ont attiré les investisseurs internationaux. Toutefois, le coût social de ces mesures a été important, et la dette argentine est passée de 31 % du PIB en 1994 à 50 % en 2001. Les répercussions financières de la crise mexicaine de 1995, des crises asiatiques, russes et brésiliennes en 1998-1999 ont aggravé une situation budgétaire fragile, la dévaluation du real brésilien réduisant par ailleurs la compétitivité des exportations argentines.
Afin de ramener la confiance, la communauté financière internationale a accordé à l'Argentine un prêt d'un montant de 39,7 milliards de dollars en décembre 2000, destiné à couvrir ses besoins de financement en 2001, et à permettre le retour de la croissance dans le cadre du programme négocié avec le Fonds monétaire international (FMI).
En dépit d'efforts budgétaires et d'un nouveau soutien du FMI portant sur 8 milliards de dollars supplémentaires en août 2001, l'Argentine n'est pas parvenue à sortir de la crise. A la fin de l'année 2001, devant l'imminence d'un défaut sur la dette extérieure, la fuite des capitaux s'est accélérée . Pour éviter l'implosion du système financier, le gouvernement a gelé les dépôts bancaires le 3 décembre 2001. Au terme du traité 1570-01, les personnes physiques ou morales se sont ainsi vu interdire l'accès à leur compte bancaire.
M. Eduardo Duhalde, désigné président le 1 er janvier 2002, a ouvert sa présidence par deux décisions majeures : la confirmation du moratoire sur la dette extérieure et la dévaluation du peso. La loi d'urgence publique du 6 janvier 2002 a mis en place un régime se caractérisant par l'élargissement du pouvoir exécutif, ainsi qu'un contrôle des changes. Elle a décidé par ailleurs la « pesification » des obligations internes libellées en dollars, 1 dollar devenant équivalent à 1 peso, afin d'amortir le coût de la dévaluation. Un contrôle des prix a été instauré, tandis que les licenciements ont été suspendus. Le régime des concessions et des privatisations a également été revu. Afin de protéger les intérêts des particuliers, la loi a enfin prévu des mesures devant se traduire par la stabilité des prix des services publics, qui doivent être libellés en pesos. Cette loi avait une durée de validité dont l'échéance était fixée au 10 décembre 2003. Les prérogatives de l'exécutif ont toutefois été récemment reconduites jusqu'en décembre 2004. S'agissant des services publics, la redéfinition décidée devrait faire l'objet d'une renégociation dont le délai a été prolongé jusqu'à la fin de l'année 2004. Le contrôle des changes a été considérablement assoupli, en particulier pour ce qui concerne l'achat des devises (limité à 500.000 dollars par mois pour les résidents). Enfin, les restrictions au rapatriement des dividendes ni au paiement des prestations de services ont été levées.
La dévaluation, en mettant fin à la convertibilité du peso, avait pour objectif de relancer les exportations en ramenant le taux de change et les salaires réels à des niveaux permettant de rendre compétitives les exportations argentines.
La récession économique a toutefois atteint 11 % en 2002, tandis que le taux de chômage était de 22 % et que l'inflation pesait lourdement sur les revenus : en moins d'un an, le pourcentage de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté a atteint 57 %.
Afin de faire face à la dégradation de la situation économique, libérer les dépôts bancaires et relancer l'économie, le gouvernement argentin a demandé un nouvel appui financier au FMI. A la suite de négociations difficiles, un accord a été conclu en septembre 2003.
En 2003, grâce au réaménagement du service de la dette et à l'ajustement monétaire qui a permis aux produits argentins de bénéficier d'un regain de compétitivité 3 ( * ) , la situation économique de l'Argentine semble s'être consolidée : la croissance devrait être positive pour l'année 2003. Le peso a récupéré environ 25 % de sa valeur. Par ailleurs, les finances publiques ont amorcé leur redressement à compter de mai 2002, grâce notamment à la progression des recettes fiscales.
Toutefois, la dette extérieure, qui a été multipliée par quatre en vingt ans, atteint 178 milliards de dollars en décembre 2003, soit 140 % du PIB. La restructuration de la dette reste donc un problème important pour l'Argentine.
B. LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE
La crise économique qui a frappé l'Argentine à la fin des années 1990 a placé le chômage et les inégalités sociales au coeur du débat politique, notamment à l'occasion de l'élection présidentielle de 1999. Le 24 octobre 1999, M. Fernando de la Rua, maire radical de Buenos Aires et candidat de l'Alliance de l'opposition (Union civique et radicale et Frepaso), l'emporte dès le premier tour de l'élection présidentielle face à M. Eduardo Duhalde, gouverneur péroniste de la province de Buenos Aires.
Les élections législatives du mois d'octobre 2001 ont confirmé que la crise économique se doublait d'une grave crise de confiance politique. Le chômage massif et la faillite des institutions de protection sociale ont exacerbé les tensions sociales dans le pays 4 ( * ) .
Le 2 décembre 2001, le gouvernement annonce un gel des dépôts bancaires pour sauver un système financier menacé de faillite, sous l'effet des retraits massifs des épargnants. Moins de trois semaines plus tard, le 21 décembre 2001, des émeutes et des manifestations dans la capitale contraignent le gouvernement et le Président à la démission. Le péroniste Rodriguez Saa, désigné par le Congrès pour achever le mandat présidentiel, annonce un moratoire sur la dette, mais est contraint à la démission après une semaine seulement, par de nouvelles manifestations populaires.
M. Eduardo Duhalde est nommé le 1 er janvier 2002 par une majorité parlementaire composée des péronistes et des radicaux pour achever le mandat de M. de la Rua. Sa désignation répond à l'urgence créée par le vide politique dans un contexte économique catastrophique.
En juillet 2002, des élections présidentielles anticipées ont été annoncées. Elles ont eu lieu en avril 2003. 19 candidats se sont présentés à cette élection, dont trois d'entre eux étaient issus du même parti péroniste, le Parti Justicialiste : M. Carlos Menem (élu président de la République argentine en 1989 et en 1994), M. Rodriguez Saa et M. Nestor Kirchner.
Ces trois candidats ont réuni près de 60 % des suffrages au premier tour de l'élection, soit 24,3 % pour M. Menem, 22 % pour M. Kirchner et 14,1 % pour M. Saa. Pour la première fois dans l'histoire de l'Argentine, aucun candidat n'est parvenu à être élu dès le premier tour. L'annonce de l'ancien président Carlos Menem, pourtant arrivé en tête au premier tour, de ne pas se présenter au second tour de l'élection présidentielle, a constitué une surprise. Ce renoncement, qui résulte sans doute du fait que les sondages rendaient prévisible une large victoire de M. Kirchner, a conduit ce dernier à devenir automatiquement président de la République, en l'absence de second tour.
II. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA FRANCE ET L'ARGENTINE
A. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE LA FRANCE ET L'ARGENTINE
Au cours des années 1990, du fait de l'ouverture de l'économie argentine, les exportations de la France à destination de ce pays ont quadruplé, tandis que les importations en provenance d'Argentine sont restées stables. En 1997, notre commerce bilatéral dégageait un excédent substantiel de plus de 500 millions d'euros, pour un montant moyen des échanges de 1,6 milliard d'euros. La France importe surtout des produits agricoles. Sous l'effet de la récession qui a frappé l'Argentine à compter de 1999 5 ( * ) , les exportations françaises ont diminué au cours des dernières années.
En 2001, les échanges commerciaux entre la France et l'Argentine sont restés structurellement excédentaires en faveur de notre pays, même si la détérioration de la situation économique de l'Argentine consécutive à la dévaluation de 70 % du real brésilien au mois de janvier 1999 a provoqué une réduction des exportations françaises vers l'Argentine de 27,4 %, et une diminution des importations, de 6,7 %. La France est ainsi passée en 2001 du troisième au sixième rang des fournisseurs de l'Argentine (avec 3,6 % de part de marché). On notera que la France n'occupe désormais que le quinzième rang des fournisseurs de l'Argentine, avec une part de marché de 1,2 %.
En 2002, le solde commercial de la France avec l'Argentine s'est détérioré de 455 millions d'euros par rapport à l'année précédente et est devenu déficitaire, compte tenu d'une diminution de 57,7 % des exportations françaises vers l'Argentine et d'une diminution moindre des importations en provenance de ce pays, de 2,3 %.
Pour le premier semestre 2003, la diminution des exportations françaises (- 11,2 %) apparaît moins forte qu'en 2002, en raison d'une reprise de la croissance en Argentine. Toutefois, la crise économique qu'a traversée l'Argentine a réduit considérablement la place de la France dans les échanges commerciaux de ce pays .
B. LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN ARGENTINE
S'agissant des investissements, la France occupe la troisième place des investisseurs étrangers en Argentine , derrière les Etats-Unis et l'Espagne, avec un stock d'investissement supérieur à 10 milliards de dollars. La France a même occupé la première place en 2001, avec un montant d'investissement direct de 2,4 milliards de dollars.
Les entreprises françaises sont bien placées dans la gestion des services publics privatisés (gaz, téléphone, eau, distribution d'électricité). Par ailleurs, elles occupent une place importante dans les secteurs industriels, tels que l'automobile (PSA et Renault ont 40 % de parts de marché) ou les services : banques, assurance et grande distribution (50 % du marché). L'entreprise TotalfinaElf est implantée dans les secteurs de la production de pétrole, de gaz et d'électricité.
La dévaluation du peso a constitué une modification profonde de l'équilibre économique de ces activités, sans compter le fait que les entreprises de service public, souvent endettées en dollars, ont été affectées par la désindexation des tarifs.
C. LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES EN ARGENTINE
Plusieurs réformes fiscales ont été adoptées en Argentine depuis 1998, introduisant des modifications à l'impôt sur les bénéfices, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et l'impôt sur le revenu, et créant par ailleurs de nouveaux impôts (impôt sur l'endettement des entreprises, sur les actifs et sur les transferts financiers sur comptes courants, impôt sur la fortune).
On notera que sont assujetties à l'impôt sur les bénéfices les sociétés de droit argentin, ainsi que tout établissement stable de société étrangère situé sur le territoire argentin.
Les taux de l'impôt pour les sociétés et les personnes domiciliées en Argentine sont les suivants :
Taux d'imposition pour les sociétés et les personnes domiciliées en Argentine
Sociétés de capital domiciliées dans le pays (y compris succursales étrangères et SARL) |
35 % |
Sociétés de personnes |
Progressif entre 9 et 35 % |
Personnes physiques domiciliées dans le pays |
Progressif entre 9 et 35 % |
Source : Ambassade de France en Argentine - mission économique
La mission économique de l'ambassade de France en Argentine note que « le droit fiscal argentin admet quelques exonérations telles que les dividendes ou actions distribuées par les SA et les bénéfices réalisés par les succursales et transférés à leur maison-mère ou des déductions comme les frais d'organisation de la société ».
Par ailleurs, on notera que la distribution de dividendes n'est pas taxée en Argentine. Toutefois, les SA, SRL et sociétés en commandite versant des dividendes à des bénéficiaires résidant dans le pays ou à l'étranger, supérieurs aux bénéfices déterminés par l'impôt sur les bénéfices devront retenir un impôt de 35 % sur l'excédent.
III. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ARGENTINE DU 4 AVRIL 1979
La convention fiscale entre la France et l'Argentine en vue d'éliminer les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune a été signée le 4 avril 1979 et est entrée en vigueur en 1981. Elle a été la seconde convention signée par la France avec un pays membre du MERCOSUR (marché commun du sud, organisation qui réunit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Chili).
Cette convention fiscale est conforme à la politique conventionnelle de la France à cette période avec les pays non-membres de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), et dispose de plusieurs clauses se rapprochant du modèle de convention fiscale établi par l'ONU (Organisation des nations unies), telles que :
- une durée de 6 mois plutôt que de 12 mois pour qu'un chantier de construction ou de montage constitue un établissement stable 6 ( * ) ;
- des taux relativement élevés de retenue à la source en matière de dividendes (15 %), d'intérêts (20 %) et de redevances (18 %). Ces revenus, imposés en Argentine, donnent droit en France à un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt versé, mais qui ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus ;
- une définition large des redevances, incluant notamment les travaux d'étude ou de recherche de nature scientifique ou technique ;
- une durée de séjour totale supérieure ou égale à 183 jours pour que le résident d'un Etat soit imposable dans l'autre Etat au titre de ses revenus tirés de l'exercice d'une profession indépendante 7 ( * ) (au lieu du concept de la « base fixe » retenu par l'OCDE) ;
- les modalités d'élimination de la double imposition du côté français, qui combine la méthode de l'imputation de l'impôt argentin (dividendes, intérêts, redevances, gains en capital, revenus des professions indépendantes, rémunération des administrateurs, artistes et sportifs et les autres revenus non visés dans les autres articles de la convention) et la méthode de l'exonération pour tous les autres revenus imposables en Argentine en application de la convention ;
- l'octroi par la France d'un crédit d'impôt fictif de 15 % pour les intérêts payés au titre d'un prêt consenti, avalisé ou assuré par la BFCE (Banque française du commerce extérieur) ou la COFACE, et de 20 % pour certaines redevances de source argentine.
Il convient de noter que certaines dispositions de la convention fiscale franco-argentine ne sont plus applicables aujourd'hui . En effet, alors que l'Argentine appliquait le critère de la territorialité à l'époque de la signature de cette convention, elle retient aujourd'hui le critère du revenu mondial 8 ( * ) . Cette modification explique le souhait de l'Argentine d'engager la négociation d'un avenant à la convention fiscale avec la France.
L'encadré ci-après présente les différentes modalités d'élimination des doubles impositions.
Principes fondamentaux de la fiscalité internationale
La fiscalité internationale se compose essentiellement de conventions internationales de double imposition. Ces conventions solutionnent des conflits entre les pays qui se partagent un même contribuable ou un même revenu. Le droit d'imposer de chaque pays est créateur de double imposition.
1) Définitions de la double imposition
Les doubles impositions internationales des revenus trouvent leur origine dans l'entière souveraineté fiscale des états qui ont chacun le droit d'imposer. L'un parce qu'il se considère comme l'état de résidence du bénéficiaire du revenu, l'état résidence, et l'autre, parce qu'il estime que le revenu trouve sa source sur son territoire, l'état source.
Le groupe se distingue fiscalement de l'entreprise nationale par trois points principaux :
- l'existence de deux taux d'imposition : celui de la filiale et celui de la mère ;
- l'existence de législations fiscales différentes en matière d'imputation de déficits, de crédits d'impôts, de détermination de base fiscale ou de politique d'incitations fiscales par exemple ;
- l'existence d'une imposition spécifique au transfert des revenus, les retenues à la source, atténuées, non modifiées ou supprimées par les conventions de double imposition. L'existence d'une imposition à la source constitue le principe de base de la fiscalité internationale .
D'une manière générale, on peut définir deux types de doubles impositions . Pour les doubles impositions juridiques , qui résultent du fait pour un même contribuable d'être imposé au titre d'un même revenu par plus d'un état, c'est la notion de résidence qui est appelée à être définie . Les doubles impositions économiques sont définies par le comité fiscal de l'OCDE comme étant la situation dans laquelle deux personnes différentes sont imposables au titre d'un même revenu . Il en est ainsi lorsque deux sociétés d'Etats différents (par exemple une société mère et sa filiale ou des sociétés soeurs) se versent des revenus imposés dans les deux états.
Le pays de la société versante refuse la déduction des sommes payées alors que le pays de la société bénéficiaire les inclut dans la base d'imposition. Cette double imposition présente un caractère d'inégalité et constitue également un frein important au développement des échanges entre les pays. Aussi, sur la base de conventions bilatérales les états ont-ils voulu la diminuer ou la faire disparaître.
Eviter la double imposition c'est transférer exclusivement le droit d'imposer à l'état source ou à l'état de résidence (méthode de l'exonération) ou encore partager le droit d'imposer entre les deux Etats (méthode de l'imputation) .
2) Choix d'une méthode de partage d'imposition
En matière de fiscalité internationale, trois interrogations déterminent la stratégie fiscale des firmes internationales :
- Qui a priorité en matière d'imposition ? C'est le problème de la source qui définira le revenu considéré comme national ou étranger ;
- Quelle est la base taxée ? Le revenu imposable d'un état sera délimité en application du principe de la mondialisation ou du principe de la territorialité ;
- Donc comment éviter la double imposition ? En partageant le droit d'imposer ou en le transférant à l'un des deux états.
La méthode de l'exonération consiste tout simplement à attribuer le droit d'imposer à l'un des deux états qui peut être soit celui de la source du revenu soit celui de la résidence du bénéficiaire.
La méthode de l'imputation consiste à autoriser les deux états à percevoir un impôt sur les revenus considérés mais en permettant au contribuable de l'état de résidence de déduire un crédit d'impôt représentatif de l'impôt payé dans l'état source . Les modalités sont variables selon qu'il s'agit d'une imputation intégrale, d'une imputation ordinaire ou d'une imputation selon un mécanisme de crédit pour l'impôt fictif. L'imputation intégrale permet de déduire la totalité de l'impôt payé dans l'état source de l'impôt du, l'imputation partielle limite le crédit d'impôt accordé dans l'état de résidence au montant de l'impôt du dans cet état sur les revenus concernés et l'imputation d'un crédit pour impôt fictif permet au contribuable de bénéficier d'un crédit d'impôt même s'il n'y a aucun impôt prélevé dans l'état source ou de bénéficier d'un crédit d'impôt supérieur au taux de droit commun. Le système de l'imputation appelle cependant trois remarques :
- l'imputation du crédit d'impôt n'est possible que si une convention le prévoit ;
- l'imputation se fait sur l'impôt dû si le revenu concerné est dans la base d'imposition ;
- et le crédit d'impôt constitue un revenu imposable pour le bénéficiaire.
D'une manière générale la méthode de l'imputation est retenue pour les revenus qui font l'objet d'une imposition limitée à la source tels les dividendes et les intérêts . Un système d'imputation cohérent (sans limitation du montant des crédits ni sans qu'ils soient différés) permet de faire en sorte que le montant total de l'impôt dû sur le bénéfice mondial est déterminé uniquement par la législation fiscale nationale. Un système d'exemption implique que le montant total de l'impôt dû puisse être réduit par le transfert de bénéfices des pays à niveau d'imposition élevé vers les pays à faible niveau d'imposition par la fixation des prix de transfert.
La limitation des crédits d'impôt peut s'appliquer aux impôts versés dans chaque pays étranger considéré isolément (limitation par pays) ou la législation fiscale peut prévoir que le montant total du crédit d'impôt ne doit pas excéder le montant total d'impôt à verser dans le cadre national sur l'ensemble des revenus des sources étrangères (limitation mondiale ou globale). Le tableau ci -après résume les différents systèmes de neutralisation applicables.
Neutralisation de la double imposition
Méthode de l'exonération Méthode de l'imputation
(= transfert de l'impôt à l'état source
(= partage du droit d'imposer entre les
ou à l'état de
résidence) deux états)
? exonération totale de l'état source ? imputation intégrale de l'état de résidence
? exonération totale de l'état de résidence ? imputation partielle de l'état de résidence
? exonération avec progressivité de ?
imputation d'un crédit pour impôt
l'état de
résidence fictif
? imputation selon la méthode du crédit d'impôt
La firme multinationale française pourra récupérer les crédits d'impôts étrangers en fonction du système de neutralisation figurant dans la convention fiscale. L'application d'un système de neutralisation est fonction du pays signataire de la convention, du pays source du revenu et de la nature du flux transféré . Si les fonds rapatriés sont des flux déductibles du revenu, la firme se trouve en présence d'un différentiel qu'elle doit gérer. Dans le contraire, les fonds rapatriés prennent la forme de dividendes est le principe d'imposition, mondial ou territorial, induit deux situations fiscales divergentes. En fonction des contraintes légales, la firme devra gérer son coût fiscal.
Source : Marie-Pierre Mairesse, « Opportunités d'arbitrage fiscal et politique de rapatriement des flux financiers des firmes multinationales françaises », pages 2 à 4
IV. L'AVENANT SIGNÉ LE 15 AOÛT 2001
A. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS
L'avenant à la convention fiscale franco-argentine, signé à Buenos Aires le 15 août 2001, a pour objet de mettre à jour la liste des impôts visés par la convention fiscale du 4 avril 1979 et de modifier la clause d'élimination de la double imposition .
L' article 1 de l'avenant modifie la liste des impôts visés par la convention actuelle. Du côté français, sont ajoutés à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, qui figurent dans la convention, la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et l'impôt sur la fortune (ISF), impôts qui n'existaient pas à l'époque de la signature de la convention fiscale.
Du côté argentin, la liste des impôts a également été actualisée afin de tenir compte de la réforme du système fiscal argentin. Sont désormais visés l'impôt sur les revenus, l'impôt sur la fortune et l'impôt minimum sur les bénéfices.
L' article 2 de l'avenant modifie entièrement l'article 24 de la convention fiscale franco-argentine, afférent à l'élimination de la double imposition.
Du côté français, l'avenant reprend la clause d'élimination de la double imposition proposée par la France dans les conventions fiscales signées à partir du milieu des années 1990. Cette clause généralise la méthode de l'imputation, à l'exception des revenus exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française.
Le crédit d'impôt est égal, selon les cas, soit à l'impôt argentin payé conformément aux dispositions de la convention, mais dans la limite de l'impôt français correspondant à ces revenus, soit à l'impôt français correspondant à ces revenus, ce qui revient à une exonération avec application du taux effectif 9 ( * ) .
Des dispositions sont également ajoutées par cet article, relatives à l'élimination de la double imposition en matière de fortune, au titre de laquelle la méthode de l'imputation est également retenue.
S'agissant des crédits d'impôts fictifs qui existent dans le texte actuel de la convention fiscale pour certains intérêts et redevances, ils ne correspondent plus à la politique conventionnelle de la France. Ils sont toutefois maintenus par le présent avenant, à la demande expresse de l'Argentine. Toutefois, le paragraphe 3 de l' article 3 du présent avenant limite leur application à une période de cinq ans à compter de son entrée en vigueur.
En ce qui concerne l'élimination de la double imposition par l'Argentine, la méthode de l'exonération est remplacée par celle de l'imputation d'un crédit d'impôt égal à l'impôt sur le revenu ou sur la fortune effectivement payé en France, dans la limite de l'impôt argentin afférent à ces revenus ou à cette fortune.
B. L'IMPACT BUDGÉTAIRE DE L'AVENANT
Le nombre de ressortissants français immatriculés auprès des services consulaires français en Argentine s'élevait à 13.490 en 2002, et plus de 170 entreprises françaises sont implantées en Argentine.
Il convient de noter que l'avenant à la convention fiscale franco-argentine n'a d'influence que sur les investissements effectués par les résidents de l'un des Etats dans l'autre Etat.
L'avenant modifie le mécanisme d'élimination de la double imposition par la généralisation de la méthode d'imputation d'un crédit d'impôt. D'un point de vue strictement budgétaire, il semble donc moins favorable aux intérêts français. Toutefois, il convient de souligner qu'il ne fait que généraliser une méthode déjà prévue pour certains revenus dans la convention fiscale de 1979.
Par ailleurs, la suppression du crédit d'impôt fictif prévu par la convention pour certains intérêts et redevances, à l'expiration de la période de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de l'avenant, est favorable au budget de l'Etat.
V. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA PROCÉDURE DE RATIFICATION DE L'AVENANT PAR L'ARGENTINE
La négociation de l'avenant à la convention fiscale entre la France et l'Argentine a été engagée à la demande des autorités argentines à la suite de la modification du principe de territorialité de l'impôt dans sa législation interne. La France a mis à profit cette négociation pour modifier la clause d'élimination des doubles impositions de la convention initiale de manière à la rendre plus conforme à sa politique conventionnelle en la matière. Une rencontre entre les autorités fiscales des deux pays s'est tenue à Paris en février 2001, à l'issue de laquelle un texte a été paraphé. Il a ensuite été signé à Buenos Aires, le 15 août 2001.
Cet accord doit encore faire l'objet d'une autorisation parlementaire en Argentine : s'il a été approuvé par le Sénat argentin le 1 er août 2002, puis envoyé à la Chambre des députés, celle-ci ne l'a toujours pas inscrit à son ordre du jour pour son examen et son approbation.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 11 décembre 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont, rapporteur, à l' examen du projet de loi n° 201 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République Argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a rappelé que le projet de loi avait pour objet d'autoriser l'approbation de l'avenant, signé le 15 août 2001, à la convention fiscale conclue le 4 avril 1979 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République d'Argentine, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Il a indiqué que certaines dispositions de la convention fiscale actuelle n'étaient plus applicables, car l'Argentine avait modifié les critères pris en compte pour éviter les doubles impositions, passant du critère de la territorialité à l'époque de la signature de la convention au critère du revenu mondial. Il a précisé que la négociation de l'avenant avait été engagée, pour cette raison, à la demande de l'Argentine. Il a ajouté que l'avenant, signé à Buenos Aires le 15 août 2001, devait encore faire l'objet d'une approbation par la Chambre des députés argentine.
M. Jacques Chaumont, rapporteur, a souligné que l'avenant visait deux objectifs majeurs :
- d'une part, il a indiqué qu'il mettait à jour la liste des impôts visés par la convention fiscale du 4 avril 1979 : ainsi, pour la France, il ajoutait à l'impôt sur le revenu et sur les sociétés, qui figuraient dans la convention, la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et l'impôt sur la fortune, qui n'existaient pas à l'époque. Il a indiqué qu'il actualisait également la liste des impôts du côté argentin, afin de tenir compte de la réforme de son système fiscal ;
- d'autre part, il a souligné que cet avenant modifiait la clause d'élimination de la double imposition. Il a précisé que, du côté français, l'avenant reprenait la clause d'élimination de la double imposition proposée par la France à compter du milieu des années 1990, c'est-à-dire qu'il généralisait la méthode de l'imputation, à l'exception des revenus exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Ainsi, il a noté que le crédit d'impôt était égal, selon les cas, soit à l'impôt argentin payé conformément aux dispositions de la convention, mais dans la limite de l'impôt français correspondant à ces revenus, soit à l'impôt français correspondant à ces revenus.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a indiqué que l'impact budgétaire de cet avenant était limité. Il a précisé qu'en modifiant le mécanisme d'élimination de la double imposition par la généralisation de la méthode d'imputation d'un crédit d'impôt, l'avenant semblait moins favorable aux intérêts français, mais que la suppression du crédit d'impôt fictif prévu par la convention pour certains intérêts et redevances, à l'expiration de la période de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de l'avenant, serait, en revanche, favorable au budget de l'Etat.
Il a ensuite proposé au Sénat d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, et Roland du Luart , la commission a alors décidé de proposer au Sénat d' adopter ce projet de loi .
* 1 L'Argentine a, sous le gouvernement de Carlos Menem, entre 1989 et 1999, été le pays d'Amérique latine qui a privatisé le plus grand nombre d'entreprises publiques.
* 2 Ministre de l'économie du gouvernement de Carlos Menem.
* 3 Les exportations ont ainsi augmenté de 15 % en 2003 par rapport à 2002. Les importations ont connu une évolution comparable.
* 4 Sur l'ensemble de ces aspects, on pourra utilement se reporter au compte rendu de la mission d'information effectuée en Argentine du 12 au 18 avril 2003 par une délégation du bureau de votre commission, in Bulletin des commissions, n° 26, du 10 mai 2003 pages 4373 à 4376.
* 5 Le PIB argentin a chuté de 3,4 % en 1999, de 0,9 % en 2000, de 4 % en 2001 et de 11 % en 2002.
* 6 La convention fiscale entre la France et l'Argentine dispose que les bénéficies d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. L'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. C'est le concept qui permet de répartir l'imposition des bénéfices des entreprises d'un Etat contractant qui exercent une activité dans un autre Etat contractant : l'établissement n'est imposable dans l'autre Etat que si son activité y est exercée par l'intermédiaire d'un établissement stable et uniquement à raison des bénéfices dégagés par celui-ci. Pour le modèle de convention de l'OCDE, l'implantation d'un établissement stable doit excéder 12 mois.
* 7 Telle que les artisans, les industriels, les commerçants et les membres des professions libérales.
* 8 L'imposition a donc lieu dans l'Etat de résidence des personnes morales sur l'ensemble de leurs revenus mondiaux, à moins que cette entreprise n'exerce son activité dans un autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé.
* 9 Le crédit d'impôt est donc plafonné au montant de l'impôt français auquel il se rattache. Les crédits d'impôt non utilisés sont perdus car ils ne peuvent pas s'imputer sur l'impôt dû au titre d'autres revenus, être reportés dans le temps ou être remboursés.