N° 96
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2003
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ,
Par M. Bernard SEILLIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Sénat : Première lecture : 282, 304, 305 et T.A. 114 (2003-2004)
Deuxième lecture : 85 (2003-2004)
Assemblée nationale (12 e législ. ) : 884, 1211, 1216 et T.A. 198
Action sociale et solidarité. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 25 novembre dernier, le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.
Le texte qui ressort de ses travaux n'a que peu évolué, du moins dans ses grandes lignes, par rapport à la version adoptée par le Sénat six mois auparavant. De fait, l'Assemblée nationale s'est contentée - il est vrai à l'issue de débats parfois vifs - de l'adapter à la marge, en lui apportant, le plus souvent, d'utiles précisions et, dans certains cas, quelques compléments.
Ainsi, saisie de quarante-quatre articles transmis par le Sénat, l'Assemblée nationale en a adopté vingt conformes et a introduit huit nouveaux articles additionnels, portant de la sorte à trente-deux le nombre d'articles encore en navette.
Mais avant d'aborder plus en détail les apports des deux assemblées, votre rapporteur souhaite insister sur la philosophie qui a présidé à la création du RMI et que conforte et prolonge la réforme qui nous est proposée aujourd'hui.
La création du RMI en 1988 a constitué une innovation et un bouleversement en matière de lutte contre les exclusions : à une démarche fondée sur l'assistance et caractérisée par des mesures d'aide sociale, le RMI substituait, en effet, une démarche conçue en termes de droits et de devoirs.
Votre rapporteur souhaite, à ce stade, couper court à une idée trop souvent répandue : les droits et devoirs dont il s'agit ne sont pas uniquement ceux de l'allocataire et l'effort d'insertion qui lui est demandé n'a jamais constitué la contrepartie de l'aide financière qu'il reçoit. Elle est, et elle demeure, une exigence constitutionnelle, attachée à la dignité de la personne humaine.
Cette exigence constitutionnelle comporte trois facettes, le devoir de travailler, qui doit être proportionné au droit d'obtenir un emploi et, in fine , à celui d'obtenir de la collectivité, en cas d'incapacité de travailler, des moyens convenables d'existence.
C'est la raison pour laquelle il est du devoir de la collectivité nationale d'accompagner la personne sur le chemin de cette dignité retrouvée. L'allocataire et la collectivité nationale s'engagent donc dans une démarche commune, dont l'objectif est de redonner à des personnes exclues, abîmées par des ruptures professionnelles, sociales ou affectives une place à part entière dans la société.
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C'est dans cette perspective - mais aussi dans le souci de « voir proscrire, dans un dialogue de vérité, les proclamations inutiles, les ambiguïtés sous-jacentes et les tentations de la démesure » 1 ( * ) - qu'il convient d'apprécier la décentralisation du RMI et la création du nouvel instrument d'insertion que constitue le RMA. A ce titre, votre rapporteur tient à réitérer une double conviction.
La décentralisation du RMI doit mettre la collectivité en mesure de tenir ses engagements vis-à-vis des plus démunis
Le coeur de la décentralisation du RMI n'est pas, comme on pourrait être tenté de le croire, le transfert de la gestion de l'allocation elle-même aux départements, mais la fin du copilotage de l'insertion.
En effet, seule la définition d'un responsable unique et proche du terrain pour coordonner les interventions des différents acteurs, notamment associatifs, pouvait donner un nouveau souffle au développement de l'offre d'insertion et, ainsi, assurer la réciprocité des engagements pris par la collectivité nationale à l'égard de ses éléments les plus fragiles.
Il convenait, dès lors, de confier également aux départements la conclusion des contrats d'insertion, qui concrétisent cet engagement réciproque, car leur rôle de pilote de l'insertion doit les rendre capables de donner enfin un véritable contenu à ces contrats.
Dans la mesure où la démarche d'insertion est inséparable de l'allocation, dont elle est le complément et à qui elle donne un sens, la décentralisation de l'allocation elle-même répondait donc à une logique évidente. Ce faisant, l'État fait le pari de la responsabilité départementale, une responsabilité qui est synonyme, encore une fois, non seulement de compétences et de pouvoir de décision, mais aussi de devoirs, de prise de risque et qui comporte l'exigence de se soumettre à une évaluation.
La navette a permis de conforter le caractère d'engagement réciproque du RMI : le contenu des contrats d'insertion a été amélioré, les actions susceptibles d'y figurer ont été inscrites dans le cadre d'un parcours d'insertion, donnant lieu à une évaluation régulière, et le rôle du référent désigné pour chaque allocataire a été renforcé.
En première lecture, le Sénat avait déjà supprimé l'équivalence entre l'attestation de suivi de l'action d'insertion et le contrat d'insertion, considérant qu'il aurait été dangereux de limiter le contrat à une action ponctuelle, ce qui lui aurait fait perdre tout à la fois sa richesse et sa réciprocité.
Notre Haute assemblée avait ensuite précisé les conditions du pilotage, par le département, du dispositif local d'insertion : nous avons ainsi donné une définition plus précise du contenu des programmes départementaux d'insertion et garanti la participation du monde associatif à la définition et à la mise en oeuvre de ces programmes.
Enfin, en contrepartie d'une évaluation renforcée, le Sénat avait conforté la responsabilité départementale, en supprimant le mécanisme des crédits obligatoires d'insertion. Leur maintien en 2004, à titre transitoire, et le caractère facultatif, pour l'ensemble des départements, du report de 2003 sur 2004 des crédits d'insertion non consommés, proposé par l'Assemblée nationale, constitue toutefois un compromis qui permet de donner au monde associatif un signe fort de la volonté des départements de poursuivre, voire d'amplifier, l'effort d'insertion, tout en faisant, pour l'avenir, confiance à ces derniers pour déterminer les sommes à consacrer au développement de l'offre d'insertion.
Certains ajouts de l'Assemblée nationale soulèvent, il est vrai, des interrogations mais celles-ci ne remettent pas en cause, sur ce point, la philosophie et l'équilibre général du projet de loi. Il en est ainsi, par exemple, de la possibilité, offerte aux associations oeuvrant dans le domaine de la lutte contre les exclusions, de se substituer à l'allocataire pour exercer un recours à l'encontre des décisions individuelles relatives à l'allocation.
Votre rapporteur estime, en effet, que cette disposition crée un précédent, alors que les juridictions administratives n'avaient jamais exigé des associations une telle habilitation législative pour pouvoir exercer un recours. Il souhaite donc qu'elle ne soit pas interprétée, a contrario , hors le cas du RMI, comme interdisant désormais aux associations de contester, devant le juge administratif, des décisions entrant dans le champ de leur objet social.
Avec le RMA, les départements disposeront d'un outil adapté au service de leur mission d'insertion
Votre rapporteur a déjà, dans un autre cadre, insisté sur les faiblesses et les voies de réforme de nos dispositifs d'insertion des personnes les plus en difficulté :
« Le dispositif actuel d'insertion des personnes les plus en difficulté reste cependant insatisfaisant, et un nombre trop important de personnes demeure aujourd'hui durablement éloigné de l'emploi. Malgré l'existence de nombreuses mesures destinées aux « publics prioritaires » de la politique de l'emploi, les dispositifs d'insertion apparaissent toujours comme très complexes, et encore trop souvent fondés, du fait de cette complexité, sur une logique de gestion de mesures plus que sur la construction de parcours individualisés d'insertion dans l'emploi. (...)
« Les instruments de l'insertion des personnes en difficulté peuvent être utilement réformés pour améliorer leur efficacité et tirer les leçons de plusieurs années de politique de lutte contre l'exclusion et d'accès à l'emploi de ces personnes. Il apparaît que la réussite de l'insertion n'est pas en premier lieu liée aux caractéristiques des instruments, mais bien à la philosophie de l'action d'insertion, et aux méthodes mises en oeuvre. Quels que soient les outils utilisés, deux éléments apparaissent indispensables à la réussite de l'action d'insertion et au retour à l'emploi des personnes les plus en difficulté :
« - la construction de véritables parcours d'insertion individualisés, permettant de définir avec le bénéficiaire les modalités et les étapes de son retour à l'emploi, dans le cadre d'un projet d'insertion professionnelle ;
« - l'existence d'un accompagnement renforcé tout au long de ce parcours, par la désignation d'un référent unique en charge de suivre le bénéficiaire dès son entrée dans le parcours et, au-delà du simple accès à une mesure de la politique de l'emploi, jusqu'à son insertion durable dans l'emploi. » 2 ( * )
Le contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CIRMA) s'inscrit pleinement dans ce cadre rénové, tant par sa gestion décentralisée et non contingentée que par son accompagnement renforcé tout au long d'un parcours d'insertion mieux défini. Tel fut en tout cas le souci constant de votre rapporteur et du Sénat, lors de la première lecture, que de rapprocher ce nouveau contrat d'insertion de cette double exigence.
Votre rapporteur observe toutefois qu'il continue de susciter, ici ou là, certaines craintes, notamment dans le milieu associatif, malgré les garanties déjà apportées par le Sénat en première lecture. Il note d'ailleurs que ces objections sont parfois contradictoires. Pour certains, le contrat d'insertion RMA relèverait finalement du « gadget » car il ne constituerait qu'un nouveau contrat aidé s'ajoutant à la panoplie existante qui est, il est vrai, déjà riche. Pour d'autres, ce contrat ouvrirait une brèche dans notre droit du travail en marquant les prémisses d'un « sous-salariat ».
Votre rapporteur considère, pour sa part, que ces critiques restent loin d'être fondées et croit important de s'attarder, une fois encore, sur ce point.
Le CIRMA présente en effet une double particularité qui fait tout son intérêt. D'abord, il s'adresse aux publics les plus en difficulté pour lesquels les outils habituels n'assurent encore que trop faiblement leur insertion durable. Ensuite, il relève de la seule responsabilité des départements qui ont déjà en charge la politique d'action sociale et qui vont piloter la politique d'insertion.
Il s'agit certes d'un contrat de travail très dérogatoire au droit commun.
Mais il a vocation à n'être que transitoire, car il ne vise qu'à amorcer une démarche d'insertion professionnelle qui doit nécessairement s'inscrire dans la durée, compte tenu de la situation de ses bénéficiaires.
Il offre également des droits sociaux nettement supérieurs à ceux dont bénéficient les allocataires du RMI. Et votre rapporteur observe que les amendements adoptés au Sénat en première lecture permettent de majorer très significativement ces droits, tant au regard de l'assurance vieillesse que de l'assurance chômage, quand bien même l'assiette des cotisations sociales reste dérogatoire.
De plus, l'existence d'une telle assiette dérogatoire présente aussi des avantages. Ainsi, elle permet de majorer les revenus nets du bénéficiaire de près de 80 euros par mois, soit d'environ 15 %, ce qui est loin d'être négligeable. Et on voit mal d'ailleurs comment justifier l'assujettissement à cotisations sociales d'une aide qui reste in fine l'équivalent d'une allocation.
Enfin, le contrat est assorti d'exigences fortes - bien plus fortes en tous cas que celles actuellement attachées aux autres contrats aidés - en matière d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi, qu'il appartiendra au département de faire respecter. Il en ira non seulement de sa responsabilité, mais aussi de son intérêt.
Aussi, si ce nouveau contrat ne répond sans doute pas à tous les canons formels de notre droit social, c'est avant tout par souci de pragmatisme et d'efficacité et dans un but d'intérêt général.
Un équilibre a été trouvé. Votre rapporteur considère qu'il est raisonnable, mais il sait aussi combien il est fragile. Il estime que les travaux du Sénat en première lecture ont, à cet égard, permis d'aménager le régime de ce contrat sans doute jusqu'aux limites du possible.
En première lecture, la préoccupation principale du Sénat a en effet été de renforcer l'efficacité du RMA en termes d'insertion, tout en en faisant un instrument suffisamment souple et adapté à la diversité des situations pour qu'il puisse être effectivement mobilisé par les départements et les employeurs au profit des personnes les plus en difficulté.
Pour cela, le Sénat a d'abord replacé le RMA dans une démarche d'insertion durable, en l'inscrivant dans le cadre d'un parcours défini sur un mode contractuel, en renforçant les actions d'insertion et en améliorant les conditions d'évaluation de leur mise en oeuvre.
Il a également souhaité mieux adapter le contrat d'insertion RMA à la situation des bénéficiaires en autorisant notamment une modulation de la durée hebdomadaire de travail au-delà de vingt heures, en fonction des capacités de la personne et de son projet professionnel, afin de lui permettre, en particulier, d'améliorer ses droits sociaux.
L'Assemblée nationale s'est, à son tour, largement inscrite dans cette perspective. De fait, et au-delà de plusieurs précisions et de quelques ajustements, seuls deux types de modifications ont apporté de réelles innovations.
Les premières répondent au souci - d'ailleurs partagé par votre rapporteur - de « sécuriser » au mieux la situation des bénéficiaires du CIRMA tant pendant la durée du contrat qu'à sa sortie, même si votre rapporteur observe que les apports introduits à l'Assemblée nationale n'apportent en définitive guère d'éclaircissement et renvoient alors largement au décret le soin de préciser les conditions d'une telle « sécurisation ».
Les secondes innovations dépassent le simple cadre du RMA puisqu'elles visent à tirer les conséquences de la réforme annoncée de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). A cet égard, votre rapporteur considère que la contrepartie nécessaire à la diminution de la durée de versement de l'allocation doit se traduire par une offre accrue de solutions d'insertion. La solution proposée par l'Assemblée nationale, et qui répond d'ailleurs à l'engagement du Gouvernement d'offrir aux anciens allocataires de l'ASS qui ne seront pas éligibles au RMI un accès prioritaire au CES et aux CIE, constitue une première réponse. Mais elle devra être complétée par la possibilité, pour les anciens allocataires de l'ASS qui seront éligibles au RMI, d'accéder directement au CIRMA. Le décret d'application devrait le prévoir en assimilant l'ancienneté en ASS à l'ancienneté au RMI, mais il conviendra que le Gouvernement précise ses intentions sur ce point lors du débat.
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Mais, si le présent projet de loi ouvre de nouvelles perspectives, il constitue également, pour les départements, un défi non seulement technique, mais aussi et surtout politique.
Un défi technique et administratif
Le « passage de témoin » entre l'État et les départements, au 1 er janvier 2004, mettra à l'épreuve la capacité d'adaptation des départements qui, du jour au lendemain, auront la responsabilité du paiement et du suivi de plus d'un million d'allocataires, pour une dépense totale qui s'élèverait en 2003 à près de 4,9 milliards d'euros.
La première inquiétude des conseils généraux est, bien entendu, la compensation de ce transfert de compétence : il s'agit non seulement d'une compensation financière, mais aussi du transfert des hommes et de l'expertise liée à la gestion de l'allocation.
Le Sénat, à l'initiative de sa commission des Finances, avait d'ailleurs posé le principe d'une compensation élargie aux charges de toute nature liées au RMI et à la compensation des dépenses nouvelles entraînées par le RMA.
Au cours du débat à l'Assemblée nationale et à l'occasion de l'examen, concomitant, du projet de loi de finances pour 2004, le Gouvernement a apporté des précisions utiles à ce sujet.
Répondant à l'inquiétude des départements, il a ainsi accepté de repousser à 2005 la fixation définitive des charges transférées aux départements, et donc de la part de TIPP qui leur sera attribuée. Ce délai supplémentaire devrait permettre de tenir compte à la fois des dépenses nouvelles engendrées par le RMA et des conséquences de la réforme de l'ASS sur le nombre d'allocataires du RMI.
Par la suite, toutefois, les ressources transférées évolueront en fonction du dynamisme propre de l'assiette de la TIPP. Votre rapporteur était très attaché à ce principe qui lui semble cohérent avec la responsabilité confiée aux départements : c'est grâce à une politique d'insertion dynamique que les départements pourront maintenir l'évolution des dépenses d'allocation dans un rythme compatible avec les ressources tirées de cet impôt.
La compensation financière a également été complétée, à l'initiative du Gouvernement, par une mise à disposition des départements, à compter du 1 er janvier 2004, des fonctionnaires des DDASS actuellement chargés de la gestion du RMI. Leur nombre sera fixé en fonction des postes pourvus au 31 décembre 2003, sous réserve qu'il ne soit pas inférieur à celui constaté un an auparavant. Ces personnels seront, par la suite, définitivement transférés, dans les conditions prévues par la loi relative aux responsabilités locales.
Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette précision que le Sénat avait d'ailleurs demandée en première lecture. La mise à disposition des agents de l'État, rodés à la gestion du RMI, devrait faciliter le relais entre l'État et les départements, pour le plus grand profit des allocataires. Il aurait en effet été socialement, et surtout, économiquement inefficace de contraindre les départements à reconstruire de zéro des services chargés de la gestion de ce dispositif.
Des précisions devront toutefois être apportées par le Gouvernement au cours du débat, s'agissant de la situation des agents contractuels. Si l'État reste responsable du renouvellement de leurs contrats, il conviendrait que le Gouvernement s'engage à donner des instructions claires aux services déconcentrés, afin qu'ils ne contraignent pas les départements, par des délais trop long de renouvellement des contrats, à recruter eux-mêmes des agents supplémentaires.
Le débat à l'Assemblée nationale a également permis de clarifier les conditions d'entrée en vigueur de la décentralisation du RMI au 1 er janvier 2004. Votre rapporteur se félicite de ces précisions qui répondent à une attente forte des départements qui doivent, dès aujourd'hui, établir leurs prévisions budgétaires pour 2004 et ne pouvaient plus rester dans l'incertitude quant à l'effectivité du transfert du RMI à cette date.
Ainsi, conformément au système comptable des « encaissements-décaissements » retenu pour arrêter les dépenses de l'État servant de base à la compensation, celles-ci seront à la charge des départements qui auront préalablement reçu, pour y faire face, une fraction du produit de la TIPP.
Les droits et obligations de l'État en matière de RMI seront transférés aux départements à compter du 1 er janvier 2004, permettant ainsi aux départements de récupérer les créances détenues par l'État sur les allocataires en cas d'indus. Mais pour lever toute ambiguïté, il convient de préciser que ces droits et obligations doivent s'entendre strictement comme les créances et les dettes que l'État détenait à l'égard des allocataires. Il ne s'agit, en aucun cas, de transférer aux départements d'autres types de dettes, et notamment pas les dettes de l'État à l'égard de la CNAF.
Les relations financières entre les CAF et les départements, au cours des premières semaines ou des premiers mois de l'année 2004, ont été précisées. Le Sénat avait insisté sur la nécessité d'étendre le principe de neutralité des flux financiers pour la trésorerie des caisses d'allocations familiales à la période transitoire précédant l'entrée en vigueur des conventions liant chacune des caisses et les départements. Tout en maintenant ce principe de neutralité de trésorerie, les députés ont modifié les modalités de calcul des acomptes mensuels versés par les départements, afin de réduire encore les décalages de trésorerie susceptibles de se produire pour les caisses.
Un défi politique
S'agissant des aspects techniques de la décentralisation du RMI, la navette a permis de lever la quasi-totalité des incertitudes exprimées par les départements. Reste le défi politique que représente un tel transfert de compétence.
L'un des principaux enjeux de la nouvelle mission d'insertion des départements est à n'en pas douter son articulation avec l'action du service public de l'emploi.
De fait, votre rapporteur estime que la principale difficulté tient sans doute moins à la nature de ce contrat qu'aux conditions à venir de sa mise en oeuvre et de son articulation avec les autres dispositifs d'insertion et d'emploi. C'est là toute la question de la complémentarité entre la politique d'insertion qui relève des départements et la politique de l'emploi qui reste de la compétence de l'État. Or, le CIRMA ne constitue qu'une première étape dans la démarche d'insertion. Dès lors, si celui-ci n'est pas relayé par d'autres instruments, on peut craindre que la démarche d'insertion ne tourne court. En ce sens, votre rapporteur considère que le défi principal pour les prochains mois réside dans la capacité des départements et des acteurs de la politique de l'emploi - et l'État en premier chef - à nouer des partenariats susceptibles de garantir une réelle coordination de leur action respective en faveur des personnes les plus en difficulté.
A cette exigence s'ajoute aussi la nécessité de revoir l'architecture d'ensemble de nos dispositifs d'insertion et surtout de préciser le positionnement respectif des différents acteurs. S'il est vrai que le CIRMA comble une faille au sein de la palette des instruments actuels, il ne faudrait pas que ce nouveau dispositif piloté et financé par les départements ne conduise l'État à contingenter plus drastiquement les contrats d'insertion qu'il continuera à financer et qui répondent à d'autres besoins que ceux auxquels répond le CIRMA, au risque de fragiliser les perspectives de « sortie » du RMA et de faire supporter de fait aux départements la charge de la politique de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.
Par ailleurs, comme votre rapporteur l'indiquait dans son rapport du 21 mai dernier, « la décentralisation du RMI, qui reste une prestation de solidarité nationale dont le montant et les conditions d'attribution sont fixés au niveau national, doit s'accompagner nécessairement d'un suivi attentif. L'État ne saurait à l'évidence se désintéresser de l'évolution de cette prestation non plus que de la nature et de l'efficacité des politiques d'insertion conduites par les départements ».
L'évaluation de la gestion du RMI et du dispositif d'insertion, contrepartie de la responsabilité départementale, est donc une exigence de premier plan.
C'est la raison pour laquelle le Sénat avait demandé en première lecture au Gouvernement de présenter, avant le 1 er juillet 2006, un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre du présent projet de loi.
Votre rapporteur ne peut qu'approuver l'extension, proposée par les députés, de l'objet de ce rapport d'évaluation au RMA. Il l'avait d'ailleurs lui-même proposée en première lecture, mais cette disposition n'avait pas été retenue, dans la mesure où elle prévoyait également une étude prospective sur l'opportunité d'étendre le RMA aux bénéficiaires d'autres minima sociaux.
Il est toutefois regrettable que les députés aient cru bon de multiplier les rapports d'évaluation de la présente loi, en introduisant, sans coordination, un rapport annuel sur l'évolution des allocataires du RMI et les dépenses afférentes à l'insertion de RMI dans le présent projet de loi et un rapport triennal d'évaluation de la gestion du RMI et du RMA, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Il est vrai que la concomitance de l'examen de ces deux textes n'est pas pour faciliter la lisibilité du dispositif.
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Malgré les réserves ou interrogations émises par votre rapporteur sur certains des apports de l'Assemblée nationale, la priorité est, selon lui, aujourd'hui, d'assurer une promulgation rapide de la loi, afin que sa mise en oeuvre désormais acquise au 1 er janvier prochain se fasse dans les meilleures conditions.
Or, le calendrier parlementaire se prête à l'évidence mal à la poursuite de la navette. On peut d'ailleurs regretter que l'Assemblée nationale n'ait pas été saisie de ce texte dès l'été dernier, ce qui aurait sans doute permis d'organiser les débats parlementaires dans des délais plus propices au respect de cette échéance.
Les enjeux, et tout particulièrement l'urgence qu'il y a aujourd'hui à relancer efficacement le volet « insertion » du RMI, sont tels qu'il ne serait à coup sûr pas raisonnable de différer son entrée en vigueur. Votre rapporteur considère, en effet, que les principales victimes d'un éventuel report seraient, avant tout, les bénéficiaires du RMI, en attente de vraies solutions d'insertion. Dès lors, il estime que les dernières ambiguïtés qui demeurent ici ou là devraient pouvoir être levées sans difficulté majeure lors des débats en séance publique et à la lumière des travaux préparatoires, voire par les décrets d'application. Du reste, s'agissant d'un dispositif incontestablement innovant, votre rapporteur conçoit volontiers que celui-ci fasse, à l'avenir et au regard des premières expériences de sa mise en oeuvre, l'objet d'éventuels ajustements ultérieurs.
C'est la raison pour laquelle votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi sans modification.
* 1 Selon les termes mêmes de notre ancien collègue Pierre Louvot dans l'avant-propos de son rapport au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi portant création du RMI (n° 57, première session ordinaire de 1988-1989).
* 2 « Pour un contrat d'accompagnement généralisé », rapport au Premier ministre, juillet 2003 (la Documention Française, décembre 2003).