II. LA MISE EN oeUVRE DU PROGRAMME DE RÉNOVATION URBAINE EN 2004
A. LA LOI D'ORIENTATION POUR LA VILLE DU 1ER AOÛT 2003
1. La situation du logement social dans les zones prioritaires de la politique de la ville
En 1999, 1.025.000 logements sociaux étaient situés en zones urbaines sensibles (ZUS) , sur un total de 3.800.000 logements sociaux sur l'ensemble du territoire français, c'est-à-dire qu'environ un logement social sur quatre était situé en ZUS .
Cependant, la majorité des logements des ZUS fait partie du patrimoine HLM : 61,3 % des ménages dans ce territoire sont locataires de HLM contre 14,6 % en moyenne nationale.
Les deux tiers de ces logements sont situés dans des immeubles de plus de 10 logements , la part du logement individuel étant de seulement 17 % contre un taux national de 57 %.
Les deux tiers des logements (65 %) des ZUS ont été construits durant la période de 1949-1974 (période des grands ensembles) alors qu'un tiers seulement des résidences principales en France datent de cette époque.
Par ailleurs, le taux de vacance est nettement supérieur à la moyenne nationale : en 1999, dans l'ensemble des ZUS, le taux de vacance moyenne était de 8,7 % contre 3 %, soit 114.600 logements pour l'ensemble du parc de logements sociaux . Cette vacance peut atteindre jusqu'à 20 % dans les sites où le marché du logement est peu tendu et dans les cités de quartiers en difficulté à l'image très dégradée 4 ( * ) .
Ce constat d'ensemble (faible mixité sociale, grands immeubles vétustes, vacance) a conduit les pouvoirs publics à intervenir pour améliorer et restructurer ces quartiers. Ce n'est cependant que tardivement, il y a environ cinq ans, que la prise de conscience de la dégradation du bâti et de la vie sociale des quartiers a débouché sur le lancement d'un programme de démolitions des grands immeubles et de reconstruction. Ce programme a été lancé par le comité interministériel des villes de 1998.
2. Un programme sur cinq ans très ambitieux
La loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a défini un programme national ambitieux de rénovation urbaine , avec la constitution d'une offre nouvelle de 200.000 logements locatifs sociaux pour la période 2004-2008, la réhabilitation d'un nombre équivalent de logements dans les zones urbaines sensibles, et la démolition de 200.000 logements locatifs sociaux ou de copropriétés dégradées.
Une enveloppe au moins égale à 465 millions d'euros doit être inscrite chaque année en loi de finances initiale pour les crédits de l'Etat en faveur de la rénovation urbaine sur la période 2004-2008. Ces crédits sont affectés à un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Pour 2004, les dotations prévues pour l'agence sur le chapitre 65-48/80 s'élèvent à 250 millions d'euros en autorisations de programme et 152,2 millions d'euros en crédits de paiement, complétées par des dotations sur le budget de la ville afin d'atteindre le montant de crédits minimal prévu par la loi du 1 er août 2003.
Les subventions, qui font l'objet de conventions pluriannuelles, sont destinées à des opérations de réhabilitation, de démolition et de constructions de logements, à des travaux de restructuration urbaine ou d'aménagement, à la création ou la réhabilitation d'équipements collectifs, à l'ingénierie et l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, ainsi qu'à tout autre investissement concourant à la rénovation urbaine dans les zones urbaines sensibles.
Outre les subventions de l'Etat, l'ANRU recevra les contributions de l'Union d'économie sociale du logement (« 1 % logement »), les subventions de la Caisse des dépôts et consignations et la contribution des organismes HLM prévue au dernier alinéa de l'article L. 452-4-1 du code de la construction et de l'habitation. Au total, les recettes de l'Agence devraient s'élever à environ 1 milliard d'euros en 2004.
Financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine en 2004
(en millions d'euros)
Etat |
465 |
dont : Logement |
250 |
Ville |
215 |
UESL (1 % logement) |
550,0 |
CGLLS |
30 |
CDC |
8 |
Total général |
1.053 |
La création de l'ANRU vise à simplifier les circuits de financement. L'agence centralisera tous les moyens. Cette centralisation, associée à des programmations pluriannuelles, sera, sans aucun doute, un facteur d'efficacité pour le suivi de l'ensemble de la politique de rénovation urbaine.
3. Des objectifs réalistes pour 2004
Comme l'a souligné notre collègue Eric Doligé, dans son rapport pour avis sur ce projet de loi 5 ( * ) , les objectifs assignés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine par la loi du 1 er août 2003 sont ambitieux : 40.000 constructions, démolitions et réhabilitations par an sur la période 2004-2008.
Il s'agit en particulier de multiplier au moins par cinq les opérations de démolition et construction dans les ZUS car actuellement moins de 8.000 logements sociaux sont démolis chaque année, dont environ 6.000 logements dans les zones prioritaires de la politique de la ville. Pour 2003, le nombre total de démolitions devrait cependant progresser (de l'ordre de 10.000 à 12.000)
Evolution du nombre de logements démolis
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Nombre de logements démolis |
3.061 |
3.155 |
6.149 |
6.500 |
7.217 |
8.086 |
Source : DGUHC
En réalité, les objectifs associés au présent projet de loi de finances sont inférieurs à la moyenne théorique du programme de rénovation urbaine : l'ANRU devra démolir 20.000 logements et un nombre équivalent sera produit (dont 15.000 grâce à l'agence et 5.000 grâce à l'association foncière). Un nombre supérieur à 40.000 logements devrait en revanche être réhabilités (60.000).
Ces objectifs, pour la première année de mise en oeuvre de l'agence, sont plus réalistes. Il n'en reste pas moins que le nombre de démolitions devra croître sensiblement malgré la plus grande complexité des opérations restant à réaliser et la hausse du coût moyen par opération (entre 15.000 euros et 20.000 euros).
B. DES INTERROGATIONS SUR LA MISE EN oeUVRE CONCRÈTE DU DISPOSITIF
L'an dernier, votre rapporteur spécial estimait que l'idée d'impliquer davantage le ministère de la ville dans la rénovation urbaine était particulièrement positive. Il précisait cependant que pour que la politique interministérielle de la ville soit effective, il fallait que des moyens humains et financiers soient clairement attribués au ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, ce qui n'était pas le cas à l'époque. La loi pour la ville et la rénovation urbaine doit donc être saluée en ce sens qu'elle donne à la politique de la ville les moyens financiers de ses ambitions. La réussite de l'opération est toutefois conditionnée à plusieurs éléments.
1. Un point important : la mise en place rapide de l'ANRU
Le Premier ministre et M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, ont annoncé officiellement la création, le 17 novembre 2003, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
La mise en place rapide de cet organisme est importante, compte tenu de l'importance des missions qui lui sont affectées.
2. La question de la mobilisation des acteurs extérieurs
Il faut souligner que le coût global du programme national de renouvellement urbain est évalué par le gouvernement à environ 30 milliards d'euros sur cinq ans. L'écart entre ce coût et le plan de financement (5 milliards d'euros) serait comblé par l'engagement des finances des organismes propriétaires des logements, ces crédits provenant de leurs fonds propres et de prêts, mais également par l'engagement des collectivités territoriales.
Ainsi, le gouvernement fait le pari d'un fort engagement des collectivités territoriales, non seulement dans la conception des projets mais également dans leur financement.
La réussite du programme national de rénovation urbaine dépendra largement des contributions apportées par les financeurs extérieurs de la politique du logement . En particulier, l'apport des partenaires du 1 % logement sera décisif.
3. La question de la « sanctuarisation » des crédits
Les crédits consacrés à la rénovation urbaine étaient jusqu'à présent inscrits pour partie au budget du logement et pour partie au budget de la ville.
Le budget du logement consacrait annuellement 250 millions d'euros au financement des opérations de démolitions et de constructions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville 6 ( * ) . Le budget de la ville consacrait environ 155 millions d'euros aux grands projets de ville et aux opérations de renouvellement urbain.
Ainsi, au total, ce sont environ 405 millions d'euros qui étaient jusqu'à présent apportés par le budget de l'Etat, soit environ 2 milliards d'euros sur cinq ans. La loi d'orientation pour la ville a ajouté au moins 60 millions d'euros par an, soit environ 500 millions d'euros sur cinq ans .
Ces moyens supplémentaires du budget de l'Etat ne sont pas « extraordinaires » mais constituent incontestablement un élément positif, notamment en raison de la capacité d'entraînement qu'ils doivent susciter.
Cependant, il faut rappeler que les crédits en faveur de l'agence nationale de rénovation urbaine n'échapperont pas forcément à la régulation budgétaire, comme c'est le cas actuellement des dotations versées à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) par exemple en cas de sous-consommation des crédits. Il serait souhaitable, si tous les crédits ne pouvaient être consommés en 2004 dans les zones prioritaires de la politique de la ville, qu'il soit procédé à des redéploiements au profit, s'il y a lieu, des opérations locatives sociales hors politique de la ville 7 ( * ) , et non à des annulations de crédits.
* 4 Tous les chiffres cités proviennent des statistiques fournies par le ministère de l'équipement, des transports et du logement. Les organismes de logements sociaux font toutefois valoir la résorption de la vacance au cours de ces dernières années, consécutive à ce qu'ils qualifient de « crise » du logement.
* 5 Avis n° 405 (2002-2003) de notre collègue Eric Doligé, au nom de la commission des finances sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
* 6 On rappellera à ce titre le dispositif de fongibilité des crédits logement mis en place au sein d'un article unique, 65.48/80, par la loi de finances pour 2003 au profit des opérations de rénovation des quartiers classés en zone urbaine sensible.
* 7 Il faut ajouter à ce titre que le projet de loi de finances rectificative pour 2003 présenté par le gouvernement procède à des annulations de crédits pour l'ensemble des articles du chapitre 65-48, y compris celui concernant les opérations locatives sociales de la politique de la ville.