II. DES RÉFORMES À POURSUIVRE
A. LA DIFFICULTÉ À RÉALISER DES ÉCONOMIES SUR LA GESTION DES AIDES
1. Des préconisations déjà anciennes de votre commission des finances
Les années précédentes, votre commission regrettait que les économies sur les aides personnelles au logement aient résulté seulement de la bonne tenue de l'économie (baisse du chômage, croissance des revenus, augmentation des cotisations des employeurs).
Elle avait aussi noté qu'un éventuel ralentissement économique aurait son plein impact dès le budget 2003 du fait du décalage d'un an de la «base ressources » qui permet de calculer les allocations
De fait, l'absence de mesures d'annulations de crédits d'aides personnelles au logement dans le collectif budgétaire pour 2002, contrairement aux années précédentes, a montré que les « marges de manoeuvre » s'étaient évanouies. Pour 2003, une dotation complémentaire de 107 millions d'euros a été nécessaire.
Les pistes d'économie selon la conférence nationale de la famille
Pour gager les dépenses, des pistes ont été examinées par la conférence de la famille lors de la préparation de la réforme des aides personnelles :
- l'intégration de l'allocation parentale d'éducation dans la base ressources : la proposition consistait à intégrer l'allocation parentale d'éducation dans la base ressources (prise en compte à hauteur de 72 %), un abattement de 30 % sur les revenus de la personne qui s'arrête de travailler pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans étant en même temps mis en place. L'économie sur les aides à la personne aurait été à l'horizon de cinq ans, de 51 millions d'euros.
- l'adaptation des aides fiscales au logement des jeunes et de leur famille : les familles des jeunes et principalement des étudiants peuvent actuellement cumuler avantage fiscal (lié au rattachement ou au versement d'une pension alimentaire) et aide au logement pour le jeune qui décohabite. La délégation à la famille a élaboré une proposition consistant à affirmer le principe « d'une seule aide au logement par foyer fiscal ». Le mode de calcul des aides au logement serait modifié :
- si les parents bénéficient d'un avantage fiscal au titre de l'enfant, l'aide sera calculée sur la base du revenu des parents (et du jeune) ; un abattement pour double résidence serait appliqué à ces ressources dans le cas où le jeune aurait un logement autonome (cet abattement, existant aujourd'hui en APL, serait revalorisé) ;
- si aucun lien fiscal ou de logement n'existe entre parents et jeune, on considérera qu'il y a deux foyers autonomes, en matière de fiscalité comme de droit aux aides personnelles.
L'économie brute engendrée aurait été d'environ 762 millions d'euros provenant essentiellement de moindres dépenses fiscales ; une amélioration de l'aide au logement des étudiants modestes fiscalement autonomes et la revalorisation de l'abattement pour double résidence auraient pu réduire à 150 millions d'euros l'économie globale.
2. Des réalisations concrètes dans le budget 2003
Pour 2003, le gouvernement avait décidé de mener une action sur les frais de gestion des aides personnelles, comme notre commission l'avait souhaité, après les observations de la Cour des comptes.
En aide personnalisée au logement (APL), les frais de gestion étaient égaux à 4 % des prestations jusqu'en 2001. Suite à une décision du conseil de gestion du Fonds national de l'habitat (FNH) du 26 novembre 2001, les frais de gestion ont été baissés en 2002 à 3 %, en raison notamment des simplifications qu'entraîne l'unification des barèmes en secteur locatif. Dans le cadre de l'actualisation des aides personnelles au 1er juillet 2002, le gouvernement a décidé de diminuer le montant des frais de gestion à 2 % des prestations.
Le coût budgétaire des frais de gestion de l'APL s'élevait à 115,3 millions d'euros en 2001. Avec la réduction du montant des frais de gestion entre 2001 et 2003 (de 4 % à 3 % en 2002 puis 2 %), l'économie réalisée devait atteindre environ 40 millions d'euros.
3. Certaines mesures d'économies difficiles à mettre en oeuvre
Dans la dernière loi de finances, des mesures d'économies sur les barèmes ont été annoncées .
Des mesures d'économies ont été prises sur les barèmes pour un effet réel relativement faible, soit de l'ordre de 30 millions d'euros pour l'Etat. Le complément devait être apporté par le rétablissement de l'évaluation forfaitaire des ressources des jeunes de moins de 25 ans. Ce dispositif avait été supprimé en avril 2002. La mesure devait réduire de 70 millions d'euros le coût des prestations.
Les mesures relatives aux aides personnelles annoncées pour 2003
• Le mécanisme de compensation mis en place
dans le barème unique en secteur locatif est reconduit jusqu'au
1
er
juillet 2003 mais son montant maximal est limité à
30 euros mensuels.
• Concernant l'évaluation forfaitaire des
ressources, le mécanisme d'évaluation forfaitaire des ressources
est rétabli pour les jeunes de moins de 25 ans; mais une
procédure plus favorable est maintenue pour les jeunes en contrat
à durée déterminée.
• La base ressources est arrondie aux 100 euros
supérieurs (au lieu de 76,22 euros) ;
• Pour les étudiants : application du revenu
minimum étudiant dans un couple où c'est le conjoint qui est
étudiant et non le bénéficiaire et instauration d'un
plancher spécifique pour les couples d'étudiants ; lorsque deux
étudiants vivent en couple, le plancher de ressources qui leur est
appliqué est celui d'un étudiant seul ; leur traitement est plus
favorable que celui des colocataires pour lesquels l'aide est calculée
avec le plancher pour chaque étudiant. Le plancher pour les couples sera
égal au plancher étudiant actuel majoré de 2.000 euros.
Une de ces mesures d'économie consistait donc à créer des planchers spécifiques pour les couples d'étudiants , afin d'harmoniser leur situation avec celle des colocataires. En effet, les couples d'étudiants (au nombre d'environ 25.000) bénéficient de l'application d'un seul plancher ; leur aide est ainsi très supérieure à celle que perçoivent deux étudiants colocataires qui se voient chacun appliquer le plancher. Les planchers spécifiques couples sont égaux aux planchers isolés majorés de 2.000 euros.
Les décrets d'application ont été publiés le 29 juin 2003 pour l'aide personnalisée au logement et le 4 juillet 2003 pour l'allocation de logement sociale et l'allocation de logement familiale.
Le gouvernement a suspendu cette mesure en septembre 2003 dans l'attente des conclusions d'un rapport demandé à notre collègue député Jean-Paul Anciaux , nommé parlementaire en mission le 9 octobre dernier par les ministres chargés du logement et de l'éducation nationale, concernant le logement et les aides sociales aux étudiants.
4. Des mesures d'économies inconnues pour 2004
Pour 2004, le gouvernement annonce de nouvelles mesures d'économie, pour un gain budgétaire de 185 millions d'euros, mais votre rapporteur spécial n'a pu obtenir le détail de ces économies, dans la mesure où elles ne sont pas encore arbitrées. Il souhaitera obtenir des précisions du ministre sur ce point.
B. LE CHANTIER DE LA SIMPLIFICATION DES AIDES A METTRE EN OEUVRE
1. Unifier les aides personnelles et simplifier le financement
Comme votre rapporteur spécial le mentionnait l'an passé, il serait nécessaire de compléter l'importante réforme des aides personnelles au logement intervenue en 2001 et 2002.
La réforme ne prenait pas en compte les aides à l'accession ni certains hébergements spécifiques comme les logements-foyers. Selon le scénario n° 2 élaboré par le groupe de travail de la conférence de la famille, la réforme aurait pu être complétée dès juillet 2001 par une réforme des aides à l'accession, et dès 2002 par une réforme des aides aux foyers puis du conventionnement.
La réforme était en effet inachevée en ce qu'elle n'aboutit pas à une unification complète des aides, qui supposerait une réforme du conventionnement : il s'agirait d'avoir une aide à la personne identique dans le parc privé et dans le parc social.
Par ailleurs, les scénarios envisagés par le groupe de travail interministériel montrent que la réforme entreprise pouvait être suivie d'autres aménagements très substantiels, visant à la simplification du système .
Le financement des aides à la personne est aujourd'hui très complexe et mériterait d'être simplifié, les relations entre l'Etat et les caisses d'allocations familiales devraient être en particulier revues 3 ( * ) .
Les aides au logement : un financement complexe
Trois fonds alimentés par diverses contributions, gèrent les aides personnelles au logement :
1) Le fonds national des prestations familiales (FNPF) finance l'allocation de logement familiale (ALF) et est alimenté exclusivement par des cotisations employeurs
2) Le fonds national d'aide au logement (FNAL) créé par la loi du 16 juillet 1971 finance l'allocation de logement sociale (ALS) et l'aide aux organismes qui hébergent à titre temporaire des personnes défavorisées. Il est alimenté par une contribution de l'Etat, le produit d'une cotisation à la charge des employeurs assise sur les salaires plafonnés (0,10%) et le produit d'une contribution à la charge des employeurs occupant plus de neuf salariés (0,40%)
3) Le fonds national de l'habitation (FNH) institué par la loi du 3 janvier 1977 finance l'aide personnalisée au logement (APL). Il est alimenté par des contributions provenant des régimes de prestations familiales et une subvention d'équilibre inscrite au budget du ministère du logement.
Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1998, la Cour des comptes a critiqué la coexistence de plusieurs fonds, ainsi que le taux de rémunération versé aux caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole.
Votre commission des finances, qui se préoccupe de ce sujet depuis quelques temps, a d'ailleurs interrogé sur ce point la Cour des comptes, à l'occasion de son rapport sur la loi de règlement 2001.
Le ministère chargé du logement explique aujourd'hui que le gouvernement proposera la fusion des fonds FNAL et FNH dans le cadre du deuxième projet de loi l'habilitant à simplifier le droit par ordonnance.
Avec la poursuite de l'unification des barèmes, il est en effet logique d'envisager la mise en place d'un fonds unique, alimenté par le budget de l'Etat, d'un côté, et par des cotisations employeurs qui pourraient elles aussi être unifiées en une seule cotisation « aide au logement » de l'autre (cotisation qui regrouperait l'actuelle cotisation au FNAL et la part de cotisation au FNPF qui finance les aides au logement).
Votre rapporteur spécial se félicite de ces annonces et espère qu'elles pourront se concrétiser rapidement.
2. Prendre en compte les revenus imposables
S'agissant de la prise en compte des revenus imposables, votre rapporteur estimait l'an dernier que cela permettrait de supprimer des formalités inutiles et de modifier le calendrier de revalorisation des aides personnelles .
La revalorisation au 1 er juillet de chaque année n'est pas prise en compte correctement dans les dotations budgétaires et crée des complications en termes de gestion des aides personnelles. La lisibilité de l'évolution des aides pour les parlementaires est pratiquement nulle.
D'après les informations recueillies auprès du ministère, la mise à disposition des fichiers fiscaux permettrait d'envisager de supprimer les formulaires de demandes d'aides personnelles actuellement remplis en cours d'année et de revaloriser les aides au 1 er janvier plutôt qu'au 1 er juillet, ce qui aurait l'avantage de faire coïncider la revalorisation des barèmes avec l'année budgétaire et d'économiser la saisie de 5 millions de formulaires.
Cette réforme qui vise à la simplification administrative n'est pour le moment pas proposée. Cependant, des travaux sont en cours entre le ministère chargé du logement et la direction générale des impôts, qui pourraient permettre d'appliquer cette mesure au 1 er janvier 2005.
En conclusion, la simplification du financement des aides personnelles au logement est un impératif de transparence, à l'égard également des parlementaires.
* 3 En 2001, 195 millions d'euros de dotations budgétaires ont été annulées afin de résorber la trésorerie excédentaire des caisses d'allocations familiales, trésorerie qui n'avait pas été portée auparavant à la connaissance du Parlement.