2. Instaurer un véritable dialogue entre la Banque centrale européenne et les États membres
Il semble nécessaire d'instaurer un véritable dialogue entre la Banque centrale européenne (BCE) et les Etats membres.
En effet, faute d'un tel dialogue, la BCE comme les Etats membres sont incités, respectivement, à pratiquer des taux d'intérêt élevés, et à mener des politiques budgétaires insuffisamment rigoureuses.
Or, force est de constater que ce dialogue est insuffisant. Un rapport précité du Conseil d'analyse économique 90 ( * ) souligne que des consultations « ont lieu entre le Président de la BCE et le Président en exercice du Conseil des ministres de l'Économie et des Finances, mais dans le cadre très formel de l'Eurogroupe ».
A l'inverse, au Royaume-Uni ce dialogue est intense, grâce à la présence d'un représentant de la Treasury aux réunions du comité de la politique monétaire, pour éclairer en cas de besoin ce dernier sur les orientations de la politique budgétaire du gouvernement.
Si ce dialogue pourrait être amélioré, il ne se heurte pas moins à une difficulté structurelle, qui est le faible pouvoir de décision du Conseil en matière de politique économique.
a) Une BCE trop « frileuse » en matière de communication ?
Selon une première approche, on pourrait considérer que ce phénomène provient d'un refus de communication de la BCE.
Ainsi, le Conseil d'analyse économique écrit : « Une première raison [de ce manque de communication] pourrait être le principe de rotation biannuelle de la présidence européenne. Dans la mesure où l'alchimie personnelle joue un rôle dans les contacts, il est clair qu'il est malaisé de recommencer à bâtir des relations de travail tous les six mois, ce qui est le cas si le président du Conseil Ecofin assure la représentation gouvernementale. Mais il apparaît que la BCE ne souhaite pas développer de tels contacts, même informels. La raison est que la BCE tient à préserver son indépendance , qu'elle tient de l'article 108 du Traité 91 ( * ) ».
Comme le souligne le Conseil d'analyse économique, « refuser des contacts réguliers avec les gouvernements, ou leurs représentants, représente une interprétation restrictive et quelque peu frileuse du traité . Une banque centrale peut d'autant mieux conduire un dialogue suivi et ouvert avec son ou ses gouvernements qu'elle est indépendante. C'est là le minimum et le maximum de ce qui peut être fait ».
Sur un autre aspect, il pourrait être envisagé que la BCE publie le résultat des votes au sein du Conseil des gouverneurs, au besoin en gardant l'anonimat des votants, afin d'améliorer la lisibilité de sa politique et de permettre d'anticiper d'éventuelles inflexions dans tel ou tel sens.
b) Le Conseil constitue-t-il un interlocuteur crédible ?
L'insuffisance du dialogue entre la BCE et le Conseil ne provient pourtant pas de la seule BCE.
En effet, un élément essentiel du problème est que celle-ci ne dispose pas d'un interlocuteur unique ayant la faculté de décider de la politique budgétaire menée par l'ensemble de la zone euro . Dans ces conditions, la coopération entre les deux institutions ne peut être que limitée.
Ce phénomène apparaît nettement en matière de taux de change. Selon l'article 111 (ex-article 109) du traité instaurant la Communauté européenne, « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée soit sur recommandation de la Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de la BCE, peut formuler les orientations générales de politique de change vis-à-vis de ces monnaies. Ces orientations générales n'affectent pas l'objectif principal du SEBC, à savoir le maintien de la stabilité des prix ». Le Conseil n'a jamais utilisé cette faculté, malgré le rôle essentiel que peut jouer la politique de change dans la régulation conjoncturelle.
Il pourrait sembler séduisant que ce soit le Conseil, c'est-à-dire le pouvoir politique, qui fixe la cible d'inflation de la BCE. Ainsi, au Royaume-Uni, cette cible est fixée par le gouvernement. Cependant, l'inaction du Conseil en matière de politique de change incite à s'interroger sur la faculté qu'il aurait de jouer effectivement ce rôle. Pour le lui permettre, il faudrait à tout le moins que l'initiative puisse provenir d'un Etat membre, et non de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne exclusivement, comme c'est le cas selon l'article 111 précité. Il serait souhaitable que ce point soit abordé lors de la conférence intergouvernementale.
* 90 Patrick Artus, Charles Wyplosz, « La banque centrale européenne », rapport du Conseil d'analyse économique, 23 octobre 2002.
* 91 « Dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le présent traité et les statuts du SEBC, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme. Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des Etats membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions ».