III. LES PROCHAINES ÉTAPES DE L'ADAPTATION DE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE AUX RÉALITÉS CONTEMPORAINES
L'adéquation de notre système de retraite aux réalités démographiques et économiques contemporaines nécessitera, à l'avenir, que d'autres étapes soient franchies suivant un processus permanent d'adaptation. On ne doit pas imaginer que le « loi Fillon » était un résultat définitif acquis « pour solde de tout compte ».
A. ORGANISER SON PILOTAGE À LONG TERME
Notre pays devra sans doute s'inspirer des exemples étrangers et engager une réflexion permanente sur les moyens d'assurer, sur le long terme, la pérennité du régime de retraite. Il convient ainsi de réfléchir dès maintenant, au-delà de la perspective de la « loi Fillon », fixée à 2020.
Des exemples étrangers montrent également que le chantier des retraites ne sera jamais terminé et que leur processus d'adaptation nécessite, par définition, de fréquentes réformes.
a) A l'étranger, un processus continu de réforme
Les exemples étrangers montrent que les réformes des retraites ont été fréquentes et généralement plus précoces qu'en France.
Italie
Le système de retraite italien a fait l'objet de deux réformes majeures : la réforme Amato de 1992 et celle des gouvernements Dini et Prodi entre 1995 et 1997.
Allemagne
L'assurance vieillesse allemande a été réformée en 1989, en 1997 et en 1998. Et le Gouvernement Schröder a annoncé l'élaboration prochaine d'un nouveau projet de loi pour compléter les mesures déjà prises.
Japon
Après avoir procédé par petites touches depuis 1984, le Parlement japonais a adopté, en mars 2000, un ensemble de plusieurs projets de loi prévoyant une réduction des pensions et un allongement de la durée de cotisation.
De façon générale dans ce pays, les régimes du système public de retraite sont examinés, tous les cinq ans, pour évaluer les conditions de leur équilibre actuariel à long terme. Et des décisions sont prises lorsque les facteurs de déséquilibre ne les rendent pas soutenables financièrement. Les nouveaux paramètres principaux des régimes sont alors fixés pour une période de 25 ans.
Etats-Unis
S'agissant du système des retraites publiques, le Congrès des Etats-Unis avait voté dès 1983 une loi repoussant progressivement l'âge de départ en retraite, qui doit passer à 67 ans à l'horizon 2017.
Espagne
En Espagne, la « pacte de Tolède » de 1995 vient d'être renouvelé en 2003, pour une nouvelle période de cinq ans.
Deux exemples réussis d'adaptation progressive
du système de retraite
Finlande
Le début de la décennie 1990 a été pour la Finlande une période de forte récession. Ce choc brutal a conduit les autorités finlandaises à mettre en oeuvre une série de réformes d'envergure destinées à garantir le système de retraite.
Il est intéressant de rappeler le calendrier progressif d'introduction des nouveaux dispositifs.
- 1993 : introduction d'une cotisation à la charge des salariés alors qu'avant cette date, seuls les employeurs contribuaient au financement des régimes. L'âge de départ à la retraite dans le secteur public est alors porté de 63 à 65 ans.
- 1994 : adoption du principe aboutissant à partager à égalité entre employeurs et salariés, les futures augmentations des taux de cotisation. L'âge minimum de départ anticipé à la retraite est relevé de 55 à 58 ans.
- 1996 : le salaire de référence utilisé pour calculer le montant de la pension devient le salaire moyen des dix dernières années d'activité et non plus celui des quatre dernières.
- 1997 : les règles de calcul des réserves sont modifiées afin de permettre des placements financiers plus risqués, mais plus rémunérateurs.
- 2000 : l'âge de départ anticipé à la retraite est porté de 58 à 60 ans.
Suède
La réforme des retraites votée par le Parlement suédois le 8 juin 1998 est le résultat d'un processus entamé 14 ans plus tôt.
Dès le milieu des années 1980 fut créée une commission de pension fut créée. Elle a présenté ses conclusions en 1990, qui ont alors été publiées pour être commentées.
Parallèlement, un groupe de travail sur les pensions, composé de représentants de sept partis politiques, fut constitué. En 1994, un projet de loi contenant des propositions de réforme du système de pensions vieillesse fut présenté au Parlement. Il fut alors décidé que ces propositions devaient former la base d'une réforme ultérieure.
Un nouveau groupe de travail fut ainsi mis en place,
composé de représentants des cinq partis politiques apportant
leur soutien à la mise en oeuvre de la réforme. Il prépara
l'élaboration de la loi de 1998. Cette réforme, introduisant le
nouveau système de pension vieillesse dans le pays, est ambitieuse. Elle
conjugue répartition et capitalisation, prévoit un âge de
départ à la retraite flexible sur une base actuarielle, lie les
cotisations et les dépenses de la partie répartition à la
croissance économique et intègre les facteurs
démographiques dans le calcul des droits à pension.
b) En France, préparer la période 2020-2040
Des projections aussi lointaines que 2040 sont inhabituelles en France, mais elles se pratiquent couramment dans d'autres pays qui travaillent parfois à des échéances plus lointaines encore de soixante ans, voire soixante-dix ans dans certains cas.
Les réflexions sur l'impact économique du vieillissement démographique et sur l'avenir des retraites procèdent de simulations macro-économiques postulant la pérennité du système économique et social actuel. Les résultats obtenus ne constituent donc que des projections. Les simulations effectuées s'appuient, en effet, sur des hypothèses dont chacune peut être discutée.
Les membres du COR ont choisi d'inscrire leurs travaux sur un horizon de vingt ans (2020) et de quarante ans (2040). Ils fournissent toutefois tous les éléments d'un diagnostic sans ambiguïté, accompagné, de surcroît, d'un solide inventaire de solutions disponibles.
L'horizon de la « loi Fillon » a été fixé à 2020. Il convient toutefois, dès maintenant de réfléchir aux mesures qui devront intervenir après cette date. Le premier rapport du COR a, en effet, souligné que les facteurs structurels aboutissant à dégrader les équilibres de l'assurance vieillesse continueront à agir entre 2020 et 2040.
Il convient donc de se préparer à avoir à faire face alors à une nouvelle dégradation tendancielle de l'assurance vieillesse.
Le système de pilotage des régimes de retraite en France
Dans son rapport 2003 consacré à la sécurité sociale, la Cour des comptes procède à une analyse de la façon dont le système français de retraite est « piloté ».
Elle fournit tout d'abord une définition de cette notion : « Par instrument de pilotage, on entend, d'une part, les méthodes de prévision démographique et financière des effectifs de cotisants et de retraités et les recettes et dépenses en résultant ; et, d'autre part, les indicateurs, relatifs aux retraites et aux conditions d'équilibre des régimes, ainsi que les instruments de rééquilibrage face à des perspectives financières dégradées. »
Le pilotage des régimes de retraite français est fondé sur un système de projections associant le COR et les différents régimes. La Cour porte un jugement d'ensemble sur ce système éclaté plutôt favorable. Elle considère, en effet, qu'il permet d'établir « des diagnostics globaux solides ».
Pour l'améliorer, elle formule les recommandations suivantes :
- réviser périodiquement les projections à moyen et long termes, soit pour l'ensemble du système de projections, soit au moyen des outils centralisés du COR, soit dans les régimes en fonction de leurs évolutions spécifiques ;
- développer, par régime et pour l'ensemble du système, les travaux portant sur l'incidence sur les droits à prestations des périodes non travaillées ou travaillées au sein de régimes différent (polypensionnés) ;
- faire procéder dans tous les régimes et selon des méthodes harmonisées à l'examen de la neutralité actuarielle des dispositifs actuels d'anticipation et de report de la date de liquidation de la pension ;
- intégrer dans le pilotage des régimes un calcul systématique de leur taux de rendement et le comparer avec un taux de rendement d'équilibre ;
- poursuivre les efforts d'amélioration des méthodes de projection, notamment par une meilleure utilisation des fichiers de cotisants.
Source : Cour des comptes - rapport 2003 sur la sécurité sociale - septembre 2003