C. UNE RÉFORME GLOBALE ET ÉQUILIBRÉE

La loi du 21 août 2003 est à la fois globale et équilibrée. Globale dans la mesure où, contrairement à la réforme de 1993 qui n'avait concerné que les salariés du régime général et ceux des régimes alignés, elle présente cette fois un caractère général : les salariés de la fonction publique, à l'exception il est vrai de ceux relevant des régimes spéciaux, participent aussi à l'effort de redressement que s'impose la Nation pour sauver la retraite par répartition.

a) La confirmation des grands principes de la retraite par répartition

La loi du 21 août 2003 confirme et conforte les principes traditionnels de notre système de retraite : la répartition, la contributivité et l'équité.

La loi portant réforme des retraites a confirmé le choix de la répartition.

D'un point de vue social et politique, le choix de la répartition garde toute sa pertinence : l'esprit de notre système d'assurance vieillesse obligatoire, tel que conçu à la Libération, est de réaliser un lien entre les générations et d'affirmer, au-delà de l'assurance individuelle ou professionnelle, le caractère solidaire de notre protection sociale. La répartition, parce qu'elle distribue des droits d'une génération sur l'autre, est en fait condamnée à perdurer : il n'est pas possible de « changer de cheval en chemin » sauf à sacrifier une génération dans son ensemble.

La réforme des retraites a également réaffirmé le caractère contributif de l'assurance vieillesse.

Ce principe est le corollaire du choix de la répartition. Les assurés acquittent des cotisations en proportion de leurs revenus d'activité et perçoivent, lors de leur départ, une pension liquidée en référence à ces mêmes revenus.


Les exceptions au principe de contributivité :
les financements spécifiques des dépenses non contributives des régimes de retraite

Si les régimes assument financièrement la charge de leur minimum contributif, un certain nombre de dépenses non contributives sont prises en charge par des tiers :

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour les allocations du minimum vieillesse, les majorations de pensions pour enfant et pour conjoint à charge. En outre, ce fonds assure la prise en charge de cotisations pour les chômeurs, les préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.

La Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) prend en charge des cotisations au régime général au bénéfice des personnes relevant de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), personnes ayant interrompu leur activité pour s'occuper d'un ou plusieurs enfants.

L'Unedic verse des cotisations aux régimes complémentaires AGIRC-ARRCO pour certains chômeurs indemnisés au régime conventionnel.

L'article 3 de la loi du 21 août 2003 a enfin affirmé le principe d'équité entre les assurés au regard de leurs droits à retraite, indépendamment de leurs carrières respectives et du ou des régimes dont ils relèvent.

Cet article entérine le fait que des disparités importantes existent aujourd'hui entre les assurés. Certains régimes contributeurs nets au titre de la solidarité nationale offrent, en effet, des conditions de retraite à leurs propres assurés moins favorables que celles des régimes qu'ils financent.

Du fait des efforts consentis suite à la « réforme Balladur » de 1993 et au sauvetage de l'ARRCO et de l'AGIRC en 1996, les écarts entre les régimes des salariés du privé et d'autres régimes, notamment publics, se sont accrus. Le vote de la loi du 21 août 2003 a notamment eu pour but de rétablir la justice entre assurés.

L'application du principe d'équité à l'assurance vieillesse soulève, en outre, deux questions supplémentaires : quelle doit être la place présente et future des retraités dans l'économie nationale et comment régler la situation spécifique de ceux qui appartiennent à plusieurs régimes du fait d'une carrière partagée.

Le Gouvernement 3 ( * ) a confirmé que le principe d'équité recouvrait, à son sens :

- l'équité entre les régimes, par la recherche d'une convergence à partir de la définition d'un « socle commun » en matière de retraite ;

- l'équité entre les générations en préservant les grands équilibres dans le partage de la valeur ajoutée entre cotisants et retraités ;

- l'équité entre les Français, notamment les plus modestes et ceux qui, relevant de plusieurs régimes, se trouvent pénalisés du fait des réglementations.

b) Une réforme d'ensemble

Les dispositions de la loi du 21 août 2003 proposent notamment la création d'un « objectif de retraite » de base et complémentaire à hauteur de 85 % du SMIC net pour les personnes ayant effectué une carrière complète au SMIC, ainsi que la reconnaissance d'un droit à l'information pour les assurés. Afin d'accroître le taux d'activité des salariés âgés, le texte assouplit les règles de cumul emploi-retraite, ainsi que les mécanismes de retraite progressive.

Son article 5 prévoit une augmentation de la durée d'assurance pour tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie. A partir de 2009, cette durée serait, dans un premier temps, allongée d'un trimestre par an pour atteindre 41 annuités en 2012, puis 42 en 2020.

L'indexation des pensions de retraite sur les prix est également confirmée. Une « surcote » a été instaurée afin de majorer les pensions de retraite de 0,75 % par trimestre pour les personnes continuant leur activité au-delà de 60 ans et au-delà de la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein. Parallèlement, le taux de la « décote » diminuera de 10 à 5 % par année manquante, progressivement entre 2004 et 2008. Les pensions de réversion seront attribuées sans condition d'âge et sous simple condition de ressources à partir du 1 er juillet 2004. Les assurés pourront également racheter, dans la limite de douze trimestres, les annuités manquantes qui correspondent à leurs études supérieures. Les salariés travaillant à temps partiel auront aussi la possibilité de cotiser sur un équivalent de temps plein.

Les dispositions relatives à la fonction publique prévoient de porter entre 2004 et 2008, la durée de cotisation (pension complète au taux maximum de 75 %), de 150 à 160 trimestres (40 annuités). A partir de 2009, cette durée évoluera de la même façon que dans le régime général. Entre 2006 et 2015, sera mise en place progressivement une « décote » qui atteindra, en fin de période, 5 % par année manquante dans la limite de 5 annuités. Il est prévu que cette « décote » s'annule à un « âge pivot ». La « surcote » créée pour les salariés du régime général et des régimes alignés s'appliquera aux régimes des fonctions publiques à partir de 2004.

Les pensions de la fonction publique seront à cette même date indexées sur les prix tandis qu'un régime de retraite additionnelle obligatoire sera mis en place à partir du 1 er janvier 2005, en intégrant une partie des primes et ce, dans les limites de 20 % du traitement. L'actuel dispositif de bonification d'un an par enfant sera remplacé par une validation des périodes d'interruption ou de réduction d'activité, ouverte, dans une limite de trois ans, aux femmes comme aux hommes pour les enfants nés après le 1 er janvier 2004.

Les dispositions applicables aux régimes des non-salariés consacrent un net rapprochement avec le régime général. Le 1 er janvier 2004 un régime de retraite complémentaire obligatoire par points sera créé pour les industriels et les commerçants, les règles de fonctionnement du régime de base des professions libérales seront modifiées et une cotisation proportionnelle aux revenus professionnels sera alors instituée pour le financement de la retraite de base. S'agissant des exploitants agricoles, il convient de relever la mensualisation, à compter du 1 er janvier 2004, des retraites de base.

Enfin, la loi crée un nouveau plan d'épargne individuelle pour la retraite (PEIR) , dont le projet de loi de finances pour 2004 propose de modifier la dénomination en plan d'épargne retraite populaire (PERP).

c) Une réforme juste et équilibrée

La loi portant réforme des retraites a été élaborée suivant quatre grands axes principaux :

favoriser l'accès, et le maintien dans l'emploi, des salariés âgés ainsi qu'un meilleur choix dans la gestion des temps de la vie. Ceci suppose de faciliter le libre exercice des choix de vie et d'inciter à la poursuite ou à la reprise d'activité des travailleurs ;

assurer l'équité entre les salariés par un rapprochement des différents régimes et par la prise en compte des situations particulières comme la pénibilité du travail ;

garantir l'avenir des retraites en assurant leur financement à long terme ;

améliorer la situation des personnes les moins favorisées.

La réforme demande également aux Français d'accepter de reporter l'âge de liquidation de leur pension et d'accroître leur durée de cotisation. Mais cet effort était inévitable et il permet de rétablir l'équité entre les générations.

Il est aussi une conséquence objective de l'allongement de l'espérance de vie. Une personne née en 1970 et prenant sa retraite à soixante-cinq ans devrait disposer d'une espérance de 18,5 années, soit plus d'un an supérieure à celle d'une personne née en 1930 et liquidant sa pension à soixante ans.

Durée espérée de la retraite pour les hommes selon la génération

Année de naissance

Cas d'un départ à 60 ans

Cas d'un départ à 65 ans

1910

14,4

10,6

1920

15,9

12,0

1930

17,3

13,2

1940

19,0

14,8

1950

20,4

16,1

1960

21,8

17,4

1970

23,0

18,5

Source : INSEE, Blanchet et Montfort, 1996

* La durée espérée de la retraite évalue la durée probable qu'un individu d'une génération donnée passera à la retraite, compte tenu de l'ensemble des risques de mortalité auquel il était ou sera soumis avant l'âge de liquidation. On a calculé ici la durée de retraite espérée pour les hommes ayant atteint quarante ans. Elle se calcule comme le produit de la probabilité de survie de quarante ans à l'âge de la retraite (60 ou 65 ans selon les cas) et de l'espérance de vie au moment de la liquidation.

La loi du 21 août 2003 comporte également de réelles avancées sociales dans la mesure où elle vise à améliorer la situation des personnes les moins favorisées.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, votre rapporteur avait souligné qu'une solution pour les basses pensions devrait être trouvée dans le cadre de la réforme à venir. En effet, les titulaires de revenus modestes ne disposent souvent pas des moyens de se constituer une épargne longue en vue de leur retraite. En raison de revalorisations inférieures au SMIC au cours des vingt dernières années, le minimum contributif du régime général ne constituait plus une juste protection contre la pauvreté à l'âge de la retraite. Il représentait même un montant inférieur au minimum vieillesse.

La loi a intégré la nécessité de revaloriser le minimum contributif en fixant un objectif de pension minimale à 85 % du SMIC pour les salariés ayant effectué une carrière complète. Par ailleurs, le minimum contributif sera revalorisé de 3 % en 2004, 2006 et 2008, soit 9,3 % d'augmentation totale, afin qu'il constitue une véritable garantie pour les salariés justifiant de longues carrières.

Par ailleurs, les assurés ayant commencé à travailler très jeunes, à 14, 15 ou 16 ans pourront, à partir du 1 er avril 2004 et sous certaines conditions d'âge et de durée de cotisations, partir en retraite respectivement à l'âge de 56, 57 ou 58 ans. La durée minimale d'assurance requise est fixée à 42 ans.

Age du début de carrière

Age de départ

Durée validée

Dont durée cotisée

14 ou 15 ans

56 ou 57 ans

42 ans

42 ans

14 ou 15 ans

58 ans

42 ans

41 ans

16 ans

59 ans

42 ans

40 ans

Source : Réforme des retraites, relevé de décisions du 15 mai 2003.

La loi portant réforme des retraites se traduit, en outre, par un mouvement de rapprochement :

- entre les règles applicables à la fonction publique, à l'exception des régimes spéciaux, et celles du secteur privé ;

- entre les exploitants agricoles et le régime général ;

- entre les différentes professions libérales ;

- entre les artisans et les commerçants ;

- entre l'ensemble des non-salariés et les salariés du régime général.

* 3 M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, devant la commission des Affaires sociales, le 6 février 2003.

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