2. « L'onde de choc » du FOREC continue de produire ses effets
Les « montages complexes »
Comme il fut rappelé ci-dessus, le FOREC fut à l'origine d'un écheveau de tuyauteries entre les différentes caisses du régime général et les fonds concourant au financement de la protection sociale et de l'État.
L'an dernier, votre commission avait insisté pour que soit étudiée la possibilité de démêler les missions et les moyens dévolus respectivement à la CNAF, au FSV et à l'Etat 14 ( * ) .
Les propositions de la commission des Affaires
sociales
au projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2003
Aujourd'hui |
Proposition CAS |
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ETAT |
Dette AGIRC/ARRCO |
ETAT |
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FSV |
Majorations pensions pour enfants |
FSV |
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CNAF |
Allocation de parent isolé |
CNAF |
La proposition alors formulée présentait au demeurant l'avantage d'être neutre financièrement pour l'ensemble des parties.
Des solutions ont pu être évoquées dans le cadre d'un groupe de travail mis en place par le ministre de la santé, relatif à la clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale sans toutefois trouver de réalisations concrètes. Pour le moment, et votre rapporteur le regrette, ce montage complexe dû à la mise en place du FOREC n'a pu faire l'objet d'une « opération de dégagement ».
Le partage des recettes Etat - sécurité sociale
L'une des difficultés essentielles posée par le FOREC consistait à partager entre l'État et la sécurité sociale un catalogue de taxes sans cohérence particulière et à ce que leur discussion respective, en lois de finances et en lois de financement, aboutissait à ce que parfois, le montant des recettes affectées à la sécurité sociale se trouvât, une fois le vote de la loi de financement de la sécurité sociale acquis, modifié par voie d'amendement au projet de loi de finances pour l'année suivante ou au collectif de l'année en cours.
Saisi à l'initiative du Sénat, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi de finances rectificative pour 2000 modifiant la part du produit de la taxe sur les tabacs affectée au FOREC, au motif que « ce transfert, en raison de son ampleur, modifierait de façon significative les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale pour l'année 2000, alors qu'aucune loi de financement de la sécurité sociale n'a pris en compte cette incidence et qu'aucune ne pourra plus le faire d'ici à la fin de l'exercice ».
La suppression du FOREC ne règle pas cette difficulté et demeurent, à ce titre, les risques de mauvaises articulations entre les deux budgets.
L'article 24 du projet de loi de finances prévoit la réaffectation des droits sur les tabacs précédemment dévolus au FOREC. Ceux-ci sont de nouveau partagés entre la sécurité sociale (CNAMTS, protection sociale agricole) et l'État.
Bien plus, du fait de l'application des dispositions de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, la répartition des recettes partagées entre l'État et d'autres personnes morales doit être effectuée par le budget général.
Cette disposition, au demeurant généreuse dans son inspiration puisqu'elle vise à améliorer la lisibilité des finances publiques, peut présenter des effets particulièrement pervers.
Ainsi, en 2004, les bases et les taux de la taxe sur les tabacs de même que la majorité du produit affecté à la protection sociale, se trouvent fixés en loi de financement, tandis que sa répartition entre ces mêmes organismes est opérée dans le projet de loi de finances.
Si ce dernier, in fine , décidait d'une répartition différente du produit des taxes sur les tabacs que celle implicitement prévue par les prévisions de recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, ceux-ci deviendraient insincères.
Cette difficulté de « montant » aboutit véritablement à ce qu'aucune discussion sur l'opportunité des modifications (taux ou affectations) de la fiscalité du tabac ne soit véritablement possible, du fait des rétroactions potentielles d'un texte sur l'autre, sauf au prix de l'inconstitutionnalité de l'un des deux textes.
La question du refinancement du FSV
L'une des principales conséquences de l'abondement non orthodoxe du FOREC, mais également d'autres mesures dont l'allocation personnalisée d'autonomie, fut de fragiliser profondément la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV) en le privant d'une part, de CSG, d'autre part, des droits sur les alcools ou de la taxe de prévoyance dont il avait été doté.
Après deux années de déficit historique, dont on ignore comptablement comment il a pu être pris en charge 15 ( * ) , les équilibres budgétaires prévoient en 2004 un solde bénéficiaire de 684 millions d'euros.
Outre deux recettes de poche (fonds consignés au titre du compte de la compensation, constitutions sur les préretraites) que la loi pour les retraites lui affecte, le FSV bénéficie en 2004 d'un apport supplémentaire de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) dû pour l'essentiel à un raccourcissement du circuit de versement de celle-ci au fonds.
Si l'on peut légitimement se féliciter d'un retour à l'excédent en 2004, il ne saurait masquer qu'il repose à bien des égards sur une solution ponctuelle (l'effet de l'accélération du reversement de la C3S ne peut en toute évidence que se reproduire chaque année) et ne résout en définitive pas la fragilisation financière considérable dont ce fonds a été l'objet.
* 14 Cf. Alain Vasselle, PLFSS pour 2003, rapport du Sénat n° 58, session 2002-2003 tome I).
* 15 En réalité, il l'a été d'une part, par la consommation des réserves du fonds, d'autre part, par des aménagements de trésorerie avec la CNAVTS.