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Rapport n° 330 (2002-2003) de Mme Paulette BRISEPIERRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 4 juin 2003

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N° 330

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise ,

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 256 (2002-2003)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'intensité des flux économiques entre la France et le Gabon requiert une mise à jour des textes encadrant la circulation, le séjour et l'établissement des personnes entre les deux pays.

La présente convention d'établissement, signée à Libreville le 11 mars 2002, concourt à cette actualisation, et comporte des dispositions protectrices pour les ressortissants de chacun des pays établis dans l'autre.

I. UNE CONVENTION QUI S'INSCRIT DANS UN CADRE GÉNÉRAL D'ACTUALISATION DES TEXTES RÉGISSANT NOS RAPPORTS AVEC LES PAYS D'AFRIQUE FRANCOPHONE

A. L'ACCORD DE SCHENGEN MET EN PLACE L'OBLIGATION D'OBTENTION DE VISAS POUR LES ÉTRANGERS NON RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE

L'intégration de la France dans le dispositif établi par l'accord de Schengen a nécessité la renégociation des modalités d'accueil, sur son sol, des ressortissants des pays d'Afrique francophone.

En effet, les citoyens de ces pays qui étaient, pour la plupart, antérieurement à leur indépendance, des colonies françaises, pouvaient pénétrer jusqu'en 1991 sur le territoire français sans l'obtention préalable d'un visa. Les liens privilégiés qui unissaient la France à ces pays, du fait de leur passé commun, expliquent le régime favorisé qui était réservé à leurs ressortissants.

La mise en place de « l'espace Schengen » a modifié ce contexte, et notamment imposé l'obtention de visas aux étrangers non-européens.

La France a donc entrepris d'actualiser les accords de circulation, de séjour, et d'établissement des personnes qui avaient été conclus antérieurement à 1991, et qui doivent désormais prévoir les modalités de délivrance de ces visas.

Le présent accord s'inscrit donc dans un cadre général qui porte sur les renégociations entreprises avec douze de ces pays, dont le Gabon 1 ( * ) .

B. LE CONTENU DU NOUVEL ACCORD D'ÉTABLISSEMENT AVEC LE GABON : DES DISPOSITIONS PROTECTRICES POUR LES RESSORTISSANTS DE CHACUN DES DEUX PAYS

Un accord-type en matière de convention d'établissement a été élaboré par la France en 1991, pour faciliter l'actualisation nécessaire des accords antérieurement conclu. La présente convention, signée le 11 mars 2002 entre la France et le Gabon, s'inspire donc de ce cadre juridique.

S'agissant du Gabon, la présente convention abroge et remplace la précédente convention d'établissement signée avec la France, le 17 août 1960 . Le contenu de cette convention, du fait des circonstances de son élaboration, qui suivait immédiatement l'indépendance, nécessitait une refonte complète.

Les discussions, entreprises en 1996, ont abouti à la signature entre les deux pays du présent texte le 11 mars 2002.

La convention est conclue pour une durée de cinq ans, et renouvelable ensuite annuellement par tacite reconduction.

Dans son article premier , elle garantit aux nationaux des Etats contractants un traitement identique en matière de libertés publiques .

L' article 2 reconnaît aux ressortissants de chaque Etat le droit d'entrer sur le territoire de l'autre, de s'y établir et d'en sortir librement, sous la réserve habituelle du respect de la sécurité, de la santé et de l'ordre publics.

L' article 3 garantit l'égalité de traitement en matière d'accès aux juridictions, et l' article 4 accorde aux nationaux de chacun des deux pays une égalité de traitement en matière d'activités patrimoniales , c'est-à-dire permettant d'acquérir, de posséder et de gérer des biens, sous réserve de « motifs impérieux d'intérêt national » . Cette clause permet d'interdire aux étrangers d'exercer certaines activités, ou d'acquérir le contrôle du capital de certaines sociétés. Elle a déjà été insérée dans les nouvelles conventions d'établissement conclues avec le Togo, en 1996, et le Sénégal, en 2000.

L' article 5 garantit l' égalité de traitement en matière de protection légale des biens, ainsi qu'en matière de législation du travail, et de sécurité sociale, sous réserve du caractère régulier du séjour du bénéficiaire .

L' article 6 permet l'exercice d'activités salariées, commerciales ou agricoles dans le respect de la législation de l'Etat d'établissement.

L' article 7 prohibe toute mesure discriminatoire à l'encontre des biens et intérêts des nationaux de l'Etat d'envoi fixés dans l'Etat d'établissement, notamment en cas d'expropriation ou de nationalisation : le paiement préalable d'une « juste indemnité » est alors requis . Ce paiement préalable permettra notamment une meilleure protection de nos ressortissants expatriés, qui sont parfois lésés dans de telles circonstances.

L' article 8 prévoit la possibilité d'expulser un ressortissant de l'autre Etat qui « constituerait une menace grave pour l'ordre public », sous réserve d'en informer l'Etat d'origine.

L' article 9 autorise les ressortissants de l'Etat d'envoi à emporter, s'ils quittent définitivement l'Etat d'accueil, leurs économies et les produits de leur travail et de la vente de leurs immeubles, dans le respect de la législation de cet Etat.

L' article 10 précise que le champ d'application de la convention intègre les personnes physiques et morales : les sociétés pourront donc bénéficier des avancées contenues dans la convention, en plus des particuliers.

Enfin, les articles 11 à 14 prévoient des modalités de règlement amiable en cas de difficultés d'application, ainsi que les modalités de reconduction de la convention.

L'ensemble de ces dispositions semble de nature à répondre aux préoccupations des deux pays. Cette convention est donc équilibrée, et de nature protectrice pour nos compatriotes établis au Gabon.

*

* *

La convention franco-gabonaise sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, était appliquée par la France, à titre provisoire -comme le texte en instaurait la possibilité- depuis sa ratification par notre pays, en 1994, mais en l'absence de ratification par le Gabon.

Ce pays a finalement accompli les procédures requises, et a remis son instrument d'approbation à la France le 31 mars 2003.

Cette avancée est importante, car la présente convention d'établissement ne pouvait recevoir une pleine application qu'avec la mise en place de cette autre convention, qui régule les flux de personnes entre la France et le Gabon.

Ainsi les textes organisant la circulation, le séjour et l'établissement des personnes seront entièrement actualisés dès que le Gabon aura ratifié la présente convention.

II. LES RELATIONS PRIVILÉGIÉES ENTRE LA FRANCE ET LE GABON

A. UNE ÉCONOMIE FRAGILISÉE PAR LE POIDS DOMINANT DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES

Comme de nombreux pays qui tirent l'essentiel de leurs revenus d'une mono-production, le Gabon n'a pas toujours su utiliser les revenus financiers découlant du pactole obtenu grâce aux hausses importantes des cours du brut dans les années 1970 pour diversifier ses productions, renforcer ses infrastructures publiques, et développer des cultures de substitution aux importations.

Les quelque 1.200.000 Gabonais, dont 80 % sont concentrés en zone urbaine, bénéficiaient en 2000 d'un PIB total d'environ 7,7 milliards de dollars US, soit à peu près 6.240 dollars par habitant, ce qui constitue un ratio théorique élevé pour l'Afrique.

Cependant, la croissance économique stagne depuis 2001, alors que l'importante dette extérieure, évaluée à 4 milliards de dollars, absorbe pour son service 600 millions de dollars chaque année.

Un redressement progressif a été observé depuis l'accord conclu avec le FMI en octobre 2000. Pour sa part, la Banque mondiale soutient la poursuite des privatisations, dont les revenus devraient contribuer à desserrer l'étau financier où se trouve le Gabon.

B. UN PAYS CLÉ POUR LE MAINTIEN DE LA STABILITÉ EN AFRIQUE CENTRALE

La stabilité politique de ce pays a, jusqu'à présent, mis à l'abri des difficultés rencontrées ailleurs sur le continent ceux de nos compatriotes qui y résident et y travaillent, mais des exemples récents nous ont démontré qu'aucun pays n'est totalement préservé d'une évolution brutale. Or, la présence française est importante au Gabon , même si elle a diminué ces dernières années : on y comptait 19 053 immatriculés en 1984, et 8 288 en 2001 . Cette réduction est, pour une large partie, due à la diminution des effectifs de coopérants.

Par ailleurs, 5 496 Gabonais étaient, en 2002, titulaires d'un permis de séjour en France , contre 4 655 en 1997.

Au-delà de la stabilité juridique que cet accord renforcera dans les relations entre les deux pays, et dans la situation des ressortissants de l'un établis dans l'autre, sa conclusion est également la manifestation des relations privilégiées que la France entretient avec le Gabon.

Ce pays dispose de ressources naturelles (bois, pétrole), que les entreprises françaises contribuent à valoriser ; il constitue, de surcroît, un élément-clé pour le maintien d'une relative stabilité en Afrique centrale. La gestion habile du pouvoir par le Président Bongo, qui associe au pouvoir les principales composantes politiques du pays, lui ont permis de prévenir les ressentiments ethniques ou religieux qui constituent les principaux foyers de contestation dans les pays alentour.

Par ailleurs, sa longévité au pouvoir -il est à la tête du Gabon depuis 1967-, qui comporte certains aspects négatifs, lui confère une autorité morale incontestée dans les négociations inter-africaines, où il s'implique avec détermination. Il s'agit là d'un atout appréciable, dans une région gagnée par l'instabilité.

*

* *

Au vu de l'ensemble de ces éléments, votre rapporteur a invité la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à adopter le projet de loi approuvant la présente convention.

CONCLUSION

Ce texte actualise opportunément la convention d'établissement conclue en 1960, et dont le contenu était largement dépassé.

Confortée par la récente ratification par le Gabon de la convention de 1992 sur la circulation et le séjour des personnes, cette convention organise, sur des bases actualisées, les relations entre les deux pays.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 4 juin 2003.

Au terme de l'exposé du rapporteur, M. André Dulait, président, a souligné qu'en effet le Gabon comptait parmi les pays les plus stables de la zone d'Afrique centrale.

Puis la commission a adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Libreville le 11 mars 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

ANNEXE -
ETAT DES RENÉGOCIATIONS DES CONVENTIONS DE CIRCULATION-SÉJOUR ET D'ÉTABLISSEMENT AVEC LES PAYS D'AFRIQUE FRANCOPHONE

Pays

Circulation et séjour

Etablissement

Bénin

Accord signé le 21 décembre 1992
en vigueur le 1 er septembre 1994

-

Burkina Faso

Accord signé le 14 septembre 1992
en vigueur le 1 er janvier 1995

-

Cameroun

Accord signé le 24 janvier 1994
en vigueur le 1 er juillet 1996

-

Centrafrique

Accord signé le 26 septembre 1994
en vigueur le 1 er mai 1996

Accord signé le 26 septembre 1994
en vigueur le 1 er mai 1996
Besoin d'un échange de lettres correctif sur l'expropriation

Congo

Accord signé le 31 juillet 1993
en vigueur le 1 er octobre 1996

Accord signé le 31 juillet 1993
ratifié par la France en mai 1996 ;
le Congo n'a pas accusé réception de notre instrument d'avril 1997 et n'a pas ratifié

Côte d'Ivoire

Accord signé le 21 septembre 1992
en vigueur le 1 er avril 1995

-

Gabon

Accord signé le 2 décembre 1992 ;
entré en application provisoire à la même date ; ratifié par la France en juillet 1994 ; ratifié par le Gabon en juin 1996 ; entrée en vigueur suspendue à la réception de l'instrument gabonais

Accord signé le 11 mars 2002

Mali

Accord signé le 26 septembre 1994
en vigueur le 1 er avril 1996

Accord signé le 26 septembre 1994
en vigueur le 1 er avril 1996

Mauritanie

Accord signé le 1 er octobre 1992
en vigueur le 1 er septembre 1995

-

Niger

Accord signé le 24 juin 1994
en vigueur le 1 er octobre 1997

-

Sénégal

Accord signé le 1 er août 1995
en vigueur le 1 er avril 2002

Accord signé le 25 mai 2000
accord notifié par la France le 2 janvier 2003

Togo

Accord signé le 13 juin 1996
en vigueur le 1 er décembre 2001

Accord signé le 13 juin 1996
en vigueur le 1 er octobre 2001

Source : Ministère des Affaires étrangères

* 1 on trouvera en annexe I la liste de ces pays ainsi que l'état de ces renégociations.

* 2 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 520 (2002-2003)

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