2. Une volonté : donner un véritable contenu aux contrats d'insertion
a) De nouveaux outils en faveur de la redynamisation de la démarche d'insertion
Le bilan en demi-teinte de la mise en oeuvre des contrats d'insertion avec les bénéficiaires du RMI rendait nécessaire une remise à plat tant du contenu de ces contrats que de leur mode d'élaboration et de leur suivi.
A cette fin, et en amont de l'attribution de l'allocation, le projet de loi renforce l'information des bénéficiaires sur les droits et obligations liés à l'allocation. Il paraît, en effet, nécessaire de mieux faire connaître la signification et l'intérêt du contrat d'insertion qui, s'il constitue une obligation légale, n'en est pas moins une chance pour le bénéficiaire.
Il apparaît, en effet, qu'un grand nombre d'allocataires peine à comprendre la signification de ce document. Tel était en tout cas le constat que dressait la Cour des comptes en 1995 : « Le sens même de ce document échappe souvent aux bénéficiaires, malgré l'effort d'explication des instructeurs. Ainsi, dans un département métropolitain parmi les plus engagés dans les actions d'insertion, on estimait à 20 % la proportion d'allocataires qui n'en comprenaient pas la signification. »
Le projet de loi donne ensuite un rôle plus actif au bénéficiaire dans la définition de son contrat d'insertion : il ne s'agit plus de proposer au bénéficiaire un contrat « clé en main », mais au vu d'un bilan global de sa situation, de l'aider à formuler un projet d'insertion.
Pour l'aider dans cette démarche, le projet de loi prévoit, en outre, la désignation d'un référent. Celui-ci serait chargé de la formalisation du contrat d'insertion et du suivi des démarches d'insertion effectuées par l'allocataire. Il agirait sous la responsabilité du président du conseil général et pourrait, le cas échéant, actionner les procédures de suspension de l'allocation.
Votre rapporteur estime que cet accompagnement est particulièrement important : il ne s'agit pas tant de contrôler la mise en oeuvre d'un contrat - même si cet aspect doit être pris en compte -, que de permettre un bilan régulier des actions engagées, afin de faire évoluer le contrat.
Il convient de rappeler que l'obligation de désigner une personne chargée de coordonner les différents aspects de l'insertion du bénéficiaire n'est pas une disposition entièrement nouvelle, puisque les organismes instructeurs y étaient déjà soumis. Il reste que cette obligation était très diversement mise en oeuvre, ainsi que le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public pour 2001. Ainsi la Cour notait que le département de Paris par exemple n'était « pas en mesure d'indiquer à la Chambre régionale des comptes ni le délai moyen entre l'entrée du bénéficiaire dans le dispositif et son premier contact avec les services sociaux (...), ni le délai moyen entre l'entrée dans le dispositif et la signature du premier contrat d'insertion. Un rapport d'audit, validé par le département, a noté pourtant des délais d'attente souvent supérieurs à deux ans ».
Le texte s'attache également à définir de manière plus concrète les actions qui peuvent être inscrites dans le contrat d'insertion et adopte une orientation résolument professionnelle des contrats d'insertion. A cet effet, il pose le principe de l'inscription obligatoire d'une mesure orientée vers le retour à l'emploi, les autres types de mesures et, notamment, les mesures d'accès aux droits, venant éventuellement compléter le contrat.
Enfin, dans un souci de simplification des démarches, il donne à l'attestation délivrée par l'employeur, le formateur ou l'accompagnateur la valeur de contrat d'insertion.
b) Une définition sans doute trop restrictive du contrat d'insertion
Si votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette volonté de mettre fin à l'imprécision et à la vacuité des contrats d'insertion, la nouvelle définition du contrat d'insertion, telle qu'elle figure dans le projet de loi, lui semble comporter trois risques :
- un risque d'appauvrissement du contrat : donner à une simple attestation valeur de contrat d'insertion revient à donner au contrat de travail suivi par le bénéficiaire cette valeur. Or, il est, en effet, difficile de demander à l'employeur de mobiliser autour de la personne l'ensemble des mesures d'accompagnement dont il pourrait avoir besoin ;
- un risque d'éviction des plus démunis : le projet de loi adopte une vision très professionnelle du contrat d'insertion, au détriment d'autres actions qui, pour les publics les plus fragiles et les plus désocialisés, paraissent devoir être prioritaires. Inscrire d'office une mesure orientée vers le retour à l'emploi serait, dans un certain nombre de cas, prématuré et démobilisateur pour la personne, qui risquerait de se voir sanctionnée pour n'avoir pas tenu un engagement d'emblée irréaliste, compte tenu de sa situation ;
- enfin et surtout, un changement de nature du contrat d'insertion : le contrat deviendrait un engagement à suivre une action précise, et ne constituerait pas une mobilisation de la personne et de la collectivité pour atteindre un objectif. Dans ces conditions, la responsabilité de la réussite ou de l'échec du contrat reposerait sur les seules épaules de l'allocataire et l'engagement réciproque disparaît.
Au total, le contrat ne s'inscrirait plus dans un parcours d'insertion à plus long terme . C'est la raison pour laquelle votre rapporteur estime que certains aménagements sont nécessaires afin de concilier cette volonté de donner un contenu concret au contrat, tout en affermissant son caractère d'« engagement réciproque ».