B. LE RMI DÉNATURÉ : LA DÉRIVE VERS UNE PRESTATION DE MASSE
Quinze ans après sa création et cinq ans après la loi d'orientation de lutte contre les exclusions, le bilan du RMI ne peut pas être qu'un constat d'échec : il est indubitable qu'il répondait à un véritable besoin et son rôle est aujourd'hui incontournable dans notre dispositif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Mais les craintes concernant les fragilités intrinsèques du dispositif , liées non seulement à l'articulation entre allocation et insertion mais également aux choix de répartition des compétences, se sont révélées fondées.
1. Des besoins largement sous-estimés
L'augmentation continue du nombre de bénéficiaires dépasse de loin les prévisions initiales : alors que le ministère des affaires sociales avait estimé, en 1988, à 570.000 le nombre des allocataires potentiels, on recensait près de 1,1 million d'allocataires au 31 décembre 2002, soit plus de 2 millions de personnes vivant du RMI.
L'évolution des effectifs a été particulièrement forte jusqu'en 1994, avec une croissance annuelle moyenne de 15 % par an, liée d'abord à la montée en charge du dispositif puis à la réforme de l'assurance chômage qui a conduit à une diminution du nombre de chômeurs indemnisés.
Nombre d'allocataires du RMI par régime
Caisses de métropole |
Régime agricole |
Caisses des DOM |
Ensemble |
Evolution annuelle en % |
|
Décembre 1989 |
324.593 |
10.921 |
71.567 |
407.081 |
|
Décembre 1990 |
408.241 |
13.860 |
88.044 |
510.145 |
25,3 |
Décembre 1991 |
473.617 |
14.805 |
93.939 |
582.361 |
14,2 |
Décembre 1992 |
558.434 |
16.600 |
96.208 |
671.242 |
15,3 |
Décembre 1993 |
678.448 |
18.141 |
96.355 |
792.944 |
18,1 |
Décembre 1994 |
783.435 |
19.868 |
105.033 |
908.336 |
14,6 |
Décembre 1995 |
820.115 |
20.724 |
105.171 |
946.010 |
4,1 |
Décembre 1996 |
882.047 |
21.757 |
106.668 |
1.010.472 |
6,8 |
Décembre 1997 |
933.998 |
22.598 |
111.305 |
1.067.901 |
5,7 |
Décembre 1998 |
969.039 |
24.247 |
118.822 |
1.112.108 |
4,1 |
Décembre 1999 |
993.075 |
24.772 |
127.176 |
1.145.023 |
3,0 |
Décembre 2000 |
940.587 |
24.593 |
131.671 |
1.096.851 |
- 4,2 |
Décembre 2001 |
916.738 |
21.721 (*) |
134.987 |
1.073.446 |
- 2,1 |
Décembre 2002 |
929.268 |
21.425 (*) |
139.655 |
1.090.348 |
1,6 |
Source : CNAF Fichier FILEAS et MSA
(*) Depuis juin 2001, les allocataires du RMI affiliés à la MSA sont dénombrés à partir d'un nouveau système (SISPREFAL).
Cette augmentation est d'autant plus inquiétante que les effets de la croissance restent peu visibles sur les effectifs des allocataires : il a ainsi fallu près de trois ans pour enregistrer ses effets sur le nombre de bénéficiaires et la dégradation de la conjoncture économique depuis plus d'un an s'est traduite par un coup d'arrêt brutal dans la réduction des effectifs entamée depuis deux ans.
Les sorties du dispositif ont, en particulier, chuté de 15 % en un an. Si cette chute s'explique partiellement par des entrées moins nombreuses, elle est en grande partie due à la dégradation de la situation de l'emploi, qui n'a pas permis de d'atteindre le noyau dur des bénéficiaires.
Dans ces conditions, le RMI, qui devait être une allocation versée à titre temporaire dans l'attente d'une réinsertion sur le marché du travail, est devenu une prestation de masse, dont le coût atteint en décembre 2001, 4,32 milliards d'euros . Le rapport de notre ancien collègue, M. Pierre Louvot faisait état, en 1988, d'une dépense prévisionnelle en pleine charge de 9,12 milliards de francs, soit environ 1,4 milliard d'euros...