CHAPITRE V
MESURES DE SIMPLIFICATION DES FORMALITÉS
CONCERNANT
LES ENTREPRISES
Le projet de loi d'habilitation comporte un important volet relatif aux mesures de simplification des formalités des entreprises.
Article 18
Habilitation à simplifier des formalités
liées
au recueil de données
statistiques
L'article 18 du présent projet de loi autorise le
Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures destinées
à
limiter les obligations en matière d'enquêtes
statistiques
auxquels sont soumises les personnes morales de droit public
et de droit privé, les entrepreneurs individuels et les personnes
exerçant une profession libérale.
La mission statistique assurée par divers services de l'Etat, au premier
rang desquels l'Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE), revêt aujourd'hui une importance
considérable. Les statistiques publiques sont souvent à la base
des orientations de la politique économique conduite par l'Etat. Elles
ont également une importance de plus en plus marquée pour les
milieux économiques.
Cependant, le paysage statistique actuel se caractérise par une certaine
lourdeur et une complexité réelle. En outre, la
législation actuelle limite considérablement les
possibilités qu'ont les chercheurs d'accéder aux données
statistiques. Pour simplifier et assouplir les règles actuellement
applicables, la présente habilitation autoriserait le Gouvernement
à modifier, par ordonnance, les dispositions de la
loi
n° 51-711 du 7 juin 1951
sur l'obligation, la coordination et le
secret en matière de statistique. Trois types de mesures sont
envisagées.
1. La redéfinition du caractère obligatoire des enquêtes
statistiques
Des enquêtes statistiques publiques peuvent, en vertu du décret
n° 84-628 du 17 juillet 1984 modifié relatif au Comité
national de l'information statistique (CNIS), être conduites par
l'Institut national de la statistique et des études économiques
(INSEE), les services ministériels, les administrations, les organismes
publics ou ceux dans lesquels des personnes publiques détiennent la
majorité, les organismes de droit privé chargés d'un
service public ou ceux assurant, grâce à des subventions publiques
ou par accord avec des services publics, la collecte ou l'exploitation de
données économiques et sociales.
Ces enquêtes n'ont toutefois pas toutes un caractère obligatoire.
La loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le
secret en matière de statistique impose aux personnes morales et
physiques de répondre avec exactitude, et dans les délais requis,
aux seules enquêtes statistiques des services publics ayant reçu
un visa ministériel du ministre dont dépend l'INSEE et du
ministre dont relèvent les intéressés. Le visa
ministériel consacrant le caractère obligatoire d'une
enquête est accordé si celle-ci s'inscrit dans le cadre d'un
programme annuel d'enquête statistique des services publics,
proposé par le CNIS et approuvé par arrêté
ministériel.
Des sanctions administratives prenant la forme d'amendes ainsi que des
sanctions pénales sont prévues en cas de défaut de
réponse aux enquêtes ou en cas de réponse sciemment
inexacte.
Les
enquêtes statistiques obligatoires en vertu de cette
législation se sont multipliées
. Ainsi, le programme
d'enquêtes statistiques des services publics pour 2003, approuvé
par arrêté du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie du 26 décembre 2002, prévoit la conduite de plus de
cent-vingt enquêtes statistiques d'intérêt
général obligatoires.
Les entreprises, quelle que soit leur taille, sont particulièrement
concernées par celles-ci. A titre d'exemple, l'enquête annuelle
d'entreprises dans le commerce et l'enquête annuelle d'entreprises dans
les services sont conduites, en 2003, respectivement sur un total de 48.000
entreprises de plus de 20 salariés et d'un chiffre d'affaires annuel
d'au moins 5 millions d'euros, et de 65.000 entreprises de plus de 30
salariés, bénéficiant d'un chiffre d'affaires de plus de 5
millions d'euros.
Ces enquêtes constituent autant de formalités pour les entreprises
et peuvent, à certains égards, être un frein à leur
productivité. Le Gouvernement serait donc habilité à
modifier la loi du 7 juin 1951 afin de mieux
distinguer
,
au niveau
législatif, les enquêtes d'intérêt
général présentant un caractère obligatoire des
enquêtes d'intérêt général pour lesquelles
l'absence de réponse n'est pas sanctionnée
.
Dans ce domaine, néanmoins, des mesures devront aussi
nécessairement intervenir au niveau réglementaire afin de
limiter, au maximum, les obligations des entreprises, sans pour autant
compromettre la bonne conduite de la mission statistique. Dans ce cadre, les
organismes de collecte statistique pourraient également
développer des modes de régulation non juridique, tels que des
« chartes de conduite ».
Récemment, différents services de l'Etat intervenant en
matière statistique ont ainsi engagé une
« démarche qualité » dans leurs relations
avec les entreprises
206(
*
)
.
Parmi les engagements pris dans le but de réduire le nombre des
enquêtes statistiques et d'alléger la charge pesant sur les
entreprises, figurent notamment une utilisation statistique accrue des
déclarations annuelles de données sociales et des
déclarations liées à l'impôt sur les
bénéfices, le relèvement des seuils d'exhaustivité
des enquêtes et la baisse de fréquence des enquêtes
auprès des petites entreprises.
2. La redéfinition des conditions de cession des informations
recueillies
La multiplication des enquêtes statistiques pour les entreprises provient
également de
l'absence
d'obligation pour les services ayant
procédé au recueil de données à des fins
statistiques de les céder à l'INSEE
.
Certes, dans sa rédaction actuelle, l'article 7 bis de la loi
précitée du 7 janvier 1951, tel que modifié par les
lois n° 86-1305 du 23 décembre 1986 et n° 92-1336 du 16
décembre 1992, autorise la cession des données recueillies lors
des enquêtes. Toutefois, cette cession n'a qu'un caractère
facultatif et certains organismes chargés du recueil de divers types de
données refusent actuellement de les transmettre à l'INSEE afin
que ce dernier puisse établir les statistiques qui s'y rapportent. Or,
cette situation conduit l'INSEE à entreprendre de nouvelles
enquêtes, auprès des entreprises, en vue de recueillir les
mêmes données.
Pour mettre un terme à cette situation, l'ordonnance que prendrait le
Gouvernement sur la base du présent article pourrait instituer une
véritable obligation de cession. A cette fin,
l'ordonnance
pourrait
accorder au ministre dont dépend l'INSEE la
possibilité de requérir et d'obtenir des services ne
dépendant pas de ses attributions la transmission des données
recueillies.
Cette possibilité ne s'appliquerait toutefois pas
à certaines données présentant une nature
particulière, telles que les données couvertes par le secret
défense.
Grâce au renforcement des échanges entre les services collectant
les données et les services statistiques, le nombre d'enquêtes
auxquelles sont soumises les entreprises devraient décroître
mécaniquement.
Ces cessions d'informations devront néanmoins être
organisées, ainsi que le précise le présent projet de loi,
dans le
respect de la législation relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés.
La loi précitée du
7 janvier 1951 impose d'ores et déjà le respect des
prescriptions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 qui fait
actuellement l'objet d'une réforme d'ampleur visant à assurer la
transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil du 24
octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à
l'égard du traitement des données à caractère
personnel et à la libre circulation de ces données.
Il convient de souligner, à cet égard, que la cession de
données prévue par l'actuelle législation relative aux
statistiques est conforme aux normes simplifiées définies par la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
207(
*
)
. Le nouveau régime de cession
devra donc également satisfaire aux exigences posées par la CNIL
en la matière et, le cas échéant, aux nouvelles exigences
résultant des modifications en cours de la législation relative
à l'informatique et aux libertés.
3. La clarification des conditions d'exploitation des données
recueillies à des fins statistiques
Les
données collectées
lors des enquêtes
statistiques ne doivent pas être réservées aux seuls
pouvoirs publics ou services publics. Elles
doivent pouvoir être
communiquées aux chercheurs
, pour lesquels elles constituent
instrument de travail essentiel. Toutefois, certaines données doivent
conserver un caractère secret.
Afin de faire le départ entre les informations statistiques
communicables aux chercheurs et celles dont la communication doit leur
être refusée, le décret n° 84-628 du 17 juillet 1984
précité a institué un comité du secret
chargé d'étudier les problèmes posées par
l'application des règles du secret statistique en ce qui concerne les
enquêtes réalisées auprès des entreprises. Le
comité donne actuellement un avis sur les informations communicables et
les personnes susceptibles de se les voir transmettre.
En contrepartie, le comité exige actuellement de la part des chercheurs
bénéficiaires des données statistiques qu'ils s'engagent,
par écrit, à respecter les règles relatives au secret
statistique. Cet engagement implique notamment le respect de certaines
règles en matière de diffusion pour les publications, ainsi que
l'interdiction de retransmettre les données individuelles à
quiconque. La décision définitive de communication des
statistiques est prise par un arrêté conjoint du ministre dont
relève le service ayant conduit l'enquête et du ministre dont
relève l'INSEE.
Toutefois, en l'état actuel, faute de base législative, cet
engagement reste, pour l'essentiel, un engagement sur l'honneur. Le
Gouvernement pourrait donc
prévoir expressément
, par
ordonnance,
dans le texte de la loi du 7 janvier 1951, que les chercheurs
bénéficiaires des statistiques devront s'engager à
respecter les règles relatives au secret
. Des sanctions pourraient,
de plus, être prévues en cas de violation de cet engagement.
En outre, le régime législatif actuel n'autorise que la
transmission et l'exploitation des données statistiques et ne
prévoit pas le cas des données administratives brutes recueillies
en vue de l'établissement de statistiques. Or, l'accès aux
données brutes se révèlerait aussi particulièrement
utile à la recherche. L'ordonnance prise sur la base du présent
article pourrait donc
prévoir que les données administratives
déjà utilisées par les statisticiens pourraient faire
l'objet d'une communication aux chercheurs
. De même qu'en
matière de statistiques, la demande de transmission pourrait être
instruite par le comité du secret et la décision finale de
communication résulterait d'une décision conjointe du ministre
dont relève l'INSEE et du ministre dont relève le service
enquêteur.
Quoi qu'il en soit, ce nouveau régime devra, à nouveau, respecter
les prescriptions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.
L'ordonnance prise sur la base du présent article devra intervenir dans
un délai de douze mois à compter de la publication de la
présente loi.
Afin d'assurer une meilleure lisibilité du présent dispositif,
votre commission des Lois vous soumet un
amendement rédactionnel
et vous propose d'
adopter l'article 18
du présent projet de
loi ainsi modifié.
Article 19
Habilitation à simplifier la législation sociale
et fiscale
L'article 19 du projet de loi a pour objet d'habiliter le
Gouvernement à
modifier certaines dispositions sociales et fiscales
afin d'alléger les formalités aujourd'hui prévues par la
législation
.
Cette disposition fait l'objet d'un
examen par délégation
de la commission des Affaires sociales (1° à 8°)
208(
*
)
et de la commission des
Finances (9°)
209(
*
)
.
Article 20
Habilitation à simplifier la législation du
travail
et de la formation
professionnelle
L'article 19 du projet de loi a pour objet d'habiliter le
Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures
afin
d'alléger les formalités existantes en matière de
formation professionnelle et de droit du travail
.
Cette disposition fait l'objet d'un
examen par délégation
de la commission des Affaires sociales (1° à 6° et 10°
à 11°)
210(
*
)
et de
la commission des Affaires économiques (7° et 8°)
211(
*
)
.
Article 21
Habilitation à simplifier les dispositions
relatives
au droit du commerce
L'article 21 du présent projet de loi habilite le
Gouvernement à
prendre diverses mesures dans le domaine du droit
commercial.
L'état du droit en la matière présente des
anachronismes et des rigidités qu'il convient de supprimer afin de
faciliter l'exercice de l'activité économique par les
entrepreneurs, qu'ils soient commerçants ou artisans, et qu'ils exercent
ou non sous une forme sociale.
L'habilitation concerne des points plus ou moins précis de la
législation en vigueur. Dix mesures d'habilitation spécifiques
sont prévues.
Votre commission des Lois est saisie au fond des
alinéas 1° à 9° du présent article,
la
commission des Finances étant saisie, par délégation, de
l'examen du 10° de la présente disposition
212(
*
)
.
1. La simplification des règles applicables au nantissement du fonds
de commerce et du fonds artisanal
Aux termes de
l'article 21, 1°,
le Gouvernement serait
autorisé à intervenir dans le domaine de la loi pour
simplifier et moderniser les règles applicables au nantissement du
fonds de commerce
.
Le fonds de commerce rassemble l'ensemble des éléments corporels
(tels que l'outillage ou les marchandises) et incorporels (tels que l'enseigne,
le droit au bail ou les droits de propriété industrielle)
regroupés par un commerçant afin d'attirer une clientèle.
Elément essentiel de son patrimoine, le fonds de commerce constitue,
pour le commerçant, un élément de crédit. Dans
cette perspective, le fonds peut faire l'objet d'un nantissement,
c'est-à-dire d'un gage sans dépossession du débiteur. Le
nantissement constitue une sûreté pour les créanciers du
commerçant relativement répandue, malgré certaines
limites. En effet, le crédit que le commerçant peut trouver
grâce à la mobilisation de son fonds reste, dans les faits,
relativement onéreux. Le créancier, quant à lui, ne peut
se faire attribuer le fonds en paiement.
L'artisan dispose également d'un fonds, dénommé fonds
artisanal, qui présente les mêmes caractères que le fonds
de commerce. Depuis la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au
développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, ce
fonds peut également faire l'objet d'un nantissement, dans les
conditions prévues pour les fonds de commerce.
Le nantissement peut être d'origine judiciaire ou conventionnelle
(C. com., art. L. 142-1 et s.). Dans cette dernière
hypothèse, il est soumis à certaines conditions de forme
exigeantes comme le recours à un écrit, constitué soit par
un acte authentique, soit par un acte sous seing privé enregistré.
Certaines formalités sont notamment imposées par la loi en vue
d'assurer la protection des tiers. Ainsi, le nantissement doit obligatoirement
être inscrit, dans les quinze jours de la date de constitution, au greffe
du tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé le fonds
grevé. Dans l'hypothèse où le fonds comprend plusieurs
succursales hors du ressort du même tribunal, des inscriptions doivent
être prises dans les tribunaux dans le ressort desquels se situent ces
succursales. En outre, lorsque le fonds de commerce comprend des
éléments de propriété industrielle, une inscription
doit être effectuée auprès de l'Institut national de la
propriété industrielle.
Sans remettre en cause la nécessité d'informer les tiers de
l'existence de cette sûreté, il convient de faire évoluer
le dispositif actuel, datant de la loi du 17 mars 1909.
Une première démarche en ce sens a d'ores et déjà
été effectuée par le législateur. Ainsi, l'article
2 bis du projet de loi n° 94 (2002-2003) sur l'initiative
économique adopté par le Sénat, en première
lecture, le 26 mars 2003 a supprimé l'exigence d'un acte
authentique pour la radiation du nantissement de fonds de commerce.
Désormais, la radiation du privilège pourra résulter d'un
simple acte sous seing privé enregistré.
Il serait cependant souhaitable
d'aller plus loin dans cette entreprise de
simplification de la législation relative au nantissement
. Une
réforme des modalités de publicité de cette
sûreté pourrait ainsi être envisagée. Sur ce point,
le présent article laisse cependant une marge d'appréciation
très étendue au Gouvernement.
2. La simplification du régime de location-gérance du fonds de
commerce et du fonds artisanal
L'article 21, 2°
, du présent projet de loi habilite le
Gouvernement à
simplifier et unifier le régime applicable
à la location-gérance du fonds de commerce et du fonds
artisanal
en vue de faciliter leur transmission.
Les articles L. 144-1 et suivants du code de commerce permettent au
commerçant ou à l'artisan d'opérer un démembrement
entre la propriété et l'exploitation du fonds de commerce ou du
fonds artisanal par le biais de la location-gérance. Aux termes du
contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds donne au
locataire-gérant, également dénommé gérant
libre, l'exploitation du fonds de commerce pendant une durée
déterminée, moyennant le paiement d'un loyer ou d'une redevance
défini au contrat. Le gérant, qui doit nécessairement
avoir la qualité de commerçant, assume quant à lui
l'exploitation du fonds à ses risques et périls.
Afin d'éviter que la mise en location-gérance d'un fonds de
commerce ou d'un fonds artisanal ne participe d'une intention purement
spéculative, le législateur a encadré les
possibilités pour un commerçant de donner l'exploitation de son
fonds à un gérant libre. L'article L. 144-3 du code de commerce
exige en effet que le bailleur ait, d'une part, exercé une
activité commerciale pendant une période de sept ans et, d'autre
part, exploité le fonds mis en gérance pendant deux ans. Le
non-respect de cette double condition est sanctionné par une
nullité d'ordre public et il revient au loueur d'apporter la preuve
qu'il satisfait bien aux exigences légales
213(
*
)
.
Si cette condition de délai minimum constitue une limite majeure
à la mise en location-gérance d'un fonds de commerce ou d'un
fonds artisanal, elle est susceptible de tempéraments. Le
propriétaire du fonds peut en effet obtenir du président du
tribunal de grande instance la suppression ou la réduction du
délai d'exploitation du fonds
214(
*
)
, lorsqu'il justifie avoir
été dans l'impossibilité d'exploiter le fonds,
personnellement ou par l'intermédiaire de
préposés
215(
*
)
.
Les tribunaux sont souvent saisis de requêtes en ce sens et
décident souverainement d'accorder ou de refuser la dispense
demandée. Une première mesure de simplification pourrait donc
consister en une réduction du délai d'exercice d'une
profession commerciale
, qui s'avère aujourd'hui trop long.
Le régime de la location-gérance a, par ailleurs, parfois
été dévoyé par certaines sociétés qui
l'ont utilisée afin d'échapper à certaines contraintes du
droit du travail. Un réaménagement des règles de la
location-gérance pourrait tenter de limiter ce type de manoeuvres.
Enfin, l'état du droit est relativement incertain quant à la
question du maintien et de l'opposabilité de la location-gérance
lors de la cession d'un fonds de commerce par son propriétaire. Ces
incertitudes peuvent entraîner certaines difficultés restreignant
les possibilités de transmission des fonds. Le Gouvernement pourrait les
lever dans le cadre de cette habilitation.
3. La modification du régime juridique des coopératives de
commerçants détaillants et d'artisans
Le projet de loi habilite, en son article 21, 3°, le Gouvernement à
adapter le régime juridique applicable aux coopératives de
commerçants détaillants et aux coopératives d'artisans.
Les coopératives sont des sociétés commerciales ayant pour
but de prendre en charge, au bénéfice de leurs membres, des
fonctions de production ou d'intermédiaire. Elles obéissent
à plusieurs principes essentiels, tels que l'adhésion volontaire,
la prise de décision de façon démocratique et la
participation financière des membres à l'activité de la
société.
Les coopératives de commerçants détaillants et les
coopératives d'artisans font chacune l'objet d'une réglementation
particulière dérogeant aux règles générales
posées par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de
la coopération.
Les coopératives d'artisans sont actuellement régies par la loi
modifiée n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au
développement de certaines activités d'économie sociale.
Les coopératives de commerçants détaillants sont
organisées par les dispositions issues de la loi modifiée
n° 72-652 du 11 juillet 1972 relative aux
sociétés commerciales de commerçants détaillants,
aujourd'hui codifiées aux articles L. 124-1 et suivants du code de
commerce.
Le présent projet de loi a pour objet d'habiliter le Gouvernement
à modifier les textes applicables dans deux directions.
En premier lieu, il permettrait d'
élargir les conditions
d'adhésion à ces coopératives
. Ces conditions sont
aujourd'hui restrictives, notamment en ce qui concerne l'adhésion de
commerçants étrangers. Si, depuis les lois n° 89-1008
du 31 décembre 1989
216(
*
)
et n° 93-1420 du 31 décembre 1993
217(
*
)
, les commerçants
ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne ont la
possibilité d'adhérer à des sociétés
coopératives de commerçants détaillants, les
commerçants ressortissants d'Etats tiers en restent toujours exclus. De
ce fait, l'internationalisation de ces coopératives est freinée.
Cette situation est d'autant plus préjudiciable que les
coopératives subissent actuellement la concurrence de réseaux
intégrés ou franchisés qui échappent, eux, à
la règle de limitation territoriale pour l'adhésion de
commerçants étrangers. Le Gouvernement pourrait donc prendre, sur
la base de l'habilitation, des mesures destinées à favoriser une
telle internationalisation, ainsi qu'à autoriser les relations directes
entre les associés de ces coopératives et d'autres
coopératives de même nature dont ils ne sont pas adhérents.
Dans ce contexte, l'ordonnance prise par le Gouvernement pourrait
également
favoriser la mise en place de structures communes de
coopératives telles que des groupements d'intérêt
économique (GIE)
. En effet si, en principe, toute
société ou toute association dont l'objet répond à
la définition du GIE peut se transformer en un tel groupement
218(
*
)
, cette règle n'est
actuellement pas applicable aux sociétés coopératives,
sauf dans l'hypothèse très limitée où la survie de
l'entreprise ou les nécessités de son développement
l'exigent. Dans un tel cas, cette transformation est cependant soumise à
autorisation ministérielle donnée après avis du conseil
supérieur de la coopération
219(
*
)
.
En second lieu, les
règles de fonctionnement du conseil
d'administration des coopératives
, organe principal de gestion de
ces entreprises, seraient allégées. Les règles applicables
aux sociétés coopératives de commerçants
détaillants limitent le choix des membres du conseil d'administration et
apparaissent, de ce fait, plus rigides que celles visant les autres
sociétés anonymes.
Ainsi, ne peuvent être nommées au conseil d'administration que des
personnes physiques ayant, soit la qualité d'associé à
titre personnel, soit la qualité de président du conseil
d'administration, de membre du directoire ou de gérant d'une
société ayant elle-même la qualité d'associé
de la coopérative
220(
*
)
.
Il convient de relever que ces limitations ne sont pas prévues pour le
conseil d'administration des sociétés anonymes non
coopératives.
La présente disposition pourrait donc permettre au Gouvernement
d'assouplir ces conditions de nomination afin d'aligner davantage le
régime des coopératives de commerçants détaillants
sur le régime de droit commun des sociétés anonymes.
4. La simplification du régime des valeurs mobilières
En vertu de
l'article 21, 4°
, du présent projet de loi, le
Gouvernement serait habilité à intervenir dans le domaine de la
loi afin de
simplifier et d'unifier le régime applicable aux valeurs
mobilières des sociétés commerciales
.
Pour assurer leur financement, les sociétés commerciales sont
autorisées à émettre des valeurs mobilières, titres
négociables, susceptibles d'être cotées en bourse. Mais,
depuis une vingtaine d'années, les
valeurs mobilières que les
sociétés peuvent émettre se sont considérablement
diversifiées
. A côté des catégories
traditionnelles que sont les actions, les parts de fondateur et les
obligations, de nouvelles formes de valeurs mobilières ont
été créées afin de faire face au besoin accru de
financement des entreprises.
Si ce mouvement a été initié dès 1953, il a
véritablement pris son essor avec les lois n° 83-1 du 3 janvier
1983 sur le développement de l'investissement et la protection de
l'épargne et n° 85-1321 du 14 décembre 1985 modifiant
diverses dispositions du droit des valeurs mobilières. On trouve ainsi
aujourd'hui, en particulier, des valeurs mobilières sous formes
d'obligations convertibles en actions ou échangeables contre des
actions, des obligations avec bons de souscription d'actions, des certificats
d'investissement, des droits préférentiels, des warrants ainsi
que des parts de fonds commun de placement.
Cette multiplication peut être jugée préjudiciable, dans la
mesure où, à
chaque valeur mobilière
déterminée, s'applique un régime juridique particulier
.
Le droit français des valeurs mobilières se caractérise,
de plus, par une accumulation de textes remontant pour certains au
XIXème siècle, qui obéissent, pour les uns, à une
logique commerciale et pour d'autres, à une logique fiscale.
Le régime applicable aux obligations émises par les
sociétés constitue un exemple édifiant à cet
égard. Cinq textes épars, sans réelle cohérence
entre eux, laissant place à des vides juridiques, régissaient la
matière avant les codifications opérées par le code de
commerce et le code monétaire et financier
221(
*
)
. Cependant, ces dernières,
effectuées à droit constant, n'ont pu remédier à
cet état de fait.
En outre, deux régimes juridiques s'appliquent parfois à
l'égard d'une seule et même valeur mobilière. Tel est le
cas, en particulier, des émissions obligataires de
sociétés, régies par les dispositions aujourd'hui
intégrées dans le code de commerce, issues de la loi du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales et par les
dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935 relatif à la
protection des obligataires.
Dans son rapport au Premier ministre sur la modernisation du droit des
sociétés
222(
*
)
,
notre excellent collègue Philippe Marini déplorait
déjà, en 1996, les conséquences d'un tel état du
droit : «
la multiplication des catégories de valeurs
mobilières conduit les dirigeants de sociétés à
demander aux actionnaires des autorisations d'émission portant
pratiquement sur la quasi-totalité des titres créés, avec
ou sans maintien de droit préférentiel de souscription, aux
termes de résolutions extrêmement détaillées et
complexes qui contribuent à alourdir les assemblées et à
obscurcir les choix des actionnaires
».
Une tentative de réforme d'envergure avait cependant été
initiée en 2001. Le Gouvernement avait alors déposé devant
votre assemblée, le 30 mai 2001,
un projet de loi
n° 346
(2000-2001)
portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier
dont l'article 29, réformait le droit
français des valeurs mobilières. Il n'a cependant jamais
été inscrit à l'ordre du jour législatif.
L'habilitation prévue à l'article 21, 4°, du présent
projet de loi permettrait au Gouvernement d'
entreprendre le vaste travail de
simplification dont le droit des valeurs mobilières a besoin.
Il s'agirait avant tout de
stabiliser la réglementation juridique des
valeurs mobilières
, souvent malmenée par l'inventivité
des opérateurs économiques et financiers. Cette stabilisation ne
devrait pas être un frein à la créativité,
nécessaire pour s'adapter à un environnement économique
par nature fluctuant. Toutefois, il serait opportun de prévoir un cadre
juridique unique et général pour l'ensemble de ces valeurs. En
outre, il serait utile
d'assurer
, pour l'ensemble des valeurs
mobilières existantes ou à venir,
la protection des
porteurs
.
Dans ce cadre, les orientations dégagées en 2001 pourraient, pour
l'essentiel, être reprises. Les ordonnances pourraient ainsi notamment
unifier le régime d'émission des obligations et des titres de
créances négociables. Le code de commerce soumet actuellement
l'émission de ces derniers à une procédure
particulièrement formaliste. Or, compte tenu de la nature assez proche
de ces valeurs, qui constituent toutes deux des titres de créances, une
unification serait souhaitable.
Une démarche similaire pourrait être conduite s'agissant des
valeurs mobilières donnant accès à terme à une
quotité du capital social. Cette catégorie recouvre les
obligations avec bons de souscription d'actions, les obligations convertibles
en actions et les obligations échangeables contre les actions.
Cependant, des modalités différentes s'appliquent pour
l'émission de chacun de ces titres tandis que les droits de leurs
titulaires sont variables d'un produit à l'autre.
5. La modification du régime des sociétés à
responsabilité limitée
L'article 21, 5°
, du présent projet de loi a pour objet
d'autoriser le Gouvernement à assouplir, par voie d'ordonnance,
le
régime actuellement applicable à la société
à responsabilité limitée
(SARL).
La SARL constitue une forme de société commerciale à
mi-chemin entre la société de personnes et la
société de capitaux. Elle constitue la forme sociale la plus
adaptée aux petites et moyennes entreprises et à leurs
spécificités. Ses modalités de création et de
fonctionnement, actuellement définies en détail par le code de
commerce, apparaissent cependant parfois trop contraignantes. Certaines
modifications dans la législation actuelle seraient
particulièrement bienvenues. En vertu de la présente disposition,
le Gouvernement serait, en la matière, autorisé à apporter
des modifications dans quatre directions.
•
La consécration du droit d'émettre des obligations
sans appel public à l'épargne
En premier lieu, le Gouvernement interviendrait par voie d'ordonnance afin de
d'
autoriser les SARL à émettre des obligations sans appel
public à l'épargne
.
La société à responsabilité limitée
bénéficie actuellement d'un régime juridique ne lui
permettant pas, à l'inverse d'autres sociétés
commerciales, d'émettre des titres de valeurs mobilières
négociables conférant, dans une même émission, les
mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. La
faculté d'émettre des obligations est, en effet, actuellement
réservée par l'article L. 228-39 du code de commerce et l'article
L. 213-5 du code monétaire et financier aux seules
sociétés par actions.
Ce monopole d'émission conféré par la loi aux
sociétés par actions et l'interdiction corrélative pour
les sociétés à responsabilité limitée de
recourir à l'emprunt obligataire constituent l'une des faiblesses
majeures de la SARL. Elle est incontestablement un frein à la croissance
des petites et moyennes entreprises qui, pour se développer, doivent
pouvoir faire appel au marché financier. L
'émission
d'obligations présenterait, dans ce contexte, des avantages
incontestables
pour ce type de sociétés. Elle permettrait
notamment aux SARL de se financer de manière plus commode que ne l'est
le fait de convaincre ses fournisseurs de lui accorder des délais, et
moins onéreuse que ne l'est, pour elles, le recours à un
crédit bancaire. De plus, elle éviterait d'avoir à
recourir fréquemment à une augmentation de leur capital social,
opération par nature lourde et complexe.
Le présent projet de loi tendrait donc à
consacrer cette
faculté au profit des SARL
. Les ordonnances pourraient ainsi
s'inspirer des dispositions relatives aux associations, comme le
suggérait le rapport du groupe parlementaire de travail sur les
simplifications administratives concernant les entreprises,
présidé par M. Xavier de Roux
223(
*
)
.
En vertu des articles L. 213-8 et suivants du code monétaire et
financier, les associations régies par la loi du 1
er
juillet
1901 ou par les dispositions du code civil local alsacien-mosellan sont en
effet habilitées à émettre des valeurs obligataires.
L'émission est décidée par l'assemblée
générale de l'association et les dispositions du code de commerce
relatives au valeurs obligataires des sociétés commerciales leur
sont partiellement applicables.
Un dispositif similaire pourrait être retenu pour les SARL, en
conférant à l'assemblée générale des
actionnaires le pouvoir de décider de l'émission. Toutefois, dans
ce contexte,
ces sociétés ne seraient pas autorisées
à faire appel public à l'épargne
, alors que la
possibilité pour les associations de faire appel public à
l'épargne est désormais reconnue.
•
L'accroissement du nombre maximum des associés
Il s'agirait, en second lieu,
d'augmenter le nombre d'associés dont
peut disposer la SARL
. Actuellement, une société à
responsabilité limitée ne peut comprendre plus de cinquante
associés. Si elle vient à dépasser ce nombre, elle doit
alors, dans les deux ans, se transformer en société anonyme. A
défaut, elle est automatiquement dissoute, par application de
l'article L. 223-3 du code de commerce. La pratique a montré
que la limitation du nombre d'associés à cinquante et les
conséquences qui en découlent étaient sources de
difficultés pour ces sociétés.
Dans son rapport au Premier ministre, notre excellent collègue Philippe
Marini suggérait même de supprimer toute limitation du nombre
d'associés de SARL, au motif que cette limitation était
«
de nature à constituer un frein à l'investissement
mais aussi à gêner des sociétés qui, bien qu'ayant
conservé un caractère familial, ont vu leur capital se diluer au
fil du temps
»
224(
*
)
. A cet égard,
la
formulation retenue
,
sur ce point
, par l'article 21, 5°,
du présent projet de loi
reste équivoque
. Sur la base de
l'habilitation qui lui serait donnée, le Gouvernement pourrait en effet
supprimer toute limitation au nombre des associés.
Une telle réforme ferait cependant perdre à la SARL ce qui fait
son caractère : une société aux associés peu
nombreux et dans laquelle l'
intuitu personae
est essentiel. En outre,
une forme sociale faisant place à une plus grande liberté
statutaire, la société par actions simplifiée (SAS),
connaît aujourd'hui la faveur des dirigeants de petites et moyennes
entreprises, après que la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 relative
à l'innovation et à la recherche a ramené le capital
social minimum à 37 000 Euros. Il n'y aurait donc plus guère de
raison, aujourd'hui, de vouloir sacrifier les spécificités du
régime des SARL.
C'est pourquoi, sur la base de la présente habilitation, le Gouvernement
pourrait
maintenir le principe d'une limitation du nombre d'associés
en assouplissant ses modalités d'application
, c'est-à-dire en
élargissant le nombre maximum d'associés au-delà de
cinquante.
•
La modification des conditions de cession de parts sociales
En troisième lieu, le Gouvernement prendrait des mesures
destinées à faciliter la cession des parts sociales de la SARL.
Afin de conserver un caractère personnel à la
société, la législation actuelle limite de façon
drastique le droit des associés de céder leurs parts à des
tiers. L'article L. 223-14 du code de commerce dispose en effet que la cession
de parts sociales à des tiers est soumise à l'agrément de
la majorité des associés représentant au moins les
trois-quarts des parts sociales. Dans l'hypothèse où
l'agrément serait refusé, les associés sont alors tenus au
rachat des parts sociales.
Sans pour autant supprimer l'exigence d'un agrément, qui doit s'imposer
dans une société où préexiste un fort
intuitu
personae
, la présente habilitation permettrait au Gouvernement
d'assouplir ces conditions de cession
. De nouvelles règles de
majorité, moins contraignantes, pourraient ainsi être introduites
dans le code de commerce.
Le Gouvernement aurait alors la possibilité de supprimer l'exigence de
double majorité (majorité des associés et majorité
du capital social), aujourd'hui requise, pour ne conserver qu'une règle
de majorité unique. A l'inverse, il pourrait maintenir la condition de
double majorité, en abaissant la majorité relative à la
détention des parts sociales aujourd'hui fixée aux trois-quarts.
•
L'accroissement de la liberté d'organisation de la
gérance
En dernier lieu, le présent projet de loi habilite le Gouvernement
à prendre des mesures destinées à modifier les
règles d
'organisation de la gérance des sociétés
à responsabilité limitée
afin d'accroître la
liberté statutaire
en la matière.
La gérance est l'organe qui assure le fonctionnement quotidien de la
société. Les statuts déterminent librement si la
gérance est assurée par un ou plusieurs gérants
225(
*
)
. L'existence d'un seul organe de
gestion (au lieu de deux dans la société anonyme) confère
ainsi à la SARL une structure relativement légère.
La loi distingue actuellement entre les pouvoirs de la gérance à
l'égard des associés et à l'égard des tiers. Pour
ces derniers, tous les actes effectués par la gérance, quand bien
même ils seraient hors de l'objet social, engagent la
société, sauf s'il est démontré que les tiers ne
pouvait ignorer le dépassement des pouvoirs statutaires
226(
*
)
. Cependant, en cas de violation des
statuts ou de la législation sur les sociétés
commerciales, la responsabilité personnelle de la gérance peut
être engagée sur le plan civil ou pénal.
Les SARL peuvent, dans une certaine mesure, souffrir de voir leur
liberté statutaire très lourdement encadrée.
Il
pourrait donc être pertinent de limiter l'intervention législative
en la matière et de donner à la loi un caractère
essentiellement supplétif
, lorsque les statuts de la
société n'auront pas réglé certaines situations
relatives au fonctionnement de la gérance.
Néanmoins,
il convient que les modifications législatives
prises en vertu de l'ordonnance se fassent, quoi qu'il en soit, avec le souci
constant d'assurer la protection des tiers à la société.
6. La substitution de sanctions civiles à certaines incriminations
pénales du droit des sociétés
Le Gouvernement serait, de plus, autorisé à modifier par
ordonnance certaines dispositions pénales du Code de commerce afin de
substituer aux incriminations actuelles des sanctions « plus
adaptées »
. Il s'agirait, en réalité, de
prévoir des sanctions civiles
là où la loi ne
prévoit aujourd'hui que des sanctions pénales.
Reprenant les dispositions de la loi du 24 juillet 1966, le titre IV du livre
II du code de commerce issu de l'ordonnance n° 2000-912 du
18 septembre 2000 contient des dispositions à caractère
pénal. Si celles-ci sont nombreuses, elles sont parfois
inadaptées. Il est indispensable de prévoir des incriminations
pour les agissements les plus graves commis par les dirigeants de
sociétés. En revanche, la répression pénale semble
souvent disproportionnée lorsque les violations du droit des
sociétés peuvent être réparées au moyen de
sanctions civiles.
Comme l'a montré le rapport précité de notre excellent
collègue Philippe Marini, cette dépénalisation partielle
du droit des sociétés est largement attendue par les milieux
économiques. Le législateur a d'ailleurs engagé une
démarche de dépénalisation, au cas par cas, du droit
des sociétés
. Ainsi, il s'est déjà
engagé vers la suppression de certaines incriminations pénales
comme l'article L. 245-15, 1°, du code de commerce
227(
*
)
. Par ailleurs, il tend à
généraliser la substitution de sanctions civiles à
certaines sanctions pénales prévues par la législation sur
les sociétés.
Parmi ces sanctions civiles figurent notamment la
nullité
, qui
emporte disparition rétroactive de l'acte juridique ne remplissant pas
les conditions requises pour sa formation, et l'
injonction de faire
.
Ce dernier mécanisme, organisé par le nouveau code de
procédure civile (articles 1425-1 et suivants), permet au juge
judiciaire d'enjoindre au débiteur d'une obligation juridique
d'exécuter celle-ci dans un délai qu'il fixe. A défaut
d'exécution amiable, une action au fond est exercée visant soit
à enjoindre sous astreinte d'exécuter en nature la prestation,
soit à réparer le dommage résultant de la
non-exécution de l'obligation contractuelle.
Une procédure inspirée de ce dispositif a déjà
été introduite en droit des sociétés. L'article L.
238-1 du code de commerce, introduit par la loi sur les nouvelles
régulations économiques
228(
*
)
, autorise ainsi les personnes
intéressées auxquelles n'ont pas été transmis
certains documents de la société à demander au
président du tribunal statuant en référé soit
d'enjoindre aux dirigeants sociaux de les communiquer, soit de désigner
un mandataire chargé de procéder à cette communication. Le
projet de loi sur l'initiative économique adopté, en
première lecture par le Sénat, le 27 mars 2003, reprend un
dispositif identique en son article 6 bis A.
Dans ce contexte, le présent article 21, 6°, prévoit de
dépénaliser de nouvelles dispositions du code de commerce
relatives aux sociétés. Depuis l'adoption de ce texte, en
première lecture, par l'Assemblée nationale,
six dispositions sont expressément visées
.
La majorité des dispositions à modifier vise à
réprimer
l'inaccomplissement de certaines formalités de
publicité à l'égard des actionnaires,
exigées
dans le cadre des sociétés anonymes. Elles instituent des peines
d'amende visant, selon le cas, le président, les administrateurs ou les
directeurs généraux de ces sociétés.
Il s'agit d'abord des articles L. 242-7 (absence de constatation des
délibérations du conseil d'administration par des
procès-verbaux formant un registre spécial tenu au siège
de la société), L. 242-12 (absence de communication aux
actionnaires des renseignements exigés en vue de la tenue des
assemblées), L. 242-13 (absence de communication aux actionnaires de
formules de procuration et de divers documents d'information relatifs à
la tenue des assemblées) et L. 245-13 du code de commerce (absence de
constatation et de transcription sur un registre spécial des
décisions des assemblées générales d'obligataires).
La substitution de sanctions civiles paraît souhaitable, car ces
dernières se révèlent plus efficaces pour la protection
des actionnaires et des obligataires.
Aux termes de la présente disposition, le Gouvernement serait
également autorisé à modifier les alinéas 2°
et 3° de l'article L. 242-15 du code de commerce qui visent à
sanctionner l'absence des formalités de publicité
nécessaires à la connaissance par les actionnaires ou les tiers
du déroulement des assemblées d'actionnaires. Une
dépénalisation du droit serait également souhaitable en la
matière. Toutefois, la mention des 2° et 3° de cette
disposition semble superfétatoire, cet article ne comprenant, en
réalité, que ces deux alinéas.
Votre commission des Lois vous soumet donc un
amendement tendant à
supprimer la référence
, faite au présent article,
aux 2° et 3° de cette disposition.
L'Assemblée nationale a enfin adopté, en première lecture,
un amendement de M. Xavier de Roux, accepté par le Gouvernement,
visant à prévoir la substitution de sanctions plus
adaptées à l'incrimination prévue à l'article
L. 245-9, 2°, du code de commerce. Cette disposition punit d'une
amende de 9.000 euros le fait d'émettre, pour le compte d'une
société par actions, des obligations négociables dont la
valeur nominale est inférieure au minimum légal. Or, ce minimum
légal, initialement visé par le
décret n° 48-1683 du 30 octobre 1948, a aujourd'hui
disparu. La société émettrice fixe désormais
librement la valeur nominale de ses obligations. L'article L. 245-9, 2°
précité est donc une scorie qu'il convient de supprimer.
Votre commission des lois vous propose donc un
amendement visant
, non
à substituer une sanction civile à l'incrimination pénale
prévue par ce texte, mais
à habiliter le Gouvernement à
abroger purement et simplement l'article L. 245-9, 2° du code de
commerce
.
En outre, votre commission des Lois vous soumet un
amendement tendant
à préciser que des sanctions civiles seront substituées,
et non des sanctions « plus adaptées »
.
7. La substitution de régimes de déclaration préalable
aux régimes d'autorisation administrative préalable exigés
pour certaines ventes ou manifestations commerciales
Le droit positif soumet l'exercice de certaines activités commerciales
à l'obtention d'autorisations administratives préalables. Dans
des hypothèses limitées, ces régimes s'avèrent
inutilement lourds. Tel est en particulier le cas des ventes en liquidation ou
de la tenue des foires et salons commerciaux.
•
Les ventes en liquidation
L'article 21, 7°
du présent projet de loi autorise le
Gouvernement à substituer
un régime de déclaration
préalable
au régime d'autorisation administrative
exigé
pour les ventes en liquidation
.
Certaines modalités de vente font l'objet d'une réglementation
particulière soumettant leur exercice à l'obtention
d'autorisations administratives préalables. Tel est notamment le cas des
ventes en liquidation qui visent, par une réduction de prix, à
écouler de manière accélérée la marchandise
d'un établissement commercial en cas de cessation d'activité, de
suspension saisonnière ou de changement d'activité, ou en cas de
modification substantielle des conditions d'exploitation
229(
*
)
.
L'article 26 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative à la
promotion du commerce et de l'artisanat, codifié à l'article L.
310-1 du code de commerce, a entendu soumettre ces ventes à l'obtention
d'une autorisation préalable, afin que ces méthodes de vente
relativement agressives ne pénalisent pas le commerce de détail.
Les liquidations sont donc soumises, sur le fondement d'un inventaire
détaillé, à une autorisation préalable
accordée par le préfet du département dont relève
le lieu de la vente. Cette autorisation est valable pour une durée de
deux mois et sous la condition que la vente soit réalisée dans un
délai de six mois à compter de sa délivrance. La violation
de cette formalité préalable donne lieu à une sanction
pénale prenant la forme d'une amende.
La présente habilitation aurait pour objet de soumettre l'exercice de
cette activité de vente à l'accomplissement d'une simple
déclaration préalable. Le recours à la régime
d'autorisation préalable en la matière ne se justifie plus. Une
enquête conduite auprès des préfectures a fait
apparaître que les cas dans lesquels l'autorisation de procéder
à une vente en liquidation était refusée étaient
fort rares. Dans ces conditions, le maintien de l'actuel régime
apparaît inutile. Il complique les démarches des
commerçants et alourdit la charge de travail des services
déconcentrés de l'administration de l'Etat.
La substitution d'un régime déclaratif au régime
d'autorisation préalable existant ne saurait toutefois conduire à
supprimer pour autant les sanctions prévues lorsque le commerçant
procède à une vente en liquidation alors qu'il ne remplit pas les
conditions posées par les dispositions légales.
•
La tenue de foires et salons
Aux termes de
l'article 21, 8°,
le Gouvernement serait
également habilité à
substituer un régime de
déclaration préalable au régime d'autorisation
préalable auquel sont soumis les foires et salons
.
Selon l'ordonnance n° 45-2088 du 11 septembre 1945 relative aux foires et
salons, les foires commerciales se définissent comme des manifestations
commerciales annuelles ayant pour objet d'exposer à l'examen du public
des échantillons de marchandises diverses en vue d'en faire
connaître les qualités et d'en provoquer l'acquisition. Les salons
sont des foires commerciales consacrées plus spécialement
à une catégorie déterminée de marchandises.
La tenue de foires commerciales et de salons est actuellement soumise à
un régime d'autorisation préalable. Le préfet du
département dans lequel se tient la foire ou le salon délivre
cette autorisation, après avis du préfet de région, de la
fédération des foires et des salons de France et de la
fédération française des salons spécialisés.
L'autorisation est valable pour la manifestation concernée, aussi
longtemps qu'elle conserve les caractéristiques au vu desquelles elle a
été accordée. Des sanctions pénales sont
prévues en cas de défaut d'autorisation.
Il semble inutile de continuer à soumettre ces manifestations
commerciales à un régime d'autorisation, d'autant que, en
pratique, l'autorisation sollicitée est systématiquement
accordée.
La présente habilitation aurait donc pour objet de soumettre l'exercice
de ces activités à l'accomplissement d'une formalité
allégée en instaurant, pour les salons et foires, une simple
déclaration préalable. Le préfet du département
dans lequel se tient la manifestation pourrait rester destinataire de cette
déclaration.
8. La modification de la réglementation relative aux marchés
d'intérêt national
L'
article 21, 9°
du présent projet de loi autorise
également le Gouvernement à prendre des mesures destinées
à
assouplir la réglementation relative aux marchés
d'intérêt national et à en permettre l'accès
à de nouvelles catégories de personnes.
On compte actuellement dix-neuf marchés d'intérêt national
(MIN) sur le territoire français, qui se définissent comme des
«
lieux de transaction, autres que de détail, portant sur
des produits dont la liste est, compte tenu des règles de normalisation,
fixée par arrêté conjoint des ministres de
tutelle
»
230(
*
)
.
Les règles législatives relatives à leur création
et à leur fonctionnement sont aujourd'hui codifiées aux articles
L. 730-1 et suivants du code de commerce. Elles instituent un régime
contraignant qui peut freiner le dynamisme de ces lieux de transactions.
Le régime des MIN, institué par l'ordonnance n° 67-808 du
22 septembre 1967 portant modification et codification des règles
relatives aux marchés d'intérêt national, se
caractérise par le recours quasi-systématique à des
règles prises par les autorités administratives centrales de
l'Etat selon des procédures lourdes. Le plus souvent, toute modification
dans la gestion ou le fonctionnement de ces marchés exige le recours
à des décrets en Conseil d'Etat. Cette réglementation ne
procure guère de souplesse, alors que les marchés
d'intérêt national sont désormais confrontés au
développement de réseaux parallèles qui remettent en cause
leur mission première, consistant à assurer l'approvisionnement
des commerçants dans un rayon donné.
En vertu du présent projet de loi d'habilitation, le Gouvernement serait
autorisé à intervenir dans le domaine de la loi afin d'assouplir
ce régime sur trois points.
En premier lieu,
les règles de création et de classement
des marchés d'intérêt national
seraient assouplies
.
La création et le classement de marchés de produits agricoles et
alimentaires en marchés d'intérêt national est actuellement
opéré au terme d'une procédure lourde : un
décret en Conseil d'Etat, pris sur rapport du ministre de
l'économie et des finances, du ministre de l'agriculture et du ministre
de l'intérieur, après consultation des collectivités
territoriales, des chambres d'agriculture et des chambres de commerce et
d'industrie.
De plus, l'article L. 730-15, troisième et quatrième
alinéas du code de commerce prévoit que les règles
spécifiques à un marché d'intérêt national
déterminé sont également définies par décret
en Conseil d'Etat. Cette procédure est lourde et elle n'a jamais
été mise en oeuvre depuis 1967. Une mesure de simplification de
l'état du droit pourrait donc consister en l'abrogation de cette
disposition par les ordonnances prises par le Gouvernement.
En second lieu, les règles relatives au
périmètre de
protection des marchés
seraient modifiées. Afin de favoriser
le bon fonctionnement du MIN et d'interdire la concurrence de transactions
parallèles qui tireraient profit de la proximité du marché
sans en supporter les charges, un périmètre de protection peut
être institué par décret en Conseil d'Etat. Toute
modification ultérieure de ce périmètre, qui peut
être rendue nécessaire en fonction de l'évolution du
marché, est soumise à la même procédure. Pour
faciliter ces changements de périmètre, le Gouvernement pourrait
supprimer l'exigence d'un décret en Conseil d'Etat et prévoir que
les modifications de périmètre pourront se faire par simple
arrêté interministériel.
Enfin, les
règles relatives aux gestionnaires des marchés
d'intérêt national seraient assouplies
. Il résulte des
actuelles dispositions du code de commerce que toute modification statutaire
des sociétés gestionnaires de marchés
d'intérêt général doit être approuvée
par décret en Conseil d'Etat. Une procédure aussi contraignante
ne paraît pas s'imposer. Sur la base de la présente habilitation,
le Gouvernement pourrait supprimer cette exigence.
La gestion de ces marchés pourrait, en outre, être ouverte
à de nouvelles catégories de personnes. Aux termes de la
réglementation existante, seuls trois types d'entités peuvent
être chargées de la gestion des marchés
d'intérêt national. Il s'agit de collectivités
territoriales exploitant ces marchés en régie directe ou
indirecte, de sociétés d'économie mixte locales, ou de
tout autre organisme doté de la personnalité morale et
créé par décret
ad hoc
en Conseil d'Etat. Cette
liste limitative apparaît comme un handicap pour la gestion de ces
marchés. Certaines collectivités territoriales souhaitent en
effet aujourd'hui se désengager de la gestion des MIN.
La présente habilitation pourrait donc permettre au Gouvernement
d'ouvrir la gestion des marchés d'intérêt national
à des opérateurs privés
. Si cette diversification peut
sembler souhaitable, elle doit néanmoins être
particulièrement encadrée. Ainsi, les personnes privées
qui seraient, à l'avenir, autorisées à gérer
certains MIN devront, en tous les cas, respecter un cahier des charges et
être soumises à diverses obligations de service public afin que
ces marchés continuent d'assurer leur mission d'intérêt
général.
Les ordonnances prises sur le fondement du présent article devront
être adoptées dans un délai de douze mois à compter
de la publication de la présente loi.
Votre commission des Lois vous propose d'
adopter
l'article 21
du présent projet de loi
ainsi modifié
.
Article 22
Habilitation à simplifier la législation
applicable à
certaines professions
réglementées
L'article 22 prévoit d'autoriser le Gouvernement
à
intervenir dans le domaine de la loi afin de simplifier et moderniser la
législation relative à certaines
professions
réglementées
ainsi qu'aux
modalités d'exercice de
l'activité des commerçants étrangers.
Ces mesures
devront être prises dans un délai de douze mois à compter
de la publication de la loi.
Aux fins d'exercer leur activité, les membres de certaines professions
commerciales sont soumis à l'obtention de titres ou d'autorisations
préalables. Le régime de ces autorisations pourrait utilement
être modifié dans la mesure où il apparaît parfois
obsolète et ne correspond plus aux impératifs économiques
contemporains.
1. La simplification des règles relatives à l'exercice de
certaines professions réglementées
L'exercice d'une profession commerciale dans certains secteurs
d'activité fait actuellement l'objet d'une réglementation
spécifique. Il peut être soumis à l'accomplissement de
démarches conduisant, en particulier, à la délivrance
d'une autorisation préalable prenant, le plus souvent, la forme d'une
carte professionnelle. Celle-ci est délivrée, en
général, par l'autorité préfectorale. Mais, dans
d'autres hypothèses, cette autorisation préalable est
octroyée par des magistrats judiciaires ou les ordres professionnels.
La démarche de simplification entreprise en la matière par le
Gouvernement ne revêt pas un caractère systématique.
L'article 22 du présent projet de loi énumère
limitativement les professions qui pourraient voir leur réglementation
modifiée par ordonnance. Il semble que les modifications
envisagées résultent, pour l'essentiel, de critiques
émanant de ces professionnels eux-mêmes. Ces modifications
pourraient permettre au Gouvernement d'adapter les règles applicables
aux exigences actuelles des professions concernées.
La présente disposition intéresse
sept professions
réglementées
.
•
La profession d'intermédiaire dans l'achat, la vente ou la
location-gérance d'immeubles et de fonds de commerce
Seraient tout d'abord concernés les
intermédiaires
intervenant dans
l'achat, la vente ou la location-gérance
d'immeubles et de fonds de commerce
.
La loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 portant réglementation des agences
mobilières et immobilières exige de ces intermédiaires la
possession d'une carte professionnelle délivrée par
l'autorité préfectorale. Celle-ci a compétence liée
en la matière puisqu'elle ne peut délivrer l'autorisation en
cause que si l'intéressé remplit les conditions légales
tenant à l'aptitude et à la capacité professionnelles,
à la couverture par une assurance responsabilité civile
professionnelle et à l'existence d'une garantie financière
suffisante. La détention de cette carte est également
exigée de toute personne assurant la direction d'un
établissement, d'une succursale ou d'une agence. L'obtention ou le
renouvellement de la carte professionnelle donne lieu à la perception
d'un droit de constitution et de tenue des dossiers dont le montant est
fixé par arrêté ministériel.
La carte professionnelle détermine les opérations que le
professionnel est susceptible d'effectuer. Une mesure de simplification
pourrait consister en la délivrance d'une autorisation
générale d'exercice des diverses activités de la
profession.
L'article 22, 1,°
du présent projet de loi
habiliterait le Gouvernement à agir en ce sens.
•
La profession d'agent de voyages
Seraient également concernés par les mesures de simplification
envisagées les
agents de voyages
.
La loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des
activités relatives à l'organisation et à la vente de
voyages ou de séjours encadre strictement l'accès et l'exercice
de la profession d'agent de voyages. L'obtention d'une autorisation
préalable délivrée par l'autorité publique est
actuellement exigée. Les formes de cette autorisation varient.
Une licence d'agent de voyages est ainsi requise pour l'exercice, par une
personne physique ou morale, des actes de la profession. Cette licence est
octroyée sous réserve que les intéressés justifient
d'une aptitude et d'une capacité professionnelles spécifiques, de
garanties en matière financière et en matière d'assurance,
ainsi que d'une installation matérielle appropriée sur le
territoire national ou d'un Etat membre de l'Union européenne. L'octroi
de la licence implique que son titulaire ne peut exercer aucune autre
activité.
Un second régime d'autorisation, prenant la forme d'une décision
préalable d'agrément, s'applique, en vertu de la loi, aux
associations et organismes sans but lucratif.
Une habilitation préalable est exigée des gestionnaires
d'hébergement ou d'activités de loisir, des transporteurs de
voyageurs, ainsi que des agents immobiliers et administrateurs de biens dont
l'activité est régie par la loi n° 70-9 du 2 janvier
1970 précitée. Toutefois, dans cette hypothèse,
l'activité de prestation de voyages doit garder un caractère
accessoire et complémentaire par rapport à leur activité
principale.
Enfin, les organismes locaux de tourisme peuvent exercer certains actes de la
profession d'agents de voyages, après obtention d'une simple
autorisation administrative préalable.
La détention de ces différents titres est source d'obligations.
Elle impose ainsi à leurs titulaires de se soumettre à des
contrôles sur pièces des autorités administratives. Les
autorisations délivrées peuvent être retirées en cas
de manquement grave de leurs bénéficiaires aux règles de
la profession ou s'ils ne satisfont plus aux conditions d'exercice
posées par la loi.
Les ordonnances qui seront adoptées sur le fondement de
l'article 22, 2°
du présent projet de loi par le
Gouvernement pourraient assouplir la législation en la matière,
en
réduisant notamment les types d'autorisation préalable
actuellement prévus.
•
La profession d'expert-comptable
L'article 22, 2°,
habiliterait, par ailleurs, le Gouvernement à
modifier les
règles d'établissement et d'exercice des
experts-comptables
.
Les conditions d'accès et d'exercice relatives à la profession
d'expert-comptable sont actuellement définies par l'ordonnance n°
45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des
experts-comptables et réglementant le titre et la profession
d'expert-comptable.
Les intéressés ne peuvent exercer la profession
d'expert-comptable qu'à la suite de l'obtention d'un titre
délivré par leur ordre professionnel. Sur cette base, il peuvent
exercer tous les actes de la profession, contrairement aux membres des centres
de gestion agréés dont l'activité est limitée par
un seuil tenant au chiffre d'affaires et à l'activité de la
clientèle concernée.
Le présent projet de loi d'habilitation pourrait donner l'occasion au
Gouvernement de
reprendre les réformes envisagées par le
projet de loi n° 346 (2001-2002) portant diverses mesures
d'ordre économique et financier
, déposé devant le
Sénat le 30 mai 2001 et jamais discuté.
Ce projet de loi tendait à permettre l'exercice de l'activité
d'expertise comptable par des associations de gestion agréées.
Distinctes tant juridiquement qu'économiquement des actuels centres de
gestion agréés, ces associations pourraient exercer les
mêmes activités que les experts-comptables inscrits et seraient
soumises aux mêmes règles déontologiques et
professionnelles.
•
La profession de coiffeur
Certaines règles relatives à
l'établissement et
l'exercice de la profession de coiffeur
feraient également l'objet
d'une modification par ordonnance.
La loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des
conditions d'accès à la profession de coiffeur soumet l'exercice
de la coiffure à un titre professionnel délivré sous des
conditions de diplôme.
Ainsi, toute entreprise de coiffure ou tout établissement doit
être placé sous le contrôle effectif d'une personne
qualifiée titulaire du brevet professionnel de coiffure, du brevet de
maîtrise de la coiffure ou d'un titre équivalent homologué
par le ministre compétent. Par ailleurs, l'article 3-1 de la loi du 23
mai 1946 susvisée exige un certificat d'aptitude professionnelle de
coiffure ou un diplôme prescrit pour la coiffure à domicile dans
un autre Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace
économique européen pour l'exercice de la profession de coiffeur
à domicile.
Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-73 du
17 janvier 2002 de modernisation sociale, cette dernière disposition
permettait aux personnes justifiant d'une activité professionnelle de
cinq années à temps complet ou d'une durée
équivalente à temps partiel au cours des dix dernières
années d'exercer la profession de coiffeur au domicile des particuliers.
Cette expérience devait néanmoins faire l'objet d'une validation
par la commission nationale de la coiffure. L'article 197 de la loi de
modernisation sociale, en supprimant cette possibilité d'exercice de la
coiffure, a laissé dans une certaine insécurité juridique
quelque 1 500 personnes qui avaient bénéficié de la
validation de leur expérience professionnelle par la commission
susmentionnée.
L'article 22, 2°,
du présent projet de loi autoriserait le
Gouvernement à modifier la législation de 1946 afin de garantir
le droit pour les personnes ayant bénéficié d'une
validation d'expérience professionnelle avant l'abrogation de ce
dispositif de continuer à exercer la profession de coiffeur.
•
La profession de courtier en marchandises assermenté
Les règles relatives à l'exercice de la
profession de courtier
en marchandises assermenté
feraient également l'objet d'une
réforme.
Organisée, à l'origine, par une loi du 18 juillet 1866 sur les
courtiers en marchandises, la profession de courtier en marchandises
assermenté est actuellement régie par le décret n°
64-399 du 29 avril 1964 portant codification et modification des dispositions
concernant les courtiers de marchandises assermentés. Ces professionnels
sont compétents pour constater les prix pratiqués dans les
bourses de commerce et pour procéder à l'estimation des
marchandises déposées dans les magasins généraux
ainsi qu'à la revente et au rachat de marchandises en bourse en cas
d'inexécution d'un contrat ou d'un marché. En outre, ils
disposent d'un monopole pour effectuer les ventes volontaires aux
enchères de marchandises en gros en application de la loi du 28 mai 1858
ou de ventes de certaines marchandises déposées dans un magasin
général en application de l'ordonnance et du décret du
6 août 1945.
L'accès à la profession fait l'objet d'une réglementation
particulièrement stricte. Tout courtier, pour exercer les actes de sa
profession, doit être inscrit sur une liste établie dans le
ressort de chaque cour d'appel. Pour ce faire, il doit satisfaire à de
nombreuses conditions, telles que l'inscription au registre du commerce et des
sociétés, l'exercice d'un stage professionnel et la
réussite de l'examen d'aptitude à la profession.
Sur la base de
l'article 22, 2°,
cette réglementation
méticuleuse pourrait faire l'objet d'une simplification, dans la mesure
où certaines conditions requises apparaissent particulièrement
formelles et, à ce titre, inutiles. Tel est, en particulier, le cas de
l'obligation de versement par tout courtier d'un droit d'inscription au
Trésor.
•
La profession d'exploitant forestier
La présente disposition habilite, en outre, le Gouvernement à
modifier les règles relatives à l'exercice de la profession
d'
exploitant forestier
.
De façon surannée, l'exercice de la profession d'exploitant
forestier est soumise à la délivrance d'une carte professionnelle
d'exploitant forestier, délivrée par le préfet du
département dans lequel il exerce son activité. Cette carte,
exigée par l'article 3 de l'acte dit « loi » du 13
août 1940 relative à l'organisation forestière
s'avère nécessaire pour que l'exploitant forestier puisse faire
négoce de son bois. A bien des égards, compte tenu de la nature
de l'activité exercée, cette obligation légale ne se
justifie plus.
Sur la base de la présente habilitation, le Gouvernement pourrait ainsi
supprimer cette exigence de carte professionnelle. Cette démarche
complèterait la volonté qui avait été celle du
législateur, lors du vote de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001
d'orientation sur la forêt, de mieux organiser les institutions et les
professionnels exerçant leur activité dans les forêts
françaises.
•
La profession de voyageur, représentant, placier
Enfin, les règles relatives à la profession de
voyageur,
représentant, placier (VRP)
seraient également
modifiées sur la base de la présente habilitation.
Aux termes de l'article L. 751-13 du code du travail, les voyageurs,
représentants et placiers sont tenus, quelle que soit la
clientèle visitée, d'être en possession d'une carte
d'identité professionnelle.
Cette carte ne sanctionne aucunement le fait que la personne qui exerce la
profession de voyageur représentant placier satisfait à des
conditions d'aptitude ou de capacité professionnelles. Elle permet
simplement d'établir sa qualité auprès de sa
clientèle. En outre, si le VRP est soumis à certains avantages en
matière fiscale, compte tenu de l'exercice de sa profession, il ne tire
pas ces derniers de la détention de sa carte. Ces avantages
découlent en effet du contrat de représentation conclu entre le
VRP et son employeur.
La présente habilitation pourrait permettre au Gouvernement d'allonger
la durée de validité de cette carte, voire de la supprimer par
ordonnance. Cette simplification libéreraient ainsi les voyageurs,
représentants, placiers de l'obligation de faire valider, tous les ans,
leur carte auprès de l'autorité préfectorale tandis que
cette dernière verrait sa charge de travail allégée.
2. La simplification des règles relatives aux commerçants
étrangers
L'article 22, 3°,
habilite le Gouvernement à prendre toutes
mesures pour simplifier les conditions d'établissement des
commerçants étrangers et l'exercice de leur activité.
Aux termes de l'article L. 122-1 du code de commerce, les étrangers qui
ne sont ressortissants ni d'un Etat membre de l'Union européenne ou de
l'Espace économique européen, ni d'un Etat ayant conclu avec la
France une convention les en dispensant, doivent être
titulaires d'une
carte d'identité spéciale de commerçant
étranger
, pour pouvoir exercer le commerce en France. Cette carte
est délivrée par l'autorité préfectorale du
département dans lequel l'étranger a l'intention d'exercer son
activité.
Bien souvent, cette première formalité se double d'une
seconde, liée à l'application des dispositions de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France
. Certes, aux termes de
l'article 17 de ladite ordonnance, les étrangers titulaires d'une carte
de résident sont dispensés de l'obtention d'une carte de
commerçant étranger. Toutefois, il y a cumul de procédure
et d'instruction lorsque le commerçant qui cherche à exercer en
France une activité commerciale n'a pas déjà la
qualité de résident.
Or, souvent, l'autorité chargée de la délivrance de
l'autorisation d'entrée sur le territoire national et de l'octroi de la
carte de commerçant se prononcera sur les mêmes pièces
justificatives. Une double instruction ayant, en définitive, un objet
similaire est donc actuellement opérée à l'égard de
certains commerçants étrangers. Outre qu'elle ne se justifie pas
par des contraintes liées au respect de l'ordre public, cette
règle de cumul renforce l'entrave que connaissent les commerçants
étrangers à l'exercice de la liberté du commerce et de
l'industrie. Dans une certaine mesure, elle nuit également à
l'attractivité commerciale de la France vis-à-vis des Etats
étrangers.
L'ordonnance prise sur la base de l'article 22, 3°, du présent
projet de loi pourrait donc supprimer ce double examen de la situation de
l'étranger souhaitant exercer en France une activité de
commerçant.
Les ordonnances prises sur le fondement du présent article devront
intervenir dans les douze mois à compter de la publication de la
présente loi.
Votre commission vous soumet un
amendement rédactionnel
à
cet article et vous propose d'
adopter l'article 22 du présent projet
de loi
ainsi modifié.
Article 22 bis
Habilitation à simplifier les conditions de
fonctionnement
des collectivités
territoriales
L'article 22 bis du présent projet de loi
résulte d'un
amendement de M. Jean-Louis Léonard, approuvé par le
Gouvernement et voté en première lecture par l'Assemblée
nationale. Cette nouvelle disposition tend à habiliter le Gouvernement
à prendre par ordonnance des mesures destinées à
favoriser l'utilisation des nouvelles technologies dans le fonctionnement
quotidien des collectivités territoriales
.
Au quotidien, les collectivités territoriales sont en effet tenues, en
vertu de normes législatives,
d'adresser, en grand nombre, diverses
convocations ou documents d'informations aux personnes physiques qui
siègent au sein de leurs organes.
Tel est le cas, en particulier,
des communes
.
Aux termes de l'article L. 2121-7 du code général des
collectivités territoriales, le conseil municipal doit être
obligatoirement convoqué au moins une fois par trimestre. En outre, le
maire, à tout moment, ainsi que le préfet ou les membres du
conseil municipal peuvent convoquer ce dernier (article L. 2121-9 du
code des collectivités territoriales). Or, à chaque fois, le
maire doit adresser aux participants une convocation en bonne et due forme.
La jurisprudence se montre très stricte sur les conditions
d'accomplissement de cette formalité, la tenant pour
substantielle
231(
*
)
. Elle exige
ainsi que les convocations soient adressées au domicile de chaque
conseiller municipal. En outre, les délais dans lesquels doivent
être adressées les convocations sont également strictement
interprétés, leur non-respect entraînant la nullité
des délibérations du conseil municipal
232(
*
)
. Il en va de même lorsque le
maire est tenu de communiquer aux membres du conseil des documents
d'information sur les affaires soumises à
délibération
233(
*
)
.
Des formalités de convocations identiques doivent également
être accomplies à chaque fois que des commissions au niveau local,
fort nombreuses, se réunissent. Lors du débat à
l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Léonard estimait le
coût de ces formalités à quelque 600 millions d'euros
chaque année.
Depuis les lois de décentralisation de 1982 qui ont allégé
la tutelle sur les actes des collectivités territoriales, ces
dernières sont, par ailleurs, tenues à une
obligation de
transmission de certains actes au représentant de l'Etat dans le
département ou dans la région
.
Cette transmission constitue une condition du caractère
exécutoire de ces actes. Il en va ainsi des actes les plus importants,
limitativement énumérés par le code général
des collectivités territoriales, émanant tant des communes et des
départements que des régions
234(
*
)
. Plusieurs milliers d'actes peuvent
être concernés par cette formalité de transmission, selon
l'importance de la collectivité territoriale intéressée.
Cette obligation de transmission repose sur l'exécutif de chaque
collectivité
235(
*
)
. La
preuve en est faite par tout moyen. Le cas échéant,
l'accusé de réception délivré par le préfet
peut constituer cette preuve.
L'accomplissement de ces formalités par la voie postale
génère actuellement des coûts de fonctionnement importants
et constitue une inépuisable source de contentieux pour les
collectivités territoriales. L'introduction, dans ce cadre, des
facilités offertes par les nouvelles technologies de l'information ne
pourrait être que profitable. Il pourrait ainsi être donnée
une
valeur juridique à la transmission par voie électronique
des convocations ou des actes des collectivités territoriales
.
Cette prise en compte des nouvelles technologies pourrait d'ailleurs conduire
à la reprise de propositions visant au
développement des
logiciels « libres »
au sein de l'administration.
Ces logiciels, dont le code source est accessible, s'opposent aux logiciels
« propriétaires ». Leur utilisation et leur
généralisation dans le cadre de l'administration
présenteraient plusieurs avantages. Ces logiciels peuvent en effet
être copiés et diffusés librement, à l'opposé
des logiciels propriétaires. De plus, et c'est là leur
intérêt essentiel, l'acquéreur de ces logiciels peut leur
apporter les modifications qu'il juge utile afin de les rendre plus
adaptés à son utilisation finale.
Les logiciels libres permettraient ainsi la mise en place de systèmes
d'information interopérables, pérennes et sûrs dans les
divers services de l'administration, tant au niveau étatique qu'au
niveau décentralisé.
Ces avantages ont conduit M. Thierry Carcenac à proposer, en avril 2001,
leur généralisation dans l'administration
236(
*
)
. Plus récemment, une
proposition de loi a été déposée sur le Bureau du
Sénat par nos collègues Pierre Laffitte, René
Trégouët, Jacques Pelletier et Paul Girod, tendant à rendre
obligatoire l'usage de ces logiciels libres dans l'administration
237(
*
)
.
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement rédactionnel
au présent article et vous propose d'
adopter l'article 22 bis
du présent projet de loi ainsi modifié.