b) Le livre blanc de la Commission européenne
Parmi les soixantes mesures proposées par la Commission européenne dans son Livre blanc du 12 septembre 2001 : « La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, COM (20021)370 », quatre d'entre elles concernent plus spécifiquement les infrastructures routières :
1 - harmoniser les normes de sécurité minimales offrant un haut degré de sécurité pour les usagers des tunnels routiers;
2 - réviser les orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport ;
3 - mettre en place un dispositif de tarification de l'usage des infrastructures reflétant la vérité des coûts pour l'usager , devant se traduire par une directive cadre instaurant des principes, une structure et une méthodologie de tarification communs à tous les modes de transport et la mise en cohérence du système fiscal en proposant une taxation unique du carburant professionnel routier d'ici 2003 ;
4 - permettre l'interopérabilité des moyens de paiement sur le réseau routier transeuropéen.
Votre rapporteur aborde les points 1 et 2 dans d'autres développements du présent rapport. S'agissant du point 3, à savoir la tarification de l'infrastructure routière, il souhaite reproduire ici l'intégralité de la réponse du ministère en charge des transports.
La tarification de la route : la réponse du ministère de l'équipement La présence d'un important réseau à péage en France et un niveau de TIPP supérieur à la moyenne européenne font que les charges d'infrastructures générées sur le réseau routier national par le fret routier sont à peu près couvertes dans leur intégralité par les recettes prélevées sur le trafic poids lourds , contrairement à ce qui se passe dans un certain nombre de pays européens. Dans notre pays, la congestion et les nuisances environnementales sont en effet limitées dans le temps et l'espace. Elles se concentrent principalement sur les grands corridors nord-sud qui sont aussi des axes de transit international, ainsi que les traversées et contournements urbains. Cela traduit la valeur élevée du coût des transports en France par rapport à la moyenne européenne. Toutefois, il reste des axes et des secteurs où ce n'est pas le cas : liaisons autoroutières non concédées dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire et surtout zones urbaines. Sur l'ensemble du réseau national, les différents calculs économiques récents montrent que le fret routier a bien amélioré son niveau de couverture des coûts directs, indirects et externes qu'il occasionne en raison de l'augmentation des recettes prélevées lors de l'utilisation des infrastructures (taxes et péages) tandis que les dépenses d'infrastructures se sont réduites ces dernières années . Suivant les différentes parties du réseau national, et selon la méthode de calcul retenue (coût complet social avec effets externes et coût marginal social) les recettes couvrent entre 70% et 100% de la somme des dépenses d'infrastructures (investissement, entretien) et des coûts sociaux et environnementaux, c'est à dire sensiblement plus que dans les autres modes. Il convient de souligner que l'essentiel du déficit de couverture est lié aux circulations sur les réseaux secondaires qui sont des déplacements de courtes distance non transférables sur les modes alternatifs à la route, ou des déplacements terminaux de tous les modes, correspondant à la desserte fine du territoire.
Une tarification du fret au coût marginal social (CMS) - considéré comme permettant d'atteindre l'optimum économique - sur le réseau concédé procurerait un niveau de recettes très inférieur à ce que paient actuellement les usagers (TIPP, péages) et ne permettrait pas de garantir l'équilibre budgétaire des concessionnaires. Le CMS calculé sur différents tronçons du réseau national (concédé ou non) présente une grande disparité selon les situations (lieu, période). Il peut dans de nombreux cas être insuffisant pour garantir l'équilibre budgétaire et, dans d'autre cas, dépasser largement cet équilibre. Ce constat met en évidence l'importance de la variation des coûts sociaux (congestion notamment) et environnementaux selon les lieux et périodes considérés. Le niveau des coûts sociaux et environnementaux sur certains axes du réseau national non concédé ainsi que sur les continuités urbaines et périurbaines des trajets nationaux et internationaux (transit inclus) dépasse sensiblement le niveau de la tarification actuelle constituée par la taxe sur les carburant et la taxe à l'essieu. Il convient de rappeler que si le transport routier de marchandises sur le réseau routier national assure quasiment la couverture de ses coûts externes, il n'en est pas de même du fret ferroviaire et fluvial. L'application d'une tarification au CMS à l'ensemble des modes ne permettrait pas dans ces conditions de favoriser les reports de la route vers le mode ferroviaire. La tarification ne peut être un outil efficace en faveur de ce rééquilibrage.
Hormis les zones sensibles et les continuités urbaines et périurbaines, la France est en avance sur la dynamique que la commission souhaite engager. Par rapport aux objectifs de la commission et dans un souci de défense des intérêts économiques français nos objectifs doivent être en priorité l'harmonisation de la TIPP et de la législation sociale. La TIPP est à la fois un mode de perception proportionnelle aux consommations et pollutions locales et régionales, une tarification de base pour les trafics utilisant les réseaux départementaux et locaux ainsi qu'un outil permettant de prendre en compte la rareté de l'énergie. Pour garantir une égalité des conditions de concurrence entre pavillons routiers des différents pays européens, il est souhaitable d'harmoniser la TIPP du gazole routier dans le cadre européen , le cas échéant en la relevant progressivement tout en tenant compte des autres outils tarifaires (péages, redevances, taxe à l'essieu).
Il convient de rappeler que sur l'ensemble du réseau national, les différents calculs économiques récents montrent que le fret routier a bien amélioré son niveau de couverture des coûts directs, indirects et externes qu'il occasionne en raison de l'augmentation des recettes prélevées lors de l'utilisation des infrastructures (taxes et péages) tandis que les dépenses d'infrastructures se sont réduites ces dernières années. Suivant les différentes parties du réseau national, et selon la méthode de calcul retenue (coût complet social avec effets externes et coût marginal social) les recettes couvrent entre 70% et 100% de la somme des dépenses d'infrastructures (investissement, entretien) et des coûts sociaux et environnementaux, c'est à dire sensiblement plus que dans les autres modes. Toutefois, derrière ces équilibres globaux, on constate une forte hétérogénéité des taux de couverture selon la nature des réseaux avec notamment une sous-tarification des liaisons très circulées, axes de transit internationaux ainsi que traversées et contournements urbains . C'est aussi sur ces axes que se pose un problème de recouvrement de la TIPP à l'égard principalement du trafic international, en raison de l'effet conjugué de l'importance de la taille des réservoirs de carburant et de la forte disparité des accises sur le gazole routier dans les pays limitrophes de l'Union européenne. Ce problème fiscal (et les distorsions des conditions de concurrence entre pavillons qu'il engendre) ne pourra trouver de solution qu'avec l'accord unanime des quinze pays de l'Union européenne. Sur la base de ces éléments, l'instauration d'un péage PL généralisé sur l'ensemble du réseau routier n'apparaît pas justifié . Si celui-ci peut-être envisagé sur les tronçons pour lesquels il y a sous-tarification, cette mesure doit être réservée en priorité aux tronçons présentant des dysfonctionnements vis à vis de notre système de transport et ne devra pas remettre en cause l'équilibre des concessions. La solution passe probablement par une directive européenne « souple » permettant la prise en compte des spécificités nationales (l'harmonisation sociale ayant une incidence au moins aussi sensible sur les coûts de transport) et des références de tarification adaptables selon les situations respectives des différents modes. Source : ministère de l'équipement, des transports et du logement. |
Malgré les assurances données ici, votre rapporteur estime qu'il est nécessaire de ne pas négliger la question de la tarification de la route , et il approuve l'idée d'engager les efforts les plus importants sur trois points, dont deux sont bien mis en valeur par le ministère :
- la sous-tarification des liaisons très circulées , axes de transit internationaux ainsi que traversées et contournements urbains doit être examinée.
- pour cela, il faut instaurer, au niveau européen, un dispositif permettant notamment de taxer les poids lourds en transit sur le réseau national.
- enfin, et cela n'est peut-être pas suffisamment mis en valeur, il faut réfléchir à l'instauration d'une tarification des infrastructures routières aujourd'hui gratuites .
En effet, l'effort de l'usager est très important pour le financement des autoroutes concédées mais nul pour les routes nationales, hors fiscalité.
Effort de l'usager dans le financement des infrastructures 9 ( * )
(en millions de francs)
Etat |
Fiscalité affectée |
Collectivités locales |
dette du gestionnaire |
Effort de l'usager |
Total |
part de l'usager |
|
Autoroutes concédées |
3.000 |
32.400 |
35.400 |
92 % |
|||
Routes nationales |
9.748 |
1.527 |
5.000 |
16.275 |
0 % |
||
Total |
9.748 |
1.527 |
5.000 |
3.000 |
32.400 |
51.675 |
63 % |
Réseau ferré national |
25.315 |
2.308 |
800 |
2.000 |
9.895 |
40.318 |
25 % |
Contrôle aérien |
210 |
1.258 |
500 |
6.204 |
8.172 |
76 % |
|
Aéroports |
1.656 |
80 |
300 |
3.416 |
5.452 |
63 % |
|
Voies navigables |
500 |
200 |
66 |
766 |
9 % |
||
Ports |
683 |
298 |
600 |
-100 |
1.911 |
3.392 |
56 % |
(source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie)
Quant au télépéage, il s'agirait d'une solution technique qui pour le moment reste encore à l'étude.
L'application du télépéage dans l'Union européenne Le télépéage apparaît comme une des applications télématiques dont le caractère opérationnel est le plus avancé et La France est bien placée au niveau européen sur cette question dans la mesure où des systèmes de télépéage y sont déjà déployés. La France, avec l'Italie qui a développé le système TELEPASS, ont été les premiers pays à se poser de manière concrète la question de l'interopérabilité, à l'intérieur de leur système autoroutier national, tant administrative que technique, et un système de télépéage (Libert-T) équipe aujourd'hui le réseau autoroutier français. Les principales technologies sont la technologie hertzienne, dans laquelle une unité embarquée communique avec des équipements installés en bordure de route, et les systèmes de positionnement et de navigation par satellite associés au GSM, dans lesquels l'unité embarquée communique avec un satellite et où la téléphonie mobile est utilisée pour percevoir le paiement. Le tachygraphe électronique permet également la perception d'une redevance kilométrique mais sans distinction par type de voies. Comparés aux systèmes de type hertzien, les systèmes par satellite (GPS et GNSS) présentent l'avantage de n'exiger aucun équipement installé en bordure de route et d'être potentiellement moins coûteux à long terme. Mais des raisons d'exploitation rendent nécessaire la mise en place d'un certain nombre d'équipements associés de type DSRC et, dans l'état actuel de la technique, la précision peut ne pas être suffisante pour distinguer des voies parallèles (par exemple autoroute et route classique). Le système GPS+GSM est actuellement envisagé en Allemagne pour la taxation des poids lourds ; toutefois il n'existe aucune démonstration en vraie grandeur (contrairement au DSRC largement répandu au Portugal, en France ,en Italie, en Norvège, en Espagne.....). Le CEN/TC 278, comité technique du Comité européen de normalisation (CEN) qui a en charge la « télématique du transport routier », s'est vu confier en 1991 la mission de mettre en place un corpus normatif qui permette, à l'échelle européenne, de développer de grands systèmes télématiques portant sur l'information routière, la gestion des flottes, et notamment le télépéage. En 1996, un projet de norme DSRC (modalité de liaison sol-véhicule : dedicated short range communication) a été adopté à l'unanimité, mais n'a pas été suivi par le vote de la norme. Le système de télépéage développé en France est conforme à cette pré-norme. Dans son Livre blanc sur la politique commune des transports du 12 septembre 2001, la Commission envisage de proposer une directive sur l'interopérabilité des systèmes de péages. La Commission européenne a pour objectifs de veiller à l'interopérabilité technologique et administrative des systèmes de tarification électronique afin d'assurer une mobilité illimitée dans l'ensemble de la Communauté. Par ailleurs, les sociétés d'autoroutes sont associées dans des projets européens d'interopérabilité pour la conception et la mise en oeuvre d'un système de péage commun qui permette à leurs clients de circuler avec un moyen de paiement unique sur l'ensemble de leur réseau transnational. |
* 9 Ce tableau est extrait du rapport de notre collègue Jacques Oudin. « Le financement des infrastructures de transports : conduire la France vers l'avenir, n° 42 (2000-2001).