N° 5

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- - le projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l' article K.3 du traité sur l' Union européenne , relative à l' extradition entre les États membres de l'Union européenne (ensemble une annexe comportant six déclarations) ;

- et le projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l' Union européenne , relative à la procédure simplifiée d' extradition entre les États membres de l'Union européenne ,

Par M. Serge VINÇON,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. N..., Guy Penne, Jean-Marie Poirier, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, André Ferrand, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Sénat : 84 et 85 rect. (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de deux projets de loi portant ratification de deux conventions conclues entre les Etats membres de l'Union européenne relatives à la simplification des procédures d'extradition.

Jusqu'à présent les procédures d'extradition en Europe étaient régies par un ensemble de textes internationaux adoptés au sein du Conseil de l'Europe et au sein de l'Union Européenne. Le texte de base reste la convention du 13 décembre 1957 du Conseil de l'Europe, qui a été complétée par deux protocoles additionnels, le premier du 15 octobre 1975 et le second du 17 mars 1978. La France n'a pas ratifié ces protocoles additionnels. En matière de terrorisme un texte spécifique a été adopté dans le cadre du Conseil de l'Europe : la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977.

En outre, conformément à l'article 28§2 de la convention de 1957 qui en donne la possibilité, les pays de l'Union européenne ont souhaité conclure entre eux des accords de coopération plus poussés. Une première étape a été franchie dans le cadre de l'application de l'accord de Schengen 1 ( * ) . Ont ensuite été conclues les conventions soumises à l'approbation du Sénat, en vu de simplifier les procédures d'extradition lorsque la personne dont l'extradition est demandée est consentante, c'est l'objet de la convention du 10 mars 1995, et pour assouplir les conditions de fond de l'extradition, c'est l'objet de la convention du 27 septembre 1996.

L'approfondissement de la coopération entre les pays de l'Union européenne est apparue nécessaire en raison du développement rapide de leurs liens de coopération. Il paraît en effet logique que dans un espace de libre circulation et de plus en plus unifié où tous les Etats respectent les mêmes principes juridiques fondamentaux, la coopération judiciaire soit renforcée. Notamment, compte tenu du nombre des demandes d'extradition entre Etats membres, il est apparu souhaitable de faciliter ces dernières et d'alléger les procédures. Les opinions publiques comprennent d'ailleurs de plus en plus mal qu'à l'intérieur de l'Union européenne, l'extradition de personnes soupçonnées de crimes de sang ou d'actes de terrorisme puissent encore poser des difficultés.

L'état de droit actuel a en effet posé d'importantes difficultés dans le passé soit qu'un Etat ait refusé une extradition parce que le coupable présumé risquait une condamnation à perpétuité, soit que la multitude des recours possibles empêche ou ralentisse considérablement le déroulement de la procédure d'extradition.

Les conventions de 1995 et 1996 apportent de premières réponses en allégeant les procédures lorsque l'extradition ne pose pas de problèmes et en aplanissant un certain nombre de difficultés apparues dans la pratique entre les Etats membres de l'Union. Parties intégrantes de l'acquis communautaire, elles sont une étape dans l'attente de la mise en oeuvre de la décision cadre du Conseil européen du 13 juin 2002 instituant un mandat d'arrêt européen 2 ( * ) .

I. LA CONVENTION DU 10 MARS 1995 : L'INSTAURATION D'UNE PROCÉDURE SIMPLIFIÉE EN CAS DE CONSENTEMENT DE LA PERSONNE RÉCLAMÉE

La convention signée à Bruxelles le 10 mars 1995 a pour but de créer une procédure simplifiée d'extradition entre les pays membres de l'Union européenne, lorsque la personne demandée consent à son extradition et que l'Etat requis donne son accord (article 2). Elle permettra d'éviter la procédure formelle d'extradition. Lorsque la personne demandée n'est pas consentante, la procédure de droit commun continuera de s'appliquer.

En effet, bien que dans environ 30 % des cas la personne faisant l'objet d'une demande d'extradition ne s'y oppose pas, les délais nécessaires au déroulement d'une procédure d'extradition restent très importants. Ils sont dans ce cas de l'ordre de 6 mois en France. Il est donc apparu particulièrement souhaitable d'adopter les mesures permettant une forte réduction des délais entre Etats membres de l'Union européenne , compte tenu du niveau élevé de leurs liens de coopération et de la protection accordée aux prévenus dans leurs droits respectifs. Elle devrait également apporter un progrès pour les personnes détenues en réduisant la durée des périodes de détention aux fins d'extradition.

La convention a pour objectif de compléter et d'améliorer l'application de la convention européenne de 1957, sans porter préjudice à des dispositions plus favorables qui auraient pu faire l'objet de conventions bilatérales entre les Etats Parties (article 1 er §2). Cette disposition ne s'applique toutefois pas à la France qui n'a pas conclu de telles conventions avec ses partenaires européens.

Cette nouvelle convention repose sur le consentement de la personne demandée, dont le recueil obéit à des conditions strictes. Une fois le consentement acquis, il permet de simplifier et de raccourcir les délais de l'ensemble des étapes de la procédure d'extradition.

A. NÉCESSITÉ ET PROTECTION DU CONSENTEMENT DE LA PERSONNE DEMANDÉE

La convention vise à protéger le consentement à l'extradition et la renonciation au bénéfice de « la règle de spécialité ».

1. Le consentement à l'extradition

Le consentement de la personne arrêtée est donné conformément aux règles édictées par les articles 6 et 7 de la convention (article 5).

La personne arrêtée doit tout d'abord être informée, conformément au droit interne de l'Etat requis, qu'elle fait l'objet d'une demande d'extradition, de ses motifs et de la possibilité dont elle dispose de consentir à son extradition et des conséquences que ce consentement emporte (article 6).

Le consentement est donné devant les autorités judiciaires de l'Etat requis (article 7§1). Les Etats Parties devront faire en sorte que « le consentement soit recueilli dans des conditions faisant apparaître que la personne l'a exprimé volontairement et en étant pleinement consciente des conséquences qui en résultent. A cette fin, la personne arrêtée a le droit de se faire assister d'un conseil » (article 7§2).

La protection du consentement est d'autant plus importante qu'il est normalement irrévocable (article 7§4). Cependant, les Etats ont la possibilité, à travers une déclaration interprétative, de prévoir selon les dispositions de leur droit interne, un délai de rétractation. Ainsi, la France utilisera cette possibilité. Un recours dans les délais légaux contre la décision de la Chambre d'instruction de la Cour d'appel territorialement compétente ayant accordé l'extradition vaudra révocation du consentement.

Le bénéfice de cette disposition a par ailleurs été invoqué par le Danemark, le Royaume-Uni, la Suède et la Finlande.

L'Etat requis est tenu de communiquer le consentement à l'extradition ou son refus à l'Etat requérant dans les 10 jours suivant l'arrestation provisoire (article 8).

La convention prévoit en outre, dans son article 12, les conditions dans lesquelles la procédure simplifiée d'extradition s'applique, malgré un consentement tardif (après expiration du délai de dix jours). L'application de l'article 12§1-2 et 12§2 est soumise à une déclaration de chaque Etat Partie (article 12§3). L'article 12§1 est composé de deux alinéas. Il prévoit que l'Etat requis met en oeuvre la procédure simplifiée si une demande d'extradition au sens de l'article 12 de la convention de 1957 ne lui est pas encore parvenue (12§1-1) ou peut y recourir si une demande lui est parvenue entre temps (12§1-2). Dans son paragraphe 2, l'article 12 prévoit que « lorsque aucune demande d'arrestation provisoire n'a été faite, et dans le cas où un consentement a été donné après réception d'une demande d'extradition, l'Etat requis peut recourir à la procédure simplifiée ».

Conformément au droit d'option conféré par l'article 12§3, la France déclarera qu'elle appliquera le paragraphe 1 second alinéa et le paragraphe 2 dans les conditions fixées par sa législation interne. Celles-ci devraient être prochainement précisées dans un projet de loi portant réforme de la loi du 10 mars 1927. La procédure simplifiée devrait pouvoir s'appliquer à une personne réclamée qui ferait connaître son consentement au plus tard le jour de sa première comparution devant la Chambre de l'instruction saisie de la requête d'extradition.

Comme la France, la majorité des Etats applique ces deux dispositions en fonction de leur droit interne. L'Allemagne a précisé qu'elle examinerait les situations au cas par cas et les Pays-Bas ont fixé comme date limite du consentement le jour précédent la comparution devant le tribunal.

2. La renonciation à la règle de spécialité

La convention prévoit également qu'une personne dont l'extradition est demandée puisse renoncer à la règle de « spécialité », c'est à dire à la règle selon laquelle elle ne pourra être jugée dans l'Etat requérant que pour les faits pour lesquels sont extradition a été demandée. Cette règle limite également les possibilités de réextradition. L'Etat requérant ne peut réextrader la personne extradée, que si l'Etat requis donne son accord.

Cette possibilité est régie par l'article 9. Il s'agit d'une dérogation à l'article 14 de la convention de 1957. Les conditions de recueil de la renonciation obéissent aux mêmes règles générales que le recueil du consentement (cf. supra, articles 6 et 7). Ses modalités sont déterminées en fonction du choix de chaque Etat. Soit elle est considérée comme une conséquence du consentement à l'extradition, soit l'Etat exige un consentement exprès . A contrario « l'absence de déclaration d'un Etat membre à l'article 9 implique la non renonciation à se prévaloir du principe de spécialité », comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi.

Par une déclaration relative à l'article 9, la France exigera que la personne demandée renonce expressément au bénéfice de la règle de spécialité. Il en est de même de l'Allemagne, du Danemark, de la Grèce, de la Suède et de la Finlande.

* 1 Convention signée le 19 juin 1990 relative à l'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.

* 2 Pour une présentation du mandat européen cf. Proposition de résolution n°64 2001/2002 du 7 novembre 2001de M. Pierre Fauchon au nom de la délégation pour l'Union européenne, son rapport n°82 2001/2002 fait au nom de la Commission des lois et la résolution n°25 devenue définitive le 4 décembre 2001.

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