EXAMEN DES ARTICLES
PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS
GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
ARTICLE PREMIER
Réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu
à acquitter en 2002
Commentaire : le présent article a pour objet de diminuer de 5 % l'impôt sur le revenu dû au titre des revenus de 2001. Le coût de la mesure est de 2,55 milliards d'euros, ce qui ramène le produit prévu de l'impôt sur le revenu pour 2002 à 51,42 milliards d'euros.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République et confirmés par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet dernier, le présent collectif comporte la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu exigible en 2002.
Il s'agit d'une mesure simple, d'effet immédiat, mais qui ne prend tout son sens que dans une perspective à moyen terme de réforme de la structure même de notre imposition des revenus.
I. UNE MESURE SIMPLE
L'allégement de l'impôt sur le revenu est une mesure attendue. Même le précédent gouvernement avait fini par en faire un point important de son programme. A la différence de nombre de ses prédécesseurs qui se sont placés dans une perspective pluriannuelle, le présent gouvernement a délibérément choisi de répondre à l'impatience d'un grand nombre de contribuables en prenant une mesure d'application immédiate.
Le laconisme du texte du présent article correspond tout à fait à la volonté de rapidité et de simplicité affichée par le gouvernement : à des objectifs lisibles, correspondent des modalités claires.
A. DES OBJECTIFS LISIBLES
1. La France connaît un réel problème d'attractivité, notamment fiscale
L'analyse qui sous-tend la mesure d'allégement proposée dans le présent collectif, repose sur un constat qui n'est pas propre à la nouvelle majorité, puisqu'il a été partagé, dans une large mesure, par des ministres des finances de la précédente législature.
Le rapport de M. Michel Charzat remis à M. Laurent Fabius en juillet 2001, qui reprenait lui-même largement les analyses de M. Frédéric Lavenir dans un rapport commandé par M. Christian Sautter, aboutit à des conclusions finalement assez voisines de celles du rapport de la mission du Sénat sur l'expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises présenté par nos collègues Denis Badré et André Ferrand : la France doit faire face à un grave problème d'attractivité .
Au-delà de l'image « désastreuse » de la France auprès d'un grand nombre de chefs d'entreprises étrangères, qui explique le recul relatif de la France dans l'investissement direct international, comme en témoigne le fait que la France n'arrive plus qu'au cinquième rang européen en termes de montants investi en 2000 selon le baromètre 2002 de Ernst&Young pour 2002 61 ( * ) , il était indispensable d'amorcer une évolution visible de notre système fiscal.
Même si l'attractivité dépend aussi d'autres facteurs, les charges constituent un handicap tel - avec d'autres éléments diffus comme l'instabilité des règles mais qui lui sont intimement liés - qu'elles tendent à neutraliser nos atouts notamment en matière d'infrastructures.
Eu égard à son caractère symbolique, il est normal de commencer par l'impôt sur le revenu dont les caractéristiques en font un frein à l'initiative et à la création de richesses tout en alimentant une certaine fuite des cerveaux.
Avec l'article premier du présent projet de loi de finances rectificative, il s'agit, comme l'a souligné le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, de « soutenir l'activité et l'initiative », avec la volonté d'un « partage plus équilibré des fruits de la croissance ». Les propos du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne font que confirmer cette orientation dans la mesure où il s'agit de « mieux reconnaître la valeur du travail ».
2. Une mesure de moyen terme pour favoriser l'offre
A cet égard, il convient de dissiper d'emblée un risque de malentendu . Pour votre commission des finances, il ne s'agit pas d'une mesure de court terme tendant à stimuler la demande , mais au contraire, d'une mesure de moyen terme destinée à favoriser l'offre .
Certes, une telle baisse devrait engendrer un supplément de croissance de 0,1 % en 2003, assortie d'augmentations de la consommation des ménages et de l'emploi, respectivement égales à 0,2 et 0,1 %. Cela n'est pas négligeable, d'autant plus que les modèles économétriques font espérer, à terme, la création de 40.000 emplois.
Mais la réduction d'impôt tend essentiellement à rehausser le potentiel d'offre de l'économie . D'une part, elle permet de réduire l'écart entre le coût du travail supporté par les entreprises et la rémunération nette perçue par les salariés ; d'autre part, elle devrait alléger l'impôt payé par les agents qui innovent ou font preuve d'initiative.
Dans les deux cas, on favorise les créations d'emplois, tout en luttant contre une tendance à l'expatriation des compétences qui ne laissait pas d'inquiéter, même au sein du précédent gouvernement.
3. Réduire la concentration excessive de l'impôt sur le revenu
On peut rappeler que depuis le printemps 2000, celui-ci avait mis en oeuvre une stratégie de baisse de l'impôt sur le revenu. Par référence au taux applicable pour les revenus de 1998, la baisse cumulée des taux en nombre de points était de - 3 points pour les deux premières tranches, de - 2 points pour les deux suivantes et - 1,25 point pour les deux dernières.
Mais, comme le reconnaissait lui-même notre collègue député Didier Migaud, alors rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, « la baisse des taux a été plus forte, en valeur absolue, c'est-à-dire au nombre de points, et également en valeur relative, pour les premières tranches de l'impôt sur le revenu que pour les tranches les plus élevées du barème, ce qui a renforcé le caractère progressif de l'impôt sur le revenu ».
Dans le même rapport sur le projet de loi de finances pour 2002, Didier Migaud poursuit son analyse en reconnaissant que « la part de l'impôt sur le revenu acquitté par les foyers fiscaux du dernier décile, c'est-à-dire par les 10 % des foyers les plus imposés, augmente de 64,5 à 73,2 %, ce qui traduit un renforcement significatif de la concentration de l'impôt sur le revenu en France » entre la loi de finances initiale pour 2000 et la situation en 2002.
On note que, même en tenant compte de l'allégement décidé l'année dernière, la part de l'impôt acquitté par les ménages du dernier décile se serait encore accrue, ainsi que le reconnaît le rapport précité. Ainsi a-t-on assisté à une concentration de l'impôt sur le revenu - qui n'est déjà acquitté que par la moitié des foyers fiscaux - sur les ménages aux revenus moyens et élevés , non par le jeu de majoration des taux des tranches du haut du barème comme au début des années 1980, mais par celui de la diminution systématique de la contribution des contribuables imposés dans les premières tranches du barème .
Alléger continûment la cotisation des plus modestes - que cela soit obtenu par la diminution des taux ou le relèvement des seuils des tranches les plus basses - est, depuis un certain nombre d'années, un objectif constant de tous les gouvernements de quelque sensibilité politique qu'ils soient. Pourtant, il faut bien constater que, dans un système qui favorise les « prélèvements rampants » du simple fait que l'on indexe les seuils des tranches non sur les revenus mais sur les prix, cela aboutit à faire peser l'essentiel de la charge de l'impôt sur une part toujours plus réduite des foyers fiscaux .
Ne pas s'inquiéter de cette tendance parce qu'il serait juste de « faire payer les riches », et estimer, en conséquence, qu'un barème n'est jamais trop progressif et un prélèvement trop concentré, est une politique à courte vue, qui revient à méconnaître certaines évolutions structurelles .
4. Prendre en compte la mobilité des facteurs de production, et notamment du travail
La France fait partie du grand marché intérieur européen et participe du processus de mondialisation des grandes économies mondiales, deux phénomènes qui se traduisent, dans un contexte de concurrence exacerbée, par une mobilité croissante des facteurs de production , capital mais aussi travail . Les talents sont aujourd'hui d'autant plus mobiles, qu'une carrière, pour un jeune Français, comporte naturellement un certain nombre d'années passées à l'étranger et qu'un état-major bien constitué, se doit d'être composé de cadres de toutes nationalités.
Dans des marchés de plus en plus intégrés, le cadre, l'ingénieur, le chercheur sont amenés à choisir leur lieu d'installation à la façon dont une entreprise détermine une implantation, c'est-à-dire en fonction de critères parmi lesquelles les rémunérations nettes sont des critères si ce n'est déterminants, du moins discriminants .
Il est vain d'espérer le renforcement de la place financière de Paris tant que, pour certaines spécialités très pointues, une banque installée à Paris devra pour un même salaire net supporter un coût de plus de deux fois supérieur ; il est illusoire d'espérer attirer à Paris - et même retenir - des sièges sociaux de firmes multinationales, dès lors que, indépendamment même de questions liées à la fiscalité des groupes, il devient de plus en plus difficile de faire venir à Paris des cadres de très haut niveau auxquels on ne peut raisonnablement offrir la même rémunération nette qu'à Londres ou qu'à Bruxelles.
On peut certes, mettre en place un régime spécial pour les impatriés comme le préconisait le rapport Lavenir précité, ce qui, au moins sur le plan social, est d'autant plus justifié que des cadres étrangers qui ne passent que peu d'années dans notre pays, ne bénéficient pas à long terme des avantages sociaux propres à notre pays.
Mais, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, il est plus cohérent de faire évoluer le droit commun pour le rapprocher des moyennes européennes, étant entendu qu' un différentiel de taux d'imposition pour les hauts revenus reste soutenable, dès lors qu'il s'accompagne de services collectifs supplémentaires notamment en matière d'éducation.
La compétition fiscale en Europe est un fait durable . Et on aurait tort d'espérer des résultats immédiats de la volonté affichée à Bruxelles de mettre fin à certaines pratiques considérées comme dommageables.
Car le problème doit être apprécié dans une perspective comparative . Certes, la France a diminué les taux du « haut du barème », mais est-ce suffisant quand tous nos concurrents ont ces dernières années, abaissé de façon parfois considérable le taux de la dernière tranche du barème ? Est-il réaliste de penser que la France pourra, au nom de principes égalitaires et de la lutte contre le moins-disant fiscal, durablement résister à cette tendance et maintenir ses taux au niveau actuel ? La France peut-elle raisonnablement soutenir un différentiel de taux marginal d'imposition qui, pour l'Allemagne, ne devrait jamais, quelle que soit la façon dont on le calcule, être inférieur de dix points, pour ne rien dire du Royaume-Uni ?
Bref, il fallait agir et inverser la tendance. C'est ce que nous propose le gouvernement avec le présent article qui tend à atténuer, avant toute réforme de structure, les effets des réformes intervenues sous la précédente législature et qui ont conduit à une augmentation de la concentration de l'impôt sur les revenus de tous ces Français qui créent des richesses par leur travail et leur esprit d'innovation.
B. DES MODALITÉS CLAIRES
1. Une baisse immédiate pour tous les contribuables
L'exposé des motifs indique que la baisse de 5 % des impôts sur le revenu va bénéficier immédiatement à tous les contribuables, soit 16 millions de foyers.
Le solde de l'impôt 2002 payé à l'automne sera réduit en conséquence à hauteur de 5 % du montant total de l'impôt dû au titre des revenus de 2001.
La réduction, qui prend donc la forme d'un « rabais sur facture », sera opérée directement sur le montant de l'impôt dû et sera prise en compte dans les avis d'imposition. C'est ce qui explique que le solde de l'impôt sera exigible avec un mois de retard par rapport aux échéances normales, le 15 octobre . Pour les contribuables mensualisés, leur contribution sera régularisée au plus tard à l'occasion du prélèvement du mois d'octobre 62 ( * ) .
2. Une réduction de l'impôt brut
La réduction vient en déduction de l'impôt brut , tel qu'il résulte de l'application du quotient familial au revenu net global - calculé par déduction du revenu brut global, des charges déductibles, des reports déficitaires et des abattements.
Elle porte sur les revenus soumis au barème et, en particulier sur ceux des revenus du travail et non sur les revenus bénéficiant de taux réduits, prélèvement libératoires ou taux d'imposition forfaitaires .
Elle s'applique après la décote - qui n'est pas une réduction d'impôt mais un mécanisme d'atténuation de la cotisation d'impôt à l'entrée du barème et donc un élément de calcul de l'impôt - mais avant application des réductions d'impôt comme celles résultant des dons aux oeuvres et des crédits d'impôt comme la prime pour l'emploi.
3. La nécessité d'éviter toute complexité
On ne pouvait faire plus simple. Mais pouvait-on faire plus juste ?
Un rapide examen des précédents montre que toute tentative de modulation de la baisse de l'impôt était à la fois contraire aux objectifs recherchés et d'une complexité de nature à créer des incohérences critiquables, et en tout cas incompatible avec la volonté de lisibilité de la mesure.
Des mécanismes de correction différenciés ont existé dans les années 80. C'est ainsi qu'a été instauré en 1987 - manoeuvre faisant suite à un système complexe de minorations combiné à des majorations - un ensemble de minorations allant de 0 à 11 %. La minoration s'est traduite par une concentration de l'impôt payé par le dernier décile qui a augmenté de près d'un point, comme le remarque le Conseil des impôts dans son rapport de 1990. En tout état de cause, différencier la réduction d'impôt aurait conduit à recréer une forme de « barème aval » de nature à dénaturer encore un peu plus le barème lui-même.
Impôt sans réduction de 5 % |
Impôt avec réduction de 5 % |
Application d'un barème dont tous les taux seraient diminués de 5 % |
Réduction |
|
Salaire déclaré : 40.000 € |
1.839 € |
1.747 € |
1.747 € |
92 € |
4. Un gain lié à la progressivité même de l'impôt sur le revenu
Comme permet de le constater le tableau ci-dessous sur un exemple concret, le fait d'avoir exclu du bénéfice de la mesure les revenus bénéficiant de taux réduits, prélèvement libératoires ou taux d'imposition forfaitaires, aboutit mécaniquement à conférer aux hauts revenus un avantage inférieur à leur part dans les revenus soumis à l'impôt dans la mesure où les contribuables aisés ont en général plus de revenus de cette nature.
Impôt sans réduction de 5 % |
Impôt après réduction de 5 % sur l'impôt brut |
Réduction |
|
Salaire déclaré : 40.000 € |
1.839 € |
1.747 € |
92 € |
Plus value : 10.000 € |
1.600 € |
1.600 € |
0 € |
Total |
3.439 € |
3.347 € |
92 € |
D'un montant moyen de 169 euros , l'avantage résultant de la réduction est évidemment très variable selon le niveau du revenu . S'il se monte par exemple à 14 euros, le gain moyen des titulaires de la prime pour l'emploi devenant non imposables du fait de la réduction d'impôt, est très logiquement beaucoup plus faible que celui des contribuables imposés à la tranche marginale. A ceux qui ne manquent pas de dénoncer cette disproportion, on doit faire remarquer qu'elle est à la mesure de l'inégalité des cotisations fiscales des foyers .
Dire qu'un contribuable va bénéficier d'une réduction d'impôt plus importante que tel autre contribuable, signifie simplement qu'il payait plus d'impôt ! En d'autres termes, on a simplement multiplié par 0,95 le taux des tranches du barème, sans qu'il en résulte aucun effet sur la progressivité de l'impôt.
La disproportion des gains dont bénéficient les contribuables situés aux extrémités du barème n'est que l'effet et le reflet de la progressivité de l'impôt sur le revenu en France.
Prendre une autre règle aurait supposé la mise en place de mécanismes complexes pour éviter les ressauts d'imposition comme cela était le cas dans le « barème aval » valable pour 1989 63 ( * ) .
Au surplus, s'engager dans la voie d'une redistribution fortement non proportionnelle au barème de l'allégement d'impôt, c'était ouvrir la voie à des discussions sur ce qu'il fallait donner aux foyers fiscaux non imposables. Une telle approche deviendrait rapidement « surréaliste », puisqu'elle reviendrait à ce que le Parlement se demande chaque fois qu'il décide une réduction d'un impôt, ce qu'il faut faire pour ceux qui ne le paient pas... ce que l'on s'est bien gardé de faire, il n'y a pas si longtemps, lorsqu'il s'est agi de supprimer certains impôts, par ailleurs non dénués de progressivité.
Il convient de préciser dans cette perspective qu'il n'y a pas de lien entre la baisse des impôts et une éventuelle hausse de la prime pour l'emploi.
Comme le précise expressément la loi, la prime pour l'emploi a pour objet de favoriser l'emploi pour les titulaires de bas salaires. Elle vise donc un objectif spécifique et concerne les seules personnes concernées par cet objectif. Ce n'est donc pas un impôt négatif mais un crédit d'impôt qui a sa propre logique économique.
La réduction d'impôt de 5 % poursuit, quant à elle, un objectif différent qui est d'alléger le poids des prélèvements obligatoires afin de soutenir l'initiative.
Faire évoluer la prime pour l'emploi en proportion de la baisse des impôts apparaît d'autant moins nécessaire que les bénéficiaires de cette prime devraient bénéficier du doublement de la part variable de la prime pour l'emploi décidé par le précédent gouvernement.
En réalité, si la mesure-phare du présent projet de loi de finances rectificative est aussi une mesure-cible, c'est sans doute parce que ceux qui en critiquent le caractère injuste, ne veulent pas voir que , dans un monde ouvert, il est des limites à la redistribution par l'impôt sur le revenu et que la lutte contre les inégalités passe surtout par des prestations sociales qui représentent près d'un tiers des revenus des Français.
Depuis une vingtaine d'années, la plupart des gouvernements n'ont pas cessé d'augmenter et d'élargir des prestations sociales, souvent sous conditions de ressources. Cette action en faveur des plus défavorisés s'est en fait accompagnée, en toute conjoncture, par l'alourdissement et la concentration des prélèvements sur un relativement petit nombre de foyers fiscaux : peut-on vraiment accroître fortement la pression fiscale sur les plus aisés dans les périodes de tension budgétaire pour ne l'alléger substantiellement en période de relâchement que pour les tranches les plus basses ? Il y a là une asymétrie, qui vient accroître le déséquilibre de notre régime de l'impôt sur le revenu, au moins relativement dès lors que nos principaux partenaires font évoluer leur système fiscal en sens inverse.
Pays |
Taux d'imposition marginal
supérieur
|
Allemagne |
48,5 % |
Espagne |
48 % |
États-Unis |
39,1 % (1) |
Italie |
45,5 % |
Royaume-uni |
40 % |
(1) Non compris l'impôt sur le revenu prélevé par les États fédérés.
Ainsi, la réduction de 5% qui constitue un coup d'arrêt à la distorsion du régime de l'impôt sur le revenu, marque-t-elle un courageux changement de cap de notre politique fiscale.
II. LE SIGNAL D'ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES INÉLUCTABLES
Dans la présentation générale du présent projet de loi de finances rectificative, il est bien précisé que cette réduction de 5 % n'est qu'une « première étape ». Elle s'inscrit dans la perspective de la baisse générale de la pression fiscale voulue et confirmée par le Président de la République dans le but de maintenir à la France sa compétitivité et qui devrait se traduire notamment par une baisse d'un tiers de l'impôt sur le revenu sur l'ensemble de la législature .
Sans entrer dans le détail d'un cheminement et tout en rappelant qu'il est évident que la longue marche vers la réduction des prélèvements obligatoires dépend dans une large mesure du taux de croissance de ces prochaines années, votre commission des finances estime que l'on doit se préparer à entamer un processus de réforme de structure.
Comme l'a souligné M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, il s'agit « d'adresser un signal fort de confiance aux Français, à leurs capacités de travail et d'initiatives, à leur sens de l'effort et de la responsabilité ».
A cet égard, votre commission des finances estime que la question de la réforme fiscale se pose dans des conditions assez différentes de celles dans lesquelles elle avait été envisagée lorsque, il y a plus de cinq ans, avait été mis en oeuvre le plan de M. Alain Juppé.
Aujourd'hui, on se situe dans un contexte de réforme de l'État et, s'il convient toujours d'alléger l'impôt, il ne s'agit pas d'une fin en soi. La diminution des impôts doit trouver sa place dans un plan global de stimulation de toutes les initiatives, où l'on prend en compte, également, la question des modalités de perception de l'impôt .
Ainsi, si le diagnostic que l'on peut faire sur l'état de notre régime d'impôt sur le revenu est finalement assez proche de celui fait depuis un certain nombre d'années déjà, les mesures à mettre en oeuvre apparaissent différentes et devoir procéder d'une volonté nette de simplifications et de transparence.
A. LE DIAGNOSTIC : UNE CONVERGENCE DANS L'ANALYSE
L'impôt sur le revenu est une matière sensible, propice aux polémiques. Pourtant, un examen rétrospectif des principaux rapports administratifs qui lui ont été consacrés, témoignent, en dépit des changements des contextes politiques, d'une relative convergence dans l'analyse.
Certes, son niveau était jugé excessif mais c'était surtout sa structure qui était considérée comme déséquilibrée et peu cohérente.
Notre système fiscal, et tout particulièrement notre régime d'imposition des revenus, souffre d'un mal très français , le perfectionnisme fiscal . Comme le remarque le Conseil des impôts dans son rapport précitéde 1990, notre système d'imposition pâtit d'une excessive personnalisation de l'impôt avec pour corollaires, la complexité et l'instabilité des règles fiscales.
Le dernier rapport en date de 2000, du même Conseil, consacré à l'impôt sur le revenu, souligne ainsi, à titre d'exemple, l' augmentation du volume des circulaires de l'administration, qui s'était accru à l'époque, de plus de 57 % en dix ans . On ne dispose pas de chiffres récents, mais il y a tout lieu de penser que cette tendance s'est poursuivie.
Cette complexité de la règle fiscale est directement liée au niveau des prélèvements. Comme le souligne la Commission d'étude des prélèvements obligatoires de 1995, présidée par M. Ducamin, « le niveau jugé élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison de mécanismes en tous genres [...] qui entachent gravement la progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces mécanismes, et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de l'économie ».
Mais, la multiplication des régimes spécifiques affecte non seulement la lisibilité des règles, mais leur stabilité .
L'autre caractéristique du système fiscal dénoncée régulièrement est le perpétuel changement des règles du jeu fiscal. En certaines matières, on ne compte pas moins d'un nouveau régime tous les deux ans, quand ce n'est pas tous les ans, dans le cadre d'un processus qui n'est pas sans rappeler la course de la lance et de la cuirasse : un nouveau régime est mis en place dont certains contribuables trouvent rapidement les failles, ce qui conduit à son adaptation, et ainsi de suite...
Bref, la plupart des experts s'accordent à considérer qu' il est urgent de simplifier notre système d'imposition des revenus . C'est aujourd'hui d'autant plus nécessaire qu' il ne s'agit pas simplement de faciliter la compréhension, et donc l'acceptation du prélèvement par les contribuables ; il faut aussi rendre plus efficace le prélèvement de la ressource , dont on a encore récemment rappelé que le coût en était en France particulièrement élevé.
B. LES PRINCIPES D'UNE RÉFORME : SIMPLIFICATION ET TRANSPARENCE
A la différence des réformes fiscales précédentes, qu'il s'agisse du plan de M. Alain Juppé ou de celui de M. Lionel Jospin, il convient de situer les mesures qui devront être mises en oeuvre au cours de la présente législature dans le cadre d'une réforme de l'État et, en l'occurrence, du mode de collecte de l'impôt.
On ne peut plus, aujourd'hui, penser notre système d'imposition des revenus indépendamment de la question du prélèvement de l'impôt à la source. Tous les pays européens, ou presque, le pratiquent, les Français y sont, d'après les sondages, favorables.
Le rapport du Conseil des impôts de 1990 se livre à une analyse très approfondie des obstacles qui empêchent la France de passer à un régime de prélèvement à la source. Ils tiennent tous à la complexité et à l'excessive personnalisation de l'impôt sur le revenu et il conviendrait donc, à ce titre, que la mise en place du prélèvement à la source ne consiste pas simplement à transférer les difficultés techniques de l'administration fiscale vers les entreprises !
Nul doute qu'un tel système s'accommode en effet mal de l'imposition conjointe, qu'il rend plus complexes, sauf à priver la réforme de la plupart de ses avantages, les multiples possibilités de réduction d'impôt ou de déduction du revenu global ouvertes par la législation actuelle et qu'il suppose une limitation drastique du nombre des tranches qui ne peut guère dépasser trois ou quatre, y compris la tranche à taux zéro.
Une telle remise à plat suppose que l'on règle un certain nombre d'anomalies, qu'il s'agisse du régime fiscal de la CSG, actuellement partiellement déductible sans raison évidente, du mécanisme de la décote qui accroît, en dépit de tous les aménagements, la progressivité à l'entrée du barème ou de l'abattement de 20 % dont bénéficient les salariés et les adhérents à un centre de gestion agréé, dont on remarque que, s'il était intégré au barème, il ferait apparaître un taux de la tranche marginale beaucoup plus raisonnable, de l'ordre de 42 %, très proche de celui que s'est fixé comme objectif la réforme fiscale allemande.
La mesure de la baisse de 5 % n'est donc pas une fin en soi. Elle est l'amorce d'une nouvelle politique, le signe adressé à tous ceux qui innovent et qui créent de la valeur par leur travail, que leurs efforts seront récompensés. Elle doit s'insérer dans le cadre d'une politique, à moyen terme, diversifiée de réductions des prélèvements obligatoires. Comme l'a rappelé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, la mesure s'inscrit dans un ensemble qui concernera également d'autres impôts, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés, de la baisse sélective de la TVA et, enfin et surtout, de la baisse des charges qui est favorable à l'emploi.
En tout état de cause, la réduction qu'il est proposé de mettre en oeuvre avec le présent article n'a de sens que si elle est financée , c'est-à-dire que si elle s'accompagne d'une rupture avec la pratique usuelle du « toujours plus ». Comme l'affirme M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, la baisse des impôts et des charges signifie que « l'État entend prendre, enfin, toute sa part au travail d'assainissement nécessaire. Il n'est pas des réductions des impôts durables sans stabilisation de la dépense ».
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE
2
Prélèvements institués au profit du budget annexe
des prestations sociales agricoles (BAPSA)
Commentaire : le présent article vise à instituer, pour 2002, trois prélèvements sur des organismes agricoles pour un montant total de 456 millions d'euros, afin de financer une partie du déséquilibre financier du budget annexe des prestations sociales agricoles en 2002.
I. LA RÉALITÉ DU BESOIN DE FINANCEMENT DU RÉGIME DE PROTECTION SOCIALE DES NON-SALARIÉS AGRICOLES
A. LE BAPSA EN CONSTANT DÉFICIT D'EXÉCUTION DEPUIS 1997
Depuis 1997, tous les exercices du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) se sont soldés par un déficit d'exécution mettant en évidence les difficultés d'une réelle gestion budgétaire de ce budget annexe. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001, la Cour des comptes rappelle que « ce régime quel que soit son périmètre est structurellement déficitaire. Au total, les cotisants actifs représentent le tiers des personnes protégées et (...) les cotisations couvrent moins du cinquième des dépenses ».
Les déficits constatés depuis 1997 ont eu, avant tout, pour origine une sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du BAPSA, notamment des dépenses d'assurance-maladie, ainsi qu'une constante sur-estimation des recettes de cotisations sociales.
Financement du résultat du BAPSA
(en millions d'euros)
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
|
LFI Crédits Recettes |
13.978 13.978 |
13.954 13.954 |
13.930 13.930 |
14.184 14.184 |
14.383 14.383 |
14.436 14.436 |
14.683 14.683 |
Exécution Dépenses Recettes |
13.905 13.712 |
13.766 13.845 |
13.947 13.868 |
14.312 14.306 |
14.597 14.462 |
14.906 14.827 |
15.331 15.306 |
Résultat |
- 193 |
78 |
- 80 |
- 6 |
- 134 |
- 80 |
- 25 |
Fonds de roulement |
253 |
331 |
252 |
246 |
112 |
32 |
7 |
En % |
1,82 % |
2,38 % |
1,80 % |
1,72 % |
0,76 % |
0,21 % |
0,04 % |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001
Au cours de la législature précédente, le gouvernement privilégiait le recours à une imposition affectée à la sécurité sociale, la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) comme variable d'ajustement du déséquilibre budgétaire du BAPSA. Le présent article vise à mettre fin à cette pratique tout en ne faisant pas peser l'intégralité du financement de ce déséquilibre sur le budget de l'Etat.
Le déficit du BAPSA est, de droit, financé par son fonds de roulement dont les réserves se sont cependant drastiquement réduites depuis 1996.
Cette diminution du fonds de roulement a eu pour conséquence d'obliger le régime des non-salariés agricoles à recourir davantage à l'emprunt. Le plafond d'avances de trésorerie consenti au régime agricole, qui était de 8,5 milliards de francs (1,3 milliard d'euros) en 1997 et 1998, s'est élevé à 10,5 milliards de francs (1,6 milliard d'euros) en 1999 et 2000, puis à 13,5 milliards de francs (2,06 milliards d'euros) en 2001. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a porté ce plafond à 2,21 milliards d'euros. Cette évolution à la hausse du plafond d'avances a eu pour conséquence une augmentation exponentielle des charges d'emprunt et notamment une brusque montée des frais financiers du BAPSA entre 1999 et 2000.
Comme le précise la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2001, « le besoin de financement complémentaire est actuellement pris en charge à hauteur d'un peu moins de 50 % par la collectivité nationale à travers l'affectation directe de taxes ou bien le versement de contributions du budget général et d'un peu moins de 40 % par la solidarité entre les régimes ».
Toutefois, depuis 1997, la contribution de l'Etat au financement du BAPSA, via notamment la subvention d'équilibre du budget général, est en forte diminution.
Les contributions de l'Etat au BAPSA depuis 1997
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Parallèlement à cette diminution de la contribution de l'Etat au financement du BAPSA, on peut noter que les recettes du BAPSA ont bénéficié d'une augmentation du produit de la TVA qui lui a été affecté ainsi que de l'affectation d'une part croissante de C3S. Ainsi, l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2001 prévoit l'affectation d'un montant supplémentaire de C3S de 1,542 milliard de francs (235,08 millions d'euros) censé permettre de financer intégralement le déséquilibre budgétaire du BAPSA en 2001. Toutefois cette affectation supplémentaire de C3S au BAPSA n'a pas permis de couvrir intégralement le déficit d'exécution pour 2001 et ce sont plus de 200 millions d'euros de charges qui ont dû être reportés sur l'année 2002 comme l'ont révélé le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2001 ainsi que l'audit de la situation des finances publiques réalisé par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse en juin 2002.
A cet égard, la Cour des comptes a souligné dans son rapport précité, à propos de l'exécution du budget annexe des prestations sociales agricoles, que « l'année 2001 a été marquée par l'impossibilité d'ajuster, en fin de gestion, les recettes au niveau des charges du budget annexe qui, de ce fait, a du reporter sur 2002 le paiement de certaines dépenses ».
L'exécution budgétaire pour 2001 s'est ainsi traduite par un report de charges de 218,1 millions d'euros sur 2002, correspondant à :
- 166,93 millions d'euros au titre de l'acompte mensuel de dotation globale hospitalière de décembre 2001 qui n'a pu être payé que sur la gestion 2002 ;
- 26,47 millions d'euros au titre de la régularisation de la compensation démographique vieillesse pour 2000 ;
- 24,65 millions d'euros au titre des dépenses d'assurance maladie des professionnels de santé et des étudiants.
La Cour des comptes précise qu' « en dépit de ces reports de charges, l'exécution de 2001 s'est traduite par une insuffisance de recettes de 31,9 millions d'euros prélevées sur le fonds de roulement du budget annexe. Celui-ci s'établit à la clôture de la gestion 2001 à 6,7 millions d'euros ».
En définitive, la Cour des comptes est très pessimiste quant aux perspectives d'exécution du BAPSA en 2002 : « la situation de la fin de l'exercice 2001 ne laisse pas d'inquiéter. En effet, l'incapacité dans laquelle s'est trouvé le BAPSA d'honorer toutes les charges relevant de la gestion courante a conduit à les faire peser sur la gestion 2002, alors même que les crédits ouverts permettent seulement de faire face à la reconduction de la dépense 2001. Les dépenses 2001 ont atteint 15.331,2 millions d'euros, les crédits ouverts pour 2002 s'élèvent à 15.368 millions d'euros. Toutes choses égales par ailleurs, le déficit prévisionnel devrait s'élever au montant des reports de charges, majoré des facteurs internes d'évolution de la dépense, c'est-à-dire avant tout de la dérive de l'assurance maladie et minorée des éléments exceptionnels enregistrés en 2001, notamment en matière de régularisation de la compensation démographique qui a atteint un niveau très élevé et vraisemblablement non reconductible ».
B. UN BESOIN DE FINANCEMENT DU BAPSA SANS PRÉCÉDENT EN 2002
Les projections relatives à l'exécution budgétaire du budget annexe des prestations sociales agricoles pour l'exercice 2002, réalisées notamment par l'audit précité de MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, laissent prévoir un solde déficitaire du BAPSA, par rapport aux estimations retenues en loi de finances initiale pour 2002, de l'ordre de 750 millions d'euros.
Ce solde déficitaire est le résultat, à la fois, d'une dérive des dépenses de protection sociale, non seulement sur l'année 2002, avec notamment un dérapage des dépenses d'assurance maladie, mais aussi sur l'année 2001 ce qui entraîne des reports de charges de l'exercice 2001 sur la gestion 2002, et d'une moins-value de recettes, notamment des recettes de TVA et de cotisations sociales.
1. Un surcroît de dépenses de 490,9 millions d'euros en 2002
Pour 2002, le présent projet de loi de finances rectificative fait état d'un surcroît de dépenses du budget annexe des prestations sociales agricoles de 490,9 millions d'euros 64 ( * ) qui se décompose ainsi :
- 22 millions d'euros supplémentaires au titre de la dette ;
- 372 millions d'euros supplémentaires au titre des dépenses de prestations maladie maternité, dont 166,93 millions d'euros correspondent à un report de charges de l'exercice 2001 sur la gestion 2002 au titre de l'acompte mensuel de la dotation globale hospitalière ;
- 5 millions d'euros supplémentaires au titre des dépenses de prestations invalidité ;
- 67,9 millions d'euros supplémentaires au titre des dépenses de prestations vieillesse, dont 26,47 millions d'euros de reports de charges de l'exercice 2001 sur la gestion 2002 au titre de la régularisation de la compensation démographique vieillesse pour 2000 ;
- 24 millions d'euros de reports de charges au titre de la participation du BAPSA aux dépenses de protection sociale des étudiants et des professionnels de santé.
2. Des moins-values de recettes de 256 millions d'euros en 2002
L'état A du présent projet de loi de finances rectificative donne le détail de la révision des évaluations de recettes du BAPSA pour 2002 :
- les recettes de cotisations sociales seront inférieures de 45 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2002, avec une moins-value de 7,75 millions d'euros des recettes de cotisations familiales, de 22,83 millions d'euros des recettes de cotisations vieillesse et de 14,42 millions d'euros des recettes de cotisations maladie ;
- la cotisation incluse dans la taxe sur la valeur ajoutée rapportera 183 millions d'euros de moins que le montant prévu en loi de finances initiale pour 2002 ;
- enfin, la contribution de la Caisse nationale des allocations familiales au financement des prestations sera inférieure de 28 millions d'euros au montant prévu en loi de finances initiale pour 2002.
Au total les moins-values de recettes du BAPSA s'élèvent donc en 2002 à 256 millions d'euros.
Le BAPSA ayant été voté en léger suréquilibre de 900.000 euros au moment de l'adoption de la loi de finances initiale pour 2002 65 ( * ) , l'insuffisance à couvrir au titre du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2002 est donc de 746 millions d'euros , comme le confirment les données du tableau suivant, fourni par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
BAPSA
PREVISIONS D'EXECUTION
( EXERCICE 2002 )
DEPENSES (en M€) |
RECETTES (en M€) |
||||||||
INTITULES |
LFI 2002 |
Prévision Exécution |
Ecart Exécution/LFI |
Collectif |
INTITULES |
LFI 2002 |
Prévision Exécution |
Ecart Exécution/LFI |
Collectif |
Titre I |
|||||||||
Dette |
45,73 |
68,00 |
+ 22,27 |
+ 22 |
Cotisations sociales |
1.727,99 |
1.683,00 |
- 44,99 |
- 45 |
Titre III |
|||||||||
TVA ( nette de restitutions) |
4.454,26 |
4.271,00 |
- 183,26 |
- 183 |
|||||
Taxes sur produits |
264,35 |
264,35 |
- |
||||||
Restitutions (Taxes) |
mémoire |
mémoire |
mémoire |
mémoire |
|||||
FSV |
155,35 |
155,35 |
- |
||||||
Titre IV |
FSI |
13,31 |
13,31 |
- |
|||||
Maladie, maternité |
5.463,11 |
5.834,92 |
+ 371,81 |
+ 372 |
|||||
Invalidité |
63,88 |
68,87 |
+ 4,99 |
+ 5 |
Contribution CNAF |
242,85 |
215,16 |
- 27,69 |
- 28 |
Allocation remplacement |
15,24 |
15,24 |
- |
Compensation démographique |
5.735,74 |
5.735,74 |
- |
||
Assurance veuvage |
1,83 |
1,83 |
- |
||||||
Etalement cotisations |
12,20 |
12,20 |
- |
CSG |
807,98 |
807,98 |
- |
||
Prestations Familiales |
590,13 |
590,13 |
- |
CSSS |
520,00 |
520,00 |
- |
||
Prestations vieillesse |
7.945,03 |
8.012,93 |
+ 67,90 |
+ 67,9 |
Recettes diverses |
12,20 |
12,20 |
- |
+ 456 |
Sésam-Vitale |
7,62 |
7,62 |
- |
AAH |
55,80 |
55,80 |
- |
||
PAM et étudiants |
114,34 |
138,34 |
+ 24,00 |
+ 24 |
Subvention d'équilibre |
270,20 |
270,20 |
- |
+ 290 |
Total Général |
14.259,11 |
14.750,08 (A) |
+ 491,0 |
+ 490,9 |
Total Général |
14.260,01 |
14.004,08 (B) |
- 255,93 |
+ 490 |
Insuffisance à couvrir : |
- 746,00 (B) - (A) |
II. LES MODALITÉS DE LA RÉDUCTION DU BESOIN GLOBAL DE FINANCEMENT DU RÉGIME DE PROTECTION SOCIALE DES NON-SALARIÉS AGRICOLES
Le présent article vise à permettre une réduction du besoin global de financement du régime de protection sociale des non-salariés agricoles, chiffré par le présent projet de loi de finances rectificative à 746 millions d'euros en 2002.
Le présent article instaure ainsi des prélèvements sur trois organismes agricoles, au profit du BAPSA, pour un montant total de 456 millions d'euros, les 290 millions d'euros restant étant financés par une majoration de la subvention d'équilibre du budget général.
A. LE PRÉLÈVEMENT INSTITUÉ SUR LA SOCIÉTÉ ANONYME « UNIGRAINS »
Le I du présent article vise à instituer, pour 2002, au profit du BAPSA, un prélèvement de 165 millions d'euros sur la société anonyme « Union financière pour le développement de l'économie céréalière », également appelée UNIGRAINS.
Il est précisé que l'assiette de ce prélèvement est constituée par une fraction du produit du recouvrement et du placement de la taxe pour le financement des actions du secteur céréalier.
1. Statut d'UNIGRAINS et perception d'une taxe parafiscale
UNIGRAINS est une société anonyme ayant le statut de société financière au sens de la loi bancaire de 1984 66 ( * ) . Elle développe depuis sa création deux types d'activités de nature distincte, d'une part, une activité propre d'établissement financier pour le compte de ses actionnaires privés, d'autre part, une activité de gestion de fonds sans personnalité juridique, dont les ressources sont affectées à des missions spécifiques et dont les bénéfices ne sont pas distribuables aux actionnaires.
Majoritairement détenue par les organisations professionnelles et les banques, elle a été constituée en 1963 en vue de gérer un fonds de garantie à l'exportation des céréales résultant d'un accord passé entre l'Etat et les organismes professionnels représentant les producteurs de céréales. Ce fonds a fait l'objet d'une convention passée le 24 juillet 1964 entre UNIGRAINS et l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC). La convention prévoyait le reversement à UNIGRAINS d'une partie de la redevance dite « hors quantum » perçue sur le prix des céréales à l'exportation.
Entre 1964 et 1982 trois autres fonds, sans personnalité juridique, ont été constitués :
- le Fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs (FSCE) ;
- le Fonds de dotation à l'élevage ;
- le Fonds d'utilisation réglementée (FUR).
Ces fonds, qui interviennent principalement par prises de participation, apports de quasi-fonds propres, prêts et subventions dans les entreprises des différentes filières agricoles, représentent l'essentiel de l'activité d'UNIGRAINS. Ils sont régis par une convention conclue entre l'Etat et UNIGRAINS le 7 juillet 1983 (modifiée par quatre avenants entre 1993 et 1997) qui en fixe les conditions de fonctionnement. Ils sont soumis au contrôle économique et financier de l'Etat.
Le Fonds de garantie à l'exportation des céréales ainsi que le Fonds de solidarité des céréaliculteurs et des éleveurs ont été constitués à partir de versements de l'ONIC correspondant, d'une part, aux prélèvements opérés sur le prix des céréales à la production, accessoirement aux charges hors quantum, et, d'autre part, à une partie de la taxe dite de « statistique ».
Puis le décret n° 82-723 du 23 août 1982 relatif à la taxe parafiscale perçue pour le financement des actions du secteur céréalier (taxe FASC) a disposé que la partie du produit de cette taxe qui reviendrait au FSCE lui serait affectée directement, sans passer par le canal de l'ONIC. Cette affectation directe de la taxe FASC à UNIGRAINS a précisément fait l'objet de la convention passée entre l'Etat et UNIGRAINS le 7 juillet 1983.
De 1993 à 1996, le FSCE, toujours géré par UNIGRAINS, a reçu des concours financiers provenant de l'Institut technique des céréales et des fourrages (ITCF). Ce transfert s'est fait sur la base d'une convention de « mandat » prévoyant qu'UNIGRAINS mettait en oeuvre pour le compte de l'ITCF un programme quinquennal d'actions concourant au développement des débouchés des céréales et produits dérivés et à l'exploration de nouveaux débouchés.
Enfin, les décrets successifs relatifs à la taxe FASC pris entre le 1 er juillet 1997 et le 30 juin 2000, ont à nouveau prévu l'affectation directe au FSCE d'une partie de cette taxe.
L'affectation de la FASC au FSCE a été définitivement supprimée à compter de la campagne 2000/2001, par anticipation sur les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 prévoyant la disparition définitive de toutes les taxes parafiscales en 2004.
Principales ressources externes dont a bénéficié UNIGRAINS depuis sa création
Période d'affectation des ressources |
|
Texte l'établissant |
% d'affectation à Unigrains |
|
Modalités à versement à Unigrains |
Montant
(en € ) |
1964 -1969 |
Redevance
|
Nd |
Nd |
Nd |
Indirect (via l'ONIC) |
6 M € |
1970 - 1982 |
Taxe
|
Loi n° 50-928 du 08/08/50 modifiée et avenant du 20/10/70 à la convention du 24/07/64 |
Variable selon les céréales |
ONTC & ITCF |
Indirect (via l'ONIC) |
202 M € |
1982 - 1992 |
Taxe
|
Décrets n° 82-733 du 23/08/82 et n° 87-677 du 17/08/87 |
UNIGRAINS 40 % |
ONIC 48 % ITCF 12 % |
Direct |
FSCE 1 :
FSCE 2 A :
FSCE 2B :
|
1993-1996 |
Reversement par l'ITCF d'une partie de la taxe FASC |
Décret n° 92-1122 du 02/10/92 et convention ITCF |
Montant forfaitaire annuel fixé dans la convention de mandat |
ONIC
|
Indirect (via l'ITCF) |
17 M € |
1997 - 2001 |
Taxe
|
Décret n° 97-174 du 25/02/97 et n° 97-1265 du 29/12/97 |
49, 0 % (96/97) puis 8,5 % |
ONIC
|
Direct |
48 M € |
Désormais, le décret n° 2000-1296 du 26 décembre 2000, instituant une taxe parafiscale pour le financement des actions du secteur céréalier, précise que le produit de cette taxe est affecté pour partie à l'ONIC, pour partie à l'ITCF, jusqu'à la fin de la campagne 2002/2003.
2. La justification juridique du prélèvement de 165 millions d'euros sur UNIGRAINS
L'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales dispose que, « en application de l'article 9 de la loi susvisée du 25 juillet 1953, en cas de suppression ou de suspension d'une taxe parafiscale ou de dissolution de l'organisme bénéficiaire, un arrêté conjoint des ministres de tutelle détermine les conditions dans lesquelles sera poursuivi le recouvrement des états exécutoires et seront apurés les comptes relatifs aux opérations en cours. Le même arrêté décide, s'il y a lieu, la liquidation du patrimoine acquis au moyen du produit de la taxe et fixe les modalités de cette liquidation. Les boni de liquidation sont versés au Trésor. Toutefois, ils peuvent, par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport des ministres de tutelle, être dévolus en tout ou partie soit à l'organisme lui-même, soit à des organismes poursuivant un objet semblable à celui en vue duquel les taxes supprimées avaient été instituées ».
En outre, l'article 11 de la convention du 7 juillet 1983 entre l'Etat et UNIGRAINS précise que, « en cas de suppression du FSCE ou du FUR ou de transfert des Fonds, ou en cas de dénonciation de l'actuelle convention, la dévolution des actifs, des droits et des obligations des différents Fonds se fera par voie conventionnelle ou, à défaut, dans les conditions prévues à l'article 13 du décret de 30 octobre 1980 ».
Dès lors, dans la mesure où depuis la campagne 2000/2001, UNGRAINS n'est plus affectataire direct de la taxe FASC, se pose la question de la liquidation du patrimoine acquis au moyen du produit de cette taxe parafiscale et de l'identification de la part du patrimoine au bilan d'UNIGRAINS issue des ressources provenant de cette taxe.
Cette question a fait l'objet d'un rapport d'audit sur la valorisation du patrimoine et la situation fiscale de la société UNIGRAINS établi conjointement par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'agriculture en avril 2002, à la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que du ministre de l'agriculture.
a) Un imbroglio juridique
(1) L'analyse très critique de la Cour des comptes en 1998
Dans son rapport public de 1998, la Cour des comptes avait consacré un chapitre à l'utilisation du produit de taxes parafiscales par la société UNIGRAINS et l'Institut technique des céréales et des fourrages. À cet égard, elle soulignait notamment que « l'importance de leurs ressources les a conduits à constituer une trésorerie abondante et à accorder des aides qui ne correspondent ni à leur objet ni à celui des taxes qui les financent. En outre, la société UNIGRAINS, mal contrôlée par ses tutelles, se caractérise par une structure et une comptabilité particulièrement complexes, ainsi que par des avantages fiscaux qui posent problème au regard des règles de la concurrence ».
S'agissant du montant des ressources parafiscales perçues par UNIGRAINS, la Cour des comptes indiquait que « mise à part certains cas particuliers, UNIGRAINS utilise ses ressources d'origine publique, non seulement pour accorder des prêts et des prises de participations, mais aussi pour réaliser des placements de trésorerie. En conséquence, UNIGRAINS réalise une véritable accumulation de ressources parafiscales, d'autant plus rapide que les placements génèrent des produits qui viennent à leur tour augmenter ces ressources. (...) rien ne justifie l'importance d'une trésorerie qui représente fin 1997 plus de 5 ans d'interventions financières nouvelles en moyenne ».
S'agissant de la comptabilité de la société UNIGRAINS, la Cour des comptes a relevé son extrême complexité, qui « ne garantit même pas l'absence de transferts financiers en direction de l'activité privée ». En outre, elle estime que « ces pratiques comptables affectent la sincérité des comptes dans la mesure où, s'agissant des produits de placements de trésorerie, elles minorent le résultat de l'activité de gestion des ressources parafiscales (...); s'agissant des subventions elles majorent ce résultat ».
Enfin, s'agissant du régime fiscal de la société UNIGRAINS, la Cour rappelle que depuis sa création, UNIGRAINS n'est assujettie à l'impôt sur les sociétés qu'au titre de son activité privée. De ce fait, l'impôt versé représente un montant faible. Elle précise que « dans l'hypothèse d'un assujettissement de son activité de gestion des ressources parafiscales, UNIGRAINS serait au contraire amenée à verser au Trésor au cours des derniers exercices plus de 50 millions de francs par an. (...) le régime fiscal d'UNIGRAINS ne trouve pas de justification satisfaisante. UNIGRAINS est le propriétaire des concours financiers reçus de l'ONIC entre 1963 et 1982, et de l'ITCF entre 1993 et 1996, et qui atteignent 1,44 milliard de francs, et près de 2 milliards de francs si l'on prend en compte leurs produits financiers accumulés, soit 50 % du total du bilan d'UNIGRAINS. S'agissant des taxes parafiscales qui ont été affectées par décret à UNIGRAINS, l'idée que l'Etat en ait conservé la propriété est difficile à étayer ».
(2) Une mission d'audit sur la valorisation du patrimoine et la situation fiscale de la société UNIGRAINS en 2002
L'objectif de cet audit, mené conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'agriculture, était notamment d'établir le montant des fonds gérés par UNIGRAINS attribués, d'une part, par affectation directe de taxes parafiscales, d'autre part, par attributions de subventions par des organismes tiers, et de déterminer une méthodologie équitable de répartition des produits financiers générés par l'activité d'UNIGRAINS, dans le respect des intérêts de l'Etat.
Le contenu de ce rapport confidentiel d'audit a été confié par le ministre, à sa demande, à votre rapporteur général. Les débats parlementaires à l'Assemblée nationale ont déjà pu faire état d'une partie du contenu de ce rapport. Dès lors, et dans le respect des règles relatives à la confidentialité des rapports d'inspection, votre rapporteur général souhaiterait s'arrêter ici sur les difficultés juridiques liées à l'identification de la part du patrimoine au bilan d'UNIGRAINS issue des ressources provenant de la taxe parafiscale.
L'incertitude juridique porte notamment sur les ressources d'UNIGRAINS susceptibles d'être concernées par le décret susvisé du 30 octobre 1980.
Selon une analyse de la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, datant de septembre 1999, seule la part de la taxe FASC affectée directement à UNIGRAINS et le produit de son placement seraient susceptibles d'être concernés par les dispositions du décret du 30 octobre 1980. La Cour des comptes, dans les observations de son rapport public de 1998, notait que « s'agissant des taxes parafiscales qui ont été affectées par décret à UNIGRAINS, l'idée que l'Etat en ait conservé la propriété est difficile à étayer ». Sur le plan comptable, il faut cependant souligner que les fonds gérés avaient fait l'objet d'un traitement particulier et homogène, n'opérant aucune distinction entre les différents types de ressources externes perçues.
Le choix le plus restrictif retenu par les pouvoirs publics en cas de décision de liquidation du patrimoine d'UNIGRAINS issu des ressources provenant de la taxe FASC serait de ne retenir, au sein du patrimoine correspondant à chacune des cinq catégories de ressources versées à UNIGRAINS, que la part issue des ressources provenant de la taxe FASC affectée directement à UNIGRAINS et non par un canal indirect.
En effet, les dispositions de l'article 13 du décret susvisé du 30 octobre 1980 s'appliqueraient, en cas de décision par les pouvoirs publics de liquidation du patrimoine acquis au moyen du produit de la taxe, aux taxes parafiscales dont UNIGRAINS a été directement affectataire, à savoir la seule taxe FASC, et à la fraction du patrimoine acquise par UNIGRAINS au moyen de leur produit.
S'agissant de l'applicabilité de cet article aux autres ressources parafiscales reçues par UNIGRAINS, une incertitude juridique demeure. La fraction du patrimoine d'UNIGRAINS acquise au moyen de subventions ou de dons versés par des tiers tels que l'ONIC ou l'ITCF doit-elle être prise en compte ?
En outre, il faut rappeler que, dans la mesure où le patrimoine d'UNIGRAINS est composé de titres de placement, de titres de participation et d'obligations ainsi que de créances sur les entreprises auxquelles la société accorde des prêts, c'est la valeur de marché du patrimoine d'UNIGRAINS, acquis au moyen du produit de la taxe parafiscale, qui doit être prise en compte.
b) Les modalités du prélèvement de 165 millions d'euros institué par le présent article sur UNIGRAINS en 2002
Le présent article institue pour 2002, au profit du BAPSA, un prélèvement de 165 millions d'euros sur UNIGRAINS, en précisant que l'assiette de ce prélèvement est constituée par une fraction du produit de recouvrement et du placement de la taxe pour le financement des actions du secteur céréalier.
Par le présent article, le gouvernement décide donc, dans le but de faire face à un besoin de financement exceptionnel du BAPSA en 2002, de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 13 du décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 sur les taxes parafiscales et de liquider le patrimoine acquis par UNIGRAINS au moyen du produit de la taxe FASC. De manière dérogatoire, ces boni de liquidation seront versés directement au BAPSA et non au Trésor, comme mentionné dans ce même article 13.
En outre, la précision selon laquelle l'assiette de ce prélèvement est constituée par une fraction du produit du recouvrement et du placement de la taxe FASC laisse à penser que le prélèvement de 165 millions d'euros sur UNIGRAINS ne constitue qu'une partie des boni de liquidation devant être versés par la société anonyme.
Dans le cas présent, le prélèvement prend la forme d'un impôt sur UNIGRAINS puisque le présent article en définit à la fois le montant et l'assiette.
La question se pose de savoir si ce prélèvement de 165 millions d'euros en 2002 ne risque pas de déséquilibrer durablement la trésorerie d'UNIGRAINS. D'après les informations recueillies par votre rapporteur général auprès des services compétents, le montant de la trésorerie d'UNIGRAINS s'élevait, au bilan de clôture 2001, à près de 333 millions d'euros. S'agissant de la trésorerie disponible, les chiffres présentés par UNIGRAINS font état de 172,3 millions d'euros, en déduisant les engagements restant à exécuter.
En outre, les informations fournies à votre rapporteur général s'agissant de l'évaluation de la valeur économique du patrimoine attribuable à la perception directe par UNIGRAINS de la taxe FASC font état d'un montant de l'ordre de 220 à 230 millions d'euros.
Votre rapporteur général estime donc que, dans la mesure où le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 13 du décret du 30 octobre 1980 susvisé, sans tenir compte de la convention de 1983 qui liait l'Etat et UNIGRAINS, pour faire face à un déficit exceptionnel du BAPSA et à une situation d'urgence en matière de protection sociale des exploitants agricoles, le prélèvement de 165 millions d'euros institué en 2002 sur UNIGRAINS est acceptable dans le seul cadre juridique de cette liquidation du patrimoine acquis au moyen du produit d'une taxe parafiscale. Il souhaite toutefois préciser que ce cadre juridique reste encore très incertain et que le présent article ne contribue pas à le clarifier.
S'agissant, en outre, de la quasi-totalité de la trésorerie disponible de la société, un tel prélèvement ne saurait à l'évidence être répété.
B. LE PRÉLÈVEMENT INSTITUÉ SUR LES RÉSERVES DU FONDS NATIONAL DE GARANTIE DES CALAMITÉS AGRICOLES
Le II du présent article institue, pour 2002, au profit du BAPSA, un prélèvement de 130 millions d'euros sur les réserves du Fonds national de garantie des calamités agricoles dont les avoirs disponibles sont placés auprès de la Caisse centrale de réassurance.
1. Le régime juridique et la situation financière du Fonds national de garantie des calamités agricoles
L'article L. 361-1 du code rural dispose que le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) est chargé d'indemniser les dommages matériels causés aux exploitations agricoles par les calamités agricoles ainsi que de favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles. En outre, l'article L. 361-5 du même code précise que les ressources du FNGCA affectées aux indemnisations sont constituées par :
- des contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance souscrites par les exploitants agricoles ;
- une subvention inscrite dans le budget de l'Etat et dont le montant sera au moins égal au produit des contributions additionnelles ci-dessus mentionnées.
En outre, il est précisé, conformément aux dispositions de l'article L. 431-11 du code des assurances, que la gestion comptable et financière du FNGCA est assurée par la Caisse centrale de réassurance dans un compte distinct de ceux qui retracent les autres opérations pratiquées par cet établissement. Les frais exposés par la Caisse centrale de réassurance pour la gestion du fonds lui sont remboursés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Enfin, l'article R. 361-3 du code rural dispose que les avoirs disponibles du FNGCA sont placés par la Caisse centrale de réassurance en valeurs.
Au 31 décembre 2001, les réserves de trésorerie du FNGCA s'élevaient à 273 millions d'euros. Il faut noter que depuis 1993 et notamment depuis 1999, le montant de la subvention de l'Etat au FNGCA s'est drastiquement réduite, ne respectant donc pas le principe de financement du fonds à parité entre l'Etat et les exploitants agricoles posé par l'article L. 361-5 du code rural. Toutefois, sur le long terme, le principe de parité a été globalement respecté du fait des fortes contributions de l'Etat au Fonds de garantie suite à des sinistres d'ampleur exceptionnelle, en 1978 (gel et inondations de 1977), en 1985 et 1986 (sécheresse et gel), ainsi qu'en 1989 et 1990 (sécheresse).
2. Les modalités du prélèvement institué sur le FNGCA au profit du BAPSA en 2002
Un prélèvement de 130 millions d'euros est institué, pour 2002, sur les réserves du FNGCA dont les avoirs disponibles sont placés auprès de la Caisse centrale de réassurance.
La question se pose de savoir si les ressources en trésorerie du FNGCA disponibles au 31 décembre 2002 lui permettront d'assumer pleinement ses fonctions, définies aux articles L. 361-1 et suivants du code rural, notamment ses fonctions d'indemnisations, une fois le prélèvement de 130 millions d'euros, prévu par le présent article, effectué.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur général auprès des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le niveau prévisionnel des recettes et des dépenses du FNGCA pour 2002 fait apparaître un solde de trésorerie disponible à la fin de l'exercice 2002 de l'ordre de 120 à 140 millions d'euros, en tenant compte du prélèvement exceptionnel de 130 millions d'euros institué par le présent article.
Les recettes attendues pour 2002 sont évaluées à 101 millions d'euros et se décomposent comme suit :
- 86 millions d'euros au titre des contributions additionnelles ;
- 10 millions d'euros au titre de la subvention de l'Etat ;
- 5 millions d'euros au titre des ressources diverses, notamment les produits financiers.
Les dépenses prévisionnelles pour 2002 sont globalement estimées à 110 millions d'euros.
Toutes les projections de dépenses du FNGCA sont cependant susceptibles de varier en fonction du taux de souscription des agriculteurs à l'assurance récolte mise en place récemment et dont la prise en charge repose sur le financement d'une fraction des primes ou cotisations émises au titre des contrats d'assurance. Les prévisions de dépenses à ce titre sont de l'ordre de 5 à 8 millions d'euros pour 2002 et près de 10 millions d'euros pour 2003.
Les autres dépenses du fonds, notamment les reliquats d'indemnisations dues au titre des années antérieures et au titre de l'année en cours, devraient s'élever à 100 millions d'euros en 2002.
Il faut en effet garder à l'esprit qu'au cours de l'exercice 2002, le FNGCA devra non seulement solder une partie des indemnisations des principaux sinistres traités en 1999, 2000 et 2001, à savoir les sinistres intervenus suite aux tempêtes de décembre 1999 ainsi que les inondations de la Somme datant du printemps 2001, pour un montant de l'ordre de 46 millions d'euros, mais aussi les sinistres intervenus en 2002.
En outre, le risque de sécheresse agricole pour l'année 2002 semble se confirmer mais son intensité et sa durée ne sont toutefois pas encore connues avec certitude. S'il se confirme, il impliquera nécessairement une intervention exceptionnelle du FNGCA, au titre de l'année 2003, sans doute, dans la mesure où les dossiers liés à la sécheresse devraient parvenir à la Commission nationale des calamités agricoles et être instruits au cours de l'exercice 2003 et des exercices futurs, compte tenu des délais de constitution et d'instruction des dossiers de demande d'indemnisation. Ces instructions différées auront sans doute un effet de lissage sur la dépense du fonds dans les années à venir.
Les réserves actuelles de trésorerie du FNGCA autorisent donc aujourd'hui un prélèvement exceptionnel de 130 millions d'euros en 2002, tout en gardant à l'esprit le poids des possibles dépenses futures d'indemnisation, par nature difficilement prévisibles puisque liées à l'occurrence de calamités agricoles. Votre rapporteur général estime que la marge de manoeuvre du fonds, telle qu'elle subsiste à l'issue du prélèvement envisagé, ne devra pas être réduite à l'avenir.
Évolution comparée du montant des dépenses et de la trésorerie du FNGCA (1992-2002)
(en millions d'euros)
C. LE PRÉLÈVEMENT INSTITUÉ SUR LES RÉSERVES ET REPORTS À NOUVEAU DES CAISSES DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE
1. Le dispositif proposé par le gouvernement
a) L'existence de réserves excédentaires des caisses de MSA
Le III du présent article institue pour 2002, au profit du BAPSA, un prélèvement de 161 millions d'euros sur les réserves et reports à nouveau des caisses de mutualité sociale agricole, au prorata de ces réserves et reports à nouveau disponibles inscrits à leurs comptes financiers au 31 décembre 2001.
Le recouvrement de ce prélèvement est assuré par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole par compensation sur les financements qu'elle alloue aux caisses de mutualité sociale agricole.
Un rapport conjoint de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale de l'agriculture et de l'inspection générale des affaires sociales, datant de janvier 2002 et consacré à la centralisation de la trésorerie de la Mutualité sociale agricole, a mis en évidence la constitution d'importantes réserves de trésorerie par la majorité des caisses départementales de mutualité sociale agricole.
C'est le système du financement à l'émission qui a conduit les caisses à constituer des réserves afin de couvrir le risque de non-recouvrement. Le décret n° 550 du 21 juin 1971, relatif à la gestion financière des caisses de mutualité sociale agricole, encadre ces réserves entre un minimum et un maximum et prévoit d'abonder la réserve par les résultats de gestion des caisses.
Les caisses de MSA sont ainsi tenues de constituer, d'après l'article 2 du décret du 21 juin 1971 susvisé, par affectation des excédents de gestion enregistrés à leurs comptes de pertes et profits, les réserves suivantes, qui sont seules autorisées :
- une réserve d'immobilisation en contrepartie des investissements effectués nécessaires au fonctionnement de la caisse, au financement des oeuvres sociales et à l'octroi de prêts aux ressortissants dans le cadre de l'action sanitaire et sociale ;
- une réserve générale destinée à couvrir les restes à recouvrer des cotisations techniques et de gestion ;
- des réserves spécifiques pour partie affectées à des activités complémentaires (médecine du travail, assurance complémentaire, accidents du travail des exploitants agricoles).
Ce système est à la base de l'autonomie financière des caisses de MSA. Selon les décisions du conseil d'administration, l'excédent de gestion peut donc être affecté à la constitution de marges de manoeuvre futures mais également au bénéfice des adhérents de façon indirecte (développement de l'action sociale et services de proximité) ou directe (baisse des cotisations de gestion, date et taux provisionnel d'appel des cotisations des exploitants, financement des reports d'échéance).
Le rapport d'inspection précité a mis en évidence, en bilan 2000, un montant total des réserves de MSA de 1,84 milliard d'euros, dont 1,64 milliard d'euros provenant des réserves des caisses départementales et près de 200 millions d'euros provenant des réserves de la caisse centrale. Le rapport souligne que l'accumulation de ces réserves a été peu maîtrisée par les caisses de MSA et que ces dernières « peuvent toujours agir sur leur excédent de gestion pour enrayer la croissance des réserves. Cette action passe notamment par le développement de l'action sanitaire et sociale envisageable après plusieurs années de gel des budgets, la modulation à la baisse des cotisations de gestion des exploitants et salariés mais également le report des dates d'appel des cotisations exploitants. Force est toutefois de constater que ces actions qui mobilisent les réserves en soutien de trésorerie et affectent les produits financiers, ne sont que très marginalement mises en oeuvre même au niveau des caisses les plus dotées de réserves ».
b) Les modalités du prélèvement de 161 millions d'euros sur les caisses de MSA prévues par le gouvernement
Le présent article vise à utiliser les réserves et reports à nouveau des caisses de mutualité sociale agricole pour financer le déséquilibre financier du BAPSA en 2002, à hauteur de 161 millions d'euros.
L'article 2 du décret du 21 juin 1971 précité définit la nature des réserves constituées par les caisses de MSA tandis que son article 4 précise les modalités d'affectation des résultats excédentaires de chaque exercice aux différents types de réserves. Lorsque les réserves ont atteint les plafonds fixés par le décret, les résultats excédentaires, quelle que soit leur origine, sont reportés en recettes sur l'exercice suivant et viennent en déduction des cotisations à mettre en recouvrement.
C'est à la lumière de ces deux articles du décret de 1971 qu'il faut analyser les dispositions du présent article selon lesquelles un prélèvement de 161 millions d'euros est institué pour 2002 sur les réserves et reports à nouveau des caisses de mutualité sociale agricole, au prorata de ces réserves et reports à nouveau disponibles inscrits à leurs comptes financiers au 31 décembre 2001.
Les informations fournies à votre rapporteur général n'ont pas permis de connaître avec exactitude la ventilation des différents prélèvements effectués sur les 78 caisses départementales de MSA.
Votre rapporteur général est toutefois en mesure d'indiquer que dans le texte initial du gouvernement, avant son examen à l'Assemblée nationale :
- les caisses n'ayant pas constitué de réserves ou ayant des réserves négatives ne devaient pas être mises à contribution ;
- le calcul des réserves disponibles a été effectué en retranchant du montant des réserves hors immobilisation, le montant de la réserve technique et celui de la mobilisation du fonds de solidarité, et en ne tenant compte que des résultats des caisses ayant constitué des réserves positives.
Dès lors, une fraction de l'ordre de 35 % des réserves disponibles des 65 caisses départementales disposant de réserves disponibles positives, sera prélevée sur ces dernières afin de contribuer au financement du déséquilibre du BAPSA.
Total des
réserves des caisses
de la Mutualité sociale agricole
au 31 décembre
2001
(en millions d'euros)
Réserves hors immobilisation (1) |
1.091 |
Réserve technique (2) |
620,8 |
Mobilisation des réserves destinées au Fonds de solidarité (3) |
106,4 |
Solde [1 - (2 + 3)] |
364 |
Réserves disponibles des caisses ayant un solde positif |
445,6 |
Prélèvement en 2002 |
161 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie |
Le présent article dispose en outre que le recouvrement de ce prélèvement est assuré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, par compensation sur les financements qu'elle alloue aux caisses de mutualité sociale agricole.
Il revient donc à la Caisse centrale de MSA de collecter l'ensemble des prélèvements sur chacune des caisses concernées, par compensation sur les financements qu'elle leur alloue, c'est-à-dire concrètement que la Caisse centrale minorera du prélèvement prévu sur chaque caisse départementale concernée le versement de dotations effectué aux dites caisses. Cette procédure de recouvrement a pour objet de réduire les flux financiers de sens contraire. La Caisse centrale de MSA effectuera ensuite le transfert du montant total du prélèvement (161 millions d'euros) au BAPSA.
2. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'initiative de notre collègue député Yves Censi, rapporteur spécial du BAPSA, modifiant les modalités du prélèvement de 161 millions d'euros institué en 2002 sur les caisses de mutualité sociale agricole.
Il est précisé que ce prélèvement est effectué selon les modalités suivantes :
- 16 millions d'euros sur les allocations de gestion versées aux caisses en vertu de l'article 723-11 du code rural, répartis au prorata du montant de l'assiette des cotisations mentionnées à l'article 731-10 du même code émises au titre de l'année 2001 ;
- 145 millions d'euros sur les réserves et reports à nouveau des caisses de mutualité sociale agricole, au prorata de ces réserves et reports à nouveau disponibles inscrits à leurs comptes financiers au 31 décembre 2001.
Ainsi, 10 % du montant total du prélèvement institué pour 2002 sur les caisses de MSA seront prélevés sur les allocations de gestion versées aux caisses de MSA en proportion du montant de l'assiette des cotisations techniques levées par chaque caisse. Cette forme de prélèvement doit permettre de faire participer toutes les caisses, même symboliquement, au financement de ce prélèvement en retenant une contribution minimale calculée au prorata de l'assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles émises au titre de l'année 2002, cette assiette sociale étant représentative de leur poids respectif dans le financement total de la gestion administrative de la MSA.
Le reste du prélèvement, soit 145 millions d'euros, demeure réparti, comme initialement proposé par le gouvernement, au prorata des réserves et reports à nouveau disponibles des caisses de MSA.
La modification ainsi adoptée à l'Assemblée nationale a pour but de faire participer toutes les caisses de MSA, ne serait-ce que de façon symbolique, au prélèvement de 161 millions d'euros institué au profit du BAPSA. Les modalités initialement retenues par le gouvernement avaient en effet pour conséquence de faire porter un effort relatif plus substantiel sur les caisses ayant su gérer leurs dépenses de fonctionnement. Toutefois, il faut garder à l'esprit que le dispositif adopté à l'Assemblée nationale, reposant sur l'assiette des contributions émises, conduira à réduire les moyens de fonctionnement des caisses, y compris de celles qui ne sont pas concernées par la deuxième partie du prélèvement car ne disposant pas de réserves positives.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Conscient du caractère exceptionnellement grave de la situation financière du BAPSA en 2002, votre rapporteur général ne peut désapprouver la volonté du gouvernement de trouver des solutions pour y remédier.
Ces solutions ont consisté pour 2002, outre à doubler la subvention d'équilibre du budget général versée au BAPSA, à instituer trois prélèvements exceptionnels sur des organismes agricoles à hauteur de 456 millions d'euros.
Votre rapporteur général souhaiterait toutefois exprimer son inquiétude quant à l'évolution future de la situation financière du BAPSA et son souci de voir mettre en place un cadre comptable et financier stable du BAPSA.
A. LA DISPARITION À TERME DU BAPSA
Il convient ici de rappeler que, si la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances n'a pas supprimé les budgets annexes, la rédaction de son article 18 rend encore plus rigoureuses les conditions qui autorisent d'y recourir. Ainsi, il ressort du texte adopté et des travaux préparatoires, que le législateur organique a estimé nécessaire de conserver le seul budget annexe de l'aviation civile. Le BAPSA sera donc amené à disparaître au plus tard d'ici le premier exercice d'entrée en vigueur des dispositions budgétaires de la nouvelle loi organique, à savoir d'ici 2006.
La suppression à terme du BAPSA devrait entraîner son intégration dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, l'ensemble du régime social agricole devrait être examiné par le Parlement au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme l'ensemble des autres régimes sociaux des non-salariés. En outre, il faut rappeler que le BAPSA ne recouvre à l'heure actuelle qu'une partie du régime social des exploitants agricoles puisqu'il exclut, de fait, les salariés agricoles, le régime des accidents du travail des exploitants agricoles ainsi que les dépenses de gestion, d'action sanitaire et sociale en faveur des agriculteurs.
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE GESTION BUDGÉTAIRE RÉALISTE DU BAPSA
Comme votre rapporteur général l'a souligné précédemment, le déséquilibre financier du BAPSA en 2002 résulte notamment d'une dérive des dépenses du budget annexe, notamment de ses dépenses d'assurance maladie, et d'une surévaluation, en loi de finances initiale, du montant attendu de certaines recettes en 2002.
Ce double phénomène agissant dans le même sens sur le résultat du BAPSA n'est pas nouveau puisqu'il s'est répété tous les ans depuis 1997 provoquant chaque année un creusement du déficit d'exécution du BAPSA pour parvenir en 2002 à une situation extrême et à un besoin de financement de l'ordre de 750 millions d'euros.
Votre rapporteur général estime donc à l'avenir indispensable de faire reposer la préparation du BAPSA sur des prévisions de recettes et de dépenses réalistes, tenant compte de la tendance effective des années antérieures et des prévisions économiques.
C. « AUX GRANDS MAUX LES GRANDS REMÈDES ... »
Dans son analyse des modalités des trois prélèvements institués sur des organismes agricoles au profit du BAPSA, votre rapporteur général a déjà eu l'occasion d'exprimer certaines de ses réserves tout en reconnaissant le caractère incontournable de la situation et, donc, la nécessité de trouver des solutions de financement immédiates.
Votre rapporteur général tient toutefois à rappeler que, de façon générale, la concertation et la négociation valent mieux que la pratique de ponctions autoritaires. Il estime en outre que le besoin de financement du BAPSA risque de perdurer au delà de 2002 du fait, par exemple, de la mise en oeuvre de la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, dont les premières manifestations financières devraient être constatées en 2003, du fait également de la dérive des dépenses d'assurance maladie qui ne devraient sans doute pas être maîtrisées d'ici 2003.
Tout cela rend indispensable de trouver des sources de financement pérennes au BAPSA et de faire reposer le BAPSA sur des prévisions de dépenses et de recettes réalistes, afin de garantir à terme l'équilibre du budget annexe sans avoir recours à de tels prélèvements exceptionnels. Des propositions claires sont attendues du gouvernement, d'ici à la prochaine loi de finances initiale, en vue de redéfinir les conditions d'un équilibre durable de ce régime social.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 3
Equilibre général
Commentaire : le présent article chiffre le montant du déficit budgétaire pour 2002 à 46 milliards d'euros.
I. UN ALOURDISSEMENT DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE 15,55 MILIARDS D'EURO
Le solde général du présent collectif tel qu'il figure au sein du présent article s'élève à - 46,005 milliards d'euros.
A. LA PRISE D'ACTE DE LA DÉGRADATION DES COMPTES DE L'ÉTAT À HAUTEUR DE 13 MILLIARDS D'EUROS
1. 8,64 milliards de moins-values de recettes fiscales et non fiscales
Ces révisions de recettes sont principalement dues à l'effet de la diminution du taux de croissance du PIB sur le rendement escompté de l'impôt sur les sociétés (- 2,54 milliards d'euros) ainsi que sur celui de la TVA nette (- 2,95 milliards d'euros). A cela s'ajoute, pour 3,26 milliards d'euros, la dégradation du niveau prévisionnel des recettes non fiscales.
2. Un accroissement des dépenses du budget général de 4,96 milliards d'euros
Ces ouvertures de crédits correspondent, pour une très large part, à des postes de dépenses sous-évaluées en loi de finances initiale et à « l'apurement des dettes du passé » conformément à ce qui figurait dans les conclusions de l'audit de MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse.
3. Deux mesures techniques de réduction du déficit pour 600 millions d'euros
Il s'agit, d'une part, d'une diminution du prélèvement au profit de l'Union européenne pour 1,9 milliard d'euros « en ligne avec l'audit », qui accroît d'autant le niveau des recettes nettes du budget général, et d'autre part d'une dégradation de 1,3 milliard d'euros du solde des comptes spéciaux du Trésor.
B UNE BAISSE OPPORTUNE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU POUR 2,55 MILLIARDS D'EUROS
Cette mesure vient accroître le niveau du déficit budgétaire qui s'élève ainsi à 46 milliards d'euros, soit 3,06 points de PIB.
II. LA MODIFICATION INTRODUITE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances unanime, et contre l'avis du gouvernement, un amendement majorant de 800.000 euros le produit des participations de l'Etat dans des entreprises financières (ligne 110 des recettes non fiscales), cette majoration étant, selon les termes mêmes de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, « un appel à une meilleure gestion et à une recherche d'économies au sein de la Banque de France et des organismes qui en dépendent ».
La majoration de 800.000 euros du dividende versé par la Banque de France, dividende estimé à 450 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2002, serait la traduction « symbolique » de l'économie qui pourrait être réalisée en cas de suppression du Conseil de la politique monétaire. L'Assemblée nationale estime, en effet, que la maîtrise des dépenses publiques doit commencer par une remise en cause des crédits accordés à cet organisme.
Tout en reconnaissant la nécessité d'un débat sur un sujet cher au coeur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, puisque déjà évoqué lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2002, M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a émis, à juste raison, des réserves sur la portée réelle de cette disposition dans la mesure où la suppression dudit Conseil, si elle intervenait, ne pourrait avoir d'effet sur les dividendes versés par la Banque de France en 2002, ceux-ci étant assis sur les comptes 2001 déjà arrêtés.
La majoration pour 800.000 euros de la ligne 110 des recettes non fiscales est donc purement indicative, s'agissant de simples prévisions de recettes non fiscales qui sont malheureusement trop souvent éloignées des réalités de l'exécution budgétaire, comme en témoigne l'évaluation volontairement biaisée, en loi de finances initiale, des dividendes versés par Électricité de France. C'est pourquoi votre rapporteur général ne vous propose pas de revenir sur le vote de l'Assemblée nationale, tout en formulant les remarques suivantes :
1) la question du devenir du Conseil de la politique monétaire et de son articulation avec le Conseil général de la Banque de France ne peut être sérieusement traitée de façon émotionnelle et au détour d'un amendement indicatif ;
2) il appartient au gouvernement de proposer les adaptations structurelles de la Banque de France qui peuvent lui paraître nécessaires, dans le nouveau contexte du Système européen des banques centrales (SEBC) et de préférence dès le prochain projet de loi sur la sécurité financière ;
3) tout effort d'économies et toute remise en cause de structures obsolètes vont dans le sens des principes qui inspirent votre commission des finances.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 61 Parmi les « points d'alerte » du baromètre 2002 « attractivité du site France », Ernst&Young note également que la France est en 2001 en deçà de son poids économique avec un ratio PIB/Implantations trois fois inférieur à celui de l'Irlande, deux fois inférieur à celui de la Belgique et près de 30 % inférieur à celui du Royaume-Uni et que la position de notre pays est particulièrement fragile pour les quartiers généraux et les fonctions tertiaires, pour lesquelles elle est distancée par le Royaume-Uni et l'Allemagne et talonnée par la Suède.
Les indications prospectives sont plus inquiétantes encore, puisque par exemple, en 2002, 43 % des entreprises américaines, premiers investisseurs en France envisageraient la délocalisation de tout ou partie de leurs activités françaises.
* 62 Le calendrier de traitement des contribuables mensualisés permettra d'ajuster leur échéancier à compter soit de la mensualité de septembre pour les 2/3 d'entre eux (ces contribuables recevront leur avis d'imposition fin septembre/début octobre), soit de la mensualité d'octobre pour le 1/3 restant (ces contribuables recevront leur avis d'imposition vers la mi-octobre).
Concrètement un contribuable aura à ces dates acquitté 8/10eme (ajustement en septembre) ou 9/10eme (ajustement en octobre) de ses mensualités. Ce calendrier permet donc d'absorber une baisse de 20 % ou 10 % de l'impôt courant par rapport à l'impôt 2001 sur la base duquel les mensualités ont été calculées.
En cas de baisse plus importante, le remboursement du trop perçu pourra intervenir en septembre ou en octobre, selon les dates de mise en recouvrement. Concrètement un contribuable dont l'impôt diminuerait de 30 % et dont la situation est ajustée à compter de la mensualité de septembre aura versé à cette date 8 mensualités sur 10, soit un trop perçu égal à une mensualité. Ce trop perçu lui sera remboursé courant septembre.
* 63
* 64 Cf l'article 8 du présent projet de loi de finances rectificative.
* 65 Suite à l'adoption d'un amendement d'origine parlementaire ayant pour objet d'étendre aux conjoints d'exploitants agricoles le bénéfice de l'assurance invalidité et qui n'avait été pris en compte qu'au titre des recettes sans amendement de coordination pour majorer les dépenses.
* 66 Codifiée dans le code monétaire et financier, annexé à l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000.