2. Se fixer des règles plus souples
Dans ces conditions, plusieurs économistes éminents 23 ( * ) plaident pour une redéfinition des règles du pacte de stabilité.
Selon eux, plusieurs critères pourraient avantageusement remplacer les critères actuels :
- prise en compte du déficit structurel (et non effectif) ;
- exemption des dépenses d'investissement du calcul du solde public ;
- meilleure prise en compte du niveau de la dette publique 24 ( * ) (y compris les engagements hors bilan, en particulier ceux correspondant aux régimes de retraites), qui constitue la principale menace à long terme pour la stabilité monétaire.
a) Le consensus : prendre en compte le déficit structurel
Il semble exister un certain consensus sur la nécessité de prendre en compte le déficit structurel, et non le déficit effectif.
En effet, comme on l'a vu, une norme de déficit public effectif peut susciter, en période de croissance faible, une politique procyclique, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Cependant, comme on l'a souligné ci-avant, la détermination de l'objectif de déficit structurel semble délicate.
b) Faut-il prendre en compte le taux d'endettement public et/ou ne pas prendre en compte les dépenses d'investissement ?
Le débat actuel porte essentiellement sur l'utilité de prendre en compte le taux d'endettement public et/ou ne pas prendre en compte les dépenses d'investissement.
(1) Faut-il se fixer un objectif de dette publique ?
Ainsi que votre rapporteur général l'a rappelé dans un récent rapport 25 ( * ) , le dégagement de marges de manoeuvre budgétaires passe par la diminution du poids de la dette dans le PIB. Compte tenu des échéances de retour à l'équilibre des finances publiques, le retour du poids de la dette à son niveau de 1980 (soit 20 points de PIB) ne paraît pouvoir être atteint qu'en 2030.
Selon M. Jean Pisani-Ferry, « une solution serait de proposer aux Etats membres qui le voudraient l'option de souscrire à un « Pacte de maîtrise de la dette publique ». Ces pays seraient tenus 1) de publier un état complet des comptes publics sur la base de nouvelles normes comptables de l'UE permettant d'évaluer les dettes hors bilan; 2) de maintenir leur niveau d'endettement (au sens de Maastricht) au-dessous d'un certain seuil, par exemple 50 % du PIB) ; 3) de se donner une cible de dette à horizon de cinq ans, qui servirait de référence pour évaluer leur politique budgétaire. Les Etats qui rempliraient ces critères seraient automatiquement réputés satisfaire à la procédure de prévention des déficits excessifs. En revanche, si l'une de ces trois conditions n'était pas respectée, la procédure se déclencherait automatiquement et entraînerait le cas échéant des sanctions » 26 ( * ) .
(2) Faut-il exclure les dépenses d'investissement du déficit public ?
La question de l'exclusion éventuelle des dépenses d'investissement du calcul du déficit public est liée à l'objectif retenu en matière de dette publique.
Il est parfois envisagé de fixer un objectif d'équilibre à moyen terme du solde public hors dépenses d'investissement : c'est une expression de la « règle d'or », défendue par votre rapporteur général. Cet objectif permettrait d'obliger les Etats à une certaine discipline budgétaire, sans empêcher de nécessaires dépenses d'investissement. Ainsi, M. Jean-Paul Fitoussi recommande de fixer un objectif de « déficit structurel hors investissement nul » 27 ( * ) . De même, le Conseil ECOFIN a approuvé le scénario budgétaire britannique à moyen terme, qui prévoit un déficit de 1 % du PIB en 2005-2006, considérant qu'il n'y avait pas lieu d'imposer un équilibre strict à un Etat peu endetté 28 ( * ) qui investissait dans l'amélioration des services publics.
Cependant, selon M. Patrick Artus, la soustraction des dépenses d'investissement du déficit public serait injustifiée. En effet, selon lui le capital public ne serait pas suffisamment productif pour que son augmentation ne suscite pas d'augmentation du taux d'endettement public au-delà de ce qui serait souhaitable 29 ( * ) .
Il paraît simple de prendre en compte cette objection en définissant en proportion du PIB un niveau maximal d'investissements à financer par la dette. C'est dans ce sens que la « règle d'or » pourrait être adoptée. Une telle voie paraît être, pour la France, la plus raisonnable, car elle l'assurerait, en particulier, de pouvoir mener à bien la réalisation de la prochaine loi de programmation militaire.
* 23 Parmi lesquels MM. Patrick Artus, Jean-Paul Fitoussi et Jean Pisani-Ferry.
* 24 On a vu que si le pacte de stabilité fixait des règles en matière de dette publique, celles-ci n'étaient pas assorties d'éventuelles sanctions, et avaient par conséquent une importance pratique modeste.
* 25 « Dette publique : une législature pour rien. La dette publique 1996-2000, ses contreparties et ses perspectives d'avenir » rapport n° 361 (2001-2002).
* 26 Les Echos, 28 juin 2002.
* 27 Jean-Paul Fitoussi, Jérôme Creel, CER « Reforming the ECB » (article à paraître).
* 28 Le Royaume-Uni a un ratio dette publique/PIB de 40 %.
* 29 Patrick Artus, « Comment définir en 4 étapes une règle intelligente de politique budgétaire pour l'Europe ? », Flash, CDC IXIS Capital Markets, 4 juillet 2002.