N° 276
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002 Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mars 2002 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin ,
Par M. André BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.
Voir le numéro :
Sénat : 288 (2000-2001)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La France et l'Allemagne n'ont aucun différend frontalier. Le présent traité a pour objectif de préciser la frontière franco-allemande dans les zones aménagées du Rhin. Il a été signé à Paris le 13 avril 2000.
Il vient compléter le traité général portant délimitation de la frontière franco-allemande de 1925 qui est toujours en vigueur et une convention de 1956 relative à l'aménagement concerté du cours supérieur du Rhin entre Bâle et Strasbourg.
Après avoir rappelé l'état du droit en vigueur, votre rapporteur s'attachera à présenter les dispositions du traité du 13 avril 2000.
I. LA DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE FRANCO-ALLEMANDE ISSUE DU TRAITÉ DE 1925 ET DE LA CONVENTION DE 1956
1. Les dispositions du traité de 1925
Le traité de délimitation, signé à Paris le 14 août 1925, met en application et détaille les dispositions du traité de Versailles du 28 juin 1919. En effet, celui-ci stipulait que la frontière entre la France et l'Allemagne était celle en vigueur au 18 juillet 1870, à l'exception de la Sarre, et annulait la cession de territoires français par les traités de Versailles du 26 février 1871 et de Francfort du 10 mai 1871, ces territoires étant réputés avoir réintégré le territoire français à partir du 11 novembre 1918.
Le traité de 1925 décrit la frontière et la divise en trois zones :
- du Luxembourg à la Sarre,
- de la Sarre au Land de Bade,
- sur le Rhin.
Il a aussi organisé l'échange de 7 000 m² de terrain.
Le traité stipule que la frontière est déterminée sur le Rhin par l'axe du Thalweg, celui-ci étant la suite ininterrompue des sondes les plus profondes.
2. Les dispositions de la convention de 1956
La convention de 1956 a pour objectif principal de permettre un aménagement concerté du Rhin entre la France et l'Allemagne, les travaux entrepris précédemment de manière non concertée ayant eu des effets négatifs ou étant la marque d'un climat de méfiance et de conflit entre les deux pays. En effet, d'importantes interventions sur le paysage et l'hydrographie du Rhin ont été entreprises dès le 19 e siècle. Le Grand-Duché de Bade avait ainsi décidé unilatéralement de canaliser une partie du Rhin en 1807. Le nouveau lit du fleuve, plus droit, a entraîné une augmentation de son débit et corrélativement une baisse importante du niveau de la nappe phréatique de la plaine du Rhin supérieur. De même, dans les années 1920, la France a construit le Grand canal d'Alsace. Cette construction a été imposée à l'Allemagne et faisait partie des dispositions du traité de Versailles. Il a permis à la France d'installer sur son territoire une dizaine de centrales hydroélectriques et de barrages.
La convention de 1956 a permis de poursuivre la canalisation du fleuve et de construire des ouvrages hydroélectriques et de navigation sur des dérivations à hauteur de Marckolsheim, Sundhouse, Gerstheim et Strasbourg. L'accord fixe la répartition des travaux d'aménagement et de maintenance, des coûts de construction et d'entretien, et détaille les mesures de surveillance du fleuve et le débit des barrages.
Enfin, la convention de 1956 apporte, entre le point triple franco-germano-suisse et le barrage de Kembs, une modification de la frontière. La ligne de thalweg est remplacée par la ligne médiane.
En 1969, une autre convention a été conclue entre les deux pays pour poursuivre l'aménagement du Rhin au nord de Strasbourg. Elle porte sur la section du Rhin entre Strasbourg/Kehl et Lauterbourg/Neuburgweier avec la construction de trois nouvelles chutes à Gambsheim, Iffezheim et Neuburgweier. Seules les deux premières ont été réalisées. La construction de la troisième reste possible mais n'est pas envisagée pour le moment.
3. Les difficultés liées à l'actuel mode de délimitation de la frontière
Le principal inconvénient d'une frontière déterminée par la ligne du thalweg dans un fleuve est qu'elle est mouvante en fonction de l'évolution du cours et du débit du fleuve.
Certes, la ligne du thalweg sur le Rhin s'est largement stabilisée et elle n'est guère mouvante qu'en théorie, en raison des travaux effectués sur le fleuve qui ont pratiquement stoppé toute modification de son lit. Il n'en restait pas moins que, d'un point de vue juridique, en l'absence de ligne fixe inscrite dans les textes, une incertitude subsistait quant à la souveraineté qui trouvait à s'exercer en certains endroits.
Le nouveau traité, qui établit une ligne fixe, permettra de localiser et d'identifier clairement les zones du fleuve sur lesquelles la souveraineté des Etats s'exerce en propre. Il lève ainsi les incertitudes qui pouvaient être préjudiciables et soulever des problèmes de responsabilité, notamment en matière d'accident ou d'intervention sur accident (échouage, obstacle à la navigation) ou d'entretien (prise en charge du dragage).